SAVOIE - Culture & Traditions



Aix-les-bainsAnnecy Le thermalisme et les lacs de Savoie Evian-les-BainsThonon-les-Bains

Le thermalisme (Lacustre)

Le thermalisme est sans contredit la pratique touristique par excellence du XIXe siècle, même si la quête de paysages nouveaux ou de "curiosités" n'est pas la motivation première du voyage. Plus que de voyage d'ailleurs doit-on parler de séjours longs dans lesquels les bienfaits des eaux se combinent au climatisme, aux plaisirs mondains et aux distractions de toutes sortes pour assurer la guérison du baigneur. Comme sur le pourtour des Alpes la Savoie est riche en sources thermales et minérales, beaucoup ayant été redécouvertes au XVIIIe siècle et certaines étant devenues des lieux attractifs pour l'élite européenne et les familles régnantes dès la fin de ce siècle. En particulier certaines au bord des lacs. Evian en est un bon exemple qui succéda en notoriété à Amphion, lieu habituel de cure pour la famille royale de Savoie jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Après la découverte des bienfaits de la source Cachat en 1790, le premier établissement thermal ouvre en 1826 et la station ne tardera pas à attirer "les notabilités les plus diverses de l'aristocratie, de la finance, de l'art, de l'industrie ou de la politique venues pour oublier les soucis de la vie et les tracas du monde" (le Guide d'Evian, 1866).
Même chose à Aix, dont les eaux très anciennement connues attirent les baigneurs déjà au XVIIe siècle. Le premier établissement thermal est achevé en 1784, époque à laquelle le roi Victor-Amédée prendra l'habitude de séjourner régulièrement dans la station.
A la fin du XIXe siècle 9000 curistes y seront recensés (Y. Tyl, 1997), et non des moindres puisque plusieurs têtes couronnées prirent l'habitude de s'y rendre, imitées par certains hommes d'Etat, artistes, magistrats, officiers, rentiers, etc.…

Le thermalisme joua un rôle non négligeable dans la renommée touristique de la Savoie sans que l'on puisse dire pour autant qu'il fut un des vecteurs essentiels du développement du tourisme lacustre. Dans le cas du Léman "c'est le facteur intellectuel qui a été le vrai stimulant du tourisme proprement lémanique" (P. Guichonnet, 1988).
On sait d'autre part très bien qu'Aix "snoba" son lac jusqu'à la fin du XIXe siècle, époque à laquelle on commença sérieusement à penser à améliorer les communications entre la ville et celui-ci, voire à aménager ses rives.
Quant au lac d'Annecy, ayant connu sur ses bords un début de thermalisme à Menthon en 1865, ses différentes parties étaient à la fin du XIXe siècle "presque aussi inconnues que les bords d'un lac d'Afrique" (cité par G. Grandchamp, 1968). Les effets du thermalisme sur la mise en tourisme de nos lacs pour eux-mêmes, furent probablement beaucoup plus indirects que directs.

Architectures du tourisme thermal

Le chemin de fer a fortement contribué au développement du thermalisme. Si les sources étaient connues depuis l’Antiquité, l’industrie thermale ne se développe vraiment en Savoie qu’à partir du XIXe siècle. De nouvelles sources sont découvertes et les stations se multiplient : Aix-les-Bains, Evian, Thonon, Saint-Gervais, Challes, Brides, Salins … sans compter celles qui ne sont plus exploitées comme Coise, La Caille, La Bauche … La ville d’eau n’attire pas que les curistes, elle constitue un voyage d’agrément. Cela est surtout vrai pour les grandes stations, Aix-les-Bains et Evian qui hébergent une clientèle aristocratique et mondaine. Il ne faut pas seulement construire des thermes mais aussi des hôtels luxueux, des villas spacieuses pour les loger mais aussi des casinos, des théâtres, des jardins pour la distraction.

