SAVOIE (Thollon les Mémises)



THOLLON-LES-MEMISES
monographie Thollon-les-memises & Meillerie

Un village millénaire
Commune du Haut-Chablais, située dans l'arrière pays savoyard (le Gavot), Thollon se distingue, en dehors de la station de ski familiale qu'elle est devenue, par le témoignage d'une tranche d'histoire que certains lui envient puisque son nom existait avant notre premier millénaire.
Le nom actuel de la commune reflète l'importance des liens qui l'unissent à la station de sports d'hiver des Mémises depuis trois décennies : en 1995, Thollon est devenue "Thollon-les-Mémises".

Les Rochers des Mémises, incluant le Mont César déchiqueté, représentent le tout dernier relief préalpin sur territoire français en direction du nord. Le massif est formé de terrains jurassique inférieur et liasique, constituant un plan synclinal et formant la partie Nord-Est d'un plateau couvert d'alluvions glaciaires: c'est le Piedmont des Dranses du Chablais. La zone délimitée est chevauchée par la télécabine des Mémises qui donne accès à la station de ski de Thollon.
Elle est caractérisée par ses hautes parois rocheuses, se situe dans les étages montagnard et subalpin puisqu'elle s'étage de 1 000 m à 1 686 m d'altitude. Les habitats naturels variés restent cependant dominés par les formations rocheuses : falaises, éboulis, pierriers ou gros blocs.
Ce pays de piémont et de moyenne montagne reste, certes, encore favorable aux arbres fruitiers, aux noyers et aux châtaigniers, mais le gel y est brutal et la neige s’y attarde facilement plusieurs semaines.
La forêt (hêtraie - pessière), étendue au sud, laisse la place sur des pentes trop fortes et humides à des pelouses et mégaphorbiaies (formations à hautes herbes), à des pelouses sèches à brome pâturées et gagnées jadis sur la forêt (Sur les Plagnes), ou encore, dans la partie supérieure, aux alpages. L'intérêt majeur de cette zone naturelle résulte de la présence de nombreuses espèces animales (Lièvre variable, Perdrix bartavelle...) et végétales (flore subalpine notamment) arrivant ici en limite nord sur le territoire national, voire en limite nord absolue. Parmi celles-ci, on compte un nombre appréciable d'espèces rares ou protégées ; cette zone calcaire héberge en outre de nombreuses orchidées.
A   près de 2000 mètres d'altitude ce site offre non seulement un remarquable point de vue sur tout le Valais et le Jura suisse, mais aussi le plus exceptionnel tableau du lac Léman.





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HISTORIQUE
LE VILLAGE
LA POPULATION
LES ALPAGES
L'EMMONTAGNEE
LA FRUITIERE
LES FOINS
LES VIEUX METIERS




Au temps de la glaciation

Les glaciers des Memises, exposés au Nord, abrités par la falaise, ont fondu par à-coups, des périodes de stationnement alternant avec des périodes de recul ; ils se sont retirés du Nord au Sud, de la région de Thollon vers les cirques de la montagne. A leur confluent, sur le plateau de Thollon, ils ont édifié des moraines frontales très amples. A mesure que la fusion augmentait, les courants se divisèrent, se retirèrent séparément sur le versant Nord des Memises où ils abandonnèrent des vallums plus petits.

Les alluvions des glaciers des Memises
Les alluvions des glaciers des Memises

Sur la pente douce du plateau de Thollon s’élèvent des moraines puissantes. Un glacier venu du Mont-César a laissé vers Chez les Vesins, une moraine basse bien arquée, trouée d’une doline périglaciaire au Sud. Une seconde moraine, longue et large porte l’église de Thollon. De l’autre côté de la route de Lajoux cheminent des moraines épaisses, plus élevées sans doute parce qu’elles couvrent un bombement structural. Une première voute raide se dresse au-dessus du cimetière, du Sud-Ouest vers le Nord-Est. Entre ce vallum et Leucel, s’allonge du Sud au Nord, une moraine aplatie. Au Nord-Est de Leucel, un vallum trapu longe de l’Est à l’Ouest, la dépression du Maravent. De l’autre côté du ruisseau, une autre moraine de direction Nord-Ouest – Sud-Est porte de nombreuses dolines périglaciaires. Elle est parallèle au vallum de Chez les Aires, qui traverse la route de Lajoux et va jusqu’aux Mouilles. Ces moraines frontales dessinent au pied des Memises un vaste éventail, mais les vallums ne sont pas continus, car le bulbe devait être court, imparfait, peu homogène parce que tout près des montagnes et subissant encore la poussée de chaque petit glacier.
Sur la pente homogène des Memises, les courants glaciaires, après s’être divisés, reculèrent de façon synchronique. Ils ont laissé d’Est en Ouest, des bourrelets peu saillants, discontinus, mais situés à la même altitude, à 1000, 1100, 1200 et 1500 m. Les bourrelets sont très dissymétriques, le côté Sud-Est est court, en faible pente, le versant faisant face au lac descend en pente longue et raide.

Plusieurs étapes apparaissent donc, dans le retrait des glaces de Thollon. Ce sont l’exposition au Nord, la proximité des montagnes fournissant glace et alluvions, la pente structurale écoulant les eaux vers l’Ouest qui ont permis à ces petits glaciers d’édifier autant de moraines frontales.

Au temps préhistorique

Des découvertes récentes ont montré que toute la rive du Léman, de la Dranse jusqu'à la frontière suisse, était habitée aux temps préhistoriques.
Le peuplement de ce plateau est très ancien, sans doute du Néolithique, il y a environ 4500 ans. En effet, on y a retrouvé les restes d’une construction d’un cercle de pierres située au lieu dit “sur les Plagnes” (pâture au pied des Mémises). Ce cercle de pierres appelé “cromlech” dont le diamètre approche 100 mètres, est composé de blocs dont la taille varie tout en restant peu importante. Ces traces sont vieilles de -4500 ans.
La grande originalité de cette époque réside dans l'implantation des hommes sur les rivages du Léman. En revanche, c'est à la fin du Néolithique, qu'il convient de rattacher la trentaine de pierres à cupules regroupées dans le bas Chablais. Certaines présentent un très grand nombre de coupelles : pas moins de deux cent cinquante-six, sur la Pierre de la Chettaz, à Larringes, et cent trente-huit sur la Pierre des Gaulois, à la Beunaz entre Champanges et Publier.
Un peuplement précoce, qui se fit d'Est en Ouest, comme en témoigne les vestiges de stations lacustres dans la baie du bas Chablais (vers 1800 av J.C) ainsi que la nécropole néolithique découverte à Thonon lors des travaux du contournement. Les archéologues ont mis au jour, sur le site du Genevray, la plus vaste nécropole du néolithique moyen connue à l'heure actuelle en France. Elle comporte plus de 150 tombes datées pour la plupart entre 4500 et 3300 avant J.C.

Au temps des ROMAINS

On ignore jusqu'à quel point avait été poussé le défrichement à l'époque romaine, car de la fin du IVème siècle à l'hospitalisation des Burgondes au milieu du Vème, bien des terres productives, laissées dans l'abandon, étaient redevenues incultes. Il est probable toutefois, que le chemin de Ciriacus se continuait sur l'étroit, mais facile plateau, jusqu'à Tullo, Thollon à 922m d'altitude.
On pourrait donc rattacher, cette villa secondaire, à Saint-Paul, bien que s'étende entre les territoires des deux communes, celui de Lugrin qui comprend, au nord-est du mont Benant et sur le chemin du col de Creusaz, Lain, village d'une origine peut-être antique. Mais étant donné, d'une part, qu'avant 1860, la limite de Thollon empruntait le cours supérieur du nant des Moulins (en 1730 de Mésalière), et en cotoyant le rebord nord du plateau, finissait au Mauvais Pas de Meillerie ; de l'autre par Cornien (Curonia, Corgnens), on pourrait rattacher Tullo à cette villa gallo-romaine Curonia, dont l'emplacement serait à rechercher entre Thollon et Meillerie, ou à Meillerie même. Thollon est en effet relié à la route 5 (D1005), par le vieux chemin encaissé des Combes et, à Meillerie et au Locum, par ceux du Leucel et de La Joux.
Malheureusement, sans parler de certains ossements de pestiférés en terre nue du mamelon de la Chapelle (cadastre 96-131), la tradition ne mentionne rien d'antique, sauf le souvenir d'un village détruit entre Vers l'Eglise et le Nouy (au XVIIIè = Noyer), au lieu dit à l'Ouche, où un habitant découvrit, avec étonnement, à 1m50, du bois brûlé. Autre découverte archéologique, datée de la préhistoire, aux Etrevets (près Lajoux) : four en dalles avec de la chaux. Bulletin de la Société préhistorique française 1912.
Ce qui paraît prouver cependant que ce pays était habité, même à une époque antérieure aux Romains, c'est le nom, peut-être allobroge ou ligure, de la montagne de Mémise, Mimèsia le suffixe èsia est préromain, dont la masse énorme, au sommet de 1682m d'altitude, domine le petit plateau de Thollon et les pentes verdoyantes qui descendent, rapides, vers le lac. Ses plantureux alpages du sud-est étaient utilisés au XIIIème siècle, mais il est probable qu'ils l'étaient avant. Il est généralement admis que la mise en valeur du massif a été bien antérieure à l'arrivée des moines. La toponymie des alpages, riche en termes ligures, celtiques, gallo-romains, permet d'imaginer une première occupation du Chablais à partir de l'étage alpin qui ne nécessitait pas de défrichements et a constitué une zone d'habitat permanent. Avec les Burgondes se seraient instaurées des pratiques pastorales.

Dès 121 avant Jesus-Christ, les Romains se rendirent maître de l'Allobrogie où ils ne manquèrent pas d'étendre leur réseau routier. Le chemin ordinaire pour aller de Genève au Valais, puis le franchissement des Alpes via le Saint-Bernard, traverse une partie du Chablais par Douvaine, Thonon, Evian. Au-delà d'Evian, le lac n'est plus cotoyable et n'y ayant pas de chemin interne, il faut traverser le lac jusqu'à Vevey, puis Villeneuve, Bex pour gagner Saint-Maurice, l'ancienne Agaunum. Où trouver des navires pour faire traverser cinq à six mille hommes et beaucoup de chevaux ? Devant les obstacles naturels que sont les rochers de Meillerie, les ingénieurs romains furent forcés d'abandonner les bords du lac et de tracer une voie sur le plateau de Thollon, et de là vers Locum afin de gagner le Valais. Des rochers escarpés, des ravins abrupts, des pentes vertigineuses, des forêts profondes occupent cet intervalle, où il n'existe d'autre moyen de communication entre les habitants qu'un de ces sentiers appelés " châbles " dans le patois du pays, et servant à traîner les fagots et les pièces de bois coupés dans les montagnes.
Or, voici que le problème semble résolu. Désespérant d'ouvrir une route par Meillerie (en celtique mell, mil, signifient roc) pour aller par le Valais en Italie, les explorateurs romains seraient remontés à Thollon. Arrêtés encore à l'est par la Dent d'Oche, ils seraient venus à Bernex. César était sans doute à la tête de cette expédition, car il a laissé son nom au mont qui sert de contrescarpe à la Dent d'Oche, aujourd'hui le Mont César. On assure même qu'il a campé au bas de cette montagne.
Plusieurs écrivains prétendent que la voie romaine de Genève dans le Valais et en Italie, par le Grand Saint-Bernard ou le Simplon, quittait les bords du lac à la Tourronde, montait à Thollon, par Saint-Paul, contournait les rochers de Meillerie, et, par Manivant (Maravent) et Joux (Lajoux), redescendait sur le Léman, près de Locum, puis gagnait le Valais par Saint-Gingolph.
Un seul passage a été probablement praticable à l'époque romaine ; celui, par Chevenoz, de Vacheresse et d'Abondance, allant sur Morgins et Monthey jusqu'à Martigny.
Quant au nom du mont César, qui évoque un passage de légions impériales, il faut y voir un dérivé de casa, chaumière, soit casale.

Pourtant, on ne peut nier l'existance d'une voie romaine entre le Pont de Drance et le Valais. Celle-ci, au sortir du pont, longeait la base du coteau de Publier jusqu'au lac, où elle trouvait ensuite, le long du rivage du Léman, quatorze kilomètres de palier de Rive à Meillerie, après avoir traversé Evian au niveau de la rue nationale croit-on. A la limite de Lugrin et de Meillerie, commence le Mauvais Pas (moz pas). Là, le contrefort rocheux, se rapprochant peu à peu du lac, finit en un roc abrupt. Aussi, peut-on se demander si une grande route antique avait jamais pu passer par un endroit aussi étroit et dangereux. Mais, il n'y a pas de doute qu'au chemin allobroge, mentionné implicitement par César (III,6) a dû succéder une voie romaine pavée, large de trois à quatre mètres, réduite peut être ici, à deux ou trois mètres. Au sortir de Meillerie elle gravissait, en contournant les murs du clos où s'élevera, avec le cimetière, la chapelle des moines du Montjoux et se dirigeait vers le lac jusqu'à Saint-Gingolph, sur 6km,500. Au-delà, la voie longeait les monts par Port Vallais et Vouvry et rejoignait vers Saint-Maurice la voie militaire d'Octodurun (Martigny) à Vibiscum (Vevey).
Les vestiges de voie romaine constatés à Douvaine, Sciez et Thonon d'une part, et, de l'autre à Vouvry et Porte de Saix, supposent évidement leur jonction et leur complément par Evian et Meillerie.
Plus tard, les rois de Bourgogne, l'entretinrent avec un soin jaloux et l'améliorèrent sans doute, car il prit, dès cette époque, le nom de Voie Royale via régalis, qu'il conservait au XIII° et XIV° siècles, alors que nos princes de Savoie ne portaient encore, que le simple titre de Comtes.

Au Moyen Age

Après avoir été province romaine, partie du royaume burgonde à deux reprises dès 413 après la chute de Rome, la Savoie à partir de 514 va dépendre des Mérovingiens, jusqu'en 751, puis des Carolingiens jusqu'en 888. Sous Charlemagne, l'ancienne Sapaudia romaine devient en 806, la Saboia, plus étendue que ne le sera la Savoie féodale.
De petits Etats se forment : au Nord, le Chablais et le Faucigny; à l'Ouest, le Genevois limité par le Rhône; plus bas la Savoie propre, autour de Chambéry; au Sud la Maurienne et la Tarentaise. Dans ces deux dernières régions, le pouvoir est surtout aux mains des évêques de Moûtiers et de St-Jean-de-Maurienne, mais au nord du pays, des familles puissantes commencent à se faire connaitre; comtes de Genève, sires de Faucigny alliés aux dauphins viennois (le Dauphiné) et surtout comtes de Savoie qui finissent par dominer les autres et dont le premier du nom s'appelle Humbert aux Blanches Mains.
Celui-ci fut nommé Comte souverain comes in agro Savojensi par l'Empereur Conrad-le-Salique, qui lui inféoda une partie de la Maurienne, le Chablais et le Bas-Valais.

L'autorité du pouvoir central se disloque au profit des pouvoirs locaux des comtes et surtout des évêques. L'évêque de Genève obtient la perception des taxes indirectes, la justice, le contrôle des foires et des marchés et, quelquefois la frappe des monnaies.
D'une manière générale, l'Eglise maintient une organisation, assure une certaine sécurité et surtout une continuité avec la civilisation romaine. Et cela, malgré la médiocrité ou la cupidité de certains prélats et les vices qui affectent certains prêtres du bas-clergé.
Le comte de Maurienne Humbert II, dont les différentes possessions sont assez dispersées, a en face de lui un comte de Genevois, Gérold dont les terres forment un domaine compact du Rhône à Faverges, ainsi qu'en Chablais, Faucigny et en pays de Vaud. La situation est embarrassante pour le successeur d'Humbert II qui meurt en 1103, après un long règne de 33 ans (1080-1103).

Le Chablais est peuplé et cultivé comme au temps des Romains (blé et légumes) et on y pratique l'élevage des porcs et des bovins.
La base de toute richesse est la terre. Une minorité de moyens et de grands propriétaires dominent la masse paysanne. Au début du moyen-âge, Thollon était séparé de Saint-Paul par des parages boisés qui furent peu à peu convertis en pâturages et en prés par les communiers de Maxilly et de Lugrin qui y accédaient par le chemin de Somman.
Au nord du territoire, le village de Meillerie, avait quelques habitants qui vivaient de la pêche et, qui comme son nom l'indique, de la culture du mil, plante dont la culture était répandue chez les Gallo-Romains. Il reste encore, de nos jours, un mas de la Millière. Cependant, des lieux dits, comme à l'Oche et au Murat (cadastre N° 3721-26), près du lac et du petit torrent de la Chapelle, pourraient nous rappeler le souvenir de quelque habitation et de vestiges antérieurs à l'établissement des moines de Montjoux.
Après le bois du Rix, tout domaine utile cessait pour faire place à de sauvages solitudes troublées par le bruit continuel des torrents. Il n'y avait de vie que sur la voie dont les voyageurs franchissaient, non sans crainte, les dangereux passages, tel le Maupas (Mauvais Pas). Au XIIIème siècle, elle fut utilisée durant les guerres de Pierre II de Savoie et en particulier par les moines du Prieuré de Montjoux et de l'abbaye de St-Maurice, quand ils venaient visiter leurs possessions de la rive méridionale du lac. Négligée, elle finit par être délaissée, de sorte qu'au charroi se substitua le transport par eau. C'est ainsi qu'était livré Evian, pour les bois coupés de la forêt de Bret, qui alimentaient les fours du comte de Savoie. Quant au Mauvais Pas, il était devenu, peu à peu, impraticable même aux piétons. (Malus passus de Melerea, ubi inulti periclitabantur. XV° siècle.) Au XVIIème siècle, de 1690 à 1696, lors de l'occupation française, le gouvernement demanda un rapport à l'ingénieur Grivelli. Au XVIIIème siècle, ce furent les Intendants piémontais qui poussèrent un cri d'alarme, proposant le rétablissement de cette voie commerciale qui continuait la route du Simplon et faisait gagner quatre bonnes lieues sur celle qui traversait le pays de Vaud. Ils furent écoutés, puisqu'en 1730 lors du relevé pour la mappe sarde, la route cadastrée offre partout une largeur égale évaluée officiellement à dix pieds de roi (environ 3m70). Cependant, malgrè les réparations, le Mauvais Pas redevint très difficile. Le travail était imposé aux riverains, soit Meillerie, Troubois, Tour-Ronde, Lugrin "chacun à l'endroyt de soy", qui souvent y mettaient de la négligence ou de la mauvaise volonté. Réduit à un sentier, à peine accessible à ane ou à pied, en plusieurs endroits il fallait passer sur des fascines supportées par des poutres de bois dur. Plusieurs accidents mortels se produisirent. Ce ne fut qu'en 1804, que fut établie la belle route plane dont les ingénieurs romains avaient étudié, les premiers, le tracé.
Le Locon (du germ. lock, serrure, en parlant d'une localité fermant un passage), à trois kilomètres de Meillerie et à la limite communale d'avec Saint-Gingolph, défendait en effet la route du lac et aussi le sentier qui grimpait à Thollon par la forêt de La Joux.

Identité paroissiale
La géographie des paroisses rurales s'instaure en Occident, à partir du VIème siècle et est étroitement lièe à l'évanligisation. Les structures qui se mettent en place aux époques mérovingienne et carolingienne restent parfois, sans changement, pendant de longs siècles. La paroisse médiévale ne se laisse pas facilement définir, elle s'avère être une réalité éminemment complexe, tant les situations sont complexes...
Sous l'Ancien Régime, on pourra trouver une définition de celle-ci dans le Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, publié en 1773 :

On entend par paroisse, une église dans laquelle le peuple d'une contrée limitée anciennement, est obligé de s'assembler, les dimanches et fêtes, pour y entendre la messe, participer à la célébration de l'office divin et pour y recevoir les instructions concernant les devoirs chrétien. Une église ne peut jamais être regardée comme une paroisse, si elle n'a son terrain circonscrit et délimité. [...].
D'où il ressort :
  • Premier caractère : La paroisse est un espace parfaitement circonscrit, délimité (anciennement), rassemblant une population autour de son église, dont le rattachement à une paroisse est marqué, notamment, par le paiement de la dîme à son pasteur.
  • Deuxième caractère : sur ce territoire s'exerce l'autorité spirituelle du prêtre, quelle que soit sa définition, vicaire perpétuel ou inamovible, plus généralement curé ou recteur. Il assure le service divin et administre les sacrements. Il est également chargé de l'instruction des fidèles.
    Concile de Latran IV - (1215).

Dès le haut moyen âge, la paroisse est la cellule fondamentale et le cadre normal de la vie religieuse des chrétiens.. Elle est le fruit de la propagation du christianisme en dehors des cités à la fin de l'antiquité et au haut moyen âge, qui obligea à diviser le pouvoir, autrefois tout entier à l'évêque :
"Comme l'évêque dans son église ne peut présider, en personne, à tout son troupeau, ni toujours, ni partout, il doit nécessairement constituer des assemblées de fidèles, parmi lesquelles les plus importantes sont les paroisses, organisées localement sous un pasteur qui tient la place de l'évêque".
Jusqu'à la veille de la Révolution, les quatre cinquièmes de la population vivaient encore en milieu rural. Le cadre habituel de la vie quotidienne des hommes du moyen âge et de l'ancien régime, c'est le village. Dans les pays d'habitat groupé, la population est rassemnlée dans un seul village et tout village possède une église paroissiale, communauté laïque villageoise et communauté religieuse paroissiale s'identifient. Il n'en va pas toujours ainsi dans notre région où l'habitat dispersé est prédominant. A côté du centre paroissial, existent des hameaux, qui peuvent former des communautés villageoises particulières. La communauté paroissiale est alors une institution "coiffant" les communautés villageoises. A ce titre, elle joue un rôle capital de liaisons entre les différents lieux d'habitation.
La paroisse sert aussi de subdivision administrative civile, utilisée par les pouvoirs publics, par exemple pour la levée des impôts. L'indication du lieu d'origine des campagnards et montagnards, dans les actes, est celle de la paroisse à laquelle ils appartiennent.

Fondation de la Paroisse

"La paroisse et communauté en général de Thollon, n'est qu'une pour le Spirituel, de même que pour le bilan, n'aïant qu'une même église, qu'une même mappe et même cadastre. Elle comprend cependant, deux communautés particulières, l'une appelée du même nom de Thollon, et l'autre, que l'on nomme du nom de Meillerie et les intérets particuliers de l'une n'affectent aucunement l'autre..."
La dualité de Thollon est donc un point fondamental de son organisation et jusqu'à sa séparation en 1860, lors du rattachement à la France. Au XVIIIème siècle, objet de cette étude, le cadastre sarde ne sera accompagné d'aucun remaniement des structures communales, autrement dit, jusqu'à l'annexion, la seule structure qui fasse l'unité de l'ensemble du territoire est la paroisse de Thollon.

Le vieux Chablais, dans lequel était renfermé ce coin de terre de (Meillera ou Tolhono - Latin), s'étendait de Martigny (au sud), jusqu'à Evian (à l'ouest) et à la Veyveyse (au nord). Les chartes du moyen-âge la désignent sous sous le nom de Pagus, ou Comitatus capul lad, ou même caput lacensis : comté de la tête du lac, d'où est venu évidemment le nom moderne de Chablais. Au XIe siècle, il devient une possession de la Maison de Savoie. Amédée III incorporera à ce territoire dit du «Vieux Chablais» la région de Thonon à Douvaine, dit "Nouveau Chablais".
Cette riche contrée fut comprise dans la dotation attribuée à l'Abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, lorsqu'elle fut restaurée par Sigismond, roi de Bourgogne, en l'an 517. Ce comté avait pour capitale Saint-Maurice, autrefois Agaune, et le château de Chillon pour cléf.
D'après l'abbé J. Gremaud, l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, grand monastère du royaume Burgonde et dont l'audience dépassait largement le Valais, possédait alors, toutes les Alpes depuis la tête du lac jusqu'à Martigny, c'est-à-dire le Val d'Illiez, la vallée du Rhône, d'Abondance et les plateaux de Morgins, Gavot, jusqu'à Evian. Cette abbaye, dotée de domaines considérables dans le Pays de Vaud, en Bourgogne et en France, entretenait plus de cinq cent religieux. En 1032, le monastère passe alors, aux mains de la Maison de Savoie pour cinq siècles encore.
L'abbaye entretien des relations étroites avec les autres communautés canoniales de la région, en particulier avec les Abbayes d'Abondance et de Sixt, qu'elle a contribué à créer et elle forme avec celles-ci, et quelques autres monastères de Savoie, Peillonnex, Filly, etc., une sorte de Congrégation. Depuis 1140 environ, la congrégation des chanoines applique la règle de Saint-Augustin écrite par l'un des leurs, Ponce de Faucigny, fils du sire de Faucigny, frère de l'évêque de Genève.

Thollon, ou tout du moins son territoire, figure dans une donation de l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune aux environs des IXe et Xe siècles. Ceci prouvant l'existence d'une communauté organisée qui dépendait avant 1166 pour une part de l'église de Lausanne qui cède ses droits.

Landry de Durnes, évêque de Lausanne, donne à perpétuité à l'abbé de Saint-Maurice, Rodolphe, une partie de la terre de Melereia appartenant à l'église de Lausanne, sous le cens annuel d'une livre de poivre
Petrus, prieur de Saint-Maire ; Durnes, Landry de, évêque de Lausanne ; Rodolphe, abbé de Saint-Maurice ; Giroldus Carbone, chancelier ; Otto, doyen et chanoine de Notre-Dame de Lausanne ; Porcellus, maître ; Rodulfus, moine et cellerier de Montheron ; Dudinus, chanoine de Saint-Maurice ; Petrus, chanoine de Saint-Maire ; Lodoicus, sénéchal ; Dalmacius, chevalier ; Turumbertus, chevalier ; Lodoicus, puer, fils du chevalier Dalmacius ; Cono, bourgeois.
Archives Abbaye de Saint-Maurice d'Agaune - Original sur parchemin (165 x 100/115 mm, 12 lignes), scellé sur double queue de parchemin avec repli de 15 mm du sceau de Landry de Durnes, de cire brune, en mandorle (50 x 70 mm), en assez bon état.
Au commencement du XIème siècle, l'abbé du monastère de St-Maurice était comte du Vieux Chablais, et sa juridiction s'étendait sur la partie du Chablais moderne qui fut plus tard appelée Pays de Gavot. Le roi Sigismond avait déjà doté l'abbaye d'Agaune de tout le quartier alpestre, qui s'étendait depuis Martigny au lac Léman. Le Pays de Gavot était sans doute compris dans cette donation, car nous voyons en 1108 le chapître de St-Maurice se dessaisir, en faveur des chanoines réguliers d'Abondance, de l'église et de toute la vallée du même nom, qui lui appartenait de droit. Cette vallée aboutissait à l'orient à la rivière de Morges. (Actes du Concile d'Agaune)
Si l'Abbaye a perdu ses domaines les plus lointains, elle continue cependant d'exercer l'autorité temporelle sur les seigneuries plus proches : en Chablais, en Valais et dans le Pays de Vaud. Aux XIIe et XIIIe siècles, elle administre ces seigneuries par des ministériaux : vidomnes ou métraux, mais par la suite, à l'exemple des princes savoyards et des évêques de Sion dans leurs territoires, elle remplace ces fonctionnaires par des châtelains plus malléables, parce que nommés librement et toujours révocables.

Dans le Nouveau Chablais, ou décanat d'Allinges, la situation était plus complexe : l'abbaye de Saint-Maurice, sa filiale l'abbaye d'Abondance et quelques seigneurs influents, les Allinges, Blonay, Compey, Faucigny ou Féternes, se partageaient le territoire.
D’autres sont vraisemblablement des puissances très locales, parfois des « seigneurs de village » : Évian, Thonon, Larringes, Neuvecelle, Champanges, Sussinges, Maringes, Muruel, de Crest, de Grésy, de Collumelle dont beaucoup sont alliés ou parents. Les Larringes qui possèdent une maison forte et des droits dans la paroisse du même nom représenteraient ainsi une branche cadette de la famille d’Évian. Certains de ces nobles se mettent assez tôt au service de l’administration princière pour compléter leurs revenus. Ainsi, Jacquet de Larringes, qui avait été receveur de la châtellenie et fermier des deux fours d’Évian, en 1272-1273, était, cinq années plus tard, fermier du foragium (taxe sur le vin importé). Dans les mêmes années, Aymon de Crest tenait lui la ferme du péage et du rivage d’Évian, au bord du Léman tandis que Michel de Crest, peut-être son frère, était fermier de la queste du Lac, c’est-à-dire du droit de pêche.

L'abbaye de Saint-Maurice venait encore au premier rang par l'importance de ses possessions : d'elle dépendaient au X° siècle Sussinges et peut-être Saint-Julien, Machilly et Lossy et dans la première moitié du XI° siècle Margencel, Bons, Excenevex, Brenthone, Lully, Sciez, Filly et la vallée d'Abondance, de Morgins au Pertuis (Mont de Grange).

Thollon est mentionné dans une bulle du pape Eugène III, en 1153 : ecclésia de Thollono sancti Michelo, partie du diocèse de Genève et dépendance de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin d'Ainay, à Lyon. On peut noter à ce propos l'ancienneté de l'implantation monastique lyonnaise en Chablais et dans les territoires voisins, aujourd'hui valaisans, de Collombey, Monthey et Troistorrents. Au moment ou Thollon apparait dans nos documents, la carte écclésiastique de la région est fort embrouillée, quoique l'on puisse supposer, à cet ensemble, une très ancienne unité primitive, peut-être de mouvance lyonnaise. Dès 1191, elle passe sous dépendance de l'abbaye du Grand Saint-Bernard (Mont-Joux), comme nous allons le découvrir plus loin.
Au début du millénaire, le Chablais et le Pays de Gavot sont sous la domination des seigneurs de Féternes, Turembert, Guy ou Louis, qui cèderont leurs terres du Val d'Abondance lors de la fondation du premier Prieuré d'Abondance. A cette époque, les châteaux de Larringes et de Féternes assurent seuls la sécurité du plateau de Gavot.
En fait, le pouvoir était détenu par les Comtes et évêques qui exercaient leur pouvoir souverain sur des territoires bien délimités.
Il faut noter l'extrème complexité du Haut-Chablais en matière féodale, car aux grands seigneurs laïcs, il faut ajouter l'évêque de Genève, et plus tard, les prieurs des abbayes d'Abondance, Sixt, et Montjoux avec le prieuré de Meillerie...

Pour le spirituel, le Chablais, comme le Genevois et le Faucigny, était du diocèse de Genève. Le siège épiscopal n'a pas cessé d'être à Genève et la cathédrale de cette ville, sous le vocable de St-Pierre-aux-Liens, était confié à la direction d'un Chapître de chanoines sécularisés de l'ordre de Saint-Augustin. L'évêque de Genève étendait ses droits sur huit décanats, soit circonscriptions écclésiastiques, soumises chacune à un Doyen, ordinairement membre du Chapître. Le décanat des Allinges englobait tout le Chablais et confinait au diocèse de Sion.

Diocèse de Genève au XVème siècle

Si l'église de Thollon était incorporée à la Maison du Mont-Joux, elle était néanmoins placée sous la juridiction de l'évêché de Genève et faisait partie du décanat [0] d'Allinges, connu sous le nom de province du Chablais, dès la fin du XIe siècle. Le diocèse de Genève prendra le nom de celui d'Annecy, en 1822 seulement, héritier de l'ancien diocèse genevois. On attribue au roi de Bourgogne Rodolphe II [911- 937], la construction des forteresses dont les restes couronnent les sommités des Allinges. Allinges, était jadis un bourg considérable et le chef-lieu d'un décanat qui avait juridiction sur 64 églises paroissiales, les évêques de Genève y établirent un doyen rural qui en avait la juridiction. Un Girard en était doyen en 1211. Les anciennes abbayes d'Abondance, d'Aulps et du Lieu (Bracorens) en dépendaient ainsi que le prieuré conventuel de Ripaille. Les seigneurs d'Allinges tenaient le premier rang dans la hiérarchie féodale, dont faisaient partie, à divers degrés, les sires de Langin, de Ballaison, de Lullins, de Cervenc, de Rovorée, de Margencel, d'Yvoire, de Blonay, de Braccorens, etc.
Ce decanat a été uni sur la fin du XVI° siècle à l'ordre militaire des SS. Maurice et Lazare est devint la Commanderie des Allinges.

La paroisse s'étendait alors, jusqu'au lac, englobant Meillerie (alors simple hameau de la paroisse) et son prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin construit au XIIe siècle par le monastère de l'ordre de Montjoux ( Montis Jouis ), nommé plus tard le Grand Saint-Bernard, du nom de Saint-Bernard dit de Menthon ou Montjoux, archidiacre d'Aoste (né le 15 juin 923, mort le 28 mai 1008, canonisé en 1123) qui y fonda ce monastère-hospice, dédié à Saint-Nicolas, vers la fin du Xe siècle en 972 et, où il subsiste encore...
Il continuait, sur un emplacement nouveau (au sommet du col), l'ancien hospice-monastère établi à Bourg-Saint-Pierre, au pied du col du Mont-Joux, dont la première mention remonte à l'an 812. Ce dernier a été détruit par les invasions de Lombards au milieu du Xème siècle.
Rappelons que Bernard fonda également un deuxième Hospice (Colonne-Joux), au col du Petit-Saint-Bernard, reliant la Savoie et la Vallée d'Aoste. Cette maison fut habitée par des chanoines du Grand Saint-Bernard jusqu'au 18è siècle.
Un axe partant de l'abbaye de Saint-Maurice, s'étend au XIIe siècle à Abondance, cependant que, du Grand Saint-Bernard (Montjoux) un autre s'étend jusqu'à Meillerie, englobant les territoires de Tanay et de Novel.

En l'an 1133, quelques chanoines réguliers du Grand Saint-Bernard viennent s'établir à Meillerie. Ils y fondent une maison religieuse qui ne tarde pas à devenir célèbre tant par son importance d'archives que par le renom de sainteté de ses moines. De 1294 à 1409, le prieuré de Meillerie (Melerea, Melereia, Meillerè, Mellerey) est le centre administratif de la Prévôté.
Au début du XVème siècle, le prieuré de Meillerie va concurrencer la maison-mère de Montjoux : le nombre des religieux s'accroît, les archives et la bibliothèque du Montjoux sont rassemblées à Meillerie qui devient centre d'étude : livres de théologie, de droit et de médecine y sont groupés.
La Congrégation s'est formée autour de l'Hospice et de divers centres administratifs jouissant d'une autonomie variable par rapport à la maison-mère, comme les prieurés de St-Bénin, puis de St-Jacquême en Ville d'Aoste, la rectorie de Sion (Valais), les prieurés de Meillerie et d'Etoy de chaque côté du lac Léman, et bien sûr les diverses résidences des prévôts, Meillerie, Roche, Etoy et Rive-sous-Thonon.
La Congrégation avait depuis le 12ème siècle la charge de paroisses « pleno jure », c'est-à-dire qu'elle devait en assumer la juridiction temporelle (gestion du patrimoine), tandis que l'évêque en assumait la juridiction spirituelle (gestion des âmes).

