LES GLACIERES

Circuit de La Sainte Baume
Cette promenade permet la découverte de l'eau en Provence et des glacières grandes réserves d'eau au coeur de la roche qui au 19ème siècle et au début du 20 ème siècle servaient à l'approvisionnement de Marseille en glace pour la conservation du poisson.

Situé à moins de 50 Kms de Marseille, le massif de la Sainte Baume culmine à 1147 mètres entre Gémenos et Mazaugues, à la frontière du Var et des Bouches-du-Rhône. Une paroi calcaire, qui fait penser à celle de la Sainte-Victoire, domine un plateau presque entièrement boisé. Une des plus belles routes du massif est celle qui mène de Gémenos au Plan d'Aups, en passant par le col de l'Espigoulier.
Véritable pays de contrastes, ce massif typiquement provençal offre une forêt séculaire, étagée, unique dans le Midi. Le promeneur découvre pelouses et garrigues, coiffées de barres rocheuses éclatantes de blancheur. La beauté et la diversité de cette végétation de la Sainte Baume sont en partie dues à une autre particularité du massif. Formé de roches calcaires, il abrite un réseau hydrologique considérable - qui lui vaut son titre de " château d'eau de la Provence maritime"...
Un relevé, daté de 1987, fait d'ailleurs état de 180 gouffres. Galeries et rivières souterraines couvrent des étendues considérables.
Comme on peut s'en douter, le massif de la Sainte-Baume est trop exposé au soleil pour abriter un quelconque glacier. Cependant, au siècle dernier, le commerce de la glace occupait bon nombre de ses habitants. Elle était en effet conservée ici dans des glacières, ces petits bâtiments de forme circulaire adossés à la pente et enfouis aux deux tiers dans le sol.
L'hiver, on découpait la glace qui se formait naturellement près des sources pour la stocker dans les glacières. À la belle saison, elle était acheminée vers Marseille et vendue à prix d'or. Le transport avait lieu à dos de mulet, durant la nuit pour perdre le moins possible de ce matériau précieux.


Glacière de Pivaut (ou de Gaudin)
Randonnée
Au pied du mur de Bertagne se trouve une glacière (3 heures de marche depuis le village). Sur un petit plateau couronné d'arbres, apparaît une muraille circulaire en pierres de taille avec une large ouverture. En s'approchant de cette fenêtre, s'entrouvre un vaste puits de 10 mètres de circonférence et de 20 mètres de hauteur. C'est la glacière. Tout autour, le plateau est découpé par des murettes aujourd'hui guère visibles.
Une source "Source du Petit Pré" coule toute l'année, elle servait en automne, avec les eaux de Pluie, à remplir les bassins bas. A 800 mètres d'altitude, la température nocturne du début de l'hiver tombe vite au dessous de zéro. Dans les bassins gelés, la glace était alors découpée, au ciseau d'acier, en blocs qui étaient descendus dans le puits. Ils y passaient l'hiver et le printemps, puis quand venaient les grosses chaleurs, on remontait les blocs de glace, qui enveloppés de toile de jute et chargés sur des charrettes, prenaient la route de Marseille, Toulon, Aix-en-Provence. C'étaient nos anciens réfrigérateurs. Depuis presque un siècle cette activité a disparu. c'est dans le massif de la Saint Baume que l'on en rencontrait le plus (une grosse vingtaine, peut-être davantage). Les plus vieilles se dressent dans le domaine de Fontfrège (signifiant en provençal "source froide").

HISTOIRE
Du temps des romains

Au temps de l'Empire Romain, consommer de la glace était à la mode. Mais ceci a disparu à la chute de cet empire. L'engouement pour la glace est réapparu en 1575 quand Henri III l'a introduit à la Cour. Au départ, la glace était réservée aux seigneurs et aux riches bourgeois, car elle coûtait extrêmement cher.

Une mode au XVII° siècle

L'usage et le commerce de la glace ont toujours existé dans le bassin méditerranée. Dans notre Provence, c'est à partir de la Renaissance que cette activité s'est fortement développée. Rapidement, elle fut contrôlée par les pouvoirs publics car la glace était utilisée de multiples façons.
A partir du XVIIème siècle, la fabrication de la glace naturelle s'est développée dans le massif de la Ste Baume. Cette production était surtout concentrée sur l'Ubac du Mourre d'Agnis, à l'est du Joug de l'Aigle, à l'abri du soleil et du vent.
La plus ancienne glacière érigée sur le site de Fontfrège date de 1640 (ancienne commune de Meynarguettes, rattachée à Mazaugues en 1839).
Au XVII° siècle le patron du grand café de Paris utilisa la glace pour rafraîchir des boissons. Ensuite son exemple fût suivi par des cafés et auberges renommées. En Provence, c'est en 1642 que deux marchands Marseillais obtinrent du Cardinal de Richelieu le privilège de construire des "glacières pour la consommation de la neige et de la glace"; concession obtenue pour une période de dix ans.
Petit à petit, la consommation de glace augmente. Pour diminuer le prix, il faut créer des glacières le plus près possible des villes d'Aix et de Marseille. Les deux marchands qui avaient obtenu les premiers privilèges construisirent les premières glacières à Gémenos sur le versant de la Sainte Baume et à Mimet sur la chaîne de l'Etoile. Elles furent construites vers 1650.