EVIAN
Le marquis de Lessert, en cure à Amphion, se désaltère à l'eau de la fontaine Sainte-Catherine qui jaillit sous la clôture du jardin d'un certain Monsieur Cachat. La jugeant «légère et bien passante», il en boit régulièrement. Bientôt ses maux diminuent. Il vante alors les mérites de cette eau «miraculeuse» autour de lui et des médecins commencent alors à en prescrire la consommation. Le succès est si rapide que monsieur Cachat enclot sa source et en commercialise l'eau ! L'aventure de l'eau d'Évian vient de débuter.
Depuis la Révolution, Amphion était supplanté par Evian où l'on avait découvert d'abord la source Cachat, puis les sources Bonnevie, Guillot, Lontmasson et Clermont.
Aux princes de la Maison de Savoie et à la haute société qui venaient, succédèrent, pendant la saison d'été, une riche et noble clientèle venue de Russie, d'Europe Centrale, d'Angleterre ou de France. Le prince Grégoire de Brancovan achète au comte Waleski, fils naturel de Napoléon, et ministre du deuxième Empire, un domaine situé au bord du lac, qu'il fair agrandir et entourer d'un jardin magnifique. C'est à l'église de Publier, dont Amphion est un village, que sa fille Anna épouse, le 19 août 1897, le comte Mathieu de Noailles.
Les fêtes sont le grand attrait d'Evian : outre les régates et les nombreux attraits du théatre et du casino (legs de l'ancien château du baron de Blonay, dont il était le maire), il faut surtout citer les fêtes des Roses qui, jusqu'à la guerre de 1939-45 était la grande manifestation mondaine de la région. Les défilés de chars fleuris, les concerts étaient suivis de soirées élégantes, de bals, ainsi que de feux d'artifice. On aménagea les bords du lac avec de belles promenades, des lawn-tennis, un port pour les yachts et les embarcations de plaisance. Des parcs ombragés entourent bientôt les villas et les hôtels de luxe :

le Splendide, le Royal, le Grand-Hôtel, et plus tard le Grand hôtel des Bains devenu célèbre au moment de l'indépendance de l'Algérie, sous le nom d'Hôtel du Parc... L'établissement des bains, l'approche des sources et des buvettes se modifient peu à peu.
Le premier établissement thermal, fondé en 1827, orné de fresques à l’italienne fut remplacé par le deuxième bâtiment en 1901, date à laquelle on construisit également une buvette couverte d’une vaste coupole. Le casino est construit en 1912. La plupart des édifices que l’on peut admirer aujourd’hui à Evian datent plutôt du premier XXe siècle comme l’hôtel Royal construit en 1909 (qui a accueilli en juin 2003 les hôtes du G8). Les hôtels plus anciens ont fait l’objet de restaurations fréquentes comme l’Hôtel du Parc (1883, 1889 …), le Spendid qui domine la ville et qui, dit-on, inspira à Marcel Proust le grand hôtel de Balbec.

Les villas et châteaux qui abritèrent les riches curistes du XIXe siècle sont aujourd’hui occupés par des institutions : le château du Martelet (vers 1890) avec ses 4 tours d’angle devenu lycée climatique, l’hôtel de ville d’Evian est installé dans une ancienne villa de 1896 qui avait appartenu à l’industriel Antoine Lumière.

L'eau de pluie ou de fonte des neiges est recueillie, sur les contreforts du Chablais, par une couche de sables glaciaires, enserrée entre deux plaques de moraines argileuses. Ce sable joue le rôle d'un immense filtre naturel qui donne à l'eau sa minéralité caractéristique. Parcourant 100 à 300 m par an, l'eau d'Évian surgit 15 ans plus tard à une température constante de 11,6 °C.

Maladies rénales ou des voies digestives, fatigues nerveuses, telles furent les premières indications des eaux d'Évian, que l'on se procurait d'abord exclusivement dans les pharmacies. En 1960, Évian entre dans l'ère de la grande distribution et la célèbre bouteille à l'étiquette rose apparaît dans les supermarchés. Aujourd'hui, Évian est le premier exportateur mondial d'eau minérale (4 millions de bouteilles par jour)

Les premiers bains d'Évian sont ouverts, dans une demeure privée, en 1824. Deux ans plus tard, le roi de Sardaigne accorde une autorisation d'embouteillage avant que ne débute en 1827 la construction de l'établissement thermal. La Société des eaux d'Évian, constituée en 1869, fore de nouvelles voies de captage, acquiert de nouvelles sources. En 1878, l'Académie de médecine donne son approbation et, en 1902, la relation entre l'ingestion d'eau pure et l'amélioration du fonctionnement rénal est mise en évidence. La même année, un nouvel établissement thermal est inauguré. La source Cachat sera reconnue d'intérêt public en 1926.