Estampe du prieuré de Meillerie au XVIIème siècle
Estampe du prieuré de Meillerie au XVIIème siècle

Humbertus Davidis, bourgeois d'Evian et de Monthey, notaire, Guillielmus Fay, banneret et châtelain de Monthey, Anthonius Fay, son fils, agissant pour Roland Viot, prévôt de Montjoux, pour les biens du château de Meillerie.
Reconnaissances de biens sis au Val d'Illiez, à Vouvry et à Taney et dépendant du château de Meillerie, terrier fait en faveur de Guillielmus Fay par le notaire Humbertus Davidis (*)
Reconnaissances de biens concernant Meillerie et environs, faites par le notaire Claudius Pachodi, en faveur de l'hospice du Grand Saint-Bernard, à cause de son château de Meillerie.
Davidis, Humbertus, notaire ; Fay, Guillielmus, banneret de Monthey ; Fay, Anthonius ; Viot, Roland, prévôt du Grand Saint-Bernard ; Meillerie, château.
(*) Note : Porte ce titre : "Liber recognitiones de Meillerey[...] Davidis, 1628" et cette étiquette au dos : "Liber recognitiones Mellerey" (XVIIIe siècle).
Archives de l'abbaye de Saint-Maurice - REC 0242

Dés le début, leur principal souci est de doter les villages voisins d'un lieu de culte et de trouver les revenus nécessaires à la subsistance des curés nommés dans les nouvelles paroisses.
En moins d'un demi siècle après leur arrivée dans le pays, ils ont fondé les paroisses de Thollon et Marin qui restent cependant sous la juridiction de l'évêque de Genève. En 1191, une transaction faite à Thonon entre Nantelme, évêque de Genève, et le monastère du Grand Saint-Bernard cède à celui-ci, moyennant le versement de 20 sous genevois chaque année à la Saint-Michel, les églises avec ses dîmes de Meillerie, Thollon, Marin, Vinzier. Cette transaction est faite par l'entremise des évêques de Maurienne, de Sion et d'Aoste, et des abbés Guillaume de Saint-Maurice et Guillaume d'Abondance. Témoin : Guy, prieur de Meillerie. Le prévôt du Saint-Bernard choisira les desservants des églises qu'il possède dans le diocèse de Genève.

Ainsi, les Augustins remplissent la première tâche de leur mission : évangéliser la population et assurer le service du culte.
Quand au deuxième volet de leur mission, concernant l'exploitation agricole du plateau, elle est entreprise dès l'arrivée des religieux. Le prieur se hâte d'organiser ses moines pour défricher le terrain. Néanmoins, leur nombre trop restreint les oblige à céder leurs terres en emphytéose perpétuelle, sous hommage taillable, tant pour le fonds que pour les personnes, à des colons qui se présentent, sous la prestation annuelle de la dîme et du terrage. L'emphytéose est un bail à long terme, ici utilisé à titre individuel, qui garantit aux colons et à leur descendants, l'usage et l'usufruit de la terre, mais la nue-propriété du sol, moyennant le paiement annuel de la dîme et du terrage. Les emphytéotes peuvent travailler le sol librement, consommer et vendre leurs produits à leur convenance et léguer leurs biens à leurs enfants. En théorie, le colon peut se libérer du versement du cens en payant au bailleur ou à ses héritiers, la valeur du terrain plus 4%. A ces droits seigneuriaux que sont la dîme et les servis complétés des loads, il faut rajouter tous les droits féodaux : la taxe pour le luminaire de l'église (une coupe d'avoine par feu), la taille à miséricorde (droit d'échute sur les biens des personnes décédées sans héritier direct), la dîme de tous les animaux naissants (évaluée à un petit fromage), la dîme des biens nouvellement défrichés, les droits de cutil et d'échinement (une côte et l'échine pout tout porc abattu), les corvées, le huitième ou neuvième de l'alpage et une coupe d'orge et deux d'avoine constituant les banalités d'un moulin et d'un battoir...
Enfin, ils percoivent toutes les taxes liées à l'exploitation des alpages : auciège, chavannage, chaudérage, etc. Nous retrouverons ces termes ultérieurement, dans le chapître consacré aux Alpages.

Du point de vue linguistique, Thollon s'est formé et développé sur un axe de circulation double : l'un, est-ouest, à longue portée, reliant l'évêché de Sion à celui de Genève et à ceux de Bourgogne transjurane ; l'autre, venant d'Abondance par les cols du fond de la vallée de Novel ou, plus probablement, par Monthey et le Pas de Morgins d'une part ; Evian et Bernex de l'autre. Thollon s'est trouvé ainsi, durant les siècles linguistiquement déterminants du moyen âge, au centre de la zone franco-provençale, dans des conditions qui ont dû assurer à la fois l'homogénéité de son patois primitif, et la précoce désagrégation de celui-ci.
Si le francoprovençal - parlé en France, mais aussi en Italie et en Suisse - a aujourd'hui du mal à survivre, c'est qu'aucun de ses dialectes n'a pris de véritable importance, alors qu'ils avaient été parlés dans de grandes capitales régionales comme Lyon ou Genève. Mais, dès le XIVe siècle, aussi bien Lyon que Genève avaient favorisé la pénétration, puis la diffusion du français. C'est donc sans doute en raison de sa grande fragmentation en de multiples dialectes que le francoprovençal a subi une régression qui se poursuit et s'accélère irrémédiablement depuis un siècle.
(Parmi les parlers romans, entre la zone des dialectes d'oc et celle des dialectes d'oïl) le francoprovençal s'étend sur trois pays européens :

  • en France, dans le Lyonnais, la Savoie, le nord du Dauphiné et une partie du Forez et de la Franche-Comté ;
  • en Suisse romande, c'est-à-dire dans les cantons de Neuchâtel, de Vaud, de Genève, de Fribourg et du Valais ;
  • en Italie, dans le Val d'Aoste.

Chevalier Moyen-Age

LA FEODALITE
Au territoire de l'Empire romain, bien découpé en circonscriptions délimitées et hiérarchisées, quadrillé par des groupes de militaires bien disciplinés et entrainés, le système dit féodal oppose un paysage dont l'organisation semble absente, à tout le moins peu lisible, et dont le cadrage est sans cesse remis en question.
Dans la logique de ce système fondé sur les relations d'homme à homme, le château est le signe d'une souveraineté qui ne s'appuie pas seulement sur les terres, mais sur la notion de juridiction. Tout autant qu'en possession de terres, elle se traduit en droit sur des terres et, davantage encore sur les hommes, qui y vivent et travaillent.
Le comte de Savoie est l'un de ces seigneurs, le plus puissant des seigneurs du pays. Et, à l'intérieur de ces terres, il rencontre d'autres seigneurs qui exercent des droits semblables aux siens, dans de petits Etats, dits seigneuries où le souverain ne pénétrera que dans des conditions limitées et précisées, dont il abusera d'autant moins, qu'il a besoin de leur concours militaire.
Reste qu'il exerce certains droits en exclusivité, qu'il possède un domaine personnel plus étoffé qu'aucun d'entre eux et, qu'en deçà des limites atteintes de la principauté, personne n'a de pouvoir égal au sien.
Le Savoyard d'alors ne connaît, à priori, que deux niveaux de justice, fort éloignés l'un de l'autre : fondamentalement, il relève de la justice divine, tandis qu'au quotidien il est passible d'une justice seigneuriale. Tout l'art du souverain est de s'intercaler entre ces deux niveaux.

La décomposition du pouvoir central a entraîné la mise en place progressive d'une nouvelle organisation sociale et politique. Les hommes sont obligés de se défendre sur place et se mettent sous la dépendance de protecteurs : les seigneurs laïcs, ou les évêques et les abbés des monastères. Il y a toute une ( Hiérarchie féodale en Savoie ) de suzerains et de vassaux : les plus faibles s'attachent à la personne d'un seigneur plus puissant dont ils deviennent les fidèles : les vassaux.
Le seigneur et les vassaux ont des obligations réciproques d'aide et d'assistance et s'engagent par un contrat. En échange de l'hommage et du serment de fidèlité, le vassal reçoit une terre, le fief. Mais il y a aussi des terres possédées en toute propriété : les alleux, que les seigneurs vont s'efforcer de réduire.

Les premiers seigneurs de Thollon dont nous ayons connaissance étaient de la jouissante famille de Compey [1] , laquelle possédait non loin de là, le château de la Chapelle-Marin. En 1206, Gérold de Thollon, dit de Compey, est mentionné dans un acte de Thomas Ier, Comte de Savoie, d'Aoste et de Maurienne [2]. C'est peut être le plus ancien Thollogand nommé.
Un Gérold de Compey est chanoine de Genève et doyen d'Allinges. Vers 1300, la fille de Girard de Compey, porta cette seigneurie à son mari, Noble Aymon de Neuvecelle. Leur descendance était fort nombreuse. En 1306, Jean de Duin, prévôt, avait acheté aux Challant-Cly, à Guillaume de Bossunes, à Jean d'Arbignon et à Agnessione de Corsier, leurs droits sur Lugrin, Montigny, Thollon et Bernex. Le fief de Thollon se subdivisa et passa en alliance, en partie au Châtillon vers 1350, au Chignin vers 1500, au Varax vers 1537 et au Dunant de Grilly, puis les Lugrin vers 1500 et Dufour vers 1580. Jacques Dunant (Noble Jacques Dunant Seigneur de St Paul) reconnaît en 1537 tenir les Valaisans, qui occupent alors le Pays de Gavot, possédant des biens à Thollon avec une maison forte au Nouy. Cette maison forte comprenait un manoir sis entre l'église et la maison des Bugnon (aujourd'hui chez Gaillet) et quelques mètres plus haut, une tour carrée [3] dont il ne subsiste guère que les fondations, des murs ayant été démolis pour servir de matériaux à la tour du clocher. Au XVIIIe siècle, cette maison appartenait au noble Bouvier d'Yvoire qui paraissait l'avoir gardée jusqu'à la révolution.

REPARTITION

La seigneurie rurale se compose de deux parties : l'une, la réserve que le seigneur exploite directement grâce aux corvées, l'autre divisée en petites parcelles, tenures ou mances, concédées à des paysans en échange d'une redevance en argent, le cens, ou en nature, les servis (une part des récoltes), et des corvées.
Les paysans font partie du fief : les uns sont libres, mais acquittent un impot direct, la taille au bénéfice du seigneur foncier et sont soumis aux droits féodaux; d'autres, sont serfs et sont frappés de contraintes spécifiques complémentaires. Leur condition est héréditaire, ils sont "taillables et corvéables à merci", et ne peuvent quitter le domaine.

La seigneurie de Thollon était partagée en trois fiefs qui jouissaient des droits de justice simple : deux seigneuries laïques : Allaman-Thollon, Monjoux et Meillerie et une seigneurie ecclésiastique : Montjoux (comprenant les communes de Lugrin, Novel, Thollon et Meillerie) formant le mandement de Meillerie où la prévôté de Montjoux entretenait un juge ou châtelain et un chanoine régulier avec le titre de Prieur. Généralement, l'un des membres de la famille du Nant de Grilly porte le titre de coseigneur de Thollon ; cette famille a aussi possédé la seigneurie d'Allaman.

  • SEIGNEURIE D'ALLAMAN ET THOLLON
    Chez Cachat, Chez les Vesin, Le Fayay, Chez les Vittoz, Sur le Crêt, Le Nouy, Le Maravent, Le Clu de Rive, Le Tronc, Le Busset, Véron (Hons), Les Combes, Le Vuisset.
  • SEIGNEURIE DE MONTJOUX ET MEILLERIE
    Lajoux, Les Plantées, Le Locum, Meillerie, La Tourronde, Le Troubois, Lapraux, Novel.

  • Allemand, Allaman, Alleman, Alaman, autant d'ortographes pour une même seigneurie ou château. L'origine de cette dénomination remonte sûrement à l'invasion des Alamans sur les rives du Léman au cours du Vème siècle.

    Des titres authentiques établissaient les limites des juridictions voisines de Montjoux et d'Abondance, mais ces limites restaient inconnues ou confuses au sommet de Blanchard, si bien que les communiers de Saint-Gingolph prétendaient au Mont-Blanchard et à la fôret qui en recouvre la cîme.
    Voici une série d'actes concernant cette seigneurie de Meillerie : ils nous feront saisir le motif des querelles intervenues entre Saint-Gingolph et Lugrin-Thollon.

    Amédée, évêque de Lausanne, délégué par le pape Eugène III, avait, par sentence du 14 septembre 1154, reconnu les droits du Grand Saint-Bernard, sur le Prieuré de Meillerie, suite aux différends intervenus entre les frères.
    Témoins : Arducius, évêque de Genève, par les intervention et les conseils duquel la décision a été rendue; Almaldric, doyen; Gautier, chapelain; Anselme, chanoine de Filly; Benoit de Margencel et deux chanoines de Lausanne.
    Mémoires et Documents du regeste Genevois tome 2, 2ème part. p.34
    Une bulle d'Alexandre III confirma cette possession.

    En 1191, une transaction est conclue entre Nanthelme, évêque de Genève, et le Grand Saint-Bernard. Celui-ci renonce à ses prétentions sur Lugrin et conserve le patronage des églises de Marin et de Thollon.
    Une bulle d'Honorius IV, en date du 11 juin 1286, assigne à Montjoux, l'église de Marin, celle de Sainte-Marie de Meillerie et son Prieuré, avec toute juridiction, même temporelle ; le patronnage des églises Saint-Michel de Thollon, et de Saint-Pancrace de Novel.(Archives de l'hospice du Grand Saint-Bernard, cf. CH AGSB 00E 002 000 0212.)

    Evian prétendait que son bien s'étendait du lac à l'arête des montagnes, englobant ainsi Orgevaux, Cornien et Mémise entre autres.
    Avant le 12 avril 1289, jour du procès, 19 témoins avaient été entendus au sujet de cette affaire et avaient affirmé que le territoire entre le ruisseau du Locum et les Gottales étaient possession de la seigneurie de Meillerie. Cette forme de procés se déroula devant le noble Guy des Portes, juge en Chablais et Genevois, à l'instance de Jean Duin, chanoine de Montjoux.
    La déposition la plus importante fut celle de l'abbé d'Abondance qui donne pour limites aux possessions de l'église de Meillerie le lac, le nant du Locum, les Etrevex et les Gottales, " [...] secundum quod in quisbusdam libris concessione incta ecclessie de Melera a dominis de Lugrino et de Allingio continueta".
    L'abbaye d'Abondance possédait en limite, la seigneurie de Saint-Gingolph, qui s'étendait dès la pointe d'Eydiez (Bouveret), au nant du Leucon (Locum). Elle fut cédée (1563) par l'abbé Claude de Blonay au noble Dunant de Grilly, pour la rive droite de la Morge, l'abbaye fut remise en possession de la rive gauche. Les seigneurs laïques y avaient un châtelain, les religieux d'Abondance, un métral. Lorsque l'évêque de Sion, côté valaisan, faisait la visite de son diocèse, il s'arretait au milieu du pont de la Morge, avec sa suite, et le curé de la paroisse était tenu de venir à sa rencontre et de lui faire hommage d'un calice rempli de vin. On a vu précédement que Novel, dans la montagne, dépendait de la seigneurie de Meillerie et du Grand Saint-Bernard...
    C'est l'abbaye d'Abondance qui avait le plus grand nombre de cures, outre le Val d'Abondance, dans le Chablais-Gavot, comme Bernex, Vinzier, Féternes, Larringes, Saint-Paul, Publier, etc., à contrario de Thollon, Meillerie, Novel, Marin du Grand Saint-Bernard.

    Par contrat du 8 février 1314, donné au château de Chillon, Edouard, comte de Savoie, cède à Guillaume de Pisy, Prévôt de Montjoux, certains droits de juridiction, de communage, d'alpage, Haut-siège, etc...

    Douze ans plus tard, le 24 décembre 1336, Aimon le pacifique ratifiait à Chambéry, toutes les concessions, infeudations, etc., faites par son frère Edouard et par les seigneurs de Cly, Guillaume de Bossonaux, Humbert Chappel, Jean d'Arbigny, etc., sur les paroisses de Lugrin, Montigny, Thollon, Bernex. En outre, le Prince confirmait, en faveur de la Prévôté, l'omnimode juridiction en la villa de Novel, avec pouvoir d'édifier des fourches. rière ce territoire, où et quand elle voudra.

    Amédée VIII, premier Duc de Savoie, vendit moyennant 700 écus d'or, à Rd Hugues d'Arces (Prévôt) et selon un contrat signé à Morges (Vaud), le 23 mai 1402, conjointement par Humbert de Ruiz, évêque de Lausanne, Ambroise de Challens, grand chancelier, Aimé d'Apremont, François de Menthon, Gaspard de Mont Majeur, tous les hommes, hommages, servis, revenus, censes, tailles et autres droits, juridiction haute, moyenne, basse, et mère mixte empire, les paroisses de Lugrin, Thollon et Meillerie sont acquis à la seigneurie de Meillerie, sous la prévôtè de Jean de Compeys.

    Ci fait que les limites de la seigneurie s'étendent du nant du Locum au nant de Torrent soit neuf kilomètres de rives et en altitude jusqu'au pic de Borée et du Mont César à près de cinq kilomètres du bord du lac.
    Cette proclamation fut faite devant l'église en présence d'une grande quantité du peuple à ces fins reunie. Toutefois cette juridiction ne s'étendait pas sur les hommes du Comte qui se réservait aussi les peines corporelles. Mais il accorda le droit de faire des ordonnances, rendre justice rière (sous la domination de) les dites paroisses et d'avoir des prisons.
    23.05.1402 Cote AGSB 4534
    Amédée, comte de Savoie, vend au prévôt Hugues d'Arces et à ses successeurs toute la juridiction seigneuriale de Meillerie, du nant de Torrent, du côté d'Evian, jusqu'au nant de Louçons, du côté de Saint-Gingolph, au prix de 700 écus d'or. Il s'engage à faire ratifier par Bonne de Bourbon, comtesse de Savoie, cet acte de vente et à livrer au nouveau seigneur les titres relatifs à cette seigneurie. Acte de vente, acte de confirmation, mandat de mise en possession et acte de mise en possession. Copie informe.
    Notes Cousus à une couverture de papier portant un regeste en tête, latin (les limites sont parfois données en français).
    Morges : Papier, cahier, 11 folios, 19.2 x 27.4 cm.
    Il fut mis Montjoux en possession réelle et personnelle des lieux compris dans la vente et ordonné à haute et intelligible voix au peuple assemblé d'avoir à obeir et satisfaire au prévôt de Montjoux et à ses officiers des ores et à perpétuité.
    Le prévôt de Montjoux fit installer des fourches patibulaires (du latin patibulum : gibet, potence) au Locon, en bordure du chemin, pour intimider les malfrats.

    Le 14 avril 1455, un contrat de partage fut signé entre Pierre Bertheu, Jean et Rollet les fils de Pierre de Neuvecelle et de Lugrin, au sujet de l'héritage de leur père et mère, consistant en la juridiction et dépendance de Thollon et de divers biens et revenus de la paroisse de Lugrin.
    Le Prieuré de Meillerie et ses possessions obtient plusieurs fois des Ducs de Savoie des lettres de sauvegarde en sa faveur. Aussi, voyons-nous Pierre et Jean Jaquaz (Jacquier ?) de maravent, se reconnaitre hommes-liges et taillables à miséricorde de François de Savoie, Prévôt de Montjoux, pour des biens situés à Joux, à Maravent, à Thollon, au Chabloux et à Lugrin. Ils ne peuvent, sans autorisation, passer sous la domination d'un autre seigneur.(14 juin 1485 et 1487)

    Le château d'allaman était au XVème siècle, la propriété de la famille de Châtillon de Lugrin, François de Russin était seigneur d'Allaman pour les biens procédés des nobles de Châtillon et, auparavant des nobles d'Allinges. Plus tard il appartiendra aux de Cursinges puis aux de Russins.
    Pierre de Ruissin possédait tous les droits de la juridiction sur les domaines Hons et Thollon et dans celle de la paroisse, ses droits à Mémise et au chalet de Maravand, le droit de pâturage, avec sa grange à Cheravaux.

    28.02.1491 Cote AGSB 4535
    Au château. Comptes de Jean Rivet, C.S.B. recouvreur des cens, terrages, dîmes et revenus dus à la maison de Mont-Joux par la maison de Meillerie. Il fait ces comptes à l'intention du chanoine Jean Perrusson, cellérier de la prévôté et fermier de Meillerie, comptes qui ont été examinés à Meillerie en février 1491 par le notaire François Borgesii..
    Meillerie : Papier, cahier, 20.2 x 28.4 cm environ, 48 folios non paginés, plus papier de couverture en tête, portant un regeste français, titre en première page du cahier, latin.

    1. La seigneurie foncière

    • Le domaine utile : ce sont les propriétés que le seigneur exploite, ou fait exploiter, directement pour son propre compte: en général la maison forte et des terres généralement concentrées autour de la maison forte.
    • Le domaine seigneurial : c’est le territoire sur lequel le seigneur fait usage de sa puissance juridique, économique, voire politique.
    • Les droits seigneuriaux sur les tenanciers (les redevances perçues par le seigneur)
    La plus grande partie des terres de la seigneurie sont concédées aux paysans par des baux à durée variable Ce sont les contrats d’accensement. Certains paysans, les favetiers ou tenanciers, sont sujets à la mainmorte : le seigneur peut récupérer les biens de son serviteur décédé si celui-ci n’a pas d’héritier mâle. Tous les paysans, quelle que soit leur condition, doivent payer diverses redevances, en argent ou en nature.
    Compte tenu de son émiettement, la seigneurie foncière pèse surtout sur le paysan par les redevances qu’elle lui impose. Des devoirs, taille mise à part, les cens sont les plus répandus. Les droits proportionnels, comme le mi-vin et le terrage, tout comme l’auciège ou le moutonnage, plutôt d’origine banale, ne sont que des curiosités (Les terrages apparaissent plus importants dans les comptes de Châtellenie d’Évian-Féternes). Le placitum lui-même, droit de succession d’un montant de 3 à 18 deniers, dû à chaque changement de seigneur et/ou de tenancier, n’est reconnu que pour la moitié des exploitations, ce qui est étonnant a priori en l’absence de franchises. En revanche, le cens est versé par tous les tenanciers ou presque à raison d’un ou deux par tenure, c’est-à-dire peu ou prou, par seigneur foncier. Les cens en argent sont les plus cités. Ils sont d’un niveau modeste : 1 à 12 deniers par tenure et rarement plus d’un sou par exploitation. En 1277-1278, le poste des cens en deniers représente 13 % du revenu de la châtellenie d’Évian-Féternes, assez loin derrière les fermes (37 %), la taille (26 %), mais devant les droits de justice (11 %) ou de garde (3,5 %). Les cens en blés, c’est-à-dire en froment et en avoine, sont plus délicats à apprécier. La plupart sont stipulés en mesure de capacité, c’est-à-dire en "octanes", ce qui fait supposer qu’ils étaient « rendables », les autres consistent en « gerbes » sans doute prélevées (donc quérables) par le seigneur ou ses agents. Les comptes de châtellenies mentionnent systématiquement les fèves qui, on le sait, sont alors des cultures de plein champs autant que de jardin.
    Les autres droits en nature sont plus anecdotiques. On notera la présence des noix et surtout des châtaignes, typiques des secteurs de moyenne montagne. Le foin est mesuré en « trousses », ces filets qui servent à le transporter à dos d’homme ou d’animal. Du pain (panem le plus souvent), il est parfois précisé qu’il s’agit d’une tourte (torta) ou bien d’une fouace (foacia). Quant au vin, un article précise qu’il s’agit de celui que le tenancier conserve en sa maison.
    De façon plus générale, on note que près de la moitié des cens portant sur le vin, le foin et le pain a, dès le XIIIème siècle, déjà été transformée en argent ; les châtaignes, les noix, les poules et les fromages restant perçus uniquement en nature. Les cens en blé (plusieurs décilitres) représentaient sans doute la charge la plus lourde d’autant plus qu’ici nulle tendance à la transformation en argent ne semble s’être fait jour.

    Au XVIIème siècle, ces redevances sont résumées dans les contrats qui établissent les fermiers généraux. Les plus courantes sont :

    • la cense que doit verser l’admodiateur pour un accensement, le plus souvent en argent, à payer en 1 ou 2 fois (1 fois à la St André, 1 fois à la St Jean Baptiste).
    • le servis : la redevance de l’albergement emphytéotique (perpétuel), en argent ou en nature
    • l’introge : versée au moment de l’engagement
    • le plaid : taxe prélevée à la mort du seigneur ou du tenancier
    • le lods et vend : droit de mutation lors de l’échange, donation ou vente d’une tenure (Terre concédée par un seigneur qui en garde la propriété éminente).
    • le champart : portion des récoltes qui revient au seigneur
    • la taille impôt, redevance annuelle. Que ce qui est dû en gros est taillé, coupé en petites parties pour supporter chacun sa part.
    • l’échute, taxe de remplacement, due lors du décès du favetier

    Les contrats d’accensement pouvaient aussi prévoir diverses charges pour l’admodiateur : entretien des bâtiments, construction de granges, corvées etc...

    2. La seigneurie justicière et banale

    Le plus important des droits que détient le seigneur de Thollon sur les hommes habitant dans la seigneurie est le droit de justice (c’est encore plus vrai pour les gens habitant le domaine utile du Seigneur).
    • La structure justicière
      Tout habitant, qu'il soit sujet en son domaine propre ou en celui d'un quelconque seigneur, peut faire recours auprès du prince d'une sentence jugée inique. Chaque jour, le Conseil itinérant, à moins qu'en ait été chargé l'autre conseil du prince, le Conseil résident établi à Chambéry, examine ces appels qui montent de tous les coins et recoins du territoire.
      A l'opposé, sur le terrain, l'administration comtale s'emploie à limiter l'exercice de la justice seigneuriale. Son représentant local, le châtelain peut, en tant que garant de l'ordre établi, assurer l'instruction du délit courant (comme aujourd'hui le chef de la brigade de gendarmerie), puis la tenue du procès qui s'ensuivra tel un juge de proximité. Ainsi, il règle les conflits du quotidien, des injures et coups aux petits vols et affaires de moeurs en passant par les empiètements à la vie privée ou la resistance à l'exercice de l'ordre public. Les exemples fourmillent où, sur ce registre, des frictions opposent les agents du châtelain à ceux du seigneur du lieu, à qui les premiers disputent les justiciables.
      Le souverain, tend cependant à les mettre d'accord, en les coiffant, dès le XIVème siècle, d'un corps de juges de métier, les juges-mages. Ce magistrat professionnel a autorité sur un ressort géographique, qu'il se doit, à partir d'une résidence permanente - ainsi Saint-Maurice d'Agaune pour le Chablais - de parcourir périodiquement, comme le Conseil du souverain itinère à travers la principauté.
    • Au fil des ans, à mesure que les Comtes puis Ducs de Savoie mettent en place un véritable Etat centralisé, les affaires importantes relèvent du juge mage d'Evian, voire du Sénat de Savoie (par ex les problèmes de succession des droits seigneuriaux). C’est néanmoins le Seigneur qui fait exécuter les décisions de justice. Le juge est un officier seigneurial nommé par le Duc de Savoie, le plus souvent choisi parmi les avocats. Il statue sur de menus délits, souvent des conflits entre le Seigneur et les habitants (par ex, le non paiement de la cense ou d une redevance au Seigneur).

    • La seigneurie banale et les privilèges seigneuriaux.
      Comme tout Seigneur, celui de Thollon possède également divers privilèges, notamment :
      • Le droit de préférence :
        Lorsqu'un immeuble est à vendre, le seigneur a le droit de l'acheter de préférence à tout autre et cela dans les quinze jours qui précèdent la mise en vente publique.
      • Le droit de banalité :
        Sur toute l'étendue de la seigneurie, les habitants doivent se servir uniquement des foulons, moulins, pressoirs et fours du seigneur, moyennant une redevance.
        Les moulins étaient situés à "Bévion" et les fours répartis dans les hameaux.
        Celui qui avait fief tenu noblement, avec jurisdiction exercée, pouvait entretenir ou ériger four et moulin bannier, et contraindre les hommes couchans et levans en sa dite jurisdiction, au dedans de la banlieue à laquelle il a jurisdiclion exercée, d’apporter ou d’envoyer moudre les blés et les grains audit moulin bannier et de faire cuire leur pain audit four (art. XXIX)
        Il prélevait le seizième pour droit de mouture (art. XXXI) ; le droit de fournage était également le seizième de la pâte.
        Obligation faite aux paysans d’utiliser les artifices lui appartenant, par ex les moulins, le pressoir à huile etc.… moyennant le paiement d’une redevance ; souvent les moulins sont albergés ou accensés.
      • Le droit de crédence ou quarantaine : Le seigneur à le droit de prendre à crédit et pendant quarante jours chez ses sujets, les objets nécessaires à son entretien.
      • Obligations militaires :
        Les hommes du seigneur de Thollon sont tenus au service du guet pour assurer la garde du château . Le guet se fait habituellement la nuit, et, en cas de besoin le jour et la nuit.

    Dans la société féodale, la fiscalité directe et indirecte, variait beaucoup selon les coutumes, dans les fiefs et communes, au gré des arrangements très locaux, issus de longues négociations. A celui, auquel a été dévolu le fief, le seigneur tel qu'on l'entend généralement, revenait l'essentiel du produit fiscal. (Eventuellement, réinvesti en four, moulin banal, équipement, etc.)
    L'Eglise recevait, pour elle, l'imposition fiscale nécessaire au fonctionnement de sa charge spirituelle. L'un des aspects particulier de la seigneurie de Meillerie-Montjoux, c'est que ces deux pouvoirs, matériel et spirituel, ont été rassemblés entre les mains de la seule communauté religieuse.
    C'est l'exacteur qui recouvrait l'impôt pour le seigneur.
    La dîme était prélevée sur la récolte dans des bâtiments, répartis sur son territoire, appelés grangeries. Dans chaque grangerie, on confiait à un homme nommé, grangier, fermier ou décimateur, le recouvrement de cette dîme. Les vassaux qui avaient le moins de droits appartenaient à l'abbaye, c'étaient les hommes-liges, ils étaient taillables à merci, ce qui signifiait que le feudataire pouvait établir à son gré et arbitrairement, le montant de ses charges. Les taillables à miséricorde, en plus, n'avaient pas le droit de tester.
    Pour les ponts existait le pontenage: tout passage sur celui-ci, hommes, animaux, marchandises était sujet à péage, la leyde était un impôt sur les marchandises qui se vendent au marché. La leyde sur les draps et les toiles levée les jours de foire et de marché, pouvait être forfaitaire ou proportionnelle à la quantité et au poids de la marchandise vendue. Les merciers qui offraient leur marchandise au marché payaient, en principe, une taxe hebdomadaire. Il y avait un péage (octroi) au Leucon (Locum) et cette taxe indirecte venait grossir les recettes de la seigneurie, plus tard de la commune. Effectivement, toutes les denrées, tous les biens, matériaux et produits destinés à la consommation ou aux fabrications locales en provenance de l’extérieur de la commune seront taxés par le biais de cette imposition, qui existait déjà du temps des romains, venant grossir les recettes communales. Cette taxe était donc une sorte d’ancêtre de la T.V.A appliquée au niveau des localités.

    Artisanat, commerce, banalités à la ville.
    À la fin du XIème siècle, dans les villes les plus prospères, les bourgeois obtiennent de leur seigneur des privilèges et parfois une complète autonomie de gestion en échange d'une contrepartie monétaire. Il s'agit, dans un premier temps, de chartes de franchises par lesquelles le suzerain accorde à ses sujets des droits particuliers et des exemptions de taxes (ce que l'on appelle «franchises»). Ces franchises étaient ordinairement un espace limité de terrain autour des villes et des bourgs.
    Lorsqu'existait une halle seigneuriale, il fallait payer, outre la leyde, une redevance dite banchage, taxe de location de chaque point de vente. Dans certains cas, le tarif était plus élevé les jours de foire et de marché que les jours ordinaires. Le non paiement de la leyde était l'objet de sanctions prévues dans la charte. Assez fréquement, le seigneur de la ville assurait aux habitants de la ville franche, comme à Evian, un certain nombre de privilèges relatif au commerce et à l'artisanat. Il les autorisait à vendre dans leurs propres maisons et les libérait, en tout ou partie, de la leyde. A ces avantages, s'ajoutait parfois une exemption de péage qui pouvait être générale ou limitée à tel ou tel poste de douane. Enfin, dans certains cas, la charte assurait en plus aux habitants de la ville, certains monopoles pour la vente sur place.
    La boulangerie était règlementée et quelquefois, les représentants de la communauté pouvaient participer au contrôle des boulangers, un prix ferme garanti aux clients, et à celui des poids et mesures. La présence de prud'hommes, lors du poinçonnage des poids et mesures, est quelquefois encore évoquée.
    Les redevances en espèces étaient perçues principalement pour la vente d'animaux (Tab. ci-dessous) et la vente de drap, toile et mercerie.

      Localité Equidés Bovins Asins Porcins Ovins, Caprins
    Evian 4 denier 1 denier 2 denier 1 obole 1 obole
    Seyssel 4 denier 1 denier 4 denier 1 obole 1 obole
    1 obole = 1/2 denier - Tarif de 1239, libellé en forts neufs, c'est-à-dire en doubles viennois


    On relevait des redevances en nature lors de l'abattage de bétail destiné à la boucherie et, lors de la vente de céréales. Sur les bovins abattus au marché, le seigneur percevait les langues, avec parfois la tête et les rognons. Sur les porcs, il recevait les poumons. Dans certaines villes du Viennois (Dauphiné), cette redevance était perçue seulement à certaines périodes de l'année. Souvent nous voyons le droit des langues et des poumons attesté alors même, que la charte des franchises n'en fait pas mention. La charte garantissait un prix ferme et la bonne conservation de la viande. La marge bénéficiaire du boucher était limitée à un douzième. Sa viande ne devait pas être conservée plus de trois jours, et il lui était interdit de polluer la voie publique, dans l'exercice de ses fonctions.
    De nos jours, on peut encore voir à Thonon, la Tour des Langues, qui domine le village des pêcheurs de Rives. C'est là, que les bouchers acquittaient cette curieuse redevance.
    Boulangers, bouchers, cordonniers et aubergistes payaient une patente annuelle pour l'exercice de leur activité, ainsi que d'autres commerçants (marchands de sel, etc.)

    Dans un certain nombre de ville, le comte de Savoie partageait avec la petite noblesse locale ou des ecclésiastiques, les droits et revenus provenant de la leyde et des banalités (ban des moulins et des fours publics). Il avait pleine juridiction dans les limites de la ville franche, y exercait la haute et basse justice en matière pénale et civile.
    La pleine juridiction est garantie par les chartes d'Evian en 1265 a.8 :
    "omnes burgenses et advenae, ac omnes habitatores sunt de jurisdictione domini et debent in sua curia litigare."

    Lithographie Evian au Moyen-Age
    Evian fut saccagée par les troupes du Valais en 1536, puis par les français et les genevois en 1591.

    Depuis le XIIème siècle, Amédée IV puis à sa succession, son frère le comte de Savoie, Pierre II, dit le Petit Charlemagne, avance ses positions sur chacune des deux rives du Léman. Sur cette rive Sud, l'enjeu est de taille. Il s'agit de parvenir à relier des éléments importants de son patrimoine dispersés au sein du massif alpin. Entre ses terres ancestrales d'au-delà du Rhône et du lac du Bourget et ses terres de l'Est (vallée d'Aoste, Dranse d'Entremont, et vieux Chablais de Saint-Maurice), les domaines des Faucigny et des Genève enfoncent comme un coin insupportable.
    A l'Est du delta des Dranses, le comte à bien consolidé ses positions. Et, depuis le XIIIème siècle, il a transformé la ville d'Evian en une base, comme un avant-poste de son château de Chillon (Vaud) qu'il restaure, pour ses opérations vers l'ouest, une garnison pouvait ainsi contrôler militairement et commercialement la route vers l'Italie et appliquer un droit de péage (1240). Il construit le château d'Evian flanqué de 4 tours rondes, accompagné d'un arsenal et d'un port de guerre, relayant la Villeneuve de Chillon. L'édification du château d'Evian n'a guère commencé que vers 1247. On ne sait rien du temps qu'il a fallu pour construire le château. Quand Amédée IV inféode à son frère le château de Féternes en 1249, où la garnison est de 84 hommes, Evian en dépend toujours de ce qui est la châtellenie de Féternes-Evian.
    À la fin du XIIIe siècle, la Châtellenie double d’Évian-Féternes couvrait la partie orientale du Chablais savoyard, depuis le Léman jusqu’à la vallée d’Abondance. Sa partie occidentale formait ce qu’on appelait le mandement de Féternes (mandamentum Festerne), ressort particulier du château du même nom où résidait encore, pour quelques temps, le châtelain comtal. La châtellenie tout entière comptait alors 18 paroisses et 107 villages (decem octo parrochia que sunt in castellania Aquiani et Festerna ; in quibus parrochiis sunt C VII villagia et non plura)
    Plus importants encore, les différents corps de métier qui travaillent pour les équipements militaires (forgerons, charpentiers, cordiers, tisserands, tanneurs). Les tanneurs ont leurs fosses puantes en dehors de la ville, aux environs du château de Fonbonne (qui n'est pas encore bâti). Ils y resteront jusqu'au XIXème siècle. Ils augmentent la population de la ville, lui donnent une réelle activité économique qui rejaillit sur toute la région, avec les métiers cités ci-dessus, ses marchands ambulants qui viennent au marché du lundi, le plus important de la région avec ceux de Saint-Paul et de Féternes.