Une expansion au XVIII° siècle

Au XVIII°siècle, le marché se développe. Il faut créer de nouvelles glacières. Pour cela la Ste Baume est idéale : il y a de l'eau, il y fait froid l'hiver, et Marseille et Aix sont proches. On arrange les chemins, et en 1710, on construit une glacière au Pic de Bertagne, puis d'autres vers le Plan d'Aups. La consommation continue d'augmenter. Quand la glace arrive en ville, les serviteurs des riches se battent pour l'acheter. Il y a des échauffourées, et parfois des blessés graves. Pour fournir tout le monde, on construit de nombreuses glacières dans la Ste Baume et dans les villages environnants.

DESCRIPTION
La glace est fabriquée dans des bassins de 50 cm de profondeur aménagés auprès des puits d' emmagasinement. Le stockage se faisait dans des puits de 10 à 15 m de profondeur creusés dans le roc et surmontés d'une tour aux murs très épais (2m à 2.50m), d'un toit de pierres, de terre et de tuiles.. Des portes et des fenêtres permettaient le chargement, le déchargement de la glace, l'aération et l'éclairage. Dans le fond du puits une rigole évacuait l'eau de fonte.
Le travail de la glace permettait un revenu d'appoint aux paysans engagés comme main d'œuvre occasionnelle. Des glacières furent même creusées dans les caves de certaines maisons de village.
En hiver, ils remplissaient les glacières. Depuis les sources qui jaillissent aux pieds de la Sainte Baume, on acheminait l'eau jusqu'à de grands bassins de congélation profonds d'une cinquantaine de centimètres et pouvant contenir environ 250 mètres cube chacun. A la faveur des nuits froides et des vents secs soufflant en bordure des bassins, l'eau se transformait en glace. Il fallait jusqu'à quatre gelées pour remplir un bassin. Le jour, les paysans du coin, embauchés pour "arrondir" leurs fins de mois, sciaient la glace en gros cubes. Ensuite, elle était tirée avec des crochets et amenée dans des conteneurs jusqu'à la glacière où elle y était basculée au moyen d'une corde. Tout au fond, d'autres ouvriers la tassaient et la compactaient. Les parois de la cuve se garnissait de paille au fur et à mesure que montait la glace. Une fois cette opération terminée, les ouvertures étaient scellées.
Le déstockage et la vente de la glace avaient lieu l'été et dans la nuit afin de profiter de la fraîcheur nocturne. Il consistait cette fois-ci à sortir la glace et à l'acheminer jusqu'aux points où les gens en avaient besoin, principalement les grandes villes (Marseille, Toulon, Aubagne,...) que l'on atteignait en une nuit. A l'aide de moules cylindriques, on extirpait la glace de l'énorme masse gelée. Ces pains étaient ensuite démoulés et chargés sur des charrettes, protégés de la chaleur par des couvertures de laine et de la paille. Une fois la charrette pleine, le charretier s'empressait de partir pour aller livrer sa précieuse marchandise avant l'arrivée des pêcheurs et le lever du soleil. Il faut savoir que, comme de nos jours, le premier venu était sûr de vendre toute sa marchandise. Aussi, tous les moyens étaient bons pour arriver avant les concurrents. Les plus riches s'équipaient de chevaux et fonçaient comme des fous sur les étroits chemins qui descendaient l'adret de la Sainte Baume et du Mourre d'Agnis jusqu'à Signes en direction de Toulon. D'autres prenaient des raccourcis. Il fallait une bonne partie de la nuit pour rejoindre soit Toulon, soit Marseille. Les chemins portent encore leur trace : Chemin de la Glace, Vallon des Charretiers. A destination de Toulon, le chargement devait emprunter le Pont du Diable au Latay, puis passait par Signes, le plateau du Siou Blanc et le Revest. Le volume de glace fabriqué pour le seul site de Fontfrège est estimé entre 1000 et 3000 mètres cube et ce site employait en saison pleine jusqu'à 60 ouvriers.

La production de la glace en France était dirigée par des "fermiers". Ce sont les communautés qui organisaient les enchères et fixaient les clauses d'exploitation et de durée de la ferme à glace. Par exemple, en Arles, la clause était fixée à 2 ans, à Toulon, 9 ans et à Marseille, 6 ans. La révolution mit fin au système du fermage. Les producteurs de glace se livraient à une âpre concurrence pendant tout le XIXème siècle d'autant que le kilo de glace naturelle de la Ste Baume se vendait au prix du blé et était considéré comme un objet de luxe.
Mais au début du XIXè s., le développement du chemin de fer permit à la glace naturelle des Alpes de venir concurrencer les glacières de la région. A la fin du XIXème siècle, la glace sort des usines et met fin à ce commerce. Un peu plus tard, ce fut au tour de la glace industrielle. Elle sonna le glas de la glace naturelle qui résista jusqu'aux années quarante avant de succomber.

Pour les curieux, il existe à Mazaugues un très beau Musée de la Glace qui retrace la vie de ces glaciers (photos, instruments, livres,...).


Quitter