THONON
Thonon possède aussi une eau minérale excellente, celle de la Versoie dont François de Sales avait déjà expérimenté les bienfaits à la fin du XVIe siècle, mais ce n'est qu'en janvier1884 que ses eaux affluent dans les réservoirs établis vers les moulins Lombard et concourent à l'alimentation des fontaines de la ville. L'eau minérale de Thonon, source de la Versoie est fraîche (température de 13° à l'émergence), non gazeuse, limpide, de saveur agréable, faiblement minéralisée, riche en bicarbonate calcique et magnésium, particulièrement diurétique. Déjà appréciée à l'époque gallo-romaine. Lors des premiers travaux de captage en 1882, la découverte de monnaies, poteries, vases antiques et de tuyaux de conduite, permit d'affirmer que les romains appréciaient déjà les bienfaits de l'eau de Thonon. .Au XVIe siècle François de Sales, prédicateur de Thonon, en vanta le premier les vertus. Il aimait se désaltérer à l'une des sources du plateau de la Versoie. On dit aussi que Bonne de Bourbon, petite fille de Saint-Louis, buvait l'eau de Thonon parfumée de sirops de fruits du pays... En 1852, par don de Joséphine Antoinette de Lort, la ville de Thonon devient propriétaire de la source de la Versoie. Sept ans plus tard, en 1859, le syndicat de la ville de Thonon fait faire les premières analyses de l'eau. Par un décret du 22 juin 1864, la source est déclarée d'Intérêt Public. L'année 1882 voit les premiers travaux de captage. De là sera érigé le premier établissement thermal entre 1886 et 1888. Deux ans plus tard Thonon prit le nom de Thonon-les-Bains et figura parmi les stations thermales prisées de la Belle Epoque.

C'est le 22 juin 1864 que l'Etat déclarait la source de la Versoie d'intérêt public et en autorisait l'exploitation. Thonon est devenu une charmant ville d'eaux :

le nouveau boulevard de la Corniche possède son établissement de bains, des hôtels, un casino, tout comme Evian.

AIX
Ce sont les Allobroges qui ont découvert et utilisé les premiers les sources d'eau chaude près du lac environ 400 ans avant Jésus-Christ. Ils descendaient au bout d'une corde dans le Puits d'Enfer (un puits creusé au-dessus des sources) pour prendre des bains de vapeur. 125 ans avant Jésus-Christ, les Romains envahissent La Gaule et découvrent les sources d'eau chaudes. Ils construisent des thermes dans la ville qu'ils appellent Aquae Vivae. Ils utilisent pour leur plaisir 4 sortes de bains :

-le caldarium ou bain d'eau chaude
-le sudatorium ou bain de vapeur
-le frigidarium ou bain froid
-le tépidarium ou bain tiède.
Nous pouvons voir les ruines des thermes romains. Entre de petites colonnes en briques, arrondies ou carrées circulait l'eau chaude. La vapeur montait par des trous dans le sudatorium. Il reste aussi le bassin et les marches de la piscine d'eau chaude. L'eau des thermes nationaux d'Aix-les-bains provient d'une source d'eau naturellement chaude sous le Mont de la Charvaz, tout au bout du lac du Bourget. Elle passe sous le lac, à 2000 mètres de profondeur, et ressort à Aix. Elle est alors à 46°. Il en sort une très grande quantité par jour: 4 millions de mètres cubes. Les Romains restent environ 300 ans à Aix. Ils en sont chassés par les Barbares qui détruisent la ville et les thermes.

On ne les retrouve que 1000 ans plus tard. C'est Victor Amédée III qui les remet à la mode. On les reconstruit en 1783. On vient alors à Aix pour prendre les eaux. En 1860, quand la Savoie devient française, Napoléon III qui est empereur de France, vient en visite à Aix-les Bains avec sa femme Eugénie. Il fait un don important pour agrandir et moderniser les thermes. De 1854 à 1860 de nouveaux thermes conçus par Bernard Pellegrini dans un pur style néo-classique remplacent ceux édifiés à la fin du XVIIIe siècle. En façade arcs et colonnes doriques sont utilisés avec une symétrie rigoureuse. L’intérieur s’organise autour d’un escalier monumental d’où partent des couloirs galeries distribuant des espaces plus réduits aux éclairages zénithaux, autre référence à l’Antiquité. Ce bâtiment initial a été agrandi à deux reprises au cours du XIXe siècle. C’est également Bernard Pellegrini qui réalisa les thermes de Marlioz dont subsiste le portail intégré dans le nouveau bâtiment édifié en 1981.

