Arts, Traditions, Folklore en Provence   
   

LE PASTIS DE MARSEILLE

Les origines du pastis

Depuis la nuit des temps, l’homme s’évertue à utiliser les plantes qui poussent dans son environnement. On retrouve dans les écritures de l’empire babylonien des renseignements qui laissent penser que l’anis était déjà utilisé dans diverses préparations médicamenteuses. De même chez les Chinois l’anis était considéré comme une plante pleine de vertus et entrait dans la composition de certaines potions, d’ailleurs pas toujours très efficaces. En France en 1263, les anysetiers sont regroupés en confrérie et détiennent pratiquement le monopole de son utilisation et cela à des fins très hétéroclites telles que onguents, élixirs, liqueurs, huiles, etc..
On ne connaît pas très bien l’évolution de cette confrérie mais près de sept siècles plus tard une nouvelle organisation apparaît sous le nom de Ordre International des Anysetiers.
Une autre plante, l’absinthe était elle aussi à une certaine époque considérée comme susceptible de guérir en particulier les maux d’estomac.

Parmi les plantes médicinales, l'anis vert, la badiane et le fenouil étaient prescrits pour leurs vertus stimulantes et stomachiques. Bien avant la célèbre absinthe ( utilisée depuis l'antiquité pour soigner les maladies de l'estomac et du foie), le vinum silatum, liqueur au fenouil et à l'absinthe était consommé en apéritif, tout autour de la Méditerranée, il y a 25 siècles.

Outre ses vertus thérapeutiques, l'anis est depuis toujours prisé par les Méditerranéens pour son fort pouvoir désaltérant. Sous le soleil éclatant du midi, quoi de plus naturel que d'allier l'apéritif anisé (remède ) à la boisson désoiffante, en y ajoutant simplement quelques volumes d'eau fraîche. L'apéritif potion se transforme alors aisément en apéritif-plaisir que l'on savoure entre amis chez soi, aux terrasses des cafés, à l'ombre des platanes aprés la pétanque..


    Le PASTIS

Au départ... les Babyloniens
A la base du Pastis, une plante: l'anis. Cultivé sur les rives sud de la Méditerranée on pense que l'usage de l'anis était connu aux temps les plus reculés de la civilisation égyptienne pour ses capacités à guérir de multiples maladies. L'utilisation de cette plante se répand à partir du XVème siècle avant J.C. en Grèce, puis à Rome et même en Chine où on l'utilise pour soigner les maladies de voies urinaires, améliorer la digestion et même pour arrêter le hoquet.
C'est avec les invasions Mauresques et plus tard les croisades que l'anis pénètre en France par Marseille, port parmi les ports de la "MareNostrum".
Avec le temps la plante est adaptée, raffinée et donne naissance à l'ancêtre du Pastis: l'Absinthe.



    L'Absinthe, ancêtre du Pastis

A la fin du XIXème siècle, l'Absinthe, une boisson à base d'anis est très populaire en France.
Si l'anis est typiquement méditerranéen, les montagnards des Alpes et du jura ont une prédilection pour l'absinthe. L'alliance de ces deux plantes fut imaginée en Suisse, mais c'est Henri-Louis Pernod distillateur venu s'installer à Pontarlier (dans le Doubs) en 1805, qui lança en France la grande vogue de l'absinthe.

En 1830, les soldats français alors à la conquête des territoires africains, souffrent de dysenterie. On leur conseille de rajouter à l'eau qu'ils boivent avec quelques gouttes de liqueur d'absinthe destinées à l'assainir et à apaiser leurs dérangements digestifs. Sous le soleil brûlant d'Algérie, cette boisson amère et anisée leur apporte à la fois santé et désaltèrement.
Ils y prennent goût et de retour en France continuent à la consommer.

Les bourgeois, en admiration devant les soldats-héros, s'intéressent alors à ce breuvage qui les séduit par se fraîcheur et par le cérémonial qu'il nécessite. Servir l'absinthe est un art nécessitant du savoir-faire et des ustensiles spécifiques aussitôt créés : la cuillère trouée où l'on pose le sucre, la fontaine à eau qui dispensera le liquide au rythme voulu, les verres de cristal.
L'absinthe fait désormais partie du rituel social.

A partir de 1860, elle gagne les milieux ouvriers et est promue "boisson nationale". Les artistes ne sont pas en reste, séduits par ce breuvage vert et trouble qui exalte leur créativité, ils se retrouvent dans les cafés pour le consommer ensemble lors de soirées mouvementées où l'on déclame des vers, où l'on montre ses toiles. L'absinthe est devenue muse, elle inspire les poètes et les peintres :
Verlaine, Rimbaud, Van Gogh, Manet, Degas, Picasso, Toulouse-Lautrec...