    Comme les droits de la maison de Savoie et ceux de l'évêque de Sion n'étaient pas distincts, et que leurs seigneuries étaient entremêlées, il fut convenu que les arbitres régleraient un partage du territoire entre la Savoie et l'évêque. Ces arbitres , l'archevêque de Tarentaise, l'abbé de St-Maurice et cinq autres personnages, obtinrent de l'évêque qu'il renoncerait à toutes ses possessions seigneuriales dans le pays de Vaud et dans le Chablais, à la condition que Pierre de Savoie renoncerait, de son côté, à tous ses droits sur le territoire vallaisan, dès la rivière la Morge jusqu'au fond du haut Vallais.
    Pendant les négociations de ce traité, qui donnait à Pierre de Savoie la suzeraineté sur tout le territoire du Chablais, du Vevey aux portes de Sion, un héritage, contestable il est vrai, lui valut la coseigneurie de Genève.
    Ainsi, en peu d'années, Pierre de Savoie devint maître de la plupart des seigneuries du pays de Vaud et du Chablais, et fut reconnu comme protecteur des villes de Genève, de Morat, de Berne et de Lausanne. Il abandonna, lors de sa mort, à sa femme Agnès de Faucigny, pour en jouir sa vie durant, les châteaux de Versoix, d'Allinges , de Féternes, de Charosse et d'Aubonne.

    Dès 1271, le frère de Pierre, Philippe Ier devenu comte, ordonne qu'une halle soit élevée en haut de la place du marché (à l'emplacement de la poste). Elle abrite l'étal de la boucherie. Des mesures de capacité creusées dans la pierre y sont installées. Elles servent à la mesure des grains :
    La plus grande est la coupe d'Evian, pas tout à fait 47 litres, le bichet ou demi-coupe, le quart, un peu moins de 12 litres.
    Pour les liquides, le pot de 1,2 litre, le demi-pot de 0,6 litre et le quarteron de 2,4 litre.
    Ces mesures resteront en usage jusqu'à l'Annexion. ( Poids et mesures de Savoie ). Difficulté des mesures agraires au moyen âge : la mesure utilisée. Les comptes de châtellenie font référence tantôt à celle d’Évian, tantôt à celle de Thonon, tantôt à celle de Saint-Paul, tantôt encore à celles de Genève.

    Que le siège de la châtellenie locale ait quitté pour Evian, le haut lieu de Féternes, indique bien que, profitant de l'extinction de la vieille famille seigneuriale du lieu, la maison de Savoie s'est pleinement rendue maîtresse de la rive droite de la Dranse.
    Encore qu'il ait fallu y réduire la fronde latente des Blonay, qu'on devra contraindre en 1290, en assiégeant leur château de Saint-Paul. Si le bouillant seigneur du Gavot d'Evian se résout, en 1306, à se placer sous la suzeraineté des Savoie, le comte n'en baisse pas pour autant la garde, qu'il va faire assurer par le beau château voisin de Larringes, en situation quasi symétrique, au rebord du plateau, de celui de Saint-Paul. Consolidé par Pierre II, il est restauré après qu'en 1334 le comte l'a confié en fief à Guillaume de Châtillon, l'un de ses plus fidèles et éminents fonctionnaires.
    Le commerce est florissant à Evian et en 1308, une "casane astésiane" s'ouvre. C'est une banque, un bureau de change des nombreuses monnaies, alors en circulation. Les banquiers sont d'Asti en Piémont, ensuite il y aura des Lombards, les premiers banquiers sont venus de Milan. De cette ville viennent aussi des marchands qui s'arretent à Evian et à ses foires, avant de se rendre à celles de Lyon et Genève. Ils apportent des produits de luxe : miroirs, étoffes.
    Le comte frappe sa propre monnaie. L'atelier était dans la rue qui porte encore son nom : la rue de la monnaie.

    La seule puissance qui pourrait ici faire ombrage à la maison de Savoie, serait l'ordre charismatique du Mont-Joux ou Grand Saint-Bernard, qui a établi le siège du gouvernement de ses établissements, d'envergure européenne, à Meillerie, sur les bords du lac. Mais, choyé depuis ses premiers pas par la famille de Savoie, l'ordre en est l'un des plus solides fidèles.

    Au "Vieux Chablais" oriental s'ajoute, au gré de l'expansion féodale, le "Nouveau Chablais" compris entre Thonon et Douvaine. Il est probable que la plus grande partie des possessions du Nouveau Chablais lui vint aux origines de l'abbaye de Saint-Maurice dont les comtes furent les avoués. Ces comtes se substituèrent également aux seigneurs de Féternes, avoués d'Abondance, ce qui leur fut aisé, puisque Saint-Maurice était la maison mère. Dès 1100, le comte Amédée de Savoie, faisait reconnaitre ses droits sur le château des Allinges, en invoquant sa qualité d'avoué de Saint-Maurice.
    En 1287, Louis de Savoie obtint de son frère Amédée V dit le Grand, par arbitrage, les châteaux et fiefs de Féternes, Evian, Allinges, Thonon. En cette fin du Moyen Age, le Chablais était tout hérissé de clochetons, crénaux et échauguettes à la Roche, aux Allinges, à Langin, Brens, Avully, Yvoire, Thonon et Evian. Un Moyen Age tout enluminé des écus, devises et armoiries des seigneurs de Compey, de Sales, de Coudrée, de Blonay, de Neuvecelle, de Genève-Lullin, des Allinges.
    A cette époque, le Chablais faisait parti du duché de Savoie (Amédée VIII, qui a acquis le comté de Nice en 1388, le Genevois en 1401, obtient l'érection du comté de Savoie en duché (1416)). Les deux circonscriptions principales de celui-ci, étaient le bailliage et la châtellenie. Celle-ci regroupait plusieurs villages autour d'un château, à la fois centre administratif, judiciaire et militaire. Le prince y était représenté par un châtelain, souvent issu de la petite noblesse. Les bailliages, qu'on appellera plus tard, Provinces ou Cantons, regroupaient un certain nombre de châtellenies, de cinq à quinze.

    Les limites du Chablais ayant été considérablement reculées, les historiens, pour distinguer ces agrandissements successifs, donnèrent le nom de Vieux Chablais ou Chablais primitif à la partie qui s'étendait depuis la tête du lac et le long de la rive gauche du Rhône, soit dans le bas Vallais; celui de nouveau Chablais ou Chablais savoyard à la partie qui correspondait au Chablais actuel, et désignèrent sous la dénomination de Chablais vaudois les possessions enclavées aujourd'hui dans le canton de Vaud. On peut trouver, par ailleurs, le terme de Chablais moderne, il correspond de nos jours au canton de Thonon.

    Au XIVème siècle, la monarchie de Savoie, était divisée en six bailliages de ce côté des Alpes. Le bailliage de Chablais était composé des châtellenies suivantes : Genève, Versoix, Yvoire, Allinges et Thonon, Evian et Féternes, St-Maurice d'Agaune, Saxon et Entremont, Conthey et Saillon, Chillon, Tour-Vevey, Châtel-Saint-Denis, Payerne, Maurat. Le bailli ou gouverneur résidait habituellement à Chillon. Habituellement le Bailli de Chablais était Châtelain de Chillon, et résidait dans ce château fort, auprès duquel il avait des galères ou barques armées, pour servir a ses expéditions par la voie du lac. Quelquefois cependant cet office était réuni à la châtellenie d'Evian et Féternes. (Jean de Blonay, seigneur de Saint-Paul fut bailli de 1366 à 1388. Jean-François de Blonay, seigneur de Maxilly aussi en 1515)
    Le Bailli avait des attributions militaires, administratives et de police : il était en même temps receveur des domaines et des revenus féodaux et seigneuriaux dans sa chàtellenie. Il percevait bien, et nécessairement prononçait, les amendes de police ou bans, mais il n'exerçait pas l'autorité judiciaire supérieure ou proprement dite, laquelle était entre les mains d'un magistrat judiciaire spécial.

    Les Bernois, s'étant emparés, au printemps 1536, d'une partie du Chablais occidental, placèrent à la tête de ce territoire, un bailli résidant à Thonon. Ce nouveau bailliage s'appelait indifférement bailliage de Thonon ou bailliage de Chablais.

    Parmi les nobles qui en 1536 mirent leurs terres sous la protection des Valaisans, il y avait François de Blonay, de Rive, Michel de Blonay, de Saint-Paul et Louis de Cursinge, seigneur d'Allaman.

    LA NOBLESSE détient 18% des terres en 1730

    A l'époque de Victor-Amédée II, c'est à dire entre 1680 et 1730, la noblesse savoyarde ne représentait qu'un peu plus d'un pour cent de la population totale, soit quelque 3500 personnes et 800 familles concentrées dans les villes et le bas pays, à l'écart du domaine montagnard. Noblesse, pour une grande part d'origine récente, tournée encore vers l'engagement militaire au service du prince, très attachée au privilège nobiliaire, et tolérant, non sans rétissances, une ouverture raisonnable de ses rangs à l'élite de la roture.
    Mais leurs rangs ont été profondement renouvelés (237 anoblis entre 1561 et 1640, 60 de 1641 à 1701), ainsi que leur composition. A une noblesse militaire ancienne, liée personnellement au duc (les Allinges, Montmayeur, Menthon, Seyssel, de Sales), s'ajoutent désormais une noblesse de robe issue du notariat ou de la marchandise, contrôlant le Sénat et la Chambre des comptes.

    Deux familles de noblesse anciennes les de Blonay et les de Coudrée d'Allinges sont propriétaires de grandes surfaces de terrain et diverses constructions, moulins, fours, scieries, maisons fortes et châteaux dans chaque paroisse du Pays d'Evian. Leur puissance sur le plan économique repose sur l'importance de leurs biens fonciers, à cela s'ajoute le produit des fiefs et des dîmes, leur autorité judiciaire.

    LES de BLONAY
    La famille de Blonay descend de la maison souveraine de Faucigny par Otton, seigneur de Faucigny et père d'Amédé 1er. En 1080, Amédée 1er de Blonay était l'avoué de l'abbaye de Saint-Maurice-d'Agaune. Un de ces fils, forma la branche des Blonay du Chablais, la première du Chablais avec celle d'Allinges.
    Les manoirs principaux de ces seigneurs étaient Blonay proprement dit, ou château de la Tour-Ronde ; Maxilly, et Saint- Paul, Le château de Maxilly appartient à la famille de Blonay dans laquelle il passa à la fin du Xème siècle, par le mariage de Raoul avec Alix, dernière héritière des seigneurs de Maxilly. Le château de Saint-Paul fut bâti vers 1216 par Aymon, seigneur de Blonay et chevalier de Saint-Paul. La famille Blonay s'est séparée en plusieurs branches et a possédé de nombreux fiefs sur les deux rives du lac. Quand le Pays de Vaud cessa d'être savoyard, par l'invasion bernoise de 1536, des deux branches de la famille de Blonay, l'une devint vaudoise et réformée, réside au château de Blonay au-dessus de Vevey, et l'autre restée catholique , réside encore dans l'ancienne seigneurie de Maxilly et demeura fidèle à la Maison de Savoie.
    En 1320, les Blonay étendaient leur juridiction sur l'ensemble des paroisses de Saint-Paul, Maxilly, Montigny, Bernex et Maraiche et sur la vallée de Novel. Ils devaient peu après acquérir une partie de Lugrin.
    Voici ses titres : Baron de Blonay, seigneurs de Saint-Paul, Maxilly, Bernex, Montigny, Lugrin, La Chapelle-Marin, Grilly, Saviez, etc...

    REG 317 01.04.1146
    Fondation du château de Blonay en Chablais. - Aimon, seigneur de Faucigny, apprenant que noble Aimon, seigneur de Blonay, son parent et ami, consanguineus noster et amicus, veut élever un château dans le territoire de Saint-Paul, diocèse de Genève, entre la Dranse et Brest, lui donne en alleu franc et libre, le lieu qu'il a choisi, afin qu'il le possède à perpétuité, lui et ses héritiers. - Témoins : Guyffredus de la Fonteyne et Reynald de Prangins, chevaliers, Jean, sénéchal de Blonay, Jean de Maréche, Aimon Probus. - L'acte est écrit par Aimon de la Croix, clerc.
    Actum A. D. mill° cent° quad° sext°, mense aprilis.
    M. D. G. t. XIV, p. 8, n° 11. - Brest ou Bret, hameau au bord du lac, entre Meillerie et Saint-Gingolph.

    Joseph Marie de COUDREE
    Cette famille porte dès le XIIème siècle, le titre de Prince et s'est perpétuée par vingt-six générations depuis l'an 1012. Marquis de Coudrée, Lullin, Ternier, seigneurs d'Allinges, Publier, Balaison, Loisin, etc... Beau père du baron Claude de Blonay, Chevalier de l'Ordre Suprême de l'Annonciade, Cornette Blanche de la noblesse de Savoie, Grand maître de la Maison du Roi, Chevalier Grand Croix de Saint Maurice et Lazare, Envoyé Extraordinaire à la cour de Vienne, Londres et Paris, ministre d'état, lieutenant général du Duché de Savoie. Il était né le 6 août 1660 et avait épousé en 1677 Françoise Deschamp fille de Nicolas baron de Juyfs, président de la Chambre des Comptes.

    LES DUNAND DE LA PLACE
    Seigneur d'Allaman, Saint-PAul, Grilly, La Place, Hons, Feternes, Saint-Gingolph, Maugny, Valliège, Le Crest, Lugrin, Le Pas, Blonay, Thollon, Chatillon.
    Cette famille, issue du notariat, fut qualifiée de noble vers la fin du XVe siècle.
    En 1628, il existe un "noble et puissant seigneur Dunand", seigneur de Véron, Valliéjoz et coseigneur de Thollon.
    Amédée né en 1639 et mort en 1737.
    Dunant de la Place Aymé feu François d'Evian.
    La famille du Nant, sans être d'aussi antique noblesse que les de Blonay, avait acquis de nombreux fiefs plus ou moins imbriqués dans ceux des de Blonay, des liens de parenté consécutifs à des mariages unissaient les deux familles, mais des rivalités d'intérêt dues à certains droits d'héritage, les dressaient l'une contre l'autre.

    Guy de FETERNES
    Fils de Guiffred, premier vicomte de Savoie, père d'Aymerart de Faucigny et Louis de Féternes duquel descendent les seigneurs de Ballaison, de Langin et de Ravorée. Guy eut deux fils, Louis et Berlion de Féternes. Ce dernier engagea, pour 400 sols au monastère, en 1150, une partie des dîmes d'Evian et de Larringes, avec l'approbation de sa femme et de ses barons. Louis aurait pourvu à l'installation des chanoines au monastère d'Abondance en 1080. En 1108, Guy de Féternes, fils de Louis, s'y réservait l'avouerie de la nouvelle abbaye d'Abondance et un droit de chasse exclusive. Mais la lignée devait s'interrompre dans sa branche principale au décés de Berlion.
    Vers 1200, le véritable maître de Féternes était le comte Thomas de Savoie, comte de Maurienne et de Flandres, qui y installait un châtelain avec le contrôle des territoires situés entre la Dranse et la Morge.

    DE COMPEY François Marie,
    Baron de FETERNES, baron du Chastellard, seigneur d'Allaman

    Pierre de Compey était châtelain de Féternes en l'an 1203, et Albert en 1219, joue un rôle important à la cour du comte de Genève. Mais il n'y a de certitude dans les degrés généalogique de la maison de Compey qu'à partir de Pierre II et d'Aymon, qui tous deux, vivaient en 1246. Les Compey succèdent aux de Féternes en 1208 à la mort du dernier seigneur de Féterne Berlion. Pierre de Compey sera le premier chatelain. Lui succéderont François et Jean, qui épousa Léone de Féterne en 1346. Au début du XIVe siècle, ils abandonnèrent le château en ruine et firent construire le deuxième château un peu plus haut, à Féterne-Vieux, aujourd'hui Château-Vieux.

    DE GRILLY Dunant Jacques feu Jacques
    Melchior du Nant de Grilly, d'Evian, issu de noble Jacques du Nant de Grilly, dit de Russin, seigneur de Saint-Paul, de Saint-Gingolph, Allemand, conseigneur de-Thollon.
    Pierre Dunant Seigneur de Vérhons, Valliège, coseigneur de Thollon, était en 1627 et 1628 syndic d'Evian et un des administrateurs de l'hôpital d'Evian.
    Philippe Dunant de la Place avait épousé Jeanne Clémence, fille de Gabriel de Blonay. Leur fils Philippe avait été légataire de son oncle Philippe Clément de Blonay en 1613.
    Jacques Du Nant de Grilly né en 1710 et mort en 1740.
    Grilly était un ancien château ou maison forte au bord du lac en l'enceinte d'Evian bâtie à la fin du XVe siècle par les Dunant et possédée par les Blonay et qui deviendra le casino.

    NICOD DE NEUVECELLE DE MAUGNY,
    Pierre de Neuveselle, vivait au commencement du XVème siècle. Il a maison forte à Thollon et maison forte à Maugny. Un premier mariage lui a donné deux fils : Jean et Nicod. Il établit Jean coseigneur de Thollon (1428-1462) et Nicod coseigneur avec son frère, de la maison de Maugny.
    Tire son origine du Pays de Gex d'où elle vint se fixer dans le Chablais. Etienne de Nicod, fils d'Henry de Nicod le premier à venir s'établir, épousa en 1523, Anne de Neuvecelle de Maugny, fille et héritiaire d'Antoine de Neuvecelle, d'une ancienne et puissante maison de ce pays, alliée aux St Joire, aux Chissé, aux Roverée, aux Blonay, etc... Seigneur de Maugny, coseigneur de Thollon.

    BOUVIER Joseph Marie, baron d'Yvoire
    Famille originaire de Lompnes en Bugey, possésseur de la Seigneurie d'Yvoire. En 1730 il acquit le château d'Allaman à Lugrin.
    - A Evian, il possède 8 parcelles sur 3 journaux.
    - A Lugrin, 46 parcelles sur 100 journaux dont le château d'Allaman de 202 toises avec verger, jardin.
    - A Publier, une parcelle.
    - A Saint-Paul, 3 parcelles.
    - A Thollon, 8 parcelles sur 16 journaux dont micro-château et maison à Bugnaux (mas Bouire Bugnaux).

    SA MAJESTE le ROI de Piémont, Savoie et Sardaigne
    A Victor Amédée II (1666 - 1732) vient de succéder Charles Emmanuel III roi de Sicile, puis de Sardaigne. Nous sommes en 1730.
    Il est propriétaire de la prison et de la maison d'archives à Evian et d'une capite à Meillerie qui sert d'octroi.

    Autres nobles : D'Autrou François à Lugrin, Marion Joseph à Publier, De Laurier Claude à Saint-Gingolph, Ducrey Josephte et De Marclay à Evian, François de Blonay de Rive, Hugues de Neuve-Celles, Michel de Blonay de Saint-Paul, Louis de Cursinge seigneur d'Allamand.

    Amédée III (1103-1148) est le septième à porter le titre de Comte de Savoie. Dans son désir d'aller à la croisade, il remplace l'Aigle impériale des anciennes armoiries D'or, à l'aigle de sable par la Croix blanche. Le nouveau blason se lit ainsi :
    "De gueules (c'est le fond rouge) à la Croix d'argent (blanche)". C'est une croix grecque, les deux branches se coupant en leur milieu. Ce drapeau flotte toujours en Savoie aux côtés du drapeau tricolore.
    Blason de chablais : D'argent, semé de billettes de sable, au lion du même, armé et lampassé de gueules, brochant sur le tout.

    Origine des armes
    Les ducs de Savoie reprirent les armes de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes puis de Malte. En 1315 Amédée V de Savoie sauve Rhodes (donnée aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem) des Ottomans. Il obtient par ce fait, le droit de porter les armes de l'Ordre (croix blanche sur fond rouge -de gueules à la croix d'argent- ) et il se les approprie définitivement en souvenir de ce glorieux évènement. Ces armes resteront définitivement associées dans la maison de Savoie. Ainsi naissent les armes et le drapeau de la Savoie.

    Le Chablais des Dranses, en cette dernière moitié du XIVème siècle, peut reprendre son souffle. Les hommes y profitent du répit durable que leur laisse l'éloignement du fracas des armes des voisins rivaux : dauphinois mais encore la dynastie des comtes de Genève et la famille des Faucigny.
    La Savoie cède le Viennois - berceau historique des Blanches-mains - les contrées s'étendant du pied de la Chartreuse au Rhône, soit 14 châtellenies dont Voiron, et reçoit les 13 châtellenies du Faucigny (Allinges-le-Vieux, Hermance, Bonne, Faucigny, le Châtelet de Credo, Bonneville, Châtillon-Cluses, Sallanches, St-Michel-du-Lac-Servoz, Montjoie, Flumet, Beaufort et Monthoux). C'est le 15 juillet 1355 qu'a lieu la transmission des pouvoirs, le Faucigny est savoyard. C'est ainsi qu'Annemasse devint savoyarde avec son nouveau suzerain : Amédée VI, dit le comte vert.
    Reste le Genevois désormais enclavé. C'est Amédée VIII, dit le Magnifique, qui achète pour 45 000 francs or, les droits de la succession d'Humbert de Thoire Villars, comte de Genève, qui consiste en quelques 1400 possessions viagères, dont principalement le Valromey, placant le comté de Genève sous son autorité. Il commence par occuper Annecy, résidence des comtes de Genève. Seule, la ville de Genève échappe à son autorité.

    Et puis, au milieu, c'est Ripaille...
    Car Ripaille est indissociable de l'histoire de la Savoie. Ripaille se déploie sous l'égide d'un trio de souverains, qui ont marqué l'histoire de la région. C'est évoquer les règnes d'Amédée VI, le Comte Vert de 1343 à 1383; d'Amédé VII, le Comte Rouge de 1383 à 1391; enfin et surtout d'Amédée VIII, le Magnifique de 1391 à 1451, le dix-neuvième comte, mais aussi, depuis 1416, le premier duc de Savoie.
    Ripaille, c'est la cour, c'est-à-dire, le gouvernement itinérant du comte, avec sa famille, ses proches et ses gens. Thonon devint la résidence principale de la Maison de Savoie et le resta pendant la plus grande partie du XVème siècle. Ce qui contribua à en faire un bourg peuplé et actif dont l'expansion était remarquable. Les successeurs de Amédée VIII n'eurent pas son envergure et se montrèrent incapables de résoudre les redoutables problèmes posés au pays. Thonon fut la première ville à en subir le contrecoup et connut un rapide déclin.
    En 1411, délaissé par la cour, Ripaille devient monastère, un prieuré de quatorze chanoines, relevant de la règle de Saint-Augustin et leur prieur ne pourra être nommé sans l'agrément de l'abbé de Saint-Maurice d'Agaune. En octobre 1434, Amédée VIII, se retire du monde à Ripaille, pendant cinq ans, il porte la robe de bure : c'est le duc-prieur. Le 5 novembre 1439, il est élu pape par le concile de Bâle, sous le nom de Felix. Il abdique et transmet le titre ducal à son fils Louis. Pour résoudre le problème du schisme, il renonce à la papauté en 1449, mais demeure cardinal et a la fonction de légat pour la Savoie : il est aussi évêque de Genève dont il assure l'administration depuis 1444. Il n'oublia pas l'établissement qu'il avait fondé et enrichi. Par une sentence arbitrale qu'il rendit en 1446 dans le couvent de St-Dominique-hors-des-murs, à Genève, il déclara que les habitants de Thonon, ainsi que ceux des villages de Ripaille et de Concise, seraient exempts de leydes, de gabelles, de péages, pour toutes les marchandises qu'ils transporteraient, par terre ou par eau, chez les Genevois, lesquels devaient jouir, de leur côté, d'une franchise réciproque. Le prieuré des Augustins fut, en 1448, l'objet d'une nouvelle faveur : il fut érigé en abbaye, et les évêques de Belley et de Sion, avec l'abbé d'Abondance, en furent nommés les juges ou conservateurs. Il achève sa vie en tant que cardinal-évêque de Genève jusqu'à sa mort le 7 janvier 1451. Dans son testament, il avait exprimé le désir que son corps fût porté au monastère d'Haute-Combe et son cœur déposé dans l'église de Ripaille. Néanmoins ce fut dans cette dernière qu'on l'inhuma : les Augustins lui élevèrent un somptueux tombeau de marbre blanc.
    Le comte de Savoie se trouve à la tête d'une principauté considérable et quasiment, n'étaient l'enclave de la Dombes (Ain), les villes de Genève et Lausanne, dont les évêques restent souverains, d'un seul tenant du Pô à la Saône...
    La prospérité de Ripaille se maintint jusqu'à l'invasion de 1536. Mais, dans cet intervalle, le monastère avait déjà perdu de sa discipline primitive, et un certain relâchement, presque toujours avant-coureur de la ruine, s'était introduit dans l'observance de ses statuts fondamentaux.
    Les Bernois épargnèrent le château de Ripaille ; mais le couvent et ses dépendances furent saccagés, et les religieux dispersés. Le prieur Jacques de Plastro (du Plâtre) se réfugia, en 1544, à Saint-Maurice, et fut admis au nombre des chanoines de l'abbaye.
    Les pillards brisèrent le tombeau d'Amédée VIII, dans l'espoir d'y trouver des trésors. Mais la famille de Merlinge recueillit en secret les ossements du duc fondateur : en attendant le jour où Emmanuel-Philibert (selon d'autres Charles-Emmanuel) devait leur donner à Turin une sépulture encore plus brillante que la première, ils furent conservés religieusement à Evian.
    Le couvent restauré prit le nom de Chartreuse de l'Annonciade ; on le trouve aussi mentionné dans les textes sous les dénominations de Chartreuse de Savoie, Chartreuse de Ripaille-Savoie, Chartreuse unie de Vallon et de Ripaille, etc. Il embrassa le château, le parc, et une partie seulement de l'ancien domaine des Augustins, le reste ayant été laissé à l'ordre de Saint-Maurice ou antérieurement aliéné par lui. Encore les Chartreux eurent-ils à soutenir, pour faire reconnaître leurs droits, plusieurs procès contre les procureurs du même ordre, et d'autres contre les maisons de Compey et de Monthoux, qui avaient des prétentions sur Ripaille. Toutefois, ce qui leur fut attribué, joint à l'apport plus considérable du prieuré de Vallon, forma un ensemble important de territoire et de revenus, et ils purent ainsi remonter à un certain degré de splendeur. Voir ci-contre la Formation du Prieuré et Chartreuse de Ripaille.

    Lui succèderont une serie de princes de Savoie "falôts", auxquels viennent s'ajouter des difficultés économiques. Il se dégage "une impression de paupérisation croissante, à la fin du XVème siècle, d'insécurité endémique". Jusqu'au XVIe siècle, époque à laquelle deux évènements importants viennent changer cet état de choses :

    • l'invasion bernoise du Chablais lors de la réforme de Calvin (1536), les bernois protestants implantant leur confession.
      La République de Genève, en rupture avec le catholicisme, adoption de la religion prostestante, les clarisses se réfugient à Annecy. La République genevoise s'arroge le droit de battre monnaie et appelle Berne et la France contre le Duc de Savoie. A la fin 1535, Berne rompt avec la Savoie.
      Fin janvier 1536, les troupes bernoises conduites par Naégali, après avoir traversé le Pays de Vaud, le Pays de Gex, atteignent Genève, fin février. Elles occupent les baillages de Ternier (St-Julien) et Gaillard.
      Au même moment, François Ier réclame l'héritage de sa mère, Louise de Savoie. Les troupes françaises vont occuper la Bresse, le Bugey, Chambéry, la Maurienne, même un temps le Faucigny et, le mandement de Thiez-Viuz. L'apanage de Genevois, de Faucigny, de Beaufort échappent à l'occupation bernoise, grâce à la duchesse de Genevois-Nemours, tante par alliance de François Ier,. C'est ainsi qu'Annemasse, Monthoux et Etrambières échappent à l'occupation bernoise et conservent la foi catholique.
      Les bernois envahissent le Chablais et s'installent à Thonon où ils créent un baillage, s'y ajoutent les baillages de Ternier et Gaillard, plus quatre autres en Pays de Vaud.
      Pour éviter le protestantisme et l'invasion, les communes de la rive droite de la Dranse négocient l'alliance avec le Valais. Les populations des mandements de Monthey et d'Evian, celles d'Aulps et d'Abondance, inspirées par leur attachement à la vraie foi, vont supplier l'évêque de Sion d'occuper provisoirement leur pays, afin de le soustraire ainsi à l'occupation Bernoise.
      Les Valaisans accueillent mal la nouvelle de l'invasion bernoise. Après la prise du pays de Vaud, ils s'inquiètent et craignent que Berne n'occupe Monthey et la région lémanique de la Savoie. Après en avoir informé le duc de Savoie, les Valaisans descendent occuper le territoire de Saint-Maurice à Évian pour le défendre et assurer le maintien de la foi, avec la promesse de le rendre plus tard au Duc, contre remboursement de leurs frais. Les communes de Saint-Gingolph (1er février), Évian et son district (le 9), les communautés de la vallée d'Abondance, de Vacheresse et de Bonnevaux (le 20), puis celles de Saint-Jean-d'Aulps et du Biot (le 22) adhèrent très rapidement aux nouvelles autorités.
      Toutefois, les Bernois se réservaient au delà de la Dranse la seigneurie de Maxilly-Montigny, appartenant à Michel de Blonay, de la branche savoyarde de cette famille. Bernois par sa mère, partisan de la Réforme, il avait été le premier à faire, pour ses terres, hommage au vainqueur.
      Le Pays de Chablais de Saint-Maurice en bas, nom que les Valaisans donnèrent aux communes qu'ils venaient d'acquérir, dont Thollon et le plateau de Gavot, fut partagé en deux départements : Monthey et Evian. On ôta ensuite à ce dernier, les hautes vallées, qui formèrent un troisième gouvernement, dit Gouvernement des Alpes ou d'Aulps.
      26.06.1591 Cote AGSB 4541
      Photocopie d'une lettre de Thin, seigneur de Schelandre, aux seigneurs du Valais les assurant qu'il prend sous sa sauvegarde la maison de Meillerie, dépendant du Saint-Bernard. Signé : Thein de Scheylandert. Copies extraites de son original par le notaire Adrianus (?) Zmutt. Plus photocopie d'une lettre adressée à M. G. Ghika, aux Archives cantonales du Valais en 1965, par W. Zurbuchen, archiviste-assistant, Genève, pour l'identification du personnage.
      Genève : Papier, 2 folios, 20.9 x 29.9 cm, français et latin.
      Malgré les nombreuses pressions venues de l'extérieur, la population se maintint dans sa foi catholique pendant toute l'occupation bernoise, dont la Dranse fut frontière entre Bernois et Valaisans, et ne fut jamais franchie par le protestantisme.
      L'occupation valaisanne dura trente-trois ans, jusqu'au recouvrement du Chablais en 1569 par le duc de Savoie, Emmanuel-Philibert. L'administration rigoureuse des Bernois - "raide comme la justice de Berne" est un proverbe populaire du Chablais - semble avoir été bénéfique, avec notamment l'emploi de la langue française dans les actes publics et notariaux, dès 1536, la création d'une chambre de justice dans chaque baillage et l'établissement d'un jury en matière criminelle. Ce fut une période de redressement démographique et vit cependant, la Réforme s'implanter en Chablais.
      Le château de Chillon, résidence et forteresse des premiers comtes de la Maison de Savoie, est occupé par les Bernois dès 1536 jusqu'en 1798. Il appartient depuis à l'État de Vaud et est classé comme monument historique.

      Lithographie du Château de Chillon au XIVème siècle
      Lithographie du Château de Chillon au XIVème siècle

      En 1553, Emmanuel-Phillibert de Savoie souhaite reprendre les États perdus par son père. Il réclame le patrimoine de ses ancêtres en région lémanique. Mais ses anciens sujets du canton de Vaud ne désirent plus redevenir Savoyards ni catholiques. En 1564, un compromis est trouvé, et le 30 octobre 1564, le duc signe le traité de Lausanne avec Berne qui restitue les baillages de Gex, Ternier et Gaillard, le Chablais occidental (ou bailliage de Thonon) mais obtient le Pays de Vaud et la tolérance du culte réformé dans les terres restituées.
      Marguerite, fille de François Ier, épouse Emmanuel-Philibert auquel la France rend, la Bresse, le Bugey, la Savoie et le Piémont. La restitution officielle de la Savoie a lieu le 7 août 1559.
      Le traité d'Evian de mars 1569, ratifié à Sion le 23 mars 1569 et à Chambéry, le 4 avril, fixe définitivement la frontière des deux États à la Morge de Saint-Gingolph.
      Le Valais restitue au duc de Savoie les gouvernements d'Évian et de Saint-Jean d'Aulps, mais garde celui de Monthey jusqu'à la rive gauche de la Morge.
      La paroisse de Saint-Gingolph, qui couvre les deux communes, relève depuis le XIIème siècle du diocèse de Genève, est depuis lors, la seule localité suisse à dépendre d'un diocèse étranger. Côté valaisan, une chapelle fut construite par les Du Nant; une autre, celle de la Sainte-Famille, fut érigée en 1677 par Jacques de Riedmatten.


    • et la peste de 1569 et 1630 qui prend naissance à Evian et se répand avec rapidité à la Touvière, Grande-Rive, Marêche, Neuvecelle et Thollon.

      Du VIIIème au XIVème siècle, ce fléau a épargné l'Europe. Après 1348, il ne la lâchera plus et jusqu'en 1670, y sévira chaque année, tantôt sur de vastes territoires, tantôt en quelques localités seulement, mais sans jamais sauter un seul maillon de la chaîne. La Savoie n'est pas épargnée, ou, entre 1348 et 1500, la peste revient vingt-sept fois.
      Après avoir évoqué les saignées à pratiquer, l’auteur chablaisien préconise ce qui suit : «
      - Deuxièmement, qu’on s’abstienne de fréquenter le lieu de l’épidémie et de rendre visite à ceux qu’elle a atteints.
      - Troisièmement, il faut, tant que dure l’épidémie, brûler à fenêtres closes des feuilles de lauriers, de genévrier et d’absinthe, une, deux ou trois fois par semaine, le soir avant le coucher. On respirera cette fumée par la bouche et les narines.
      - Quatrièmement, ne mangez pas le matin et, chaque fois que vous le pouvez, consommez des aliments acides, comme des pommes gâtées ou des prunes.
      - Cinquièmement, n’entrez en aucun cas dans les bains publics.
      - Sixièmement, si vous vous sentez malades, soyez joyeux, calmes et affables ; fuyez les pensées sérieuses.
      - Septièmement, si l’on vous parle de l’épidémie, faites comme si l’on ne vous avait rien dit.
      - De même, si quelqu’un est atteint de la peste, qu’il prenne de la thériaque, des grains de sénevé et des feuilles de sureau. Qu’il triture le tout dans un mortier et mette le produit sur les bubons ».


      En 1569, l'année même où le duc de Savoie Emmanuel-Philibert recouvre Evian, la peste désole la paroisse. Epidémies de peste encore en 1570, 1576 et 1580. En 1630, l'épidémie sévit avec plus de violence encore. Des familles entières sont anéanties pendant cette période.
      En 1572, l'hiver fut fort vigoureux, les glaces arrêtèrent les moulins pendant de longs mois entraînant une disette des farines. Un violent tremblement de terre ébranla toute la région du Léman.