Le casino du grand cercle, conçu par le même architecte encore a été achevé en 1849. Ce bâtiment a été remanié et complété au cours du siècle. En 1878 Samuel Revel construit deux pavillons à l’est du bâtiment et un parisien Eustache y ajoute un théâtre à l’italienne en 1897. La décoration intérieure est somptueuse. Coupoles et voûtes sont recouvertes de mosaïque. La voûte du hall du grand cercle est décorée en 1883 par Antonio Salviati (1816-1890), promoteur de la renaissance de la mosaïque monumentale vénitienne. D’autres salles sont décorées par Cavaillé-Coll en 1906 dans un riche style Art Nouveau alors en vogue.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de nombreux hôtels (aujourd’hui souvent transformés en appartements) sont construits à Aix. Leurs dimensions, la richesse des aménagements et des décors témoignent de l’engouement mondain pour la ville d’eau : le Grand Hôtel (Bernard Pellegrini, 1853), le Beau Site (1883), l’Albion (1896), le Spendid (1884), etc … Architecturalement ils traduisent l’éclectisme du siècle. L’immense hôtel Bernascon, de l’architecte Jules Pin, ouvert en 1900, est un pastiche du style Louis XIII. Un autre bâtiment insolite illustre la richesse de la Belle Epoque à Aix-les-Bains : le château de la Roche du Roi, construit en 1900 et également dû à Jules Pin, architecte de la ville La Roche du Roi, bâti à flanc de colline, s’appuyant sur une terrasse supportée par d’énormes soubassements voûtés en plein cintre, c’est un mélange de palais oriental et de château renaissance. Cette exubérance s’oppose à la rigueur des lignes du Bernascon)

Cette eau thermale contient du souffre et des algues microscopiques; elle soigne les rhumatismes.

La mise en tourisme des lacs de Savoie

Les lacs, comme la montagne d'ailleurs, peuvent être considérés tout d'abord comme un complément à la cure. Cela fut particulièrement vrai à Evian où un quai-promenade commença à être aménagé en 1865 permettant la flânerie au bord du lac (Y. Tyl, 1997), les rencontres, l'observation du mouvement des bateaux et la jouissance du "beau paysage lacustre". Lac-décor offrant un atout supplémentaire à la station dans la mesure où les sensibilités esthétiques s'ouvraient à ce type de paysage. Lac-décor que l'on pouvait également parcourir en barques pour découvrir d'autres perspectives, accéder à certains lieux peu accessibles (Hautecombe sur le lac du Bourget par exemple), voire pour s'essayer à l'aventure lacustre à la suite de Byron et Shelley sur le Léman (leur fameux tour du lac à la voile de 1816), de St Preux emmenant Julie près des rochers de St Gingolph, ou bien de Lamartine sur le lac du Bourget qu'il fréquenta à l'automne 1816 et qui lui inspira une partie de son œuvre, contribuant ainsi à en faire l'archétype du lac romantique. Bien avant que la notion de sport n'investisse les pratiques lacustres, la simple promenade en barque, à rame ou à voile, intégra le lac au territoire du tourisme et des loisirs.

La navigation à vapeur accentua le processus, si bien que les débuts d'une navigation non directement utilitaire (c'est-à-dire non vouée exclusivement au transport de marchandises ou à la liaison entre les différents ports) peuvent très bien être considérés comme l'indicateur d'une mise en tourisme des lacs proprement dits. Au départ les deux aspects s'imbriquent cependant. Le Léman est le premier lac à s'essayer à la navigation à vapeur avec le Guillaume-Tell, lancé le 28 mai 1823 et pouvant transporter 200 passagers. L'idée vient de l'extérieur puisque son promoteur n'est autre que le consul des Etats-Unis à Paris, Edward Church étonné de voir que ce genre de navigation n'existait pas sur le Léman alors qu'elle se développait dans son pays depuis les débuts du XIXe (P. Guichonnet, 1988). Ce "pyroscaphe", ou "barque à feu", selon l'expression forgée lors de l'invention de ce type de moyen de transport, avait comme objectif de réaliser la liaison commerciale entre Genève et Ouchy (Lausanne). Cependant des croisières touristiques furent organisées le dimanche et le lundi, croisières qui durent rencontrer un succès certain puisque dès 1824 une seconde société se lançait dans la navigation à vapeur en mettant à l'eau le "Winkelried". Durant les années suivantes, plusieurs sociétés virent ainsi le jour dont, en 1855, une société à Thonon (la société du Chablais de bateaux à vapeur sur le lac Léman), et ce jusqu'à la constitution en 1873 de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman, compagnie suisse qui demeurera seule dans cette activité jusqu'à aujourd'hui.