Mais l'absinthe titre 72° d'alcool et ne peut être consommée aussi facilement qu'un petit verre de vin. L'alcoolisme fait une progression alarmante en France.
La fée verte, après avoir séduit, puis enthousiasmé, effraie et se voit qualifiée de péril vert par les ligues antialcooliques qui se mobilisent contre elle et exigent son interdiction. Malheureusement elle fait des ravages sur la population car elle a pour particularité de rendre fous ses consommateurs les plus assidus.

En 1915, la loi de la prohibition est votée. Pendant cinq ans, elle touche non seulement l'absinthe, mais aussi tous les alcools similaires. Puis en 1920, sous la pression des distillateurs, la loi autorise les apéritifs anisés à condition qu'ils ne contiennent pas d'absinthe, que leur couleur ne soir pas verte et que l'alcool ne dépasse pas 30°. Mais ce dosage trop faible ne permet pas une dissolution des essences suffisantes pour une bonne qualité gustative et dès 1922 une nouvelle loi augmente la teneur autorisée à 40°; c'est un peu mieux mais encore en dessous de l'idéal.

Il faudra attendre 1938 pour que la loi autorise un dosage d'alcool de 45°. Les saveurs de l'anis peuvent enfin s'exprimer et toutes les grandes marques mettent au point leur recette. C'est à ce moment que Paul Ricard lance sa formule "Ricard, le vrai pastis de Marseille". Il en est l'auteur, le compositeur et l'interprète. Celui-ci fils d’un marchand de vins de Sainte-Marthe, quartier de Marseille va bâtir un empire grâce au "pastis" ( qui en provençal veut dire "embrouille, mélange" ).
Ce terme à la consonance typiquement méridionale remporte un tel succès qu'à dater de ce jour les apéritifs anisés jusque là appelés "anis" ne seront plus désignés que par ce mot ou par leur nom de marque.

La Boisson Nationale des Marseillais

Vers 1920 la plus ancienne et la plus méditerranéenne des cités s'invente un nouveau liquide propice au rêve : le pastis. « Pour partie né de l'introduction par les navigateurs de l'essence de badiane venue dExtrême Orient, il a constitué d'emblée la réponse méridionale à l'interdiction de l'absinthe en 1915. Quand les boissons anisées sont réhabilitées en 1922 (elles ne sont plus assimilées à l'absinthe), le pastis accède rapidement au rang de star du zinc. À tel point qu'a l'entre-deux-guerres, aux alentours des années 30, « l'anisé » est déjà dans tous ses états. A ses débuts, la nouvelle vedette n'a toutefois pas la partie facile. Et comment... Il lui faut, au pied levé, remplacer un monstre sacré. En peu de temps, le « Pastaga » s'impose comme une valeur sûre (ce nom de l'apéro version Sud ne fait son apparition que tardivement) d'autant que chacun s'y met, appliquant sa propre recette. Si l'anis entre dans la fabrication de l'incolore raki, proche parent de l'ouzo grec, ce n'est pourtant pas du pastis. Mélangé à l'eau, il vire au blanc.

    A Marseille on l'appelle " Le Jaune "

Le « jaune », le vrai, est une affaire typiquement marseillaise. La recette peut sembler simple. Des ingrédients naturels : anis vert, anis étoilé (badiane) ou fenouil, bois de réglisse, et extraits naturels de plantes, un alcool aromatisé par macération, distillation ou redistillation de plantes. Mais chacun possède son secret de fabrique... Un mystère bien entretenu sur le choix des plantes ajoutées aux ingrédients de base et sur la qualité de l'alcool base.
À Marseille, la fabrication et la consommation du pastis demeurent étroitement liées à la bonne santé du Negoce maritime.

À côté de ces productions marginales, les pastissiers qui ont pignon sur rue ressurgissent dans les années 60. Le bataillon des grandes marques a survécu à l'occupation et aux difficultés de l'après-guerre. Quelques nouveaux viennent renforcer les rangs des pastissiers, comme la famille Casabianca avec son Casanis bientôt abrégé en Casa. Ou la famille Poncié, de Mazargues qui, à côté de son rhum et de ses vins cuits, diffuse l'anis Poncié, sans véritablement mesurer l'avenir international du produit. Cette aventure s'achève dans les années 60.

De nos jours Le plus grand pastissier reste "Ricard". A l'heure actuelle "51" est très apprécié des Marseillais.






Page précédente   Page suivante



au Menu Culture