     

    Departement
    74
    Nom des habitants
    Thollogandes et Thollogands
    N° INSEE
    74 4 13 279
    Arrondissement
    Thonon-les-Bains
    Canton
    Evian-les-Bains
    Superficie
    1378 ha
    Altitude
    920 m
    Diocèse
    Annecy
    Paroisse
    Saint Michel
    Mandement
    Evian jusqu´en 1792

    Thollon-les-Mémises


    Thollon perdit la section de Meillerie érigée en commune distincte par le décret du 20 décembre 1860. Le décret du 09 janvier 1867 (J.O. du 04 février 1867) fixa la limite entre les communes de Meillerie et Thollon.
    La paroisse comprenait toute la paroisse de Meillerie érigée en 1803.

    Recensements de population :

    L'enregistrement des naissances, mariages et décès fut rendu obligatoire par François Ier, qui prescrivit aux curés de tenir registre des baptêmes sous le contrôle de l'administration royale (Edit de Villers-Cotterêts du 10 août 1539, articles 51 et suivants). L'ordonnance de Blois de 1579 fit de même pour les mariages et enterrements.
    Un nouveau recensement des feux et des paroisses fut fait sous Charles VIII à la fin du 15e siècle. Après le recul trés important de la démographie au XIVème siècle, provoqué par les épidémies, et la stagnation du XVème siècle, le recensement de 1561, pour la gabelle du sel, permet de mesurer le redressement de la population de la Savoie malgré les guerres et l'occupation. Mais le redressement est important dès le début du XVIème siècle, avec 7600 feux; au recensement de 1561, on dénombre 11.700 feux soit 65.000 personnes. La population du duché, dans les limites des deux départements actuels, peut être estimée à 400.000 et 450.000 habitants. La Savoie atteint alors un maximum démographique qui ne sera dépassé qu'au XIXème siècle. Mais en contrepartie, il y a "une rupture entre population et subsistances, dont témoigne le grand nombre de pauvres dénombrés en 1561".

    Sous le règne de Louis XIV, à la fin du 17e siècle, un essai de recensement général fut tenté pour toute la France mais, faute d'instructions suffisantes, les résultats furent de nature et de qualité diverses : certains intendants comptèrent les feux, d'autres les habitants ; certains fournirent des résultats complets, d'autres des résultats partiels. Pour les besoins de la "dîme royale", Vauban (1633-1707) estima la population du royaume à 19 094 000 habitants au tout début du 18e siècle. Vauban et, près de cent ans plus tard, Turgot (1727-1781) semblent avoir bien perçu les possibilités d'utilisation scientifique des recensements, notamment pour des études économiques et sociales. Il faut cependant attendre l'année 1801 pour que soit mis en place, par Bonaparte, le premier recensement de l'ère moderne, qui établit la population française d'alors à 33 millions d'habitants.

    Dans les Etats sarde, les dénombrements, qui sont décennaux, s'exécutent sous la haute direction d'une commission centrale et de commissions provinciales de statistique créées par S.M. le roi de Sardaigne. Les deux plus récents ont eu lieu en 1838 et 1848.
    Les recencements sarde sont nominatifs comme en France. Ils comprennent le sexe, l'état civil, le lieu d'origine, la profession ou condition, l'âge, le culte, l'instruction, le nombre des familles et des maisons, la population fixe et flottante, les indigents, le mouvement des émigrations.
    Rappelons à ce propos, que jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, toutes les personnes dépendantes d'un même chef de famille, c'est à dire, les parents résidant dans la maison comme les domestiques, sont considérées comme de la famille.
    On distingue alors trois grands types de familles.

    • Les ménages simples, regroupent les célibataires, veufs ou veuves, avec ou sans enfants. Les familles conjugales ou nucléaires, c'est à dire un couple et ses enfants et les ménages sans structure familiale c'est à dire deux individus qui vivent ensemble et dont le lien est autre que conjugal.
    • Les ménages élargis, sont des familles nucléaires avec lesquels vivent des personnes qui n'appartiennent pas à la filiation directe. Le ménage élargi est vertical quand, le ou les membres adjoints sont d'une génération plus ancienne (ascendante : famille nucléaire plus un grand-parent) ou deux générations plus jeunes (les grands-parents et les petits-enfants).
      Le ménage est dit horizontal, si la personne supplémentaire est de même génération que le chef de famille (la soeur, le frère d'un des époux) ou est un parent plus éloigné(neveu, tante...)
    • Les ménages polynucléaires, regroupent dans un même foyer, plusieurs familles nucléaires, parentes par alliance ou par le sang. Ces familles peuvent-être, ascendantes, descendantes ou collatérales. Quand plusieurs couples de frères et soeurs cohabitent, on parle également de ménage de type fraternel, ou de frérèches quand il n'y a pas de membre de la génération précédente.

    Le plus ancien recensement des Etats Sardes remonte à 1754. Les quatre relevés vraiment officiels, sont ceux de 1819, 1824, 1830, 1838.
    Toutefois, on connait par les visites de l'évêque du diocèse de Genève et la liste des paroisses du décanat d'Allinges, le nombre de feux qu'elles comptaient dans les années 1411-1412 et 1481-1482.

    Nom des paroisses     (Extrait...)   Nb. feux en 1411 Nb. feux en 1481
    Thollon 34 50
    Bernex, fille de St-Paul   --   38
    Saint-Paul 110 avec Bernex 70
    Lugrin 100 avec Montigny 60
    Féternes 70 54
    Marin 60 60
    Maxilly 14 12
    Publier 32 60
    Thonon 100 200

    Population du village (Meillerie compris) avant annexion
    1743
    1756
    1793
    1800
    1806
    1821
    1836
    1846
    1856
    114 feux
    420 adultes
    961
    990
    1006
    1067
    1216
    1325
    1366

    Sous l'Ancien Régime les dénombrements étaient exprimés en "feux" ce mot étant pris dans le sens foyer, famille. Pour estimer le nombre d'habitants d'après celui donné en feux on peut appliquer le coefficient multiplicateur 5. Ainsi pour une population de 34 feux on obtient 170 habitants.
    Ces dénombrements donnaient le nombre de gabellants (sujets de 8 ans et plus), la gabelle étant un impôt sur le sel.
    Au XIXe siècle, les recensements ont également eu un rôle militaire, afin d'estimer l'effectif mobilisable. Dès 1790, la notion de feux disparait.

    Population du village après annexion
    1861
    1866
    1872
    1881
    1886
    1891
    1896
    1901
    1906
    770
    870
    828
    813
    929
    893
    905
    948
    813

    Population du village jusqu'au XXIème siècle
    1911
    1921
    1931
    1946
    1954
    1968
    1975
    1982
    1999
    765
    627
    561
    492
    400
    381
    401
    416
    593

    Evaluation de la population
    La commune s'étend sur 13,8 km² et compte 729 habitants depuis le dernier recensement de la population datant de 2004.
    Avec une densité de 52,9 habitants par km², Thollon-les-Mémises a connu une nette hausse de 23,1% de sa population par rapport à 1999.
    2004
    Evolution
    Répartition
    691
       Pourcentage d' hommes : 48,5%
       Pourcentage de femmes : 51,5%


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    LE VILLAGE


    Chef-lieu, plus haut le Nouy et Chez les Aires

    Thollon d'autrefois
    Etudes et recherches portent sur le siècle écoulé entre, l'établissement de la mappe sarde et, l'annexion de la Savoie par la France.

    Etat de la population
    Les visites pastorales (Procès-verbal de l'inspection d'une paroisse par un évêque, un archiprêtre, un doyen.) nous apprenent beaucoup sur la population de Thollon. (Voir ci-contre Les visites pastorales au XVème siècle dans le diocèse de Genève.)
    En 1411, il y avait 170 habitants pour 34 feux; en 1730, 750 habitants y résident, en 1825, 605 habitants et pour 1901, ils se trouvent au nombre de 948.
    A titre de comparaison, Thonon, capitale du Chablais, à cette époque résidence favorite de la cour, totalisait en 1410, 170 feux.

    Etymologie
    Les anciens textes désignent Thollon sous le nom de Tolliacum, Tholiacum, Tholonum, Tolons ou Tholuns.
    Que signifie ce nom ?
    La racine "Tauru" signifie "de forme arrondie", ce qui correspond bien à la plupart des alpages et surtout aux rochers de Mémise.
    La revue Savoisienne du 15 septembre 1865 mentionne Thollon pour en donner la signification dans un passage sur les chemins et camps romains en Chablais. Thol, signifiait hauteur. A Lugrin, le village de Véron s'appelait jadis Ons (les gens de Lugrin disaient : on va vers Ons, d'où Vérons). Comme Thollon se trouve à l'aplomb de Vérons, la syllabe Thol s'est accolée à Ons.
    En Celtique, Thol signifie hauteur et on signifie eau ; en irlandais toll signifie : tête des eaux. On retrouve le sens d'élévation au-dessus du lac. Thollon pourrait se traduire : la tête des eaux ou le plateau d'où descendent les eaux.
    Autre origine possible : De Thol soit une montagne, une colline, bas latin tullum, prélatin toul, « colline », gaulois tullos, même sens. Avec le suffixe -on probablement de l´ancien français tolon, « colline, éminence » : Thollon-les-Mémises, duas partes Tholonaei en 1017, de Tolhono en 1250, Tholons en 1246, nommé aussi Thollon, commune et village du Pays de Gavot (Arrondissement de Thonon-les-Bains, Haute-Savoie) ; Le Crêt Thollon, lieu-dit (Saint-Paul-en-Chablais, Pays de Gavot, Haute-Savoie).

    Limites et Superficie
    Les limites administratives se calquent bien au relief, soit par les crêtes comme du côté de Bernex et Novel, soit par les ruptures de pentes sur Saint-Gingolph et Meillerie. Seule la limite avec Lugrin est moins nette, même si elle se situe sur le nant Mésalière.  [10]

    A grands coups de réformes sans précédent dans l'Europe entière, la Savoie se modernise. C’est par les Lettres Patentes du 9 avril 1728 que le Roi de Piémont Sardaigne décida l’exécution du cadastre de Savoie. L’objectif principal de ce cadastre était de recenser avec précision les propriétés de chacun afin d’apprécier au mieux la capacité du duché à payer l’impôt, et en répartir la charge en fonction de critères objectifs basés sur la richesse potentielle des uns et des autres. La cadastration vise, de 1728 à 1738, à instaurer un régime fiscal plus lucratif, certes, mais aussi plus équitable en imposant les terres de la noblesse et les biens fonciers devenus écclésiastiques après 1584. Cette réforme s'accompagne d'un remaniement des structures communales, évoquées plus loin, par l'Edit de péréquation de 1738. Mais, se sont surtout les édits d'affranchissement qui attestent l'avancée politique de la Savoie au XVIIIème siècle. L'édit du 20 janvier 1762 annonce la libération des taillables du domaine royal, et pour les autres, précise les conditions de rachats individuels et surtout, des affranchissements collectifs. Puis, le 19 décembre 1771, Charles-Emmanuel III, signe l'édit d'affranchissement général des fiefs.

    L’exécution du cadastre fut placée sous la haute direction de l’Intendant Général du Duché, basé à Chambéry, qui nomma un surintendant du cadastre pour assurer la surveillance technique du chantier et en vérifier l'exactitude.
    Toutes les paroisses du duché de Savoie sont concernées, toutes les terres des privilégiés ou non sont concernées. Les techniques sont appliquées en Savoie avec des géomètres lombards dans les équipes piémontaises.
    Il s'agit de déterminer la superficie des communaux et des propriétés individuelles, d'évaluer le rendement des terres, les frais d'exploitation, les prélèvements seigneuriaux ou ecclésiastiques qui les affectaient, de définir les charges seigneuriales qui pesaient sur le sol, de connaître avec précision le revenu (qui serait taxé à 18,7%).

    Les travaux s'achèvent en trois ans, entre 1729 et 1731. La superficie de la paroisse est évaluée à 4794 journaux. La mensuration fut faite en mesures du Piémont et traduite en mesures de Savoie, à savoir journaux, toises et pieds.
    La grande unité de surface est le journal valant 500 toises carrées en Chablais.
    La toise carrée vaut 7,37m² et le journal vaut 3685 m².
    La toise de huit pieds soit 2,71m.

    Des moyens importants sont fournis : Cet énorme travail est effectué par des centaines d'hommes divisés en vingt escadres. Une escadre, dirigée par un délégué généralement piémontais, est formée de six équipes de trois hommes (1 géomètre, 1 mesureur, et 1 estimateur aidé d'indicateurs). Chaque équipe ausculte pendant quelques jours, un groupe de six paroisses voisines, logée et nourrie par les habitants et employant pour 20 sols par jour, des porteurs de fichets, des traineurs de chaines (1 longueur de chaine = 32 pieds de Savoie soit 4 toises de 8 pieds = 10,86 m.), des mesureurs ou trabucants (du nom de l'unité de mesure : le trabuc). Le délégué s'assure de la capacité de ces auxilliaires, puis leur fait prêter serment.
    Afin de mener rapidement et efficacement le travail, des "indicateurs" ont été nommés par la communauté. Il s'agit de notables de Thollon, d'un certain âge, connaissant bien le parcellaire foncier,

    "capables d'indiquer les confins et les limites en quoy consiste l'étendue de leur respectif territoire, comme aussi pour indiquer par surnom et nom propre les particuliers possesseurs des biens situés dans iceux, en distinguant les fonds qui sont sujets au paiement indistinctif des tributs royaux et autres et ceux que l'on en prétend exempts".
    Ils accompagnent les géomètres et trabucants et les informent. Après la délimitation du terroir communal, on établi un plan rapide, avec les routes, chemins et les cours d'eau. Ce terroir communal est divisé en unité appelées mas (les lieux-dits ont servi de base).
    Reste aux géomètres à définir le parcellaire du territoire. Les propriétaires de la parcelle cartographiée et des pièces voisines peuvent être également présents lors de la confection du plan.

    Chaque parcelle recensée est, en plus de sa localisation, individualisée par deux éléments : sa nature et sa superficie. Il faut donc, avant toute chose, et pour savoir de quoi l’on parle, étudier le contenu réel de ces deux informations.
    Que recouvrent alors les notions de « terre », de « pré », de « vigne », de « bois » et d’ « ouche » qui composent plus de 95 % de notre échantillon ? Terre (terra), vigne (vinea) et prés (prata) ne paraissent pas poser trop de problèmes d’identification encore que, l’aspect de ces cultures ait pu grandement différer de l’idée que nous nous en faisons aujourd’hui.
    Le terme de « terre » (terra), qui désigne l’élément de culture dominant, est à prendre ici, non pas comme appellation générique mais bien, comme le montrent les redevances levées, au sens précis qu’on lui donnait alors, c’est-à-dire celui de champ ayant vocation à être emblavé. Les « champs » (campus), présents uniquement dans les confrontations des parcelles déclarées, paraissent désigner quant à eux tantôt des parcelles de « terres » particulièrement vastes ( « champ de untel » ), tantôt des quartiers de labours compacts et homogènes (« champ de » suivi d’un toponyme). Les « prés » (pratum) sont des prés de fauche, d’ailleurs mesurés en « faucherées » (falcaturas), dont certains peuvent être irrigués.
    Les bois (boscum/nemus), pris ici comme parcelles privées, sont plutôt des bosquets en taillis d’où l’exploitant peut tirer bois de chauffage, matière première pour la fabrication et l’entretien de meubles et d’outils et feuillage pour la stabulation de son bétail. Ces parcelles excluent les châtaigniers et les noyers, recensés à part, mais aussi les bosquets de saules, proches des cours d’eaux (sallicibus). Les « ouches » (ochia) ou « murgers » désignent des jardins ou plutôt des terres jardinées, généralement proches de la maison (casale cum ouchis retro domum). À noter qu’en Savoie, ce terme d’ouche est, dans le vocabulaire des extentes, spécifique aux provinces du Nord, celles du Sud (Savoie Propre, Maurienne, Tarentaise) lui préférant ortus.
    On doit y trouver des plantes potagères, des arbres fruitiers mais aussi, parfois des légumineuses, voire des vignes et des céréales (terra in ouchiis). Dans ce même registre, l’extente du moyen age, emploie parfois les termes de « verger » (viridarium), « jardin » (jardile), courtils (curtillibus). À partir de son sens premier de petit enclos, courtil désigne sans doute une parcelle close, peut-être davantage identifiable avec la « cour », c’est-à-dire l’espace privé séparant la maison de la rue, qu’un véritable jardin. À côté des éléments principaux composant l’exploitation, l’extente en cite d’autres de façon exceptionnelle ou isolée : « rispe » (rispam), mauvaise terre, pentue et caillouteuse ; chenevière ; ou encore « leschère », c’est-à-dire terre humide, marécageuse (lescheriam).
    Une aussi faible présence de l’arbre à fruit pose question au vu de l’importance non négligeable qu’occupent les châtaignes et les noix dans les redevances payées par les tenanciers. Une contradiction qui s’explique sans doute par la présence de châtaigniers et de noyers dans les parcelles de bois détenues à titre privé par les paysans mais aussi par la cueillette dans les espaces ouverts aux usages collectifs.

    Approcher, même d’assez loin, la réalité des parcelles décrites suppose d’en appréhender le contenu mais aussi la superficie et donc de proposer des estimations de surface en unités métriques ; or, rien n’est moins simple.
    Les mesures de superficie utilisées au moyen age, pour les terres et les bois, sont la pose (posa) et sa subdivision, la fosserée (fossarata), qui évoque le fossoir, c’est-à-dire la bêche. La fosserée est d’ailleurs la seule mesure employée pour les vignes et les jardins, dont les parcelles sont de très petite taille. La mesure des prés requiert, elle, une autre unité, la faucherée (falquatura), au nom transparent, répandue dans tous les pays savoyards. Le problème est qu’à la fin de l’Ancien Régime, ces types de mesures n’étaient plus utilisés, remplacés par le journal et la sétérée. Ils ne figurent donc pas dans les tables de conversion au système métrique établies entre 1793 et 1845 (date de l’adoption du système métrique dans le royaume de Piémont-Sardaigne).
    Certes, il y a de fortes chances pour qu’en Chablais, le journal ne soit qu’un nom nouveau et normalisé, appliqué à l’ancienne pose.
    La pose appartiendrait donc à ce vaste ensemble de mesures dont la superficie tournait autour du tiers d’hectare. Au début du XIXe siècle, les différents journaux savoyards se situaient dans des limites comprises entre 0,29 et 0,40 ha. En 1845, le journal du Chablais était ainsi estimé à 0,3685 ha. Pourtant, l’hypothèse d’intangibilité des anciennes mesures au fil des siècles est fragile.
    D’autre part, les siècles précédant connaissaient plusieurs mesures pour le Chablais, une par mandement, sans que l’on sache au profit de laquelle s’est fait l’unification ultérieure.
    Enfin, la faucherée, utilisée pour les prés et prairie était traditionnellement estimée en Savoie à 0,4 ha.

    On compte 122 mas (lieux-dits), dont certains ont conservé le même nom aujourd'hui, et 3993 parcelles dont 40 dites au chef-lieu, aux mas Dernier l'Eglise, Sous-Vittoz, Bugnaux, Prés Communaux et Village de l'Eglise, soit une moyenne de 32,8 parcelles par toponyme...
    La population est de 750 habitants demeurant dans 151 maisons plus les chanoines et leur personnel résidant au Prieuré de Meillerie.
    65 noms de famille différents existent.

    En outre, chaque communauté devait également choisir

    "deux personnes de probité et d'expérience, capables pour estimer la qualité, bonté et fruits naturels des susdits fonds".
    Estimateurs Jean Vittoz et Gabriel Blanc, indicateurs Prosper Popon, André Clerc, Gabriel Vesin, Jean-François Ruffin, Bernard Peray et Georges Blanc.

    C'est ainsi qu'est édifié le plan cadastral de Thollon, également appelé "mappe". Peinte sur des feuilles de papier, collées sur de la toile de jute, la mappe sarde représente en couleur toutes les parcelles numérotées ainsi que les bâtiments, cours d'eau, routes et chemins, telle une photographie de la paroisse en 1731.
    La première mappe copiée fut celle de Bernex en 1729, puis Fêternes et Novel en 1730, ensuite Evian, Lugrin, Marin, Maxilly, Neuvecelle, Publier, Saint-Gingolph, Thollon ( A voir ICI ) et Vinzier en 1731 et enfin Saint-Paul en 1732. ( Meillerie dépendant de Thollon et Champanges étant annexe de Larringes).
    L'échelle utilisée fut 1/2400 soit 1cm sur le papier correspond à 24 mètres, ainsi la mappe de Thollon couvre une surface de 6,40m².
    En raison de ces dimensions extraordinaires, et de leur fragilité et mauvais état de conservation, les mappes abîmées ou ayant plus de 6 m² ne sont pas communicables.
    Les Archives de la Haute-Savoie conservent 286 mappes « originales » (c’est-à-dire le plan parcellaire sorti des mains du géomètre) et 307 mappes « copies », c’est-à-dire la version de deux ans postérieure, mise en couleurs aquarellées au lavis, selon la nature de l’utilisation des parcelles : rose (édifice toute nature), jaune (jardin), brun clair à stries plus foncées (champs), vert pâle (près ou pâturages, avec figuration des arbres pour les parties boisées), vert émeraude (les ruisseaux), blanc (chemins et places, correspondant à 316 communes de l’époque.

    Sans légende, mis à part les numéros de parcelle, la mappe ne s'utilise qu'avec le registre ou tabelle indiquant pour chaque propriétaire, classé par ordre alphabétique, le numéro de ses parcelles. En plus du numéro des pièces de terre et du nom du propriétaire, la tabelle fournit, pour chaque parcelle, l'emplacement (hameau, sous-hameau, ou lieu-dit), la nature du bien (maison, cour, four, moulin, grenier, grange, chapelle, place, pré, pâturage, champ, jardin, bois, broussailles, chenevier, teppes, ravines, rocher...), le degré de bonté qui indique le produit brut de la parcelle, c'est à dire, la qualité agricole du sol et son niveau de rendement (la terre est de niveau un, deux ou trois, du meilleur au moins bon), sa superficie en mesures de Piémont (journaux, tables, pieds), en mesure de Savoie (journaux, toises, pieds), l'estimation en argent de la terre (calculée en fonction du rendement de la terre et du prix des denrées dans la localité) et le revenu net que rapporte la parcelle à son propriétaire, déduction faite des frais de semences et de culture ainsi que du paiement des droits seigneuriaux. Une fois obtenu le revenu des terres de chaque propriétaire, on calcule le montant de la taille due par ce contribuable.
    Se rajoute le cottet à griefs, cahier contenant les réclamations formulées par les intéressés lors de l'affichage durant quinze jours dans la communauté, du cadastre préparatoire, pour procéder aux dernières vérifications et rectifications avant rédaction de la tabelle définitive. Il est généralement annexé au livre d'estime ou à la tabelle préparatoire.
    La valeur de chaque terrain était bien quantifiée en fonction de sa nature, ainsi la valeur des broussailles en fascines, le bois perchette par douzaines, le bois noir et le sapin par pièces, les châtaigniers, le seigle et le froment en quintal. Il y avait une différence entre le foin des marais et le foin des champs et des près ou foin de boeuf !

    Il a fallu ensuite faire vivre ce cadastre, qui est une photographie des propriétés à un instant précis. C’est le Conseil de la communauté et son Secrétaire qui sont chargés de conserver le cadastre, et surtout de consigner les mutations, à l’aide du Livre journalier et du Livre des transports.
    Enfin, lors de la cadastration, sont également répertoriés les biens communaux. Ce document est donc une véritable mine d'or pour l'histoire locale permettant, entre autres, de comprendre la structure du parcellaire foncier

    CARACTERISTIQUES DE LA PAROISSE et annexe [22] en 1730

    Surface de la paroisse 4794 journaux
    Surface de la Mappe 6,40m²
    Nombre de parcelles 3993
    Nombre de mas 122     [11]
    Nombre de propriétés 530
    Géomètres Thomas Brandisso, Jean Fresia, J-B. Boucheti
    Trabucants Jean-Pierre Crosa, J-A. Pettiva, Jean-Pierre Brandisso
    Estimateurs Jean Vittoz, Gabriel Blanc
    Indicateurs Prosper Popon, André Clerc, Gabriel Vesin
    J-F. Ruffin, Bernard Péray et Georges Blanc
    Chatelain Hyacinthe Cachat
    Nombre de griefs 33
    Nombre de propriétaires nobles 2
    Nombre de femmes propriétaires 14
    Nombre d'habitants 750
    Nombre de communiers 522
    Le plus riche propriétaire Abbaye Saint-Bernard
    Culture dominante Pâturage
    Mas le plus étendu Mémises
    Parcelle la plus étendue Pâturage à 1251 journaux à Mémises
    Surface de l'église 32,5 toises
    Surface du cimetière 79,4 toises
    Nombre de chalets 10
    Nombre de moulins 4
    Nombre de fours 19
    Nombre de greniers 10
    Nombre de maisons & masures 167
    La plus vaste 109 toises à Recard bien de Donnet Jean
    Biens communaux 2700 journaux

    LES PRINCIPALES FAMILLES PROPRIETAIRES

    Les Blanc 743 parcelles sur 256 journaux
    Les Jacquier 352 parcelles sur 158 journaux
    Les Vesin 387 parcelles sur 156 journaux
    Les Vittoz 368 parcelles sur 126 journaux
    Les Cachat 309 parcelles sur 105 journaux
    Les Péray 236 parcelles sur 104 journaux

    LES PARTICULARITES

    Réservoir, capite et deux châteaux
    Un battoir (endroit de trempage des fibres de chanvre pour son écrouissage) à Bunioz est le bien de Cachat Bernard.
    Le réservoir, à Meillière, d'une surface de 5,1 toises, appartient à l'Abbaye de Saint-Bernard.

    Les bords de lac
    Le lieu-dit le Maupas sur la paroisse de Thollon fait la continuité de la rive lugrinoise, parcourant 82 parcelles réparties sur 14 mas. Sur les trois premiers mas de Maupas, Crosetaz et Ravine entre lac et le chemin on rencontre successivement un bois de fayard, un bois de châtaigniers, une teppe, des broussailles, un champ et deux prés.
    Au niveau du village de Meillerie, plusieurs jardins murgers, placéages, une grange et deux maisons appartenant à Péray Bernard et Vittoz François.
    Un sentier sépare Meillerie au Bois Lugrin présentant diverses parcelles de teppes, pâturage, jardins, cour et châtaigniers. Ensuite les deux prés sur le mas de La Chenalère où la voie de communication longe à nouveau le lac. Sur le mas suivant dit de La Chapelle s'élevait l'église entourée du cimetière et de deux prés. De l'autre côté du ruisseau on trouve les châtaigniers de Pré Fornay, Osche, Pierre Plate et Mies. A nouveau, le chemin s'écarte de la rive et le mas de Trivié descend jusqu'au lac avec un immense bois de fayards. Suivent quatre parcelles de broussailles aux Esserts et le chemin replonge vers le lac bordé de broussailles et châtaigniers toujours aux Esserts.
    Au mas des Rasses, broussailles, pré, pâturage et un chalet aux confins de la paroisse sont les pieds dans l'eau et adossés au chemin.

    Voir cadastre


    LA PAROISSE

    Les biens d'église représentent en 1730 : 10% des terres

    Tous les biens déjà possédés par l'église en 1588 sont exemptés de la taille et on les intitule biens écclésiastiques. Toutes les cures sont propriétaires de l'église et du cimetière à l'exception de Publier et d'Evian.

    - L'Abbaye Saint-Bernard :
    Biens ecclésistiques : 73 journaux de fayard [
    12] à Mauvais Pas, une maison, deux fours, quatre granges, quatre jardins, une chanvrière, une place, une cour, la prison, un réservoir et le château en lieu et place de l'église d'aujourd'hui.
    Biens soumis à l'impôt : un bois fayard de 357 journaux à Faconaire, un bois de châtaigniers de 11 journaux à Pré Fornay, un pré de 16 journaux aux Etallent, une grange, une maison, et une cour à Raber.

    - Le Prieur de Saint-Bernard possède une maison et un pré à Bugnaux.

    - Les Révérends pères de Saint-Bernard possèdent trois chalets dont deux à Mémises et un aux Rasses, un moulin en biens ecclésiastiques et deux parcelles de pâturage pour 8 journaux soumises à l'impôt.

    - La Cure de Thollon détient 22 parcelles sur 14 journaux, dont 12 parcelles ecclésiastiques parmi lesquelles une parcelle de chanvre, la plus grande du Pays d'Evian, (surface : 1 journal et 273 toises), le presbytère, d'une surface de 34,2 toises avec jardin et placéage, l'église et le cimetière.

    Meillerie, Eglise priorale
    Au prieuré des Bernardins (sous le vocable de Maison du Mont-Joux du pré) fut jointe l'église dédiée à Sainte Marie. Alors simple hameau de la paroisse jusqu'en 1803, de la petite priorale augustinienne Saint-Bernard-de-Menthon de Meillerie, ne subsistent que le choeur du XIIIe siècle et le clocher latéral en façade. Meillerie dépendait en 1160 pour partie de l’abbaye d’Abondance et de l’hospice du Grand Saint-Bernard. Le choeur à deux travées barlongues est éclairé par deux baies doubles à lancettes polylobées sous une rosace. Les travées sont séparées par un doubleau de section carrée. Les deux tores des ogives sont séparés par une gorge. Ces ogives reposent sur des colonnes d’angles dont quelques chapiteaux présentent des crochets, elles se croisent sur des clés sculptées, l’une d’un Christ en gloire, à l’est, l’autre de l’Agneau crucifère, à la première travée.

    Les membres du hameau de Meillerie, siège du prieuré, dépendant juridiquement de la paroisse de Thollon, ont pris l'habitude de ne plus remplir leurs devoirs paroissiaux avec ponctualité. Ils préfèrent utiliser les services de l'église priorale. Grimper 500 mètres de dénivelé chaque dimanche et chaque jour de fête pour aller à la messe quand on a une église à sa porte ! Le curé de Thollon se plaignit des infidélités des gens de Meillerie, lors de la visite de 1443. L'évêque ordonna à ceux-ci, de remplir en tous points leurs devoirs de paroissiens de Thollon, avec quelques adoucissements : pouvoir être enterré au cimetière du prieuré et, par mauvais temps assister à la messe à Meillerie. Les vieillards, les malades et les faibles recevaient cette autorisation de façon permanente.
    Visite 1443-1445, f.245 V.
    En fait, si l'on prend le temps de réfléchir à la situation : assiter à la messe à quelques heures de marche représente un bel effort mais, opérer des sépultures au cimetière paroissial, par tout temps ! Affaire de temps, de distance, de l'état des sentiers à travers la forêt. De quoi se plaindre, l'hiver, d'être "empêchés de porter les morts à la sépulture, et forcés de garder les cadavres dans leur maison, pendant plusieurs... jours.", en attendant la fonte des neiges.

    A Meillerie, une chapelle dédiée à Saint-Antoine, avait été édifiée au bord du lac par les habitants du hameau de Thollon en raison de l'éloignement de l'église paroissiale sur les hauteurs de Thollon. Les habitants de Meillerie désiraient enterrer leur mort sur place. Mais la chapelle était dépourvue d'ornement, sans revenu ni fondation. Joseph Roch, curé plébain [23] d'Evian, originaire de Thollon a offert une fondation pour l'entretien de cette chapelle à la grande gloire de Dieu. En cette zone frontière, les habitants ont besoin d'être défendus contre les hérésies venues du Pays de Vaud et de Genève lors des échanges commerciaux.

    Le Révérend Jacques, fils de feu Jacques Roch désigne et cède en faveur de la chapelle de Meillerie au révérend Jacques François Bernaz, curé moderne de Thollon, et à ses successeurs deux obligations signées en faveur de Jacques Roch, une contre Antoine Laurent de Neuvecelle du 5 décembre 1712 pour un capital de 300 florins et la cense annuelle de 16 florins 6 sols et l'autre contre Joseph Marchand et ses fils, portant sur la somme de 100 livres et la cense annuelle de 5 livres du 16 juin 1729. Les témoins requis furent le curé de Thollon : Bernaz, le curé de Lugrin : de Compois et le bourgeois : de Thonon Jordan habitant Evian et bien sûr le Révérend Jacques Roch.

    Quelques différends survenaient fréquemment entre les diverses branches de l'administration si compliquée de l'Eglise. Alors en effet, on se disputait la possession d'une église , ou plutôt le haut patronat exercé sur elle, et les revenus fixes ou casuels qui y étaient attachés : un couvent ou monastère réclamait la supériorité sur un autre, et ces querelles de suprématie spirituelle, habituellement compliquées par l'intérêt pécuniaire qui y était attaché, n'étaient guères moins vives que celles qui s'élevaient entre les seigneurs temporels.

    C'est ainsi que nous voyons en 1154, Amédée de Clermont, évêque de Lausanne, commis par le pape Eugène III pour statuer sur les réclamations du couvent de Montjou ( Montis Jovis) soit du Grand Saint-Bernard, contre le prieuré de Meillerie, décider, d'accord avec l'évêque Ardutius, diocésain de Meillerie :

    1° - qu'il y aurait entre ces deux maisons, confraternité de prières et d'aumônes ;

    2° - que quand le prévôt du Saint-Bernard se trouverait à Meillerie, il y exercerait les droits du prieur, à condition de n'introduire et de n'exclure aucun religieux, et de ne pas aliéner les biens du couvent : les frères de Meillerie conservent d'ailleurs le droit d'élire leur propre prieur.

    L'église paroissiale
    L'église de Thollon figure dans une bulle du pape Eugène III qui confirme à l'abbaye d'Ainay, de Lyon, les possessions qu'elle a dans divers diocèses, en particulier dans ceux de Genève, de Lausanne et de Sion. (Bibliothèque de Lyon (fonds Coste), Grand Cartulaire d'Ainay, fol. XXII
    Notes : La date est rédigée ainsi : Rome, 1152 (1153), février 26).

    Transaction entre l'évêque et le chapitre de Genève, d'une part, et le prévôt et le monastère du Mont-Joux, de l'autre, au sujet de quelques églises.
    Index des lieux Brenthonne (église, FRA) ; Filly (abbaye, FRA) ; Grand Saint-Bernard, (hospice) ; Grand Saint-Bernard, (maison) ; Lugrin (église) ; Marin (église, FRA) ; Meillerie, (église, couvent, maison, FRA) ; Saint-Loup (localité, Versoix GE) (église) ; Thollon (FRA) (église) ; Thonon (FRA) ; Vinzier (FRA)
    Mémoires et Documents de Genève, tom. II, 2e partie, pag. 48 - Notes - La date est rédigée ainsi : Thonon, 1191.

    En 1191, les évêques de Maurienne, de Sion et d'Aoste, et les abbés de Saint-Maurice et d'Abondance, terminent le différend qui existait entre ce même couvent du Grand Saint-Bernard, et l'Eglise de Genève représentée par son évêque Nantelme et par son chapitre. L'objet de la discussion, c'étaient des églises situées dans le diocèse de Genève, auxquelles prétendaient chacune des parties litigantes : il fallait que les droits de la maison du Grand Saint-Bernard fussent bien positifs, puisque malgré l'inconvénient qu'il y avait à soustraire tant d'églises au patronat direct de l'évêque diocésain, les arbitres lui adjugèrent, moyennent 7 sols (20 sous genevois) annuels dus à l'évêque de Genève, six des huit églises contestées, savoir celles de Meillerie déjà mentionnée, de Marin, Thollon, Branthonex, Vinzier et Saint-Loup : l'évêque eut pour sa part l'abbaye de Filly, et le chapitre , l'église de Lugrin.
    Lorsqu'une des églises ainsi dévolues au prévôt du Saint-Bernard, devenait vacante, il choisissait le prêtre destiné à la desservir, et le présentait à l'évêque, qui ne pouvait lui refuser l'institution canonique, s'il n'avait de justes motifs contre sa personne.

    Mais en 1250, par une bulle du 17 novembre, le pape Innocent IV confirme à l'Abbaye d'Ainay à Lyon, ses possessions, notamment celles situées dans les diocèses de Genève, de Lausanne et de Sion et la possession de l'église de Thollon. L'ordre ne paraît pas avoir joui longtemps de la donation, car en 1286, elle se retrouve à nouveau sous la possession du Grand Saint-Bernard.

    En 1286, une bulle d'Honorius IV, confirme les droits et privilèges de l'hospice de Saint-Bernard du Mont-Joux, au diocèse de Sion.