L'expérience fit école sur les autres lacs. Au lac du Bourget un service régulier de liaison en bateau à vapeur entre le Bourget, Aix et Lyon se met en place dès 1838, avec des hauts et des bas, jusqu'à ce que des problèmes de franchissement du Canal de Savières et, surtout, la concurrence des chemins de fer (le raccordement du chemin de fer "Victor-Emmanuel" avec le réseau français à Culoz se fera en 1858), ne mettent définitivement fin à cette navigation commerciale. Le recentrement de l'activité se fera alors exclusivement sur la navigation touristique à l'intérieur même du lac du Bourget, et ceci à partir des années 1860. Même évolution sur le lac d'Annecy. Le premier vapeur lancé en 1839 (le "Chérubin") remorquait une grande barque pouvant contenir une centaine de personnes avec, là aussi, des hauts et des bas. Il faudra attendre l'Annexion de la Savoie à la France et la visite de Napoléon III et de l'impératrice Eugénie en 1860 pour que la région annecienne commençât à s'ouvrir quelque peu au tourisme. La "couronne de Savoie", cadeau de l'Empereur et pouvant transporter 400 passagers, fut mise à l'eau en 1861 "pour faire le service sur le lac". Mais ce n'est qu'en 1873 qu'une "compagnie de navigation sur le lac d'Annecy" est fondée, compagnie qui assurera la liaison entre les différentes communes riveraines ainsi que la navigation touristique en lançant plusieurs unités (de plus en plus grosses) au tournant du siècle. Peu de temps après (1875), les "étrangers" commencèrent à séjourner dans cette région, alors qu'auparavant ils ne faisaient qu'y passer la journée.

Sur les lacs d'Annecy et surtout sur le Léman, la période faste de la navigation touristique à vapeur se situe entre la fin du XIXe siècle et 1914. Les capacités de transport en passagers des bateaux ne cesse d'augmenter. A Annecy on atteint une capacité de 700 passagers avec le "France" (1909). Sur le Léman les bateaux-salons à deux ponts avec décors luxueux, confort raffiné, service à bord peuvent contenir chacun entre 1000 et 1600 places (le "Mont-Blanc" par exemple, lancé en 1875).

La clientèle est présente grâce à l'essor des villes d'eaux lémaniques. Les palaces et hôtels de luxe fleurissent, aussi bien dans les stations thermales que dans les villes, même si le projet Saturnin Fabre "d'organisation d'une station d'été à Annecy" (1899) n'aboutira pas. Le Royal-Hôtel à Evian (1909), 680 chambres "à l'instar des goûts anglo-saxons" (Y. Tyl, 1997), le Splendide à Aix (1884), le Bernascon, le Mirabeau, le Beau-Rivage sur les bords du lac d'Annecy (1899), l'Impérial Palace (1913), dénotent l'attractivité des régions lacustres savoyardes pour la haute société de l'époque. "La fête parisienne se déplaçait chaque année sur le bord des lacs" (Y. Tyl, 1997). La capacité d'accueil, en lits d'hôtels, voire en villas "meublées", bien modeste pour certains lacs comme celui d'Annecy par exemple (9 hôtels en 1860), augmente, en liaison avec le développement des moyens de transport, l'accessibilité des régions lacustres, l'effort de promotion touristique. Dès 1820 des "guides du voyageur", nouveau genre de littérature touristique, vantent les charmes du Léman. Le guide Richard de 1839 ("guide de l'Etranger à Aix en Savoie") donne toute indication pour un séjour réussi dans la station. En 1852 Jules Philippe, à la suite d'Eugène Sue et de sa "Marquise Cornélia d'Alfi", publie "Annecy et ses environs". On y vante les curiosités, les excursions, les agréments de séjour. Mais c'est surtout grâce à l'initiative locale et à la création des Syndicats d'Initiative que s'élabore, pour les stations non thermales, une véritable politique de promotion touristique. En 1895, à la suite de celui de Grenoble et quelques mois avant celui de Chambéry-Aix-les-Bains, Annecy crée son Syndicat d'Initiative. Il ne cessera d'œuvrer pour l'embellissement de la ville, le développement des divertissements (entre autres pour retenir les baigneurs d'Aix qui "ne font que passer à Annecy"), l'amélioration des conditions d'accueil. Les résultats seront assez spectaculaires dans ce dernier cas puisque le nombre "d'étrangers" à Annecy passera de 7'000 en 1897, à 12'000 en 1898 et à 36'000 en 1904, alors que les "touristes-curistes" seront 40'000 à Aix en 1913 et 13'000 à Evian en 1911 (Y. Tyl, 1997). L'attrait du paysage lacustre et du bon air est évident; la contemplation, un élément central de la pratique touristique d'alors, que ce soit au bord ou sur le lac. Cependant, de nouvelles pratiques sont en germe qui ne tarderont pas à centrer le tourisme sur les qualités mêmes des plans d'eau.

 




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