    [...] Les droits et biens mentionnés comme étant dans le diocèse de Genève sont les suivants : L'église de Sainte-Marie de Meillerie, avec la villa du même lieu, ainsi que la juridiction temporelle sur les hommes qui y habitent; l'église de Marin ; la grange de Vigny; le droit de patronat sur les églises de Saint-Michel de Tholon, de Germagny et de Novel; des hommes à Concise; la chapelle dite de l'Aumône (cellam que dicitur Elemosina) à Rumilly en Albanais; enfin l'église de Saint-Loup à Versoix. - Les autres diocèses dans lesquels le Saint-Bernard a des possessions ou des droits, sont ceux de Sion, Lausanne, Bâle, Aoste, Yvrée, Novarre, Turin, Besançon, Langres, Autun, Trèves, Reims, Metz, Auxerre et Londres.
    M. D. G. t. XV, part. 2, n° 23. - A l'exception de Rumilly, de Germagny et de Versoix, toutes les localités mentionnées dans cette bulle se trouvaient en Chablais. Notes Citation du texte : Datum Rome, apud sanctam Sabinam,.... tertio idus Junii, indict. XIIII, incarn. Dom. anno MCCLXXXVI, pontificatus vero Domini Honorii Pape IV, anno secundo. Archives de l'abbaye de Saint-Maurice Côte REG 1240 11/06/1286
    Les droits et les biens mentionnés comme étant dans le diocèse de Genève sont les suivants : L'église de Sainte-Marie de Meillerie, avec la "villa" [
    27] du même lieu, ainsi que la juridiction temporelle sur les hommes qui y habitent; le droit de patronat sur les églises de Thollon et de Novel. [28]

    L'église paroissiale (cadastre N°637), est dédiée à Saint-Michel Archange dont la fête se célèbre le 29 du mois de septembre, mais la vogue a lieu le 16 août, jour où l'on exposait les reliques de Saint-Roch de Montpellier que nos ancêtres invoquaient avec confiance, datant sans doute d'époques anciennes, quant les épidémies dévastaient des populations entières.
    Parti jeune pour un pèlerinage à Rome, il a soigné, tout le long du chemin les malades de la peste, grâce à ses capacités de guérisseur, l’épidémie sévissant alors partout en Europe. La légende veut que, sur le chemin du retour, ayant lui-même contracté la peste et souffrant d'un énorme bubon à la cuisse, il se serait retiré dans un bois près de Plaisance, en Italie, avec son chien pour seule compagnie. Chaque jour, l'animal revenait avec un pain. Puis un ange le guérit miraculeusement. Son culte naît dès la fin du XIVe siècle, et prend son essor avec rapidité, pour devenir, à partir de la fin du XVe, et surtout au XVIe siècle le saint antipesteux le plus vénéré en Europe, sinon le seul.
    Depuis, lors de cette fête patronale de la paroisse, les petits enfants thollogands défilent en procession afin de faire bénir les pains briochés ou safranés, qui seront découpés et distribués aux fidèles lors de la Communion.
    A Thollon, le saint était aussi invoqué contre les maux de ventre, les hernies et les maladies contagieuses en général.

    A partir du XVème, nous pouvons suivre l'histoire de nos paroisses grâce aux verbaux des visites épiscopales. L’édit d’avril 1695, obligeait les évêques à visiter tous les ans une partie, au-moins, de leurs diocèses et à faire visiter le reste par leurs archidiacres ou autres. Les procès-verbaux de ces visites épiscopales sont souvent une source fort curieuse de renseignements sur la vie morale, religieuse, et même sur la vie économique des paroisses.
    Les prêtres des paroisses ne recevaient pas de traitement des autorités ; les baptêmes, mariages et sépultures ne donnaient pas lieu à rétribution. Les curés et vicaires étaient entretenus au moyen des revenus du bénéfice attaché à la cure.
    Il fallait pour être pourvu d’une cure, avoir vingt cinq ans d’âge et être ordonné dans l’année. Etre gradué était une condition nécessaire pour être pourvu d’une cure dans une ville murée (déclaration du 3 mars 1551), mais non pour en avoir une de campagne. Les curés, surtout ceux de campagne, exerçaient alors une influence considérable dont les cahiers de paroisses de 1789 portent fréquemment la trace. Ils la devait non seulement à la vivacité encore très grande des croyances religieuses mais aussi à ce fait qu’ils étaient souvent dans les paroisses les seuls à savoir lire et écrire, aux charités qu’ils distribuaient quand ils en avaient le moyen, à la part considérable qu’ils prenaient, ne fût-ce qu’à cause de la dîme. Ils tenaient les registres de l’état civil. Ils pouvaient recevoir les testaments en présence de deux témoins, à leur charge des les déposer chez un notaire aussitôt après décès du testateur. L’école, lorsqu’il en existait, était sous leur étroite dépendance. Il était à l’occasion l’auxiliaire de la justice pour faire découvrir le coupable. Dans toutes les assemblées qui se tenaient dans sa paroisse, soit pour la réédition des comptes du trésorier, soit pour l’élection du syndic, soit pour la désignation du maître d’école, soit pour l’approbation de la sage femme, il avait une place prépondérante. Rien de ce qui se passait au sein de sa population ne lui était étranger.

    Quand les paroissiens avaient acquitté la dîme, ils n'étaient pas quittes envers leur curé. Ils devaient encore payer le clerc, pourvoir à l'entretien de l'église et fournir tous les meubles, vases ou ornements religieux. L' autorité épiscopale veillait attentivement au maintient de tout ce qui regardait le bénéfice ou le culte et, comme les paroisses étaient nombreuses et peu peuplées, les charges religieuses devenaient très lourdes pour les fidèles dont la plupart vivaient déjà dans la gêne ou la misère.

    Les Bernois confisquèrent le bénéfice. Les paroissiens n'eurent à payer, pendant cette période d'occupation Bernoise, que la dîme ; jusqu'en 1564, date à laquelle le Chablais redevint propriété du duc de Savoie, ils n'eurent plus à supporter les autres charges religieuses. Entre 1564 et 1589, il n'y eut pas de religion officiellement prêchée et pratiquée, les autorités s'opposant à l'exercice du protestantisme et le catholicisme n'étant pas rétabli encore. Les paroissiens, demeurèrent semble-t-il assez indifférents puisqu'ils négligèrent totalement l'entretien des édifices religieux. En 1589, quand les délégués de l'évêque et du Duc de Savoie vinrent constater l'état des églises et des bénéfices de Chablais, ils trouvèrent les temples délabrés, les presbytères ruinés, les cloches disparues, vendues ou engagées. En certains lieux les habitants s'étaient même emparés des matériaux des églises, tuiles, boiseries, pierres d'autel et fonts baptismaux. En septembre 1594, François de Sales fut chargé de rétablir le catholicisme en Chablais, mais les paroissiens ne mirent pas à se convertir le même empressement qu'en 1536. Ce n'est qu'à partir de 1598 que les Chablaisiens commencèrent leur retour au catholicisme , le prêtre s'installant dans le village.
    Rappel : Ce paragraphe ne concerne pas la paroisse de Thollon, puisque sous protection valaisanne, rive droite de la Dranse...

    La chapelle Saint-Roch, dans l'église de thollon, avait été fondée le 19 mai 1703 par le Révérend Jacques Roch plébain d'Evian.
    La construction d'une nouvelle église devint nécessaire au XIXème.

    L'église actuelle a été construite sur le même emplacement que la précédente. De 1819, commencement des travaux par les maçons, jusqu'en 1823.
    Elevée sur un terrain appartenant au bénéfice du curé sous le numéro 638 du cadastre ancien. L'église est placée au milieu du cimetière appartenant au même bénéfice sous le N° 637. Le nouveau cimetière ne sera construit qu'en 1927. Elle a été érigée sur le plan de l'église de Champanges (Bien qu'appartenant à la paroisse de Larringes, le village de Champanges eut, dès le moyen âge, un lieu de culte particulier, l'ancienne chapelle Saint-Martin, à Larringes). , dans les conditions réglées par les lois de cette époque. Le chœur est carré et la nef possède deux travées. Le clocher est construit au-dessus du chœur. Elle a été consacrée le 22 juillet 1825 par Monseigneur de Thiollay.
    Si l'on met à part les quelques églises anciennes du Moyen Age et du XVIIe siècle, toutes en Savoie furent reconstruites, soit à la fin du XVIIIe, soit au XIXe siècle, dans le style néo-classique sarde jusqu'en 1860, puis dans le style néo-gothique

    Les murailles sont protégées à l'extérieur par des tavaillons [13] placés en 1851. Le clocher, assez élevé, fut achevé en 1840 (le 9 juillet 1829, un terrible orage emporta une partie de la toiture)

    Le clocher
    Le clocher est composé de 5 cloches de différentes grosseurs. Les voici avec leur année de fabrication, le maire et le curé de l'époque, puis les parrains et marraines :

    1. 1895
      Vesin Marie, maire
      Saint-Roch Révérend Louis Chevalier, curé
      Parrain : Roch François, curé de la Côte d'Arbroz
      Marraine : Mademoiselle Roch Julienne.
    2. 1802, 30 juin
      Dufour, maire
      Révérend Maurice Michoud, missionnaire
      faite par Dreffet, fondeur.
    3. 1828
      faite par Jean-Louis Galois, fondeur à Morges, Suisse.
      Parrain : Cachat Amédée
      Marraine : Cachat Joséphine, née Ribbaz.
    4. 1895
      Vesin Marie, maire
      Révérend Louis Chevalier, curé
      Parrain : Chambat Joseph
      Marraine : Chambat Jeanne.
    5. 1895
      Vesin Marie, maire
      Révérend Louis Chevalier, curé
      Parrain : Jean-Marie Jacquier, abbé
      Marraine : Vesin Lucie.

    Bénédiction de la cloche au nom de Saint-Michel
    L'an 1802, le 29 juillet jeudi 10 thermidor an X, Monsieur Bouvet, supérieur des missions dans le Chablais, fit dans l'église paroissiale à 9 heures du matin au grand concours de toute la paroisse, la bénédiction de la cloche au nom de Saint-Michel qui fut présentée par le Révérend Maurice Michoud, missionnaire de Thollon, et par Andréaz Cachat, épouse de  Guillaume Gaillet  de Thollon.

    Signé Maurice Michoud, missionnaire

    La cure
    Echange de terrain pour la construction du presbytère de 1833.
    Selon les actes des 23 mai et 5 juin dernier le Révérend François Bernex, recteur de Thollon, a acquis et fait les échanges d'immeubles qui y sont relatés avec les François feu Gabriel Bochaton, Guillaume Gaillet et François Vesin. Il résulte de ces actes savoir en premier lieu, que le dit recteur a obtenu, en échange ou par permutation du dit Bochaton, une pièce de terre en culture indiquée sous partie N° 58 et 59 et qu'il est parvenu au dit Bochaton en échange sur le terrain ou existait l'ancienne cure N° 635, 636, et 639.
    En second lieu par l'acte du mois de juin en résulte que le dit curé a acquis de  Guillaume Gaillet  et François Vesin, l'avoir du premier : trois toises et demie en longueur sur trois toises en largeur à prendre au couchant sur le N° 57 et quant au dit Vesin François, une autre partie de terre au même lieu.
    Le curé ayant demandé à être autorisé à faire cet échange, Monseigneur d'Annecy répond : il ne saurait y avoir de doute que l'emplacement de la cure et du jardin appartiennent au bénéfice et qu'on puisse disposer sans l'autorisation de l'ordinaire.

    Bénéfices et revenus du curé de Thollon

    1. Comme usufruitier le revenu consiste en maisons d'habitation, cours, jardins, prés, vignes, champs et bois, sur la mappe de Thollon, de Lugrin et de Neuvecelle dont le revenu total est d'environ 97 livres et trente sols.

    2. Le curé perçoit 15 coupes de froment (mesure d'Evian). Les fermiers de la Sacrée Religion placent 200 florins qu'ils percevaient auparavant, ce qui devient un objet auquel fut mêlé le baron de Blonay, et cela par une sentance arbitrale du novembre 1672, rendue entre le révérend prévôt du Saint-Bernard et le curé de Thollon (Humbert MUGNIER de juillet 1670 à fin 1688). Les 15 coupes de froment furent adjugées à ce dernier pour supplément de sa portion.

    3. Il perçoit les premières de chaque fenaison qui consistent en une gerbe de froment et une gerbe d'avoine ou du bétail pour ceux qui sont plus importants, et deux quarts ou une bichette de noix ou de châtaignes pour ceux qui ne cultivent pas, ce qui rend à peu près au curé 12 repas de froment et autant d'avoine en environ 24 coupes tant de châtaignes que de noix.

    4. Il perçoit la dîme de chanvre qui consiste en une poignée perçue dans chaque maison, mais les habitants ont la charge de l'entretien des cordes des cloches.

    5. Il y a aussi, les novales [24] ou nouvelles, à la côte onzième du froment et de l'orge semés après le fumier, ou deux années après la culture dans toute la paroisse, ce qui peut rendre annuellement une coupe et demie de froment et autant d'orge ou de bétail.

    6. Presque tous les champs de Lajoux étaient exempts de la dîme à titre de possession et comme le commandeur de Ripaille y avait renoncé, le curé percevait cette dîme, dont le revenu s'élevait à six livres environ. La dîme était donc généralement perçue dans la paroisse à la côte onzième par les chevaliers de la Sacrée Religion (Montjoux). Elle était ramassée en gerbe sur le champ et les lots divisés en trois parties, les deux tiers appartenaient aux chevaliers avec l'obligation de donner 15 coupes de froment au curé, l'autre tiers étant le partage de Monsieur de Thollon, c'est-à-dire en 1765 Monsieur Dunand. En 1788, Monsieur Louye, curé de Thollon évalue le tiers de la dîme à 120 livres.( A voir + détails )

    7. Il perçoit enfin, trois livres de beurre par fruitière, pour la bénédiction des chalets de Mémise.

    Les décimateurs (Personnes ayant le droit de lever les dîmes, dixième partie des fruits de la terre, que l'on payait à l'Eglise ou au Seigneur et Paulier (Personne assistant le Décimateur pour la perception des dîmes) ont à leur charge l'entretien du choeur de l'église. Le clocher et la lampe du sanctuaire sont à la charge de la paroisse. Monsieur Briord accorde 40 jours d'indulgence à tous ceux et celles qui donneront de l'huile pour tenir la lampe ardente. Le curé est chargé du maintien des bâtiments du presbytère, comme du luminaire tous les dimanches et fêtes, lequel devra toujours être constitué de cire excepté le 1er et 3ème dimanche où il est fourni par les confréries du Saint-Sacrement et du Saint-Rosaire. Il est dit dans la visite pastorale, le 6 août 1706, que le clerc est entretenu par ce qu'on lui donne, en portant l'eau bénite dans les maisons et avec l'obligation de servir le curé dans ses fonctions.

    Le marguiller (anciennement avait la charge du registre des pauvres dans les paroisses. Pendant un an, il a pour fonction de sonner les cloches de l'église "tant pour tous les offices divins et cérémonies de nôtre mère l'Eglise que pour toutes les nécessités du tems". Plus tard, membre du conseil de fabrique chargé d'administrer les biens de la paroisse dans le cadre du concordat. Les marguilliers comptables sont obligés de rendre tous les ans compte de leur administration aux archevêques ou évêques du diocèse, ou aux archidiacres, quand ils font leur visite dans la paroisse.) est entretenu par la paroisse ; le curé doit lui donner à diner les jours solennels et quand il y a 5 mèches d'offrandes les dimanches, il lui en donne une et quand le nombre de 5 n'y est pas, il n'en a point. Il doit sonner l'angélus le matin, à midi et le soir, pour les offices et pour le temps de la visite de 1765. Et ce que le clerc perçoit est douze sols de chaque faisant foi, ou du pain en portant l'eau bénite.

    Chef-lieu en 1917

    Origines des principaux villages
    Les hameaux se sont dispersés en se mettant, tant bien que mal, à l'abri de la bise sur le plateau déprimé en son centre, et en évitant les parties plus ou moins marécageuses. Constatons que patronyme et lieu d'habitation sont souvent liés, surtout dans nos villages. Il est très difficile de déterminer si le lieu dit a donné son nom à la famille qui y habite, ou si c'est l'inverse qui s'est produit :


    Lorsqu'on a procédé en 1873 au partage des biens communaux avec la section de Meillerie qui venait d'être érigée en commune (1803 au spirituel, au civil en 1860- grâce à l'activité du maire Mr. H.Julliard), on fit 4 lots qui furent tirés au sort.
    De cette façon, les habitants de Meillerie ont obtenu sur le territoire de Thollon, la moitié des bois et des pâturages communs.
    De leur côté, ceux de Thollon ont conservé sur le territoire de Meillerie la moitié occidentale de la carrière de la Balme, que la commune loue à raison de 5.000 francs par an.
    Les montagnes de Mémise, Cornien, Blanchard et dépendances étaient indivis entre Lugrin, Meillerie et Thollon.
    En 1836, Lugrin avait reçu en partage Cornien et Blanchard.

    Voir cadastre


    LA COMMUNAUTE

    Les biens des communautés représentent en 1730 : 36% des terres

    Dans chaque paroisse, on distingue deux catégories de communaux : les communaux cultifs et les fonds communs.
    Les possédés cultifs ou possédés particulièrement sont les édifices utilitaires , fours, pressoirs, moulins ou des champs, pâturages, jardins, vigne affermés à des particuliers pour la communauté. Leur valeur agricole est assez élevée, mais leur étendue faible.
    Les fonds communs destinés à l'usage commun en général consistent en marais, broussailles, terres incultes exploités collectivement. Leur superficie est toujours supérieure à celle des fonds "cultifs", mais elle contient une bonne part de non-valeur.

    A THOLLON et son annexe de Meillerie (1730).
    La Communauté pour les fonds cultifs possédés particulièrement : une grange à Planchamp et un chalet à mémise.
    La Communauté pour les suivants fonds communs destinés à l'usage commun :
    271 journaux de broussailles  [
    15], 581 journaux de pâturage, 340 journaux de rocher, 21 journaux de teppes  [16], 23 journaux de gravier ou mugier, du bois noir (sapins), une chenevière, un four, le cimetière et l'église situés au mas de La Chapelle à Meillerie.

    La communauté de Thollon possède sur Lugrin 20 journaux en broussailles et champs.
    Les trois N° suivants sont indivis avec la Communauté de Lugrin :
    2825 Brousailles A Mémise 91 journaux
    2826 Rocher A Mémise 14 journaux
    2827 Pâturage A Mémise 1252 journaux

    Parcelles qui seront en litige avec LUGRIN en 1858.
    891 1/2 Blanchard Pâturage 123 journaux 043,1 toises
    892 Blanchard Broussailles 258 journaux 333,1 toises
    894 Blanchard Grange 13,7 journaux 043,1 toises
    895 Blanchard Pâturage 17 journaux 244,4 toises
    Vittoz André
    2820
    Mémises Chalet 7 journaux 2 toises
    Grand-St-Bernard
    2823
    Mémises Chalet non précisé
    Commune de Lugrin
    2824
    mémises Chalet 23 journaux 3 toises



    L'administration
    Les chefs de la communauté prirent d'abord le nom de prud'hommes, puis de syndics[
    4]. Ils administrent, sous l'autorité et le contrôle d'un châtelain [17], représentant du Prince, le patrimoine donné, les biens acquis. Ils répartissent et collectent les impôts levés.
    Au XVIIème siècle, dans chaque paroisse, les affaires, budget, travaux, propriétés communales sont gérés par un syndic, un vice-syndic et trois conseillers élus chaque année par les « Communiers » réunis en assemblée, chaque chef de famille, homme ou femme a le droit de vote. L'admission des communiers à Thollon est du ressort des communiers eux-mêmes sans conditions préalables. Le syndic et quatre conseillers composaient le Conseil de Paroisse ou Communauté. Deux procureurs représentaient cette dernière, agissant dans certains actes, au nom de tous les habitants, notamment pour les reconnaissances de fiefs.
    Au XVIIIème siècle, le mandat de syndic ne durait qu'un an au lieu de 3, et était renouvelé par vote, en Janvier. A cette fin, le châtelain convoquait, à l'issue de la messe paroissiale, le conseil de communauté et les communiers. [5] Détail intéressant: le châtelain était toujours un notaire, et il en existait un dans chaque Seigneurie.
    Ainsi le hameau, plus que le noyau de sociabilité villageoise, est aussi le premier cadre communautaire ; la gestion des alpages, entre autres, relève de cette structure. Cette division en hameaux est bien marquée sur le territoire. L'admission à la communauté est du ressort des communiers eux-mêmes, sans condition préalable des candidats. Il suffit qu'ils versent un droit d'entrée, lequel droit est fixé par l'assemblée en fonction des avoirs du nouveau venu ou des besoins en argent de la caisse commune. Les communiers gèrent eux-mêmes la répartition de l'impôt entre leurs membres.
    D'autres personnages apparaissent, comme le secrétaire et le champier. Le secrétaire ne joue jusqu'en 1738, qu'un rôle secondaire, celui de rédiger les actes nécessaires à l'administration communale. Il tient le registre des délibérations mais ce n'est alors qu'un scribe et rien de plus. Quant au champier, ce n'est qu'un modeste garde-champêtre qui fait office de crieur public pour convoquer les conseillers ou l'ensemble des communiers.
    L'édit de péréquation du 15 septembre 1738, fait de la communauté une circonscription administrative légale et obligatoire, calquée sur un modèle unique avec un territoire fixé. Le droit de vote de l'assemblée est aliéné. En effet, l'assemblée générale qui était, à l'origine, l'organe central de la communauté, perd toute initiative et tout pouvoir. Dorénavant, le Conseil doit demander la permission à l'Intendant de la provinçe pour reunir l'assemblée générale. Celle-ci devient donc extraordinaire. L'ensemble des communiers n'est reuni que pour des faits majeurs tels que l'approbation d'une modification du règlement de police rurale ou la ratification d'un contrat d'affranchissement général. L'assemblée à toujours lieu devant l'église "à l'issue des offices divins, après le son de la cloche" et à la convocation du châtelain. Mais son rôle se limite à l'approbation des décisions du Conseil et les discussions sont rares.

    Le curé
    La charge paroissiale du curé peut se diviser en deux volets. Le premier, administratif, consiste en la gestion de la paroisse qui comprend une mission charitable au sein de la communauté. Enfin, et c'est le plus important, le curé dirige et mène la pastorale à Thollon. Celle-ci se compose des messes et de la vie sacramentaire mais aussi du cathéchisme (jeunes et adultes) à la fin des vêpres, en feront chaque dimanche une explication plus étendue, quelques fois pendant la Grand-Messe, des missions et de toute la pratique religieuse : processions, pélerinages locaux, bénédictions...
    Le catéchisme concerne donc tout le monde, enfants comme adultes, même s'il est adapté suivant que l'élève est instruit ou ignorant, adolescent ou enfant. L'enseignement dure une heure, après la messe, que le curé, "s'il se trouve du monde pour respondre doibt faire le catéchisme tous les dimanches par interrogat." Cet enseignement est oral, fait en patois, très sommaire et basé sur la répétition et la récitation.
    La mission est une prédication extraordinaire qui dure de plusieurs jours à un mois et est ponctuée de confessions, cérémonies expiatoires, de processions spectaculaires terminées par l'érection d'une croix dont la paroisse fut jalonnée.

    En ce qui concerne la partie administrative de son ministère, le curé est tout d'abord astreint à la tenue des registres paroissiaux. Au départ, ces registres recensant tous les actes de baptèmes, mariages, décés ont une préoccupation comptable, puisque chacune de ces cérémonies est rémunérée par les paroissiens. Le tout formant le "casuel". Ce n'est que progressivement, au cours du XVIIIe siècle que l'on améliore la tenue de ces registres. Cette fonction curiale est très importante. Dés que les paroissiens ont besoin de justifier leur âge (pour hériter, par exemple), ils font appel à lui pour retrouver leur acte de baptème. Le curé joue donc un rôle public et civil non négligeable, par les certificats qu'il distribue ou par les annonces qu'il fait puisque, en tant que personnage instruit, il sert aussi de relais d'information.
    La deuxième tâche "administrative" est l'entretien du luminaire de l'église :
    Le luminaire du maître autel est à la charge dudit R[évéren] Curé à la réserve du premier et troisième dimanche de chaque mois et les jours solenelles que les confréries le fournissent lequel luminaire devra toujours être de cire pure de même que celui des sépultures Mondit Seigneur interdisant toute autre cire."
    Par ailleurs, le curé participe à la gestion financière de la paroisse et des procés la concernant. C'est là, en tant que personnage important de la communauté qu'il agit. En effet, c'est au conseil de la communauté que revient cette tâche et celle-ci n'est pas reconnue comme une fonction curiale.
    Enfin, le bon curé connaissant bien ses ouailles, et étant le mieux placé pour repèrer les "pauvres honteux" qui n'osent pas mendier et qui doivent être aidés dans la plus grande discrétion, participe en indiquant, avec le châtelain et le conseil, les personnes à secourir. C'est également lui qui fait appel à la charité de l'Intendant en temps de disette et qui visite les malades en tentant de leur apporter du réconfort.

    Venons-en maintenant au rôle majeur du curé dans la pratique religieuse de la communauté. Le premier devoir proprement écclésiastique du curé, est comme chacun sait, la célébration de la messe dominicale et des fêtes religieuses. Par ailleurs :
    "Le dit R[évéren] curé est obligé [...] de célébrer ou faire célébrer deux basses messes tous les dimanches et fêtes de commandements, de chanter vêpres les fêtes solennelles et faire toutes les fonctions curiales à forme des synodales."
    La communion est un des sacrements les plus valorisés par l'église au XVIIIe siècle. On ne communie qu'une fois par an, lors de la fête de Pâques car, dans l'esprit de l'époque, la fréquente communion est réservée au Saint, mais l'acte prend une grande importance. C'est le signe annuel et essentiel et obligatoire de la fidèlité à la religion catholique. La communion pascale est donc très contrôlée par l'autorité diocésaine. Les curés doivent lui signaler les refractaires et remettre ces derniers dans le droit chemin.
    Avant de communier la pénitence est nécessaire et est mise en avant par rapport aux sacrements au même titre que la communion. Mais les trois sacrements qui ont le plus de portée dans la vie du paroissien sont le baptème, le mariage et l'extrême-onction délivrée juste avant le décés. Tous ces sacrements sont administrés par le curé.

    Quant aux fidèles, ils doivent au-minimum connaitre les sacrements, le Credo, les dix commandements, savoir dire le Pater, l'Ave Maria et le Credo. Pour la pratique, le précepte fondamental est l'assistance à la messe du dimanche et jours de fêtes. Il est rappelé expréssement que la messe doit-être écoutée intégralement, sans tumulte ni désordre, à l'intérieur de l'église et non en discutant sur la place ou dans le cimetière. Les fidèles doivent encore être encouragés à suivre les cortèges funéraires et à assister aux cérémonies de sépulture. Trois coups de cloche sont sonnés à la fin des complies pour avertir les paroissiens de s'agenouiller et de réciter trois Ave.
    Les testaments renseignent sur le comportement des fidèles devant la mort et apportent beaucoup à la connaissance du spirituel de nos paroisses.
    Ce dernier, a en effet, une importante dimension religieuse. S'il sert à déterminer le devenir des biens terrestres, c'est surtout un moyen ultime d'obtenir l'indulgence divine, et de préparer ses obsèques au-mieux, pour l'âme et le corps. En effet, la distribution des biens vient en dernier dans l'acte, après l'invocation à Dieu et ses intercesseurs, l'organisation de la sépulture et les demandes de messes ainsi que les legs charitables.

    Testament receuilli en 1730.

    Ce 22 mai 1730, après-midi au moulin du testateur et de Jean-François Peray son frère, situé à Thollon se sont constitués devant moi, notaire collègié, Ahmed, fils de feu François Peray, natif et habitant Chez les Ayres, paroisse de Thollon, lequel détenu au lit par la maladie, mais sain d'esprit, m'a dicté ses dernières volontés. Après les prières habituelles et les exhortations vaines à faire un don à l'hôpital, à Saint-Lazare ou une autre oeuvre de charité de la Province, a désigné comme héritier Jean-François, fils de feu François Peray, son frère natif et habitant Les Ayres, paroisse de Thollon, de tous les fruits et revenus pendant sa vie. Item, Françoise et Andrée, filles de feu François Péray, Françoise femme d'André Burnet et Andrée femme de Guillaume Burnet, habitant au Roseyre, paroisse de Saint-Paul, recevront cinq sols après son décès. Autres héritiers Jean Jacobé. Bernard et François fils de Jean-François Péray ses neveux. Ceci annule tous les codicilles et représente ses dernières volontés.
    Témoins Jacques fils de feu Michel Vesin, François fils de jacques Roch, Nicolas fils de feu jacques Vittoz, Jacobé fils de feu André jacquier, tous nés et habitants Thollon.
    André, fils de feu Jacques Pioton né à Saint-Paul et habitant Thollon, François fils de feu Mermet Biraud de Bernex et Barthélèmy, fils de feu François Debion de Samoëns.
    Signé : Me J. Blanc.
    Dès que le mourant a expiré, on voile tous les objets brillants (de crainte de voir le reflet de l'âme des défunts), part ensuite avertir le marguiller afin qu'il sonne le glas et avertisse toute la paroisse de la perte de l'un de ses membres. Puis on s'affaire à la toilette du mort et on prépare la veillée funèbre qui rassemble les parents et les connaissances du défunt, priant ensemble pour le repos de son âme;
    Le lendemain, le cortège funèbre vient chercher le corps au domicile. C'est à cette occasion qu'ont lieu des lamentations collectives. Le corps est transporté par des parents éloignés du défunt et si celui-ci, appartient à une confrèrie, ce sont ses confrères sous leur costume blanc à cagoule, un cierge à la main, précèdent la croix et le cerceuil, porté par d'autres membres et recouvert d'un linge, du domicile à l'entrée du cimetière.
    En effet, le curé ne fait "la levation des corps qu'à l'entrée du cimetière et quand il est prié de la faire dans la maison, il perçoit trois livres."
    En Chablais, le convoi porte une crêpe de couleur noire si la personne décédée est mariée, si c'est un enfant ou un célibataire la crêpe est blanche.
    Enfin, à Thollon comme dans tout le diocèse d'Annecy, on couvre la croix de la paroisse d'une serviette.
    Le célébrant chante le Miserere jusqu'à l'église où il entonne le Subvenite pendant que les porteurs disposent le cercueil sur des trétaux. tête tournée vers l'assistance, comme le veut la coutume. Prêtres, religieux et chantres s'installent dans le choeur, cependant que les paroissiens entrent à leur tour, se séparant, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre.
    La cérémonie se déroule sous les chants de la Messe des morts. Au dies irae (jour de colère), rares sont les assistants qui ne versent pas une larme, sinon sur le défunt, du moins sur leurs propres disparus. Le texte de ce chant, qui date du XIIIème siècle, a beau être en latin, tous savent qu'il évoque le jugement dernier et fait appel à la miséricorde divine. Puis, le libera me (libère moi) sera prononcé devant le cercueil avant l'aspersion d'eau bénite et l'encensement.
    Puis, vient la sépulture en tant que telle avec le In paradisium chanté devant la fosse ouverte. L'ensemble de la cérémonie n'est pas gratuit :
    "pour les sépultures des enfants, le curé perçoit cinq sols, le linge qui est sur la bière et à la croix, et pour celle des communians, il perçoit le drap qui est sur la bière, la serviette qui est à la croix et quattre livres quattre sols [...] et cinq sols pour chaque chandelle qu'il fournit à la sépulture."
    Enfin, le prix de la cérémonie comprend celui d'une prière hebdomadaire :
    "Quattre livres quattre sols, sur quoy il est obligé de fournir la torche de l'annuel et faire les stations tous les dimanches de l'année."
    On désigne sous le terme d'annuel, l'ensemble des cérémonies commémoratives, ayant lieu chaque dimanche durant l'année écoulée entre le décès et le premier anniversaire de la mort, appelé "bout de l'an" ou anoïe (anniversaire en patois). Les offrandes de l'annuel - sorte de viatique des morts - déposées chaque dimanche, sur la tombe, sous forme de pain, de vin, de chandelle ou de cire, sont recueillies, soit par le curé, soit par les desservants de l'église. Quant aux stations, elles désignent les prières prononcées par le prêtre, sur la tombe du défunt, durant l'annuel.
    Cette dernière est fréquemment visitée, le cimetière est un lieu de sociabilité villageoise. Entourant l'église, on y passe chaque semaine pour se rendre à l'office, on y fait paître ses bêtes...
    Une fois la sépulture terminée, a lieu le repas funéraire, au domicile du défunt, en présence des proches et amis qui ont partagé le deuil de la famille et est destiné à ressouder la communauté. Ce repas est donc un signe de reconnaissance.
    Tout ne se termine pas le jour de la sépulture. Le deuil est lui aussi associé à des rites et ponctué de cérémonies religieuses. Pour commencer les proches du défunt, ainsi que son bétail, portent, durant un an, la marque de leur deuil. En Chablais, cette dernière est assez originale :
    "comme les costumes de deuil seraient assez incommodes, dans la vie aux champs de tous les jours, les femmes portent une petite sacoche ou trousse à coudre dont le couvercle se monte en glissant le long des courroies de soutien; cette sacoche est bleue d'un côté et rouge de l'autre; cette couleur-ci étant pour la norme et le bleu pour le deuil. On tourne donc la sacoche d'un côté ou de l'autre, selon le cas."
    Quant aux vaches, on leur retire les cloches et pour ceux qui possèdent un rucher, placent un crêpe à leurs ruches.

    Les vivants intercèdent donc pour les morts, le plus souvent à leur propre demande. Les testateurs donnent une somme d'argent, pour que soient dites, un certain nombre de messes, aumônes, après leur mort pour le repos de leur âme. La première doit-être célébrée neuf jours après l'enterrement, elle est appelée : neuvaine. Mais les autres fondations sont également nombreuses et représentent un revenu important pour le curé.

    D'ordinaire, pour enterrer décemment un mort de petite condition, il faut compter une trentaine de livres ou florins, à verser au curé et à ses acolytes, porte-croix, porteur d'eau bénite, à chacun des quatre hommes qui ont creusé la fosse et porté le cercueil, etc... Sans parler des autres frais : bière, cierges, aumônes aux pauvres et confréries, repas de funérailles, frais d'enregistrement, actes notariaux, etc. Tout cela à rembourser sur l'héritage escompté à l'ouverture du testament.

    Certes, on ne peut décrire et analyser la vie religieuse d'une communauté en quelques lignes. Cependant ce tableau rapide à le mérite de brosser à grands traits le cadre paroissial afin d'en saisir l'importance dans la vie de cette époque.

    LES PRINCIPAUX
    COMMANDEMENTS DE L'EGLISE
    1 - Les dimanches messe entendras,
          Et fête de commandement.

    2 - Tous tes péchés confesseras,
          Au mois une fois l'an.

    3 - Ton Créateur tu recevras,
          Au-moins à Pâques humblement.

    4 - Les fêtes tu sanctifieras,
          Qui te sont de commandement.

    5 - Quatre-temps, vigiles jeûneuras,
          Et le carême entièrement.

    6 - Vendredi, chair ne mangeras,
          Ni le samedi pareillement.

    CATECHISME

    Sur les Quatre-Temps et les Vigiles
    Qu'est-ce qu'on appelle les Quatre-Temps ?
    R. — Ce sont trois jours, le mercredi, le vendredi et le samedi d'une même semaine, auxquels l'Eglise nous ordonne de jeûner quatre fois l'année , de trois en trois mois.
    Nota. Ces jours de jeûne sont appelés Quatre-temps, parce qu'ils arrivent quatre fois par an, comme les saisons.

    Qu'est-ce que les jeûnes des Vigiles ?
    R. - Ce sont des jeûnes que l'Eglise ordonne les veilles des fêtes les plus solennelles, pour préparer les fidèles, par la pénitence, à solenniser saintement ces fêtes.

    Sur les fêtes de commandement
    Tous les fidèles sont-ils obligés d'observer toutes les fêtes qui sont commandées ?
    R. - Oui, ils y sont obligés sous peine de désobeir à l'Eglise.
    La chose est donc de grande conséquence ?
    R. - Oui, de très grande car c'est désobeir à Dieu lui-même...

    La vie du paysan thollogand est rythmée par le son de la cloche de l'église, par la messe dominicale et le calendrier des fêtes religieuses, par la vie sacrementaire qui marque les grandes étapes de sa vie jusqu'à ses obsèques organisées par sa confrérie.
    Quant au curé, c'est une, si ce n'est "la" grande figure de la communauté.

    Les conseillers
    Après 1738, le droit de vote de l'Assemblée est aliéné. Désormais le Conseil de Thollon, composé d'un syndic et de quatre conseillers pour tout le territoire, doit se renouveler par cooptation. Le conseiller le plus ancien en charge doit prendre la place du syndic sortant et être remplacé par un des communiers choisi parmi "les plus aisés et les plus capables et plus en état" de servir la communauté. On pourrait alors penser que la direction de la communauté appartient à une oligarchie inaccesible pour les personnes moins aisées. Ce n'est pas le cas: la loi interdit aux conseillers d'avoir des liens de parenté entre eux, ce qui oblige le conseil à s'ouvrir.
    Au minimum, il n'y a qu'une assemblée du Conseil communautaire. Les dates semblent aléatoires, sauf pour la première et la dernière séance de l'année : les conseillers se rassemblent, en général, en début de printemps, après la fonte des neiges, et à la fin du mois de décembre pour l'élection de l'année suivante.

    L'an 1739 et le quinzième du mois de mai, le secrétaire a fait l'assemblée du Conseil de la paroisse de Thollon en personnes des honorables :

    Le sieur châtelain étant absent, le conseil délibère que l'on ferait porter le rôle de garde à 4 hommes de la paroisse. Les commandements du syndic et des conseillers seront partagés respectueusement comme suit : Signé : Pierre Joseph Cachat, secrétaire de la paroisse.

    L'élection de ces derniers doit être ratifiée par l'intendant. Bien que ce dernier approuve toujours le choix du Conseil, cette clause du traité illustre bien la toute puissance, au-moins théorique, de l'Intendant dans les affaires de la communauté. Une fois élus et ratifiés, les nouveaux syndics et conseillers doivent preter serment.
    "Sur les Saintes Ecritures de Dieu entre les mains dudit secrétaire et châtellain sous-signé touchées de fidellement exercé sa charge en homme de bien et s'acquitter exactement des commissions qui luy seront données et que nous lui conférons comme à ces prédécesseurs audit syndicat d'ayder à la dite paroisse de ses conseils et de rendre bon compte de son administration (le conseiller prête le même serment) ensuite a luy et audit nouveau syndic lecture leur a été faite des instructions et ordonnances à nous données par le Seigneur Intendant."
    Prêtant le même serment, il apparait clairement que syndic et conseillers ne sont plus aussi différents qu'auparavant. En effet, désormais, pratiquement rien ne distingue les conseillers de leur syndic, ce dernier étant privé de toute initiative et autorité. Le syndic n'est plus que le président du Conseil, avec les mêmes fonctions que ses conseillers et la direction de la communauté lui échappe. Il reçoit néanmoins un "gage" de vingt livres par an. Quant au châtelain, il se limite à ses fonctions judiciaires.
    Mais à qui profitent ces aliénations de pouvoir ?
    C'est le modeste scribe de la période précédente qui récupère les attributions des autres organes de la communauté : il est dorénavant le personnage puissant de l'administration communautaire et plusieurs signes l'attestent. Le gage annuel qu'il perçoit révèle son importance au sein de la communauté : il touche quarante livres soit le double du syndic. De plus, c'est entre ses mains que le Conseil prête serment, ce qui illustre sa prédominance dans l'administration. Le déroulement des séances communautaires fait également transparaître la primauté du secrétaire. C'est lui qui convoque la séance consulaire dés qu'il la juge utile. Il en a donc l'initiative. Enfin, le Conseil se tient chez lui.
    Sa tâche est immense. Il tient le registre des délibérations consulaires, il garde chez lui tous les documents importants de l'administration (mappe, cadastre, livre de mutation, de transport, pièces et titres divers...), il établit les rôles d'impositions, il gère la correspondance administrative, tient le rôle majeur au sein du Conseil... Il embrasse ainsi tous les domaines de l'administration et rien ne se fait sans lui. Le secrétaire est un agent de l'Etat, nommé par l'Intendant sur la proposition du Conseil. Par ailleurs il entretient des relations importantes avec l'Intendant et introduit habilement les idées de l'administration royale au Conseil. Il constitue donc un relais du pouvoir central répondant à la volonté centralisatrice de la monarchie sarde.
    Son rôle complexe oblige à le choisir parmi les notaires.
    En général, un Secrétaire administre plusieurs communes voisines, de 2 à 7, souvent 4 ou 5, ce qui est à la fois une source de revenus et aussi de notoriété qui permet de drainer vers son étude notariale quantité d’actes et contrats divers. L’intendant, souvent peu au fait des affaires locales, ne contrôle pas vraiment les nominations de Secrétaires, et s’en remet à l’influence des dynasties notariales. Ces dynasties notariales accaparent les postes, et en arrivent souvent à considérer ces charges comme un bien transmissible. Il est rare qu’un Secrétaire soit désavoué ou révoqué par l’Intendant. Le pouvoir du Secrétaire est encore plus absolu s’il détient en plus la charge de châtelain, donc le pouvoir de justice judiciaire. Et c’est souvent le cas, charge de notaire, châtelain, secrétaire, fermier des dîmes, commissaire d'extentes. Ce cumul est même encouragé par les Intendants afin d’éviter des heurts qui peuvent se produire si ces 2 charges sont exercées par des personnes en désaccord l’une avec l’autre.

    Le Conseil communautaire devient le relais du pouvoir central. Désormais, l'Intendant à droit de regard sur le rôle d'imposition de la communauté (levée des impôts royaux, tels la taille ou la gabelle, etc...). Celui-ci a pour but de récapituler les recettes et dépenses à venir durant l'année. Il est élaboré par le secrétaire et approuvé par le Conseil au printemps.
    La charge locale la plus lourde du Conseil est sans doute, la gestion des communaux et la règlementation de leur usage. Il a également pour tâche l'entretien des ponts et chemins. C'est une mission plus que difficile au XVIIIème siècle, et sur laquelle insiste l'Intendant, qui veut améliorer les voies de communication pour le commerce. Le Conseil communautaire, qui n'a évidemment pas les moyens techniques et financiers d'entretenir seul les routes et chemins, a recours aux habitants :
    "tous les particuliers possedans biens fonds aboutissant aux chemins (...] ont à mettre lesdits chemins en état conformément à l'article 64 (envoyé par l'Intendant) dans la quizaine."
    Ainsi, l'entretien de la voirie publique est à la charge des propriétaires des pièces attenantes aux chemins, mais le Conseil doit également veiller à ce que chaque particulier s'exécute et à la coordination des travaux. Ainsi, chaque printemps on doit faire l'état de la voirie, ne sachant dans quel état, les fortes pluies, la fonte des neiges, l'ont laissée :
    les chemins de la paroisse furent mis en état l'année dernière, mais les grandes pluyes et neges survenués du depuis ne manquent pas de les avoir endommagés et l'on ne peut sçavoir dans quel état ils se trouvent pour être encore tous remplis de neges."
    C'est pourquoi l'évocation des réparations à faire pour l'entretien des chemins revient fréquemment dans les délibérations communales.
    Vers 1740, "sur l'avis des ingénieurs Garella et Ravizzoli, on travailla sur le chemin public entre le nant de Torrent jusqu'au Locon, aux endroits les plus dangereux, surtout au Maupas, aux ponts du Locon, du Trélaon pour rendre la route plus commode à toute sorte de voiture".
    Vingt ans plus tard, l'Intendant du Chablais prescrivait aux habitants de Saint-Gingolph, Meillerie-Thollon, Lugrin, d'entretenir la route sur leur territoire, et il enjoignait à Novel d'y apporter son concours. Défense était faite d'enlever les pierres, ou de pratiquer des excavations à droite ou à gauche, sous peine de deux écus d'or (1749). Malheureusement, ces réparations étaient manifestement insuffisantes. Les détériorations se multipliant, la route en certains endroits devient impraticable: "On ne franchissait plus le Maupas qu'à pied, encore ne le faisait on pas sans danger !"
    En outre, le Conseil gère toutes les dépenses extraordinaires comme celles concernant un procès dans lequel l'ensemble de la communauté est impliquée. Le Conseil communautaire a également un grand rôle à jouer dans la vie paroissiale (entretien de l'église, recrutement du marguillier,...), ainsi communauté et paroisse s'imbriquent et se confondent.

    Les notaires
    Dépositaires de l'autorité publique, les notaires tenaient une place clé dans l'administration savoyarde.
    Nos ancêtres semblaient trés procéduriers si l'on compte tous les actes enregistrés dans les minutes des différents notaires royaux et collégiés en exercice dans nos paroisses.
    Les actes concernaient des ventes immobilières, des admodiations [
    18], ascencements [19] ou baux, des reconnaissances de dettes, des états des lieux lors d'héritages, des contrats dotaux de mariage ou cléricaux ou tout simplement l'achat ou la commande de bétail et bien sûr l'enregistrement des testaments. D'autres actes concernaient les communautés : les élections des syndics, des exacteurs, des regrettiers, des marguiliers et autres procureurs ou avocats pour défendre l'intérêt de la communauté.
    Ils avaient de nombreux tribunaux à disposition : le tribunal d'Evian, les châtellenies de Maxilly, Meillerie, Allaman ou Blonay.
    Pour dresser tous ces actes on a besoin de gens sachant lire et écrire le latin, se sont les clercs ceux qui savent lire, ceux qui ne le savent pas se sont les laïcs.
    Le plus souvent, pas de grade universitaire mais une formation pratique auprès d'un notaire expérimenté était indispensable. Il suffit en principe, d'obtenir, moyennant finances, les patentes ducales, après avoir subi l'examen qui courrone le stage, dans une étude, auprès d'un ancien. Le notariat cependant était souvent une affaire de famille entre frères, pères et fils. A cette époque, il semblerait que les notaires se fussent rassemblés en une sorte de confrérie, puisqu'ils se disent "collégiés".
    En plus de recevoir des actes, ils renovent les cadastres, jouent le rôle de banquier, ils connaissent le droit, ils déchiffrent le latin, écrivent le français, parlent le patois. Ils exercent des offices locaux, des charges de châtelain, de curial.

    La prolifération des notaires à de quoi surprendre, puisqu'ils sont aussi nombreux, ou peu s'en faut, que les curés avec un effectif de cinq cents individus à l'aube du XVIIIe siècle : un notaire pour sept cents ou sept cent cinquante habitants !
    Les premiers notaires apparaissent : Les frères Jean et Pierre Roulanz, clercs de Féternes en 1231, puis Humbert de Maxilly, clerc en 1268, Anselme Porclans d'Evian et en 1279, égrège (maître) Jean Cortay et les égrèges Pierre et Villierme Dumurat notaires. Enfin, en 1291, Jean de Russin et en 1298, Jean de Lugrin, notaires. Parfois des curés font fonction de notaires avant qu'une règlementation le leur interdise.
    En 1743, on en comptait huit à Evian, quatorze à Thonon. En 1749, cinquante-neuf notaires instrumentaient dans la province du Chablais.
    Natifs de Thollon : Me Blanc Claudy, notaire et châtelain de Lugrin vers 1620. Me Jean-François Blanc, qui aura cinq enfants qui tous parvinrent à des fonctions honorables. Deux devinrent prêtre, les trois autres notaire, l'un à Annecy, le deuxième à St-Gingolph et le cadet à Lugrin.

    Les papiers timbrés
    En France, dès 1655 un édit royal établit les papiers timbrés. Le timbrage des papiers est justifié alors par la nécessité de légaliser les actes écrits sur papier ou parchemin, cette légalisation étant assurée par l’utilisation d’un papier spécial avec filigrane et un timbre humide spécifique apposé sur ce même papier. En fait la principale raison était d’augmenter les recettes de l’Etat par la création d’un nouvel impôt indirect, l’apposition du timbre humide étant subordonnée au paiement d’un droit de timbre.
    Ce n’est qu’à partir du 19 mars 1673 qu’une déclaration du roi de France rendit obligatoire l’utilisation des papiers timbrés.
    Pour la Savoie, il faudra attendre l’année 1697 pour voir apparaître les premiers papiers timbrés, et comme pour la France, l’apposition de ce timbre humide s’accompagnait de l’acquittement d’un droit, source d’une nouvelle imposition.
    A l’origine c’était la surface du papier ou du parchemin utilisé qui fixait le montant du droit à payer d’où la notion de timbres de dimension. Ensuite, se développa la notion de taxation proportionnelle à la valeur de l’écrit, d’où les timbres proportionnels.
    En Savoie, la création de la gabelle du papier timbré correspond à une imposition supplémentaire pour financer l’effort de guerre du roi de Sardaigne. Mais comme pour tout nouvel impôt mis en place, la paix arrivant, il ne fut pas supprimé… confère un extrait de l’Edit de Charles-Emmanuel III du 19 octobre 1765 : « …Et quoique après la cessation de la Guerre nos soins se soient tournés à diminuer les impôts, que les seules urgences de celle-ci avaient rendu indispensable ; nous n’avons cependant pas cru, ni ne croyons pas encore de diminuer le Droit fixé pour ladite Gabelle, qui forme à Nos Finances un fond très nécessaire pour supporter les charges qu’elles ont encore, et qui dans son exaction, est le moins onéreux et incommode au publique… ».

    Timbre de dimension Empreinte apposée sur un original (minute) ou une copie (expédition) d’un acte notarié. Le droit perçu pour le timbre est fonction de la dimension de la feuille. Le timbre de dimension associé au filigrane du papier, et après la loi du 9 prairial de l’an IX au timbre à sec, permettent de certifier l’authenticité de l’acte. Pendant la période révolutionnaire, papiers et empreintes étaient disponibles aux greffes des Tribunaux de District.

    ORDINAIRE – TIMBRE DE DIMENSION
    Ecu à la Croix de Savoie, couronné et entouré du Collier de l’Annonciade.

    Deux lois régissent le papier timbré : l’édit du 16 mars 1742 rétabli en Savoie à la fin de l’occupation espagnole en 1748 et l’édit du 19 octobre 1765.
    Edit du 19 octobre 1765
    ORDINAIRE – TIMBRE DE DIMENSION
    Ecus couronnés aux armes de Sardaigne et de Savoie.

    Dans le cas des papiers timbrés, « Gabelle Générale » signifie taxe du monopole d’Etat.
    Le papier timbré comporte jusque vers les années 1770 le filigrane suivant :
    Ecu, à l’Aigle de Savoie, couronné et entouré de FERT de chaque côté
    forme ovale, dimensions réelles : 65 mm x 84 mm il existe aussi de forme ronde aux dimensions : 55 mm x 85 mm

    Le tabellion savoyard
    Depuis 1697, tous les actes notariés sont enregistrés par une administration dite du tabellion. Le terme de tabellion désignait en Savoie l'ensemble des actes insinués et conservés dans les bureaux d'insinuation. Par extension, il servait à nommer l'administration, chargée de la transcription et de la conservation des actes insinués.
    L’administration du tabellion s’interrompt à partir de 1792, pour reprendre dès la restauration sarde en 1815, et s’arrêter définitivement au moment du rattachement à la France en 1860.
    Le tabellion sarde est une source d'une richesse considérable permettant d'aborder l'histoire des mentalités et des familles (contrats de mariages, testaments, partages, tutelles, donations, etc.), la vie des communes (bilans financiers annuels, biens communaux, etc.), la vie économique (constitutions de sociétés, projets de moulins, de forges, etc.).
    On distingue trois catégories d'actes insinués. La part la plus importante concerne les actes civils : se sont des testaments, partages, tutelles, donations, inventaires après décès, actes de société, etc. A ces actes notariés s'ajoutent le cautionnement de passeport via l'intendance et les adjudications via le tribunal. Les actes sous seing privé sont presque exclusivement constitués de baux. Le Code sarde, prévoyant le cas où les contractants ne savent ni lire ni écrire, leur permet de rédiger un acte sous seing privé en apposant une marque en présence de témoins (art. 1 433). La marque est vérifiée en justice, comme le serait l'écriture. Enfin, les actes à l'étranger ont pour typologie des procurations, des successions.
    Les registres du tabellion sarde sont classés par bureau d'insinuation.

    L'edit des monnaies de 1717 supprime le florin (divisé en 12 sols de 12 deniers chacun) et le remplace par la livre piémontaise, divisée en 20 sols de 12 deniers chacun, sur la base du rapport : 2 livres = 3 florins. Cela entraînait une dépréciation relative de la valeur des espèces françaises, fort répandues en Savoie, et favorisait l'économie du Piémont par une politique de sous-cotation des pièces françaises, tout au long du siècle.
    La perception de la gabelle est rendue plus contraignante, par l'édit de janvier 1720 :

    Chaque communauté est taxée en fonction du nombre de ses habitants et de ses têtes de bétail, déterminés par des recensements ou consignes du sel : huit livres-poids par an par individu agé de plus de 5 ans, quatre livres pour les émigrants saisonniers, dix livres par porc à tuer, huit livres par vache laitière [...] Elle choisit aux enchères à minima un regrattier qui répartit le sel à enlever dans les bancs à sel dépendant des vingt entrepôts savoyards, entre les chefs de famille, en fonction de la composition de celle-ci et de son troupeau.
    Le bénéfice pour l'Etat, vient du prix élevé auquel ce sel est vendu, environ le double du prix de revient. Il faut ajouter la gabelle du tabac sans obligation d'achat, puis, plus tard, la gabelle du vin, du cuir, de la viande, en fait des droits indirects. (Voir chapître Taxe du sel)
    Toutes ces taxes très lourdes entraînent une forte contrebande, surtout à proximité de la frontière. Mais la grande réforme reste l'élaboration des mappes.


    Sous la période Révolutionnaire (1792 - 1798)

    Le mécontentement est général en Savoie : le poids du rachat des droits féodaux pèse lourdement sur les communautés, la vente obligatoire des biens communaux, si les communautés n'ont pas les fonds pour racheter les droits seigneuriaux, accroit les tensions.
    L'année 1788, est très mauvaise sur le plan agricole, l'hiver 1788-1789 est particulièrement rigoureux. Le pain, très cher manque parfois, entraînant des émeutes, d'autant que parfois, comme à Genève, le blé est exporté en contrebande, du Bas-Faucigny d'un côté, du bas-Chablais de l'autre. Les autorités achètent du riz et du blé piémontais pour venir en aide aux plus démunis. Le froid intense paralyse les moulins.
    La journée des Tuiles, à Grenoble, le 7 juin 1788, au cours de laquelle le peuple malmène la garnison, s'est répercutée très rapidement en Savoie par la vallée de l'Isère et Flumet, jusqu'en Chablais.
    La nouvelle de la prise de La Bastille, qui retentit comme un coup de tonnerre à travers l'Europe, se répand en Savoie du Nord à partir de Genève, fréquentée par les paysans qui se rendent au marché et par les notables pour leurs affaires. Pour les masses rurales analphabètes, la transmission est orale, les colporteurs propagent les nouvelles. Les notables eux, lisent les journaux et les libellès venus de Paris. Dans la nuit du 4 aoùt, les députés de l'Assemblée nationale française abolissent les privilèges et les droits féodaux, ce qui conforte les communautés savoyardes dans leur refus de payer les droits féodaux restants, et même parfois, à en demander le remboursement. La noblesse savoyarde est consternée à l'exception de quelques libéraux favorables aux idées nouvelles.
    La décision de la même assemblée d'abolir les dîmes, le 20 avril 1790, à compter du 1er janvier 1791, n'est pas sans répercussions.
    Mais, Jean Nicolas, fait observer pourtant qu' "il est douteux que le poids des divergences locales eût suffit à briser le lien affectif avec la monarchie sarde et l'Ancien Régime sarde, si un groupe de savoyards "démocrates" n'avait activement travaillé de l'extérieur, à l'éclatement".
    Les intellectuels et proscrits savoyards installés à Paris et acquis aux idées révolutionnaires, se sont organisés pour implanter la Révolution dans leur Savoie natale. Leurs brochures, Le réveil de la Savoie de 1791, et surtout le Cri de la Savoie vers la Liberté, pénètrent en Savoie.
    La Savoie, terre de langue française, est l'asile rêvé pour les émigrés français. Entre le noble savoyard et ses taillables, il y avait une certaine familiarité. Ce n'est pas le cas avec les nouveaux arrivants. L'archevêque de Paris est hué. D'autres émigrés de marque passent à Evian, pour s'embarquer pour Lausanne, puis de là gagner les Allemagnes : le comte de Provence, puis son frère Charles, tous deux frères de Louis XVI et gendre du roi de Sardaigne.
    Certains nobles français essaient de constituer des troupes, qui pourraient pénétrer en France et aider les révoltés contre le nouveau régime. Le roi de Sardaigne l'interdit. Le 3 février 1792, 7.000 hommes de troupe gardent la Savoie.

    Même si le royaume de Sardaigne était depuis de nombreuses années en bonnes relations avec la France et même si la Constituante avait déclaré la paix au monde, chacun des deux côtés de la frontière s’énerva et s’inquiéta des manœuvres de l’autre en vue d’une invasion, on s’arma (un peu) des deux côtés officiellement pour se défendre et en fait pour mieux menacer l’autre. D’où la crise finale de septembre 1792, la France préférant prendre les devants et attaquer en même temps la Savoie ( pour mieux empêcher une arrivée éventuelle des Autrichiens du Milanais ) et Genève ( pour ne pas laisser aux frontières une place forte indépendante et supposée pleine de munitions, d’armes et d’or. Certes la phase principale de la guerre se déroulait sur les frontières françaises du Nord et de l’Est, mais mieux valait prévenir et chercher de faciles succès à l’encontre de faibles voisins ( puisque au même moment les troupes françaises occupaient les crêtes jurassiennes de Montbéliard et du Porrentruy ,sans compter bien sûr la "libération" du comté de Nice parallèlement à celle de la Savoie )
    Le 21 septembre 1792, une armée de la République Française, sous les ordres du général de Montesquiou, forte de 18.000 hommes et renforcée par la Légion des Allobroges en cours de formation, entrait en Savoie. Devant elle les soldats piémontais repassèrent de l'autre côté des Alpes. Le duché évacué sans résistance par les troupes et les autorités piémontaises. Le Gouverneur général de la Savoie, l'Intendant général et les Intendants provinciaux, le Premier Président du Sénat de Savoie, qui sont piémontais, ont fui abandonnant archives, caisses publiques, arsenaux et armes, réserves de vivre. L'armée française va en profiter. Le haut-clergé ne quitte la Savoie qu'en octobre quant on appliquera la Constitution civile du Clergé, mais restera toujours en relation avec le clergé savoyard obligé de vivre dans la clandestinité.
    Le Secrétaire de la communauté dirige l’Assemblée Générale. Il lit le manifeste des commissaires, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui y est annexée, et le procès-verbal de la délibération de la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité de Chambéry. - A thonon, le président est Athanase Bron, un notaire d'Evian -. Puis, il invite ensuite les communiers à se prononcer sur le mode de gouvernement qu’ils souhaitent voir adopter, et à élire un député et 2 suppléants pour aller porter leurs voeux à Chambéry le 21 octobre.
    Le 14 octobre 1792, les Savoyards votent pour la première fois et entrent dans l'ère des ruptures : tous les hommes de plus de 21 ans ont le droit de vote et chaque communauté désigne son député. Le 21 octobre 1792, les 648 (ou 655 ?) députés se réunissent à Chambéry pour constituer l’Assemblée des Communes de Savoie, qui se proclame rapidement Assemblée Nationale Souveraine des Allobroges. Cette Assemblée prononce d’abord la déchéance du Roi et de sa postérité, l’abolition des privilèges, des droits féodaux, des dîmes et des gabelles, puis demande son rattachement à la France. Seules 3 communes se prononcent pour l’indépendance de la Savoie.
    Le 27 novembre 1792, la Convention Nationale accepte, après réflexion, la réunion de la Savoie à la France (« la Savoie formera provisoirement un 84ème département, sous le nom de Département du Mont-Blanc »). Le département du Mt Blanc sera représenté par 10 députés. On notera d’ailleurs que la Savoie sera rattachée "définitivement" à la France par le Traité de Paris du 5 mai 1796, par lequel Victor Amédée III cède Nice et la Savoie à la France.

    Le 14 décembre 1792, les 4 commissaires français chargés de l’administration du nouveau département du Mont-Blanc arrivent en Savoie. Ils jouissent de pouvoirs quasi-illimités.
    Chambéry est le chef lieu du département. Les nouvelles circonscriptions ravivaient les querelles locales ainsi Annecy ne pouvant supporter de voir sa rivale Chambéry rester le chef-lieu politique du Mont-Blanc, recevait en compensation le nouveau siège diocésain départemental de la nouvelle Eglise constitutionnelle en se promettant bien de tout faire pour bénéficier d’autres avantages. Personne n’avait envisagé une persécution religieuse, bien au contraire, et d’ailleurs, une bonne partie du clergé avait souscrit au serment de la Constitution civile du Clergé, d’où la surprise devant la fermeture et le pillage des couvents ainsi que devant les premières exigences politiques et matérielles vis à vis du clergé paroissial.
    La Savoie est divisée en 7 districts (proclamation du 29 janvier 1793) correspondant aux anciennes provinces : Chambéry – Annecy – Thonon – Carouge – Cluses – Moutiers – St Jean de Mne, 83 cantons (la notion de canton est nouvelle en Savoie), et 652 communes.
    La vente des biens nationaux, confisqués en 1793 et 1794, ne furent mis en vente qu’en 1795 et surtout en 1796 après beaucoup d’incohérences administratives et beaucoup de gaspillage. Certes bien des paysans assoiffés de terres depuis des générations, achetèrent de petits lots mais la plus grande partie fut vendue en gros lots à des spéculateurs ravis de liquider leurs masses d’assignats. La dîme est définitivement supprimée.
    En dépit de sa discrétion, l’évolution du peuple savoyard n’en fut pas moins fondamentale. Bien sûr, on ne pouvait qu’être frappé au départ des gênes engendrées par la Révolution: arrêt de l’émigration, fermetures et anéantissement des œuvres de charité, déclin économique, accroissement des querelles villageoises et désarroi devant la liquidation des institutions paroissiales mais en fait il fallait tenir compte de la suspension du rachat des droits féodaux et de la disparition des taxes ecclésiastiques, qui permirent une évidente réduction fiscale, ce qui avec le rétablissement des bonnes récoltes facilita un évident enrichissement des campagnes plus global que général car bien entendu seule une minorité en profita pleinement.

    Sous la République française (1798 - 1815)

    Le village suivit le reste du Chablais dans sa destinée politique : possession de la Maison de Savoie jusqu'en 1792, puis inclusion au moment de la Révolution française dans les départements du Mont Blanc (1792-1798 puis 1814-1815) et du Léman (1798-1814) ; possession du royaume de Piémont-Sardaigne jusqu'à son rattachement à la France en 1860.

    Le 15 avril 1798, le Traité de Réunion intègre Thollon au territoire de la République française, changeant une nouvelle fois de département. Fin août, après avoir renoncé à sa souveraineté et à ses alliances, Genève est choisie pour chef-lieu du Département du Léman, qui réunit le territoire genevois à d’autres territoires détachés du département de l’Ain, du Faucigny et du Chablais. L’ensemble que forme le Département du Léman s’inscrit dans le contexte d’élargissement de la France révolutionnaire.
    Thollon devient un village français parmi d’autres, et ses habitants font alors l’expérience du centralisme napoléonien.
    Le 20 août 1798 : entrée en vigueur du calendrier républicain pour les Savoyards.


    Carte du département du Léman
    © d'après "Encyclopédie de Genève"

    LE SIMPLON. Le Roi de Sardaigne Charles Emmanuel III, s'était proposé de prolonger cette voie de communication, l'importance de ce projet ne lui avait pas échappé car, ses troupes y avaient passé maintes fois, avec l'accord du Valais. Aussi, à plusieurs reprises, insista-t-il auprès du Gouvernement Valaisan, afin d'obtenir son concours, mais, celui-ci craignant pour son indépendance, ne voulut jamais se prêter à cette colossale entreprise. Napoléon seul put l'exécuter.
    Dès 1800 et son retour de Marengo le premier Consul envisagea l’aménagement d’une route directe (Route Impériale N° 5) reliant Paris à Milan par Genève, la rive sud du Léman, le Valais et le col du Simplon. Les travaux ne furent pas faciles car la pente lombarde du col était fort raide et nécessita de multiples ponts et tunnels, mais il fallut aussi percer la corniche de Meillerie entre Evian et le Bouveret, à la perpendiculaire des rochers, (au printemps de l'année 1803, on commenca les travaux de cette route au Maupas, au couchant de Meillerie, l'année suivante ce fut à la Tourronde et à Evian, à St-Gingolph on travailla activement en 1805,1806 et 1807), aménager la route du col de la Faucille, construire un nouveau pont sur l’Arve à Carouge et enfin forcer les Valaisans réticents et peu fortunés (d’où la restauration de l’indépendance complète du Valais en 1802 et au contraire son annexion en 1810 sous l’Empire). Ceci fut l’œuvre de l’ingénieur bugiste Céard et plus généralement des Milanais d’autant plus intéressés que Bonaparte leur avait cédé le Novarais leur assurant ainsi toute la partie orientale de la route. Il n’empêche que ce chantier fut fort long, fort coûteux et n’assura des facilités de transport qu’après 1810 au moment où la conjoncture économique devenait moins facile.
    Au début du siècle, les gens de Lugrin, ou venant d'Evian, préfèraient abandonner le chemin au lieu dit le Champ Poirier et gravir la montagne par un sentier à travers bois pour redescendre à Meillerie. On ne s'étonnera donc pas, qu'un vieux meunier de cette localité,, ne sachant comment exprimer sa reconnaissance à Napoléon, ait vénéré sa statuette et se soit fait faire un chapeau comme le sien qu'il emporta jusque dans sa tombe.

    Durant cette période, les Français imposent l'usage des marques postales du bureau de départ des lettres au nom duquel fut ajouté les N° 84 pour le département du Mont Blanc et 99 pour celui du Léman.
    Le Département du Léman est divisé en 3 arrondissements communaux : 1- de Genève, 2- de Thonon, 3- de Bonneville; en 23 cantons ou justices de paix et 276 communes. Administré par un Conseil général et un Conseil de Préfecture placé sous l’autorité d’un préfet, le Département du Léman est régi par des lois françaises, parmi lesquelles le Code civil, et par la séparation du civil et du religieux (la messe est à nouveau célébrée, dès octobre 1803). De même, la loi du 28 Pluviôse an VIII (17 février 1800) fait de Thollon et des villages de l’ancienne République de Genève des communes placées sous l’autorité d’un maire, d’adjoints et d’un Conseil municipal : on trouve là l’un des fondements du régime municipal en vigueur de nos jours.

    CARACTERISTIQUES DE LA COMMUNE dans le département du Léman,

    telles que fixées par les arrêtés des Consuls des 27 brumaire an X et 26 ventôse an XI et le décret impérial du 9 février 1810.
    Arrondissement communal Thonon : 3164 hab.
    soit 83 communes & 4 cantons
    Douvaine, Evian, St Jean d'Aulps, Thonon
    Chef lieu de canton Evian
    Commune Thollon
    Habitants 990
    Hameaux A la Joux
    Au noyer
    Chez les Aires
    Chez Cachat
    Chez les Vesin
    Les Plantées
    Leucon (Locum)
    La Hucelle
    Maravant
    Meillerie
    Maire Gaillet André
    Adjoints Gaillet Guillaume
    Cachat Jean-François
    Curé Delajoux François
    La population a été indiquée telle qu'elle était lors du dernier recencement général dressé à la Préfecture en 1805.

    - 1814 : suppression du département du Léman, Genève est rendue à la Suisse, le pays de Gex retourne à l'Ain, le reste du département retourne au département du Mont-Blanc
    - 1815 (20 novembre) : disparition du département du Mont-Blanc, rendu au royaume de Sardaigne et qui reforme le Duché de Savoie jusqu'à l'Annexion en 1860.

    Sous la Restauration sarde (1815 - 1860)

    Le traité du 20 novembre 1815 restituait toute la Savoie à son roi légitime clôturant ainsi vingt trois ans de régime français. Sur le moment la tendance générale fut de se réjouir de ce retour à la "petite patrie" symbole de calme et d’isolement, vivre entre soi avec "ses" rois, loin des grands Etats symboles de fiscalité, de centralisation et de conscription. En fait indépendamment de ces illusions, on ne se rendait pas compte de l’inexorabilité de l’histoire et des changements subis depuis une génération. La Savoie sortait affaiblie par les occupations militaires autrichiennes et surtout par les innombrables jeunes morts au loin dans la confusion des batailles ou des hôpitaux militaires, mais du fait de la croissance naturelle, cette perte quantitative ne fut la plus traumatisante et il fallut surtout compter avec l’exil d’une bonne partie de l’élite qui compromise dans le régime français, choisit de s’établir en France, perte d’autant plus lourde que la province n’avait pas besoin de voir son élite déjà réduite naturellement, s’appauvrir encore de la perte de ses éléments les plus ouverts et souvent les plus dynamiques.
    Si la conjoncture de 1814-1815 était mauvaise, la Savoie n’avait pas moins profité pleinement du régime napoléonien.

    Sous la monarchie sarde restaurée, un intendant général est installé à Chambéry. Ses attributions s'apparentent à celles d'un préfet. De lui, dépendent neuf puis huit intendants provinciaux dont les attributions se rapprochent de celles des sous-préfets.
    Pendant 27 ans le territoire du duché - "division de Savoie" - est administré depuis Chambéry, siège de l'intendance générale de Savoie (lettres patentes des 16 janvier et 12 décembre 1816, puis du 10 novembre 1818). Des intendants particuliers ou des vice-intendants sont chargés de l'administration des provinces de Genevois, Fauciny, Chablais, Carouge, Tarentaise, Maurienne et Haute-Savoie (mandements de Beaufort, Conflans, Grésy et Ugine).
    La restauration sarde maintient la dualité entre Savoie méridionale et Savoie du Nord, préfigurant les deux départements d'après l'Annexion.

    Les années 1840 consacrent une forte évolution administrative de la Savoie. Par lettres patentes du 25 août 1842, le duché est partagé en 2 intendances générales : Chambéry et Annecy. L'intendance générale d'Annecy a autorité sur les intendances provinciales du Faucigny et du Chablais. Les arrondissements prennent le nom de Division administrative.
    En 1848, le droit de vote est accordé aux Savoyards de plus de 25 ans, payant au-moins 20 livres d'impôt direct. Il devaient savoir lire et écrire et jouir des droits civils et politiques. Les électeurs représentent alors 3% de la population. Le syndic nommé alors par le roi et son conseil est désormais choisi par les citoyens pouvant être électeurs.
    De 1848 à 1849 les électeurs savoyards durent aller quatre fois aux urnes. A la suite du premier suffrage, le comte de Foras fut envoyé comme député du Chablais.
    Nos parlementaires allaient siéger dans une chambre peu apte à les comprendre, parlant italien, hostile aux ordres religieux et au clergé.
    S'en suivra une politique de modernisation administrative, économique (par ex: multiplication des traités unilatéraux sur les douanes) et diplomatique (Congrés de Paris - 1856). Cette politique de modernisation étatique et de visibilité internationale, en faveur principalement du Piémont, entame un divorce entre l'opinion des notables de Savoie et de Turin, confinant la Savoie dans une position périphérique. Déjà altérée par l'adhésion d'une grande partie de la population à la nation française, sous la Révolution et l'Empire, les provinces de "delà des monts", ne représentent plus que de 10 à 11% de la population totale du Duché et leur développement économique est pénalisé par les investissements consacrés à la modernisation des infrastructures et du potentiel militaire, après les échecs subis lors des deux guerres d'indépendance de 1848 et 1849. Les savoyards s'estiment, non sans raison, "sacrifiés" à l'option italienne du gouvernement et à une politique intérieure et extérieure dont les objectifs leur sont devenus étrangers. Un changement radical s'opère dans l'opinion.
    Ce cheminement, permet de mieux comprendre pourquoi l'annexion s'est réalisée sans heurt majeur en Savoie, ponctuée par le temps fort du plébiscite (22 et 23 avril 1860) et s'achève en juin 1860, lorsque s'opère le transfert officiel des pouvoirs (14 juin, au château de Chambéry).


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    Situation économique

    Les contributions foncières de Thollon s'élèvent à la somme de 1 689,16 F. le 15 février 1825.
    Les contributions royales de Thollon s'élèvent à la somme de 1 202,16 F.
    Les contributions provinciales de Thollon s'élèvent à la somme de 485,39 F.
    En 1831, elles s'élèvent à la somme de 2 219,33 F.

    La demande du partage des immeubles indivis (les montagnes de Mémise, Cornien, Blanchard) a été faite le 16 août 1835 par la commune de Lugrin.

    Le 31 mars 1858, est signé l'acte de partage des montagnes Mémise, Cornien et Blanchard entre Thollon et Lugrin.
    Voir Procès verbal et actes
    Construction, en 1858, d'un chalet d'alpage à Nordevaux, en indivis avec Lugrin, par Jean Jacquier menuisier charpentier.

    La limite entre les territoires de Thollon et Meillerie est officialisée par décret impérial le 9 janvier 1867.Voir projets Conseils Municipaux

    Création d'une école au hameau de Lajoux, pour l'année 1876, du fait de son éloignement de près de 4 kilomètres du chef-lieu.
    La route de Chez Cachat à Evian a été créée en 1881 (Chemin Grande Circulation N°24);
    Du Nouy à Lajoux en 1886 ; Chez Cachat au Nouy et sur le Crêt au Hucel en 1893, mais il faudra attendre 1935 pour une vraie route où les chars pouvaient se croiser.
    Au 19ème siècle, la poste était assurée par Lugrin et de 1905 à 1910, une maison Chez Cachat était habitée à l'étage par le receveur Moenne-Loccoz, faisant ainsi fonction de bureau de poste.
    La poste ne sera contruite, au chef-lieu, qu'en 1910 et sera transformée en agence postale en 2005.

    En 1900, Thollon comptait 1365 hectares dont 540 en rochers et pâturages de montagne, 490 en forêts et 220 en prairies.

    Beaucoup plus tard, l' électricité est installée à Thollon début d'année 1930 et ceci pendant au moins les 2 années suivantes. C'est l'hôtel Bellevue, érigé en 1910-1912, qui aura la primeur du premier branchement. Lajoux ne sera électrifiée qu'en 1931 et le Hucel comme le Maravent en 1932.
    Le captage des eaux par la commune, a eu lieu pour le Maravent qui n'avait presque plus d'eau au printemps 1953, par la suite l'eau fut conduite depuis l'Ain, jusqu'à la fruitière en 1955, et en suivant pour le restant de la commune.

    Salle d'éducation populaire et action sociale dite "salle paroissiale de Thollon", construite en 1937-1938 par les habitants de Thollon qui fournirent tous les bois de charpente et de coffrage.

    Le 1er téléphérique a ouvert au public pour noël 1952 et inauguré le 4 janvier 1953. La gare de départ possédait un restaurant "Le panoramic" en rez de chaussée. A la gare supérieure, le restaurant s'appela d'abord "Plein Ciel" puis "Le Belvédère" et aujourd'hui "Le repaire de l'aigle". Les cabines sont ouvertes à tous les vents, en 1965 apparaissent de nouvelles bennes fermées à deux places.


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    Le commerce du bois véritable industrie dans le Chablais et l'exploitation des forêts est presque une monoculture imposée par la topographie, sur ces pentes raides qui plongent au-dessus du lac.
    De tous temps les villageois ont défendus farouchement ce gagne pain, et la lutte commence déjà, quand le 30 août 1285, le comte Amédée V, dit le Grand, donne à la ville d'Evian les bois situés à l'ouest de la Morge, les fameux bois de Brêt, avec pouvoir d'y établir des gardes forestiers. Malheureusement dans l'acte de donation, le comte avait omis de déterminer les limites de son bois.
    De son vivant même, des contestations et des procés surgirent. Les habitants de Meillerie affirmaient que le territoire entre la Gottalaz (limite de Lugrin) et l'espace compris entre le ruisseau du Locon et le châble-Girod soit le nant de la Reine, appartenait au Prieuré et qu'ils avaient le droit tant d'affouage, que de pâturage, entre les ruisseaux du Locon et le nant du Châble-Girod.
    Jamais les habitants, déjà pauvres, n'accepteront de se voir spoliés du seul fait du Prince et pendant des siècles, se seront d'interminables procés, amendes, rapines, entrecoupés de véritables guerre avec mort d'hommes.
    L'année 1532 est une année de misère. Evian a la propriété de ce bois où la ville à droit d'affouage. Les gens de Meillerie, qui sont à côté s'y servent et y font pâturer leurs chèvres. Ils ont été mis en garde bien des fois déjà contre de tels agissements. Durant l'été 1532, les Evianais organisent une expédition punitive de nuit sur Meillerie. Le feu est mis aux maisons, il y a de nombreux bléssés, une femme enceinte est tuée.
    Alors les Meillerons montent demander de l'aide aux Thollogans, le 11 août ils se rendent chez le syndic, André Gaillet, pour l'engager à faire cause commune. Ils se transportèrent ensuite vers l'entrée de l'église, et s'adressant à la foule qui sortait d'entendre la messe, ils lui tinrent ce language :

    Messieurs, nous sommes venus ici vers vous aultres qu'estres nous bons voysins pour vous dire quelque chose pourquoy, se vous playt, vous orrés (vous écoutérez). Il est vrai que ceux d'Evian ont coppé et toujours coppent aulx bois de Bret. Pourquoy, se vous playt, il faut que nous vous aidés. Il est nécessaire que vous aultres de Thollon soiés tels que nous aultres de Meillerée par force au aultrement...

    En représailles, Meillerie traite donc avec Thollon et ravage la forêt de Brêt. Les Evianais sont punis d'une amende, un procés commence qui ne prendra fin qu'à la Révolution française.
    Au XVIIe siècle, les choses s'arrangent, la paix revient, les villageois rachetent les bois de Brêt, et l'exploitation des forêts continue, non sans quelques procès:
    22 mars 1683 : Lettre supplique à M. le juge ordinnaire du Mandement de Meillerie.
    "Supplie humblement Jacob Fernex d'Hons, paroisse de Lugrin, disant que jeudi passé 18 mars, conduisant son chariot chargé de bois, attelé d'un cheval, par le grand chemin existant sur la pièce ci-bas confinée de Guillaume Cachat de Thollon armé d'un fusil qui accourant tout outré de colère et pointant son fusil contre lui et diverses menaces réitèrées, disant qu'il le ferai rosser. Il voulait que le suppliant passât par le chemin à talon existant sur une pièce voisine appartenant au Vesin de Thollon et en même temps aux hoirs d'un nommé André Blanc du Maravent, paroisse de Thollon. De passer par le dit grand chemin par-dessus la pièce, voyant un autre conduisant une traîne de bois, il dit qu'il n'empêchait de passer que ceux de la paroisse de Lugrin".
    Entre 1773 et 1780, les barques effectuent prés de 30.000 kilomètres depuis Meillerie pour fournir le bois de Genève...
    Bois d'affouage, de fascinage pour les boulangers, d'écorcage pour les tanneries ou bois de construction. Les bois sont coupés hors sève, le fayard (hêtre) comme bois de feu, le sapin et ce même fayard qu'on laisse devenir gros comme bois d'oeuvre. Le mélèze dont la coupe sert aussi à faire des tuyaux alimentant les bassins. La commune coupe également des arbres pour réparer les biens communaux. Par les châbles, qui sillonnent les forêts à la verticale, les bûcherons le descendent au bord du lac, et se font bateliers à la belle saison pour le livrer autour du lac.

    A cette époque à Genève, entre les négociants de la rive méridionale du Haut-lac, étaient intervenus des règlements divers, qui visaient la police du quai en cette ville, le débarquement des bois, la manière de les entasser et de les moûler. Le premier connu date du 28 avril 1752, le second est du 30 août 1766, le troisième de 1773. Or, douze ans après cette dernière époque, les magistrats de la grande ville riveraine rêvèrent d'imposer seuls, sur leur port, un modus vivendi. On désigna, pour les bois, telle place un peu trop distante de la grève, on exigea une nouvelle méthode de les empiler et de les mesurer. Ces innovations devenaient fort onéreuses et désavantageuses. St-Gingolph, dans une assemblée générale du 26 décembre 1785, résolut de suspendre avec Genève, tout commerce de chaux, bois et charbons.
    Evian, Lugrin, Thollon, Port-Vallais, Vouvry entrèrent d'un commun accord, dans ce mouvement de boycottage. Il est vrai que par sa situation, St-Gingolph, sur les frontières de la Savoie et du valais,, du pays de Vaud, était le centre des nombreuses affaires commerciales qui se traitaient dans le bassin du Léman, le rendez-vous des négociants riverains. Le bois, la chaux, les pierres à bâtir et à moellons, les cuirs, les papiers, les draps, les bestiaux, les denrées alimentaires, tous ces articles pesaient un poids considérable ! Cette rupture inspira des désirs de conciliation : les magistrats Genevois invitèrent Mrs. Derivaz et Jacques Philippe de Loys, syndics d'Evian, à établir avec eux un modus vivendi. Dès lors, les relations reprirent avec plus d'intensité...

    En dehors du bois de construction et de chauffage, on fabrique des objets de formes variées, pour transporter l'eau ou le lait, les cuveaux pour laver le linge ou la vaisselle, les grands saloirs pour conserver la viande de porc ou de vache, les boîtes pour contenir le sel, le riz, le tabac ou les jolis rubans. La plupart de ces objets sont faits en mélèze qui ont plus de résine et se travaillent mieux. On utilise la partie inférieure de l'arbre, environ 1m50 à deux mètres et, surtout l'aubier, la zone extérieure blanche. Les planchettes sont soigneusement découpées, ajustées, liées par des lamelles de même bois. Les boîtes sont parfois sculptées au couteau, ornées d'initiales ou de motifs géométriques.


    Source d'énergie et de matière première, la forêt est aussi un complément de l'agriculture. Les femmes y ratissent la "litière du pauvre", c'est à dire les aiguilles d'épicéas et de mélèzes, tombées au sol qu'elles ramenent à pleines hottes.
    Ces aiguilles servent de litière aux vaches, puis d'engrais.

    Les hottes qui permettent de tout transporter sur le dos, et même les enfants tout petits, sont faites de lanières découpées dans l'aubier et entrelacées sur des montants, les "côtes". Dans chaque famille on en trouve une dizaine, de toutes les tailles et même pour les enfants. Multitude d'objets en bois qui leur ont évité des achats à l'extérieur : muselière pour les veaux, pièges à souris, seringues pour donner le lavement aux vaches, seilles, peigne à myrthilles et même les gonds de la porte et le cartable de l'écolier sur lequel on fait des glissades en allant à l'école l'hiver.
    Le dernier rôle de la fôret est vital pour les Thollogands. Lorsqu'elle monte assez haut sur les versants raides, elle supprime le départ des avanlanches, empêche la neige de glisser des pentes qui dominent les hameaux.
    La forêt est placée sous la surveillance d'un garde forestier et d'un garde champêtre, déjà sous l'administration sarde, gardes vivant en même temps de leur exploitation agricole.

    L'exploitation pastorale la première ressource évidente que procurent les montagnes de Mémise, ce sont les pâturages, le véritable "or vert" du XVIIIe siècle. Les communiers s'acharnent à défendre jalousement leur pâturage. On veille notamment, à ce que les bêtes des paysans de l'alpage voisin, ne viennent pas brouter l'herbe réservée à son troupeau. Quand c'est le cas, les heurts sont violents. Le plus souvent, on a recourt à la justice locale, c'est à dire au gourvernement d'Evian ou au tribunal de Sion. C'est que ces pâturages constituent le maillon essentiel du système agro-pastoral. En effet, sans eux, les paysans qui n'ont pas encore développés les plantes fourragères, ne disposeraient pas de fourrages assez importants pour disposer d'un bétail conséquent. En effet, les alpages des calcaires [..] ont une herbe courte d'excellente composition comprenant de nombreuses légumineuses.
    Le bétail est composé essentiellement de brebis et de chèvres mais sutout de bovins, pour la plupart, des vaches laitières. Les alpages de Mémise sont des "montagnes à lait".

    Les prairies du bas ont très tôt restreint la surface consacrée aux céréales. Elles ne suffisent pas cependant à entretenir un troupeau nombreux, tout au long de l'année. A partir du moment où le bétail représente la seule possibilité de salut pour l'économie, l'exploitation des alpages est une nécessité.
    Ce bétail est une ressource essentielle dans l'économie thollogante permettant la fabrication de produits laitiers destinés, en majorité, à l'autoconsommation, mais également l'élevage, dont une partie alimente le commerce de la vallée.
    Or, l'agriculture du XVIIIe siècle est un véritable marasme. D'autant plus difficiles que les conditions climatiques de la moyenne montagne accentuent les difficultés. Cette faiblesse des ressources agricoles n'étant qu'en partie compensée par l'activité pastorale, les familles sont alors contraintes à l'exil dans la plaine et les pays étrangers afin de pouvoir trouver les ressources nécessaire à leur survie.

    Les moines de Montjoux ont été propriétaires de pâturages et consommateurs de produits d'alpage. Mais ils semblent n'avoir pris qu'une part réduite à la vie pastorale. Même pour les alpages dont ils se réservaient l'usage, l'abbaye désignait des bergers, à charge pour elle de les ravitailler. Elle était tenue de leur envoyer : des fèves, de l'orge et, chaque semaine, deux pains pour leurs chiens.
    Une fois par saison, également, le pitancier, escorté de deux religieux visitait chaque chalet pour percevoir les redevances. Les religieux se rendaient aussi sur les montagnes, pour la bénédiction des chalets, dont ils retiraient de substanciels bénéfices.

    1690, 12 juillet, Hospice.
    Sous la présidence du "seigneur Antoine Norat, docteur ès droits..., seigneur de Meillerie, Thollon, Lugrin, Noël (pour Novel), la Tour Ronde et dépendances", le chapitre confirme le prieur claustral Viveys, ordonne aux bénéficiers de produire au chapitre prochain les titres de leurs redevances envers l'Hospice.
    Signé : Jean-Baptiste Figerod, notaire apostolique et secrétaire.
    Ces revenus étaient perçus primitivement par les moines eux-mêmes, qui assurèrent tous les services religieux jusqu'au moment où les paroisses furent érigées. C'est ainsi que le curé de Thollon et celui de Lugrin, tiraient de la bénédiction des chalets de Mémise, Cornien et Blanchard :
    60 livres de fromages, 4 séracs et 1 livre de beurre par chalet.
    Il devenait difficile pour les religieux de mettre directement en valeur un domaine dont l'étendue allait croissant. Aussi par des actes d'admodiation ou d'albergement, les monastères, à l'imitation des seigneurs laïcs, cèdent-ils les terres aux paysans, qui en disposent librement moyennant le paiement de taxes en nature ou en argent. Parmi ces taxes, figure "l'introge", droit payé une fois pour toutes, généralement payé en espèces, au moment de la passation du contrat et le "cens", redevance annuelle. Pour les alpages, le cens prend la forme de "l'auciège" ou "ochéage", taxe levée en nature sur les produits laitiers. Outre ces taxes liées au bail, il en existe d'autres, à caractère féodal, des droits d'usage payés en "fruit", par exemple, approvisionnement du sel pour le fruit qui s'y fait, le "chauderage", (droit d'utiliser le chaudron affecté à la montagne), éventuellement le fruit d'un autre jour, pour le "chavanage", (droit d'établir un chalet pour traiter le lait).
    1748, 17 août, 1750, 7 mars, Chambéry.
    Renvoi à des actes et procès anciens (XVe siècle).
    Procédure intentée par Léonard-Joseph Vaysendaz, prieur et administrateur de Meillerie, tendant à sauvegarder les droits de la prévôté du St-Bernard sur la montagne de Mémise contre les communautés de Lugrin et Thollon "avis en droit" et "réplique".
    Signés : J. Demotz, P.J. Biord, de Rivaz, conseiller, et Cornuty, procureur.

    03.07.1714 Cote AGSB 4545
    Lettres du chanoine J. Mouvilliat, recteur de Meillerie, sur ce qui se passe à Meillerie et environs : érection d'un autel à S. Bernard orné du tableau de M. Bovard. Menées des soldats français contre la population et le prieuré, litige au sujet de l'usage de la montagne de Memise, etc. En annexe à la lettre de 1713, note sur les prétentions du marquis de Lusinge sur la montagne de Memise ou Vimièze.
    Aux XVI et XVIIème siècle, le bétail bovin n'était pas le seul élément du troupeau, ainsi apparait l'importance des ovins : brebis, agneaux, moutons hongres de 2 ans, et pour favoriser l'alimentation des porcs, chèvres et boucs (un personnel spécial leur était affecté sur les montagnes collectives). Les fromages de brebis étaient peu estimés mais les moutons fournissaient la laine pour l'habit monastique.
    La race dominante en Chablais est l'Abondance. Elle serait, avec la race Montbéliarde et celle de Simmental, un rameau de la grande race « jurassienne •» ou « pie rouge de l'Est », descendant du « Bos Frontosus » amené par les Burgondes. Le rameau d'Abondance se serait par la suite sélectionné naturellement dans les vallées isolées des Dranses et se serait adapté au climat et au relief du Haut Chablais et de ses alpages. Cette espèce à la robe pie rouge foncée qui, outre ses qualités physiques répondant aux exigences du milieu montagnard, est la "première race laitière de montagne", mais on peut également l'utiliser pour la boucherie. Courtes sur pattes, de taille moyenne, plus légères et moins exigeantes en nourriture que les lourdes "Simmental", ces vaches peuvent grimper dans les terrains, parfois difficiles des alpages et, s'accomoder de grands écarts de température. De plus, l'Abondance a des caractères laitiers précieux : ses veines mammaires saillantes, sa longue durée de lactation (300 jours en plaine, 278 en altitude, l'importance de sa production laitière annuelle (3500 à 3800 Kg en montagne), et sa longévité remarquable, la réforme ne venant qu'après huit à dix lactations. Cette race, descendante de la race jurassique des Burgondes a acquis ses qualités au fil des siècles : la vache de la fin du XIXème siècle est donc proche de celle de l'Ancien Régime, même si, l'état physique des bêtes du XVIIIème siècle est loin d'être comparable. En effet, étant donné les conditions agricoles difficiles, le cheptel est chétif. Les relations du temps insistent sur l'insalubrité des étables et la mauvaise qualité de la nourriture à toute saison : "l'hiver, la paille l'emporte sur le foin [...], à partir du printemps, les bêtes sont abandonnées à la vaine pâture [...]. A cela, s'ajoute les épizooties qui presque tous les ans causent quelques ravages". Ainsi, moins bien nourries, les vaches donnent moins de lait, mais ce dernier suffit, à la fabrication de la tomme, du sérac, du chevrotin et du beurre.
    Si le Valais n'a représenté qu'un lieu d'échange pour les produits d'élevage chablaisien (foires de St-Maurice et de Monthey), Genève, par contre a été véritablement leur débouché. La demande en viande de boucherie est si forte que des maquignons viennent chercher des veaux dans les étables et conduisent à Genève des moutons par troupeaux. Du XII au XVIIème siècle, de nombreux traités de commerce furent signés entre les ducs de Savoie et les « citoyens de Genève » . Mais en 1815, à partir du moment où Genève est rattachée à la Suisse, de multiples entraves sont mises à ce commerce, dont l'époque prospère a été le XVIIIème siècle, avec notamment, la suppression des douanes cantonales et l'établissement des douanes fédérales, préjudiciables au Chablais. Après la création, en 1860, de la grande zone franche, certains produits restent taxés, en particulier les bêtes à cornes et les fromages. Dès 1863, la France est forçée d'admettre, en franchise, un certain nombre de produits zoniers. Et en 1934, la grande zone d'annexion qui paralysait toute la vie économique de la région, est supprimée.

    Si le Chablais a adopté le système pastoral helvétique, de part et d'autre de la frontière, le mode d'exploitation des alpages était identique, c'est au temps où il formait un tout politique avec le Valais. Il l'a conservé après la scission de 1268, à la faveur des relations commerciales que la tradition avait établies. Au point de vue pastoral, la Suisse a été un stimulant, plus qu'un exemple, mais sa proximité a, en son temps, stimulé la vie pastorale qui faisait la réputation des produits d'élevage. Très tôt, elle lui a permis de commercialiser ses produits d'élevage, incité à asseoir la race d'Abondance. Les vallées d'Abondance, d'Aulps et de Bellevaux fournissent annuellement en Val d'Aoste et au Pièmont, plus de 2000 génisses. Toutes ses qualités, la race d'Abondance les a acquises lentement et la sélection rationnelle ne s'est effectuée qu'à la fin du XIXème siècle, avec la définition du standard de la race au Congrès de La Chapelle-d'Abondance en 1891, la création du Herd-Book en 1894 et le premier concours organisé à Thonon en 1895.

    Les alpages sont tout d'abord le pâturage d'été pour le bétail. On cherche tout naturellement à en utiliser la plus grande superficie possible. Des défrichements sont entrepris pour l'accroître, ainsi des bois sont convertis en pelouse : Sur et Sous les Plagnes, à Cornien et Blanchard jusque sur Mémise.
    Comme au temps des monastères, les alpages sont le théatre de nombreuses contestations, conflits entre communes, entre hameaux, relatifs au bornage, aux dates d'inalpage, lorsque plusieurs collectivités se partagent une même "montagne".

    Déjà en 1314, 69 bourgeois évianais participent à une attaque à main armée contre l'alpage du prieur de Meillerie, s'accageant le chalet et s'emparant du troupeau. Le 12 octobre, jugement est rendu : 904 livres d'amendes aux coupables. C'est énorme, mais les droits des évianais sur cet alpage sont reconnus.

    Une nouvelle ligne de démarcation avait été fixée, en 1710, avec Saint-Gingolph, soutenant que leurs montagnes se confinaient des rives du lac et dans les bois de Bret par le Say Blanc tirant à la Pierre Rouge du Leysiz et de là à pied du Mont Rochex droit à la Vi-Novaz. Un long conflit opposera Thollon et Lugrin, qui ne prendra fin qu'en 1858... Conflits encore avec Bernex et Novel...

    Au début du XIXème siècle, tel était le cahier des charges de Lugrin pour les montagnes en indivis, entre Thollon et Lugrin :
    • Une bonne caution pour payer le prix de l'adjudication en décembre sans retenue ni diminution.
    • Livraison aux pauvres 25 livres de fromage et 12 livres de sérac pour Blanchard et de même 40 livres de fromage et 20 livres de sérac pour Cornien.
    • Maintien des bâtiments en bon état.
    • Interdiction pour les bêtes de passer de Cornien à Mémise sous aucun prétexte, sinon la bête sera saisie par le garde champêtre jusqu'au payement d'une amende de 2 livres.
    • Entretien et réparations nécessaires dans les chalets.
    • Support par les adjucateurs de tous frais de bail.
    • L'état des lieux fait, avant les premières neiges.
    • Aucun dédommagement pour les bergers, au sujet des coupes de sapins.
    • Interdiction de faire paître dans ces montagnes aucune bête qui ne puisse hiverner dans une des deux communes, sous peine d'amende de 24 livres par tête de gros bétail.
    • Passage obligé, par le chemin vers la pierre du Mollieuse du mont Dunant et contour de la pierre indiquée par les administrateurs.

    Comme quoi, il ne s'agissait pas de plaisanter avec le règlement des sociétaires et de défendre son bon droit.
    Ce 16 octobre 1842, Assemblée du syndic de Thollon Pierre Roch entouré des conseillers ordinaires Marie Blanc, André Vesin et Jacques Vesin. Lugrin était représenté par son syndic Jean-Pierre Levray assisté du secrétaire Pierre Louis Cachat.
    Il s'agissait de procéder aux enchères au rabais des réparations à faire au chalet de Blanchard. Après publication des devis, deux dimanches consécutifs dans les communes de Lugrin, Thollon, Bernex et Novel, la mise à prix fut de 220 livres neuves. A la première bougie, André Chambat proposa 219 livres, à la deuxième bougie François Vesin 218 livres, à la troisième bougie André Chambat 217 livres, à la quatrième bougie Marie Jacquier enleva le marché pour 215 livres personne ne s'étant manifesté à la cinquième bougie.
    Les travaux sont accordés à Marie Jacquier avec la caution solidaire d'André Chambat. Les réparations devront être terminées pour le 15 mai 1843. Les bois seront fendus au lieu d'être sciés. Une vingtaine de sapins seront coupés sur Blanchard pour faire ces réparations.
    On recense lors du partage entre les deux communes, à l'établissement des lots, le bétail suivant sur les alpages :
    • Blanchard : de 30 vaches laitières, d’un taureau, de 30 chèvres et de 8 gros cochons.
    • Cornien : 80 vaches sur cette montagne, deux taureaux, des chèvres et des cochons.
    • Mémise : 400 têtes de bétail, vaches et génisses et un troupeau de cochons mi-gras.



    Dès les années 1720-25, plus sûrement encore, dix ans plus tard, se marque une tension sur le marché régional du bétail, tension observée d'ailleurs partout, sur les marchés suisses et européens.
    L'attention est attirée, tout d'abord, par les prix de détail de la viande de boucherie. L'image du prix de la viande débitée par la boucherie est difficile à fixer et à interpreter. En premier lieu, du fait des fluctuations rapides et courtes des prix. Le prix de la viande est l'un des plus contrôlés qui soit. Les autorités ont l'habitude de taxer la viande, plusieurs fois par année, en fonction des conditions du marché du bétail. Le prix de la viande de boucherie dépend de la saison, de l'abondance ou de la rareté du fourrage qui accroît ou raréfie l'offre de bétail. Sur ce point, on notera que la question est plus complèxe qu'il n'y paraît. Une pénurie fourragère de plusieurs mois, peut conduire à une limitation du troupeau et, en conséquence, à une diminution de l'offre de viande, de lait,etc... et à une hausse des prix. Mais le manque de fourrage, au début de l'hiver, amène fréquemment la masse des petits éleveurs à abattre une partie de leur cheptel, ce qui crée une offre momentanément abondante sur le marché, soit une baisse des prix de la viande. Donc, du fait du caractère saisonnier de l'offre, les autorités fixent les prix au détail selon les conditions du marché.
    Bien sur, les bouchers ont, toujours et partout, tendance à dépasser les prix fixés par l'autorité, mais au XVIIIème siècle, la majoration des taxes est systèmatique, elle est élevée et peut atteindre plus de 25%.
    Une économie transfrontalière, plus ou moins interlope, est née au XVIIIème siècle, où les paysans vendent directement leurs produits (fromages, mulets, porcins, bovins) et concurrence les négociants en place entre, Savoie, Piémont, Suisse et Franche-comté. Les bouchers de Chambéry se plaignent en 1768, de la concurrence illégale de producteurs vendant directement leurs bêtes à la population, sans passer par la Grande Boucherie.
    A la concurrence intérieure et extérieure s'ajoute une nouvelle donnée qui contribue à modifier les structures du marché savoyard du bétail de boucherie. C'est le développement de l'économie laitière au XVIIIème siècle.

    L'industrie consiste surtout dans l'exploitation des carrières de Meillerie que Thollon possède par moitié, fournissant d'excellentes pierres à bâtir et de la chaux, celle-ci fabriquée dès le XVème siècle....

    Les carrières de Meillerie sont la Communale de Thollon et la Communale de Meillerie, la carrière des Sache, celle des Etalins (qui possédera un funiculaire équipé de wagonnets conduisant les matériaux), la Talletaz et la Menotte.
    Les carrières du Locum, au levant de Meillerie sont celles dites à Cachat, des Pachoux, des Maillottées, des Fours à chaux, du Creux de l’essaie, la Cimentière, les Gris, les Grenadiers, les Pirates, la Fioury, la Laux, la Bande noire, la Sapière, les Milhommes, les Frigasses, le Juif-Errant, la Placette et les Robinsons.
    Malgré des conditions d'exploitation extrémement difficiles et dangereuses, une certaine quantité de roches est tirée de quelques carrières, ainsi qu'une excellente chaux maigre qui par addition de matière argileuse produit un bon ciment, tandis que la construction de la route du Simplon, par Napoléon à partir de 1805, fera naître une véritable industrie, en facilitant l'ouverture de nouvelles carrières permettant une extraction, qui jusque là, était impossible et dangereuse, car le rocher dominait le lac, et aucun moyen d'accès ne permettait l'attaque de front.

    En 1858, 21 000 m3 de pierres en sont extraits, 75 000 en 1867, 90 000 en 1886, 200 000 en 1912, 68 400 en 1914.
    Entre les apprentis, manœuvres, trancheurs, mineurs, tailleurs et contremaîtres les ouvriers sont une centaine au milieu du siècle, 350 vers 1900, et de six et sept cents selon la saison qui travaillent de l’angélus jusqu’au soir. Si le carrier touche 45 centimes de l’heure au début du siècle, la paye du patron est de 900 fr. Le mètre de tunnel à creuser s’élève à 23 fr. La pension est facturée 1 fr 50 par jour, le manche de pioche, de battéran ou de pelle 50 ct et le chargement de la barque est payé 2fr50 par homme.

    En 1880, un ouvrier carrier touche 3,40 fr. par journée, soit une moyenne de 80 fr. par mois. Il faut travailler deux heures pour acheter un pain d’un kilo et trois heures pour un pot-au-feu, une paire de souliers demande trois jours de salaire…

    En 1886, Thollon compte 88 ouvriers travaillant aux carrières, au début du XXème siècle, ils sont environ 150 à 200...

    Carriers - Meillerie

    On devenait carrier à 17 ans, selon la loi, mais en réalité des enfants sont utilisés comme "botiaz", ils gagnent quelques sous à faire les commissions : aller chercher des boissons, du tabac, un casse-croûte, porter et ramener des outils à la forge avec la hotte... Afin de permettre aux nombreux ouvriers provenant des communes voisines, de se rendre dans les différentes carrières situées au bord du lac, des chemins pédestres furent créés, parfois taillés à même le rocher. Ex : Chemin des carriers - Voir plan - (entre Thollon et Meillerie : sentier des Epioutères et/ou Lugrin Meillerie).

    "La carrière ouvrait le matin à 5 heures pour des journées de 13 heures, donc les hommes descendant de Thollon quittaient la maison vers 4h15 pour prendre le chemin pentu des Epioutères; à 8 heures ils mangeaient la soupe, à 10 heures ils prenaient un casse-croûte. Ils avaient droit à un arrêt de deux heures pour le repas de midi, à une pause d'un quart d'heure vers 16 heures et ils remontaient en fin de journée par les bois."


    Création des premiers syndicats au XIXème siécle 

    La retraite et les assurances sociales n'étaient pas connues, les carriers arrivés à la cinquantaine, ne pouvant plus supporter le dur travail de tailleur ou de mineur, étaient mis au concassage et au chargement des barques. On ne payait pas les journées perdues à cause des intempéries, en cas d'accident on ne touchait rien... On travaillait jusqu'au bout. A la fin du XIXeme siècle, les carriers furent les premiers ouvriers du département à créer des caisses de solidarité (maladie, vieillesse,..).

    1894 - Economie : conflits à Meillerie des ouvriers bateliers et carriers avec leurs employeurs.
    En janvier 1894, les carriers créent leur syndicat fondé par Marie Roch de Thollon, en juin les bateliers se joignent pour mettre sur pied la Fédération des ouvriers bateliers et carriers réunis.
    On y trouve, un président, deux vice-présidents, l'un carrier, l'autre batelier, un trésorier, un secrétaire, six bateliers et cinq carriers. La Chambre Syndicale nouvellement crée réclame un salaire horaire de cinquante centimes, la journée de travail de 10 heures, le paiement à 0,70 F des heures supplémentaires, des acomptes sur la paye tous les jours, la paye versée entre le 10 et le 15 du mois.

    1898 - Economie : mars-avril, Meillerie (Haute-savoie), les ouvriers carriers font grève pendant quarante jours.
    Les conflits entre les deux bords vont aboutir en mars 1898 à la grande grève qui se terminera le 11 avril suivant. Le 8 mars à midi, 200 ouvriers carriers quittent leurs chantiers, trouvant leur salaire insuffisant. L'entente carriers-bateliers est mauvaise, des bagarres éclatent entre grévistes. La force armée intervient, les deux syndicats se séparent et quarante carriers sont renvoyés. En octobre, une nouvelle grève éclate, on obtient 0,50 F de salaire horaire, le travail commencera à 5 heures du matin et finira à 7 heures du soir, comprenant dans cet intervalle un maximum de onze heures de travail ...

     





    Les affaires ralentissent au début du XXe siècle, puis c’est la guerre. A la reprise d’après-guerre, la Suisse supprime la zone franche et impose des droits de douane. Meillerie ne peut plus lutter et le béton achève les carrières qui ferment les unes après les autres. La moitiè de la population est au chômage, c’est la misère noire.

    Le torrent, créateur d'industries.
    Après l'arbre, l'herbe et la pierre, les eaux courantes représentent la troisième richesse naturelle exploitée par les Thollogands. Plusieurs torrents confluent dans le "Nant Messalier". L'eau ne leur fait jamais défaut et dés la fondation de la communauté, ils furent utilisés. En 1730, on compte déjà quatre moulins dont un servait à "faire des planches" et un pressoir à huile, fruits.
    Le torrent de Locum prend sa source dans la chaine des memises, sa longueur est de 3.900 mètres et sépare Thollon de Saint-Gingolph.
    Le ruisseau de Meillerie ou des Etalins n'a guère que 1.600 mètres de longueur, tout en prenant sa source sur notre commune. Son débit varie de 23 à 730 litres.

     

    L'économie laitière.
    La conversion à l'élevage fut d'abord une réponse à la crise démographique du bas Moyen Age: cette activité demande moins de bras que la culture des champs; mais elle exige plus de capital et promet des gains plus élevés. Elle offrait aux bourgeois des villes et aux couvents la possibilité d'investir dans des troupeaux loués ensuite à des bergers (Bail à cheptel). Les gros propriétaires pouvaient se décharger en confiant une partie de leurs bêtes à de petites exploitations pour l'estivage
    La concurrence entre usagers se fit de plus en plus rude; leurs querelles prirent souvent une allure de conflits territoriaux quand les alpages jouxtaient les frontières communales. Des conflits liés aux droits d'usages éclataient aussi constamment, à propos de limites de pâturages, de droits de pâture temporaire, de droits de passage. Il y avait en outre des risques de surexploitation à l'intérieur d'un même alpage; c'est pourquoi les corporations répartissaient un nombre limité de Droits de vaches ou "pâquiers", ou interdisaient l'estivage de bêtes que leurs membres n'avaient pas nourries durant l'hiver avec leur propre foin. L'estivage d'un nombre de têtes croissant en haute montagne imposait d'utiliser aussi les Biens communaux, possédés en indivision, par un groupe de hameaux, afin de produire du fourrage pour l'hiver.
    Le développement de l'économie laitière paraît bien ainsi être le grand fait nouveau de la seconde partie du XVIIIème siècle siècle.
    Au XVIIIème siècle, à l'instar de la Suisse voisine, l'augmentation de la consommation de lait, de beurre et de fromage, la hausse spectaculaire des exportations de fromage, tout cela est à l'origine d'une mutation dans la composition du troupeau de bovins. La forte demande de fromage, façon gruyère, Emmental et reblochon, engage les éleveurs à augmenter leur troupeau de vaches, à conserver plus longtemps les bonnes laitières, et en conséquence, à vendre très rapidement les veaux. D'où une relative raréfaction des boeufs, dont le prix augmente, et en revanche, une abondance de viande de veau qui arrive sur les étals des bouchers.
    Marché non exempt de turbulences conjoncturelles, bien sûr. Les accidents météorologiques toujours possibles : la sécheresse qui provoque la cherté du fourrage (1695, 1776-77, 1784). A noter aussi les razzias opérées par les fournisseurs des armées en Savoie, successivement occupée par les soldats français et espagnols. Enfin les épizooties. L'économie d'élevage de la région alpine est marquée, en effet, par plusieurs graves maladies dans la seconde moitiè du XVIIIème siècle. Les plus meurtrières sont celles de 1761-69, 1774-77, et 1783-87. "Pulmonie noire", "pulmonie blanche", "pulmonie humide" font des ravages dans le troupeau régional. Dans les années 1770, la Franche-Comté, le Milanais, le Valais sont atteints. La maladie, à quoi s'ajoutent la "surlangue" et le "chancre volant", deviennent préoccupations européennes.
    Tous ces faits ne vont pas manquer d'affecter, peut être les habitudes alimentaires, sûrement les prix et les coûts au détail.
    Les bouchers disent : " Que le changement d'oeconomie est cause qu'on a diminué, et diminue, le troupeau en divers lieux", et que l'augmentation de la consommation de lait, de beurre et de fromage "a engagé les pays abondants en pâturages, à donner tous leurs soins à élever des vaches et à négliger les boeufs" et que tout cela provoque la rareté et la cherté des boeufs gras. Enfin, ils font état de leurs frais accrus en raison de l'extension du marché. Ils fournissent des comptes détaillés, aux termes desquels il apparaît que les frais d'acheminement des bêtes de boucherie s'établissent autour de 7 à 8% du prix d'achat des bovins, de 6 à 7% du prix d'achat des ovins. Les frais d'acheminement du bétail sont d'ailleurs, peu considérables, puisque les bêtes se déplacent à pied. Saufs exceptions, comme durant l'épizootie qui sévit entre 1761 et 1767, où Genève fit venir des boeufs par bateau, sur le lac, "à grands frais". Genève devenue au Moyen-Age, une grande place européenne de foires, était le pôle économique majeur des provinces septentrionales de la Savoie.


    L'économie locale des marais
    C'est seulement après le travail sur les bonnes terres et si du temps restait disponible que commençait la coupe des laîches et des molinies en marais, dont la valeur agronomique limitait son usage à la litière pour les troupeaux. Les roseaux servaient au rempaillage de chaises, les influorescences de linaigrettes au bourrage des oreillers. Du fait de la dissémination de ces marais sur le plateau de Gavot, chaque ferme disposait d'un carré de "bâche" (dénomination locale de l'herbe des marais) à proximité du hameau On peut voir un découpage cadastral d'un marais en étroites lanières, deux largeurs de faux.
    Le bruit des faux allait bon train. Chacun s'affairait à tirer de sa petite parcelle une économie substantielle, jusque dans les années soixante, avec un respect de l'équilibre biologique de ces zones humides.
    Pendant et après la guerre, certains marais ont fait l'objet d'une exploitation de la tourbe, une matière première qui prenait toute son importance en période de pénurie, surtout pour le chauffage. Les tourbiers se munissent d'un tranchoir pour découper verticalement la tourbe à travers les couches d'herbes, d'un paroir pour dégager la surface et d'un louchet pour découper les mottes mises à sécher en andains, puis réunies en tas aérés pyramidaux. Après le séchage, qui peut être lent et durer longtemps si l'été est humide, la tourbe est devenue plus légère et peut être transportée. On utilise parfois de petits traîneaux, ainsi que des brouettes (équipées d'uncadre spécial et de larges roues) et des civières pour le transport à bras. La "coupe" de la tourbe est un travail pénible et long, mais l'odeur et la chaleur d'un feu de tourbe récompensent cette peine.
    Le dernier "artisan des marais", un habitant de Saint-Paul, stoppa son activité vers 1980.
    Cet intérêt porté par le monde paysan aux marais, jusqu'à une période récente de généralisation agricole, contribua au maintien des richesses naturelles de ces zones humides, alors que bon nombre de marais furent détruits en France durant ces dernières décennies.

    Des potagers en marais
    Les bords de certains marais avaient un usage tout à fait atypique. Carottes, oignons, salades, choux et navets... profitaient là de la richesse du sol en éléments nutritifs, après que la tourbe se soit minéralisée. Pour cela, les jardiniers créaient bien souvent un réseau de fossés en quadrillage, l'intérieur de chaque carré servant alors pour la mise en culture. (Voir Le Fayet, Sous-les-Vesin, Pré de la Douille, Le Hucel, etc...)

    A l'époque on ne parle pas d'impluvium, mais les propriétaires entretiennent les marais pour récolter le foin dit de boeuf pour faire les litières.
    Du mot marais, vient le terme maraîcher : la culture intensive des légumes et des fruits apparait dans les zones marécageuses. Ces parcelles de terrain avait une valeur ou un degré de bonté calculé en fonction du rendement annuel :

    1er degré : 4 quintaux de foin de boeuf par pose et par an.

    2eme degré : 3 quintaux

    3eme degré : 2 quintaux.

    On recense en 1730 :
    Marais et pré-marais, 116 parcelles pour une surface totale de 45 journaux.

    61 propriétaires sur 27 mas, dont 21 parcelles à La Mollié Jacquier, 11 au Vernay, 8 au Clos Blanc et Mollié de Beuloz, 7 à Recard et Mollié de Louchy, 6 à Beuloz et Mollié Dessous. La plus petite à Mollié Jacquier, sous le n° 326, d'une surface de 2 toises, appartient à Blanc Antoine feu Blaise.

    Les étangs, au nombre de 5, tous à Mollié Jacquier pour une surface de 72 toises.

    Différents noms de mas en rapport avec le mot marais
    Mollié Dessus, Mollié Jacquier, Mollié de Beuloz, Mollié de Louchy, Mollié de Rez et Verne, Maravant.

    Terres d'exil. Sans ces carrières beaucoup seraient obligés de s'expatrier car le terrain ne produit pas pour nourrir la population. Certaines familles de Thollon du XIXe siècle dépourvues de terrain, donc de vie, ne pouvaient vivre sans récolte. Elles décidèrent de s'installer en Algérie et certaines en Argentine pour prendre une ferme et des terres qui allaient de 500 à 1000 hectares contre un à deux ares à Thollon et pour le même prix. Tant du Pays de Gavot que des vallées des Dranses, il est parti, entre 1857 et 1890, le cinquième de la population.

    Les femmes aussi devaient quitter le "pays" pour aider leur famille, beaucoup se plaçaient comme domestiques dans les grandes villes. Il s'agit surtout d'un service non spécialisé. Servantes à tout faire et valets de peine. Ils forment une masse relativement nombreuse. A Thonon, en 1741, on en trouve 198, qui représentent 9,2% de la population de la ville. A Evian, où les propriétaires font souvent hôteliers, la proportion atteint 20%.
    Selon les contemporains, la domesticité masculine est plutôt aux "gages de la richesse, tandis que les femmes suffisent au service des fortunes médiocre".
    Les hommes, il est vrai, sont souvent plus spécialisés, avec la fonction de valet de chambre, cuisinier, maître d'hôtel, secrétaire, tout un personnel qualifié et stylé qui sert dans les maisons aristocratiques. Le chanoine Carignan à Thonon, en 1743, entretient cinq valets et une servante.

    Beaucoup se placent comme journaliers ou journalières. C'est le premier type de migration locale salariée. Celle-ci varie beaucoup selon les saisons et est calquée sur le calendrier agraire de la plaine chablaisienne et suisse. En effet, le climat montagnard étant décalé par rapport a celui du Bas-Chablais, les travaux agricoles ont lieu en différé, ce qui permet à une main-d'oeuvre thollogante de partir faire les labours en plaine, alors que Thollon est encore sous la neige.
    Dès le mois de mars il faut du monde pour les labours et semailles de printemps. Journaliers et journalières savent les dates et se présentent pour l'embauche aux portes des domaines. Dès la fin juillet, dans le bas pays, ils arrivent en bandes en chantant la chanson des moissons.

    Enfin, autre émigration saisonnière bien particulière à notre région du Nord : les effeuilleuses, travail particulier et moyen plus que centenaire de constituer un petit pécule pour un trousseau ou pour aider la famille, qui s'effectue vers le mois de juin; pour ôter les feuilles excédentaires qui font de l'ombre aux grappes qui commencent à grossir. Travail très pénible, courbée du matin à la nuit dans les immenses vignobles de Vaud, de Genève ou du Valais.

    La vie aux XVIIe et XVIIIe siècles.

    La vie est aussi dure pour ceux du bas pays soumis à la tyrannie céréalière, que pour les montagnards liés à l'économie pastorale, et les distinctions sociales varient peu des hautes vallées au plaines. Il en ressort ce tableau de la vie savoyarde semblable, sans doute, à d'autres régions à la même époque, mais différente par les nuances de la coutume locale née des impératifs de la nature et des traditions économiques et socio-culturelles.
    La population savoyarde est formée à 90 % de paysans pour qui la vie reste rude et peut devenir dramatique comme en 1709, au cœur de l'occupation française de 1703-1713, lors du terrible "grand hiver" de 1709 qui conduit les sénateurs de Chambéry à rédiger un mémoire évoquant "la ruine complète et prochaine" de la province. Cette exposition permanente aux aléas du climat et des occupations étrangères n'empêche pas une certaine démocratie villageoise de s'épanouir.
    Du côté des classes dominantes, on assiste d'une part à un renouvellement de la noblesse par anoblissement de la couche la plus élevée de la bourgeoisie. Les bourgeois, ces petits aristocrates de la roture, avocats, procureurs, notaires, voisinent avec marchands et manufacturiers, médecins et chirurgiens, sont sociablement les plus mobiles grâce à leur position dans le monde du droit, donnant dans la gestion de seigneurerie ou commencant à s'intéresser au secteur précapitaliste.

    La puissance que sont les deux groupes noblesse et bourgeoisie continue, au XVIIIème siècle, à reposer sur une bonne assiette fonçière : si les paysans propriétaires jouissent d'environ 50% du sol cultivé et si le clergé est réduit à la portion congrue des 5%, noblesse et bourgeoisie en détiennent respectivement 20 et 23%, selon le cadastre sarde. Trompeuse égalité, car la supérioté nobiliaire est évidente pour un temps encore : elle repose sur la seigneurie, sur cet élément fondamental qu'est le fief, au-moins jusqu'aux réformes piémontaises.
    Même décalage dans l'utilisation des possibilités offertes par le service de l'Etat et de l'Eglise, qui servent à consolider les équilibres traditionnels : si les familles bourgeoises ou mêmes paysannes aisées, se servent de la carrière écclésiastique comme d'une étape vers la notabilité, les nobles tiennent solidement la carrière militaire, les charges des cours souveraines, de justice et de finance et près de 10% des charges de cléricature. Différence aussi, dans les manières d'habiter, de s'habiller, de manger et de boire. Mais n'allons pas imaginer, que l'addition de ces différences suffit à définir, en les opposant, nobles et bourgeois : il existe entre eux, des solidarités de pratiques qui sont entretenues par la fréquentation des mêmes écoles et collèges, par les contacts établis dans les organisations de coexistence, ludiques, charitables et religieuses, plus encore par les ambitions communes de contrôler les institutions de l'Etat ou de la seigneurie. Mais l'élément unificateur le plus opératoire réside dans le jeu sans cesse renouvelé des alliances matrimoniales, tantôt sous la forme de mésalliance noble, plus souvent, comme résultat de stratégies très savantes.
    Au bout du compte, il n'y a pas "fusion des élites", en dépit du compromis et du mimétisme, comme il n'y a pas de code commun entre "l'archi-catégorie bourgeoise" qui tente de s'intégrer dans la noblesse et l'avocaillon ou le tabellion qui vit, plus ou moins, médiocrement à l'écart de la propriété, de la production, et de la circulation marchande ou monétaire. Les cloisonnements l'emporteraient donc sur l'identité des valeurs. La fin du siècle montrera que les groupes sont moins perméables que dans les années 1720 ou 1730 et que deux modèles continuent à s'opposer : la conquête ou le maintient du style de vie seigneurial et le souci de préserver l'homogénéité du milieu.

    Les "ébranlements du siècle" relèvent, dans un premier temps, de 3 séries de facteurs complémentaires :

    • Les accidents climatiques et l'inégalité des récoltes font osciller les mercuriales, provoquent l'agitation paysanne, et l'intervention, de plus en plus assurée, de l'Etat;
    • à trois reprises, en 1690, 1703 et 1742, la Savoie subit l'invasion étrangère, le pillage et l'occupation "à l'ancienne" des armées française et espagnole : les communautés rurales atteignent, vers le milieu du siècle, un réel état de délabrement;
    • de plus, une croissance démographique de près de 25% en un siècle, aggrave encore l'état de pénurie quasi permamnente pour le plus grand nombre. Si les couches supérieures, les lignages les plus anciens ou les plus riches, reussissent à maintenir leur genre de vie et une partie de leur pouvoir, nombre de petits nobles sont plongés dans la pauvreté.
    MODERNITE
    Entouré de conseillers, souvent d'humble origine, Victor Amédée II, accentue la centralisation : création des Intendants sur le modèle français; suppression du droit de remontrance au Sénat; majorité civile féminine à vingt-cinq ans, en 1729; mise au pas des institutions locales (suppression de la Chambre des comptes de Chambéry, institution d'un vicaire de police dans les grandes villes; réforme monnétaire de 1717 remplaçant le florin par la livre de Savoie et de Piémont; "Royales Constitutions", en 1723 et actualisées en 1770.
    L'église également est agressée par une laïcisation active : refus de publication de la bulle Unigenitus sur le jansénisme (1723); concordats de 1727 et de 1741; étatisation des collèges au détriment des jésuites au profit de l'Université de Turin, en 1729. La tolérance de fait des protestants du Chablais comme du Piémont, lancée en 1694 - ce qui le brouille avec Rome - est infléchie en 1730. La bourgeoisie genevoise multiplie ses achats de propriétés en Chablais ou Genevois. Le Traité de Turin, en 1754 avec la République calviniste est une étape essentielle dans la décrispation religieuse, impose une tolérance de fait. En principe transitoire, puisqu'elle devait cesser en 1779, elle ne sera pas remise en cause. Une quinzaine de couvents en Savoie et une vingtaine en Piémont, sont supprimés entre 1728 et 1796, parallèlement à une politique commune alors, en Autriche ou en France.
    La réforme fiscale se matérialise par une grande opération, la cadastration de toutes les propriétés, y compris celle des privilégiés, dont on attend dorénavant, une contribution à la taille, avec inventaire des cens et estimation du degré de bonté des terres. (Voir chapître Mappe sarde)
    Menée d'abord en Piémont (1697-1731), puis en Savoie(1728-1738), une fois vaincue la résistance de la Chambre des comptes de Chambéry, supprimée en 1720, elle aboutit à plus de justice. La direction en fut confiée à l'intendant général Dom Louis Lovère, assisté du quartier-maître général Jean-Pierre Audibert.
    Avec trente ans d'avance sur la France, la dynastie piémontaise à pris l'initiative de promulguer et de faire accepter un plan de réforme agraire. Une faille inquiétante pour les privilégiés était apparue dès septembre 1738 : un édit de péréquation générale, soumettant tous les biens nobles à la taille. En fait, un plan de réforme de structues, autrement plus important, visant à modifier le régime seigneurial.

    En deux temps, l'affaire fut rapidement ficelée. L'édit du 20 janvier 1762, confia à la communauté le soin d'organiser le rachat de la "taille personnellle" par les paysans et, dès décembre 1771, après une série d'enquêtes sérieuses, on décida d'appliquer la même procédure de rachat à l'ensemble du "complexum feudale", c'est à dire, aux droits personnels et réels. Une vingtaine d'années plus tard, les 2/3 des communautés savoyardes avaient signé des compromis avec la seigneurie sur les sommes à rembourser et les délais de paiement.
    La Savoie connaît de longues années de paix de 1748 à 1792. L'équipement en routes et ponts est une immense entreprise, qui ne sera achevée qu'au siècle suivant. Elle mobilise des capitaux royaux, municipaux et privés, savoyards et suisses, tel le pont de la Caille, en vallée des Usses, qui coûte 46.000 livres en 1786. Le roi supprime les péages en 1781 ( il y en avait 5 entre Bonneville et Genève), et la corvée est remplacée par un impôt en 1785.
    En s'attaquant au principe même comme à la réalité du privilège nobiliaire, le "despote éclairé", plaçait, plus ou moins, volontairement le bourgeois et le noble, sur un terrain commun favorable à l'attisement des compétitions, des rivalités et des conflits et provoquait la confrontation entre la noblesse et la paysannerie. La bourgeoisie des notables prend consience de son existence comme groupe, en s'opposant à la fois à la noblesse et à la vraie roture et en investissant, très bientôt, dans les valeurs nationalistes qui s'exprimeront à la faveur de la Révolution française. Parallèlement, les nobles effrayés par le changement social et les prémisses de la Révolution se repliront sur la réaction politique et serreront les rangs autour de la monarchie piémontaise. Cette oeuvre impressionnante sera poursuivie par Charles Emmanuel III. La suite de l'histoire trouvera son épilogue avec l'entrée des troupes françaises de "libération"...

    MODE DE VIE
    L'absence d'homogénéité du milieu des notables, les différences d'origine et le rythme d'édification des fortunes, rendent difficilement crédible l'affirmation d'un mode de vie commun. Entre le mode de vie paysan et l'homme de loi, le médecin, instruits, introduits dans la société, façonnés par plusieurs générations de bons propriétaires et le tabellion ou le boutiquier de village, à peine dégagé de la condition paysanne, peut-on parler d'une identité de goûts et d'habitudes exprimées à travers le cadre et les usages quotidiens ?
    L'apparence des demeures trahissait la hiérarchie bourgeoise par une perception spontanée de nuances. Il est certain pourtant que la maison de pierres, recouverte de tuiles, d'ardoises ou même de schiste que l'on rencontrait dans le bas pays ou dans certaines vallées, ou bien le vaste chalet en bois en montagne, au balcon savamment ajouré, ne pouvaient être confondus avec les masures ou les simples chalets des paysans. La dimension des édifices, leurs cheminées de calcaire, de tuf ou de granit, et les chassis vitrés des fenêtres, encore fort rares, affichaient clairement la position du gros propriétaire de l'endroit : autour du bâtiment principal, du corps de ferme, granges, greniers et "trésors" répondaient aux nécessités de la mise en valeur du domaine et de la conservation des récoltes.
    Adaptés au milieu et aux habitudes, la maison rurale, la nourriture quotidienne, le costume, soulignent la variété des campagnes et en particulier l'opposition entre la plaine et la montagne, mais ces différences s'estompent dans les traditions de vie commune : l'importance des fêtes collectives, l'attirance du cabaret, le goût du jeu comme celui de la chicane et ce sentiment collectif très fort que, Rénée et Jean Nicolas nomment la "fierté villageoise".
    Se rapprocher de leur ouvrage : La vie quotidienne en Savoie au XVII et XVIIIe siècles. Hachette - 1979

    Vie en montagne
    En montagne, le relief et le climat commandent, rythment la vie des gens et des bêtes. Monter, descendre, se calfeutrer au temps des neiges, profiter à plein de la lumière et de la chaleur d'été.
    Avec le mois d'avril commencent les travaux et la remise en l'état. Il faut d'abord se refaire un passage jusqu'aux champs et, pour aider la neige à fondre plus vite, on y répand des pelletées de terre ou de la cendre, afin d'accélérer l'ensemencement. Puis on s'occupe d'épierrer, on ramasse le bois que la neige et les eaux ont entrainé. Dans des paniers, des hottes ou des civières les hommes remontent la terre en haut des parcelles pour lutter contre le glissement. On a jamais fini de charrier. Les anes et les mulets, du matin au soir, transportent jusqu'aux prairies de fauche la fumure tassée dans des sacs doubles, à moins que des paysans ne traînent la charge eux-mêmes sur des lèges. Le fumier est ensuite répandu soigneusement par petites quantités afin que toute la surface soit fumée.
    En montagne, c'étaient surtout les vaches que l'on attelait. L'utilisation du cheval ou du mulet comme moyen de traction des instruments agricoles ne s'est généralisée que depuis le XIXe siècle.

    Un premier labour annuel avant de semer les grains de printemps, avoine et orge. Et déjà, vers la mi-mai, il faut songer à sortir le bétail pour qu'il broute l'herbe nouvelle, sur les premiers prés dégagés. De partout arrivent les bêtes : les nouvelles qu'on achète aux foires printanières et aussi le cheptel loué, qu'on montera avec le sien, dans les alpages confié par les gens des villages d'en bas ou par les maquignons qui mettent les animaux à l'engrais. Par les chemins et les châbles, les bergers menent le cortège vers les chalets d'estive. (Voir le chapître sur l'emmontagnée).
    Ce jour là, toutes les vaches montent, accompagnées par leurs propriétaires. Le lendemain, le prêtre vient bénir la montagne et récite une oraison qui retombe immédiatement sur les châlets et ses gardiens. Ensuite, le prêtre bénit le bétail et récite une nouvelle oraison qui s'achève ainsi :
    "Seigneur que les animaux, ici présents, recoivent votre bénédiction qui les rendra sains de corps et qu'ils soient délivrés de tout mal par l'intercession du bienheureux
    Antoine. Ainsi soit-il."
    La vie quotidienne sur l'alpage commence alors, sous la direction du "fruitier"...

    De juin à septembre les journées de travail sont interminables, épuisantes. On trotte, on court, on peine à tous les étages. Des étirées de dix huit heures, de la première lueur de l'aube jusqu'à la nuit pleine. Il y a les prés à faucher, et il faut rentrer les énormes quantités d'herbe qui nourriront les troupeaux pendant les longs mois d'hyverne. (Voir chapître sur la fenaison)
    Dans l'intervalle, il a fallu sarcler les grains et les fèves, puis entamer la fenaison. Le foin engrangé, il s'agit de couper les chanvres, puis de moissonner les seigles et les avoines durant plusieurs semaines, puis la fauchaison des marais. Durant ce temps, l'herbe des prés de fauche - le regain - est bonne à rentrer à son tour. Nouveaux charrois, parfois à dos par les sentiers escarpés : les hommes à chaque voyage, chargent une énorme balle de soixante à quatre-vingts kilos, le en Chablais. Un labeur infini. Combien de navettes ne faut-il pas si l'on songe que l'hivernage de chaque vache absorbe vingt cinq charges de mulet !

    La plupart des familles, celles surtout où il y avait des enfants, gardaient une vache - en bas - ; pendant tout l'été, matin et soir, ces vaches étaient regroupées et continuaient à pâturer les communaux. Les enfants, aprés la première traite, conduisaient les trois ou quatre vaches et les chèvres de la famille sur le communal du hameau, chacun a le sien, par des sentiers bordés de grandes lattes entrelacées, qui protègent les jeunes pousses si tentantes et interdites, au-dessus des biens privés, et les laissaient tout le jour sans gardien. Ainsi une centaine de laitières et de génisses pâturaient à leur guise. Le soir, une famille à tour de rôle, avait la responsabilité de ramener tout le troupeau.

    Tout cela mène jusqu'à la démontagnée, courant septembre. Premières gelées nocturnes, vent coupant, l'herbe se fait rare. On redescend dans un grand concert de clarines et de jurons. Dans le cheptel revenu, le maître effectue son tri : il fera reconduire dans les vallées les bêtes étrangères louées pour l'estive. Parmi les siennes, il décide selon sa propre récolte de fourrage, celles qu'il peut nourrir lui-même en hivernage et celles qu'il confiera gratuitement à garder à des paysans démunis qui ont pu ramasser un peu de foin et qui seront trop contents de se payer sur le lait. Restent les bêtes à vendre, génisses, veaux, moutons et "têtes vieilles". Septembre ramène les grandes foires et les longues marches des hommes aux côtés des troupeaux. On chemine jusqu'à Vacheresse à la Saint-Luc, à La Chapelle d'Abondance pour la Saint-Denis, à Evian le lundi aprés la Saint-Martin, à Thonon les premiers jeudi et vendredi de septembre où la Foire de Crête attire les maquignons en grand nombre, la vente des mulets et des poulains vient s'ajouter à celle des génisses.
    Les dates des foires ne sont pas dues au hasard. Elles correspondent à de vieilles traditions liées au rythme agricole et notamment aux remues en alpage ou au rythme des saisons. Les produits laitiers sont écoulés dans les foires locales. L'argent retiré de la vente des produits d'élevage permettait d'acheter des céréales à l'extérieur.
    Les foires aux mulets, juments, chevaux et poulains connurent alors un grand succés comme à Bellevaux, et le Biot en 1784. De même, le succés de l'élevage des moutons, mulets et chevaux incita , en 1791, les habitants de Bernex et Saint-Paul à demander l'ouverture de foires pour échapper à l'emprise des maquignons qui passaient à domicile et imposaient leur prix.

    Au village, on s'active à "faire la feuille", verne, peuplier, bouleau, fougère, pour la crêche et les litières. On ramasse encore tout le bois qu'on peut jusqu'aux bruyères, on fagotte les fascines, qui serviront à l'allumage. On fend, on scie, on garnit le bûcher. Toutes les familles peuvent participer à l'affouage " tant riches que pauvres". L'abattage se pratique, comme toute coupe de bois, à l'automne après les récoltes et avant la neige. Les affouagistes, ensemble, coupent et préparent le bois. Ils profitent des premières neiges pour le descendre, le font glisser, pied en avant, jusqu'en bas des pentes raides ou le transportent sur des traîneaux, coupé à 1,5 mètre et fendu. On fait des lots tirés au sort entre affouagistes. Un des lots est réservé au curé. Un responsable désigné dirige les travaux d'affouage.

    C'est enfin le temps des labours, des semailles d'automnes après l'extraction des pommes de terre plantées en mai et sarclées début juillet , enfin le battage des grains au fléau, tandis que le bétail erre encore autour des fermes. Vers la Toussaint, aux premières neiges, il regagne les écuries pour y rester jusqu'en mai. Les vaches ne sortiront plus de l'écurie pendant ces longs mois, sauf pour aller boire au bassin tout proche.
    Le foin est jeté dans les mangeoires par de petites trappes, les "donnieu", ménagées dans le plancher du fenil. Les veaux au début du XIXe siècle, recoivent un complément de farine de lin. Dans le "pêle", tout proche, on entend les bêtes remuer. Leur présence réchauffe la maison. L'hiver doit sembler moins long aux chèvres car, les jours de beaux temps, lorsqu'il y a peu de neige, on les lache dans la nature, sans garde, ou dans certains hameaux avec un berger, qui sonne de la trompe pour les rassembler.
    Les gens aussi se renferment et se rabattent sur les tâches domestiques. Parfois, en plein hiver il faut remonter aux granges communales dans les premiers alpages pour rapporter le dernier foin. Les faix sont descendus sur luge ou à dos d'homme...

    Tel est le mode de vie paysan de notre commune en ces temps, propriétaires qui exploitent eux-mêmes leurs parts d'alpages individuels et collectifs.

    Alimentation et cultures
    Essentiellement végétale, l'alimentation populaire était comme ailleurs, à base de pain mélangé dans des proportions variables de farine d'orge, d'avoine, de seigle, d'autres menus grains comme les vesces, les pesettes ou les blés noirs. L'orge l'emportait dans la panification montagnarde, l'avoine et le seigle ailleurs.
    Enorme, la ration quotidienne des adultes se situait entre 1kg,200 et 2 kg.
    Pendant de longs siècles, à Thollon comme dans toute la Savoie, on s'est nourri principalement de soupes et bouillons de céréales. Partout en Savoie, cette soupe "trempée" de pain est une mixture à "plante-cuillère" épaissie de fèves, de pois, de lentilles, et aussi de châtaignes. On y ajoute des herbages, choux et poireaux, de même les courges et plus encore les raves mises à sécher et préparées en bouillies et, encore de rares tranches de viande salée, chèvre ou vache plus souvent que porc. Le tout avec un minimum de graisse : beurre, huile de noix ou encore huile de chanvre. Les légumes sauvages : pissenlit, pourpier, orties, rumex, patiences, rampon, épinard sauvage, barbe de bouc (salsifis des prés) et champignons agrémentent l'ordinaire.

    Les herbes de "haut gout" pour relever les plats, l'aneth, le cumin ou "curvi des prés". Le sel était le plus souvent remplacé par des racines d'herbe ou des prunes séchées au soleil avant maturité. Au XVIIIème siècle, le poivre n'est plus considéré comme un produit de luxe et son prix n'a cessé de baisser depuis le XVIIème, il est devenu un condiment de tous les jours. Les produits de la Méditerranée et les "denrées coloniales" affluent par Lyon et Genève tels que citrons, oranges, amandes, olives, gingembre, muscade, clous de girofle.

    Le maïs, qui pourrait suppléer le grain manquant, n'est pas inconnu, mais on le réserve à la nourriture des bêtes. Malgré l'exemple piémontais de la "polenta", il n'arrive sur les tables que tardivement vers 1770 ou 1780. En effet, en Chablais la polenta n'était pas très connue. Seules les familles des maçons, colporteurs ou bûcherons piémontais en mangeaient. On l'appelait alors, "blé de Turquie, turcis, blé d'Espagne". Il apparaît lentement, encore rare en 1790, dans le Faucigny, sous forme de "poulaine... dont on fait des soupes nourissantes." et confiné dans les jardins.
    De même, les "tartiffles" ou pommes de terres, apparues dés le XVIIIe siècle, elles sont accueillies avec réticence et lentes à s'imposer. Cette plante ne sert alors, qu'à nourrir les cochons car elle est l'objet de suspicion : on craint qu'elle ne véhicule la lèpre, qu'elle fasse la peau sale et grumeleuse et qu'une femme enceinte ait un bébé avec une grosse tête ! Quant aux catégories plus aisées, elles refusent de manger cette racine que l'on donne aux cochons, qui est flatueuse et pâteuse, considérée comme aliment pauvre et aliment de pauvre !
    Néanmoins, les périodes de disette et les guerres, vont peu à peu, se faire vecteurs de sa diffusion. Quant les céréales manquent, les gens se résignent à manger la pomme de terre. Les visitendines de Thonon mettent les tartiffles à leur menu dés 1725.
    Peu à peu les curiosités s'éveillent et les journaux s'en font l'echo. Un lecteur s'intéresse à l'extraction de la farine des pommes de terre. La rédaction le renvoie à l'ouvrage de Parmentier, Recherches sur les végétaux nourissants, paru en 1781, et publie quelques temps plus tard, une liste de "racines succulentes", dont les topinambours, les raves, les carottes rouges et jaunes, et les pommes de terre. L'auteur donne quelques conseils pour la conservation de ces légumes.
    En décembre 1787, les pommes de terre figurent dans la mercuriale du Journal de Genève : 11 à 12 florins 9 sols, les rouges; 7 à 8 florins 6 sols, les blanches.

    Il y a pain et pain. De ce pain que l'on demande chaque matin dans ses prières et qui est attendu, plusieurs fois par jour, sur toutes les tables.
    En milieu urbain, peu de gens cuisinent leur propre pain : peu de logements sont équipés d'un four à pain, dans ces villes aux maisons étroites et serrées, les unes contre les autres, la construction d'un four contre un mur mitoyen était soumise à des nombreuses prescriptions, en vue d'éviter un incendie. Quelques demeures bourgeoises, sans doute, ont leur four. Mais il est certain que la majorité de la population citadine fait cuire son pain au four public, ou bien, l'achète chez le boulanger.
    Tout autre est la situation à la campagne, en montagne, il y a dans les villages des fours "communaux", il y a des maisons qui disposent d'un four et des familles qui partagent un four en commun.
    Ainsi donc, en ville, beaucoup de gens, sinon la majorité, portent leur pain à cuire. La pâte était préparée à la cuisine et portée au fournier, qui n'a pas le droit de vendre du blé, de la farine ou du pain; il ne peut que cuire la pâte qui lui est apportée. Le fournier a acheté sa place aux enchères. Il doit le chauffage du four, en retour, il prélève une poignée de pâte sur chaque pain à cuire. Les ménagères trouvent que la poignée est trop grosse et que le four n'est jamais assez chaud ! Le droit pour la population, de cuire son pain, est ressenti comme un privilège auquel on tient fortement, malgré la resistance des boulangers, qui considèrent l'activité des fourniers, comme une concurrence dont ils se plaignent souvent. Les boulangers cuisent une manière de pain officiel, dont le poids, la qualité et le prix sont fixés par les autorités de la ville. L'usage veut que son prix soit fixé en fonction de celui du blé, en suivant une sorte d'échelle mobile : s'il devient trop élevé, il est taxé par les municipalités. Le bon pain, en ville, c'est donc le pain de froment.
    En milieu rural, le pain mèlé l'emporte, avec dominante d'orge ou d'avoine, selon l'endroit, et adjonction de blé noir ou de seigle, le pain de seigle pur étant réservé aux jours de fête. L'avoine fut d'abord prépondérante. En 1794, elle est "la seule nourriture de première nécessité". Elle a un cycle de végétation plus court que les autres céréales et arrive à mûrir même "à Lajoux" et son peu de soleil. Puis elle décline. En 1896, elle n'est utilisée que pour la nourriture des poules et des cochons. Progressivement le seigle la remplace dans le pétrin. Partout, les riches - nobles, écclésiastiques, rentiers - le mangent blanc, de pur froment. Le blé froment apparaît pour la première fois, dans les statistiques en 1862. La culture a été rendue possible par l'adoption de semences canadiennes bien adaptées au froid. Il en est ainsi dans toute la Savoie. On cuit pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois. On en fait d'énormes provisions pour économiser le chauffage du four, des pains de sept à dix livres.
    Le pain parfois se mange seul, trempé dans la soupe, dans la sauce ou dans un pichet de piquette ou de vin clairet. Acheter ou cuire son pain ? A Evian, Thonon, même Genève, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, trois-quarts des habitants achètent leurs grains ou leur farine et font cuire leur pain au four public (mitoyen de la halle à Evian). Un quart de la population environ, achète son pain : chez les boulangers, dans les "bureaux du pain", aux panetiers et panetières, ouvertement quand la vente du pain forain est autorisée, en fraude quand elle est interdite. Quelques décennies plus tard, cette situation anachronique aura changé pour se retrouver au XIXème siècle avec les 5/6ème de la population achetant son pain.
    Au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie sociale, le pain laisse progressivement et partiellement la place à la viande, sans disparaître pour autant.

    Les animaux domestiques : volailles, lapins, porcs sont élevés avec les restes des repas. On mangeait la poule quand elle ne pondait plus et l'animal accidenté telle la vache qui s'était étouffée en avalant une pomme. Il y a aussi les volailles, poules, chapons, oies et pigeons, plus nombreux dans les villages à grains que dans les régions à vignes. Ce sont également des cadeaux dus aux seigneurs, baillis et aux magistrats. Le dindon n'est pas courant, il figure au menu des repas fins où on lui réserve les apprêts les plus raffinés, et on ne sait pas grand chose du lapin, sinon qu'il est très peu apprécié.
    Les bonnes maisons ont au saloir, seul moyen de conservation, leurs réserves de jambons et de lard. Au printemps, on achète des porcelets, car on élève ni truie ni verrat pour la reproduction; il faudrait les nourrir tout l'hiver de choux, de pommes de terre et d'orge, habituellement réservés aux hommes. Une livre de porc coûte environ le double d'une livre de veau. Les porcs sont engraissés pour l'usage familial; les paysans engraissant un ou deux cochons, ce qui ne suffit pas à satisfaire la demande du marché. Le nombre de porcs augmente au cours du XIXe siècle, signe de moins grande pauvreté. Ce n'est qu'au XIXème siècle que le porc devient la viande la plus populaire et que les saucisses et saucissons sont très souvent utilisés dans la cuisine campagnarde.
    Les moutons, eux, sont un objet de spéculation. On utilise leur laine puiqu'on les "tonsure" avant de les revendre, mais on cherche surtout à faire du bénéfice, en les faisant pâturer, à peu de frais, sur les communaux et sans avoir le souci de faire du foin pour l'hiver. L'achat de moutons semble avoir été modeste au début du XIXe siècle.

    La viande est remplacée par le poisson, pendant le Carême et l'Avent, ainsi que pendant les nombreux jours de jeûne qui parsèment l'année (166 jours par an, en moyenne au XVIIème siècle). Les poissons les plus recherchés, la perche, la féra, l'omble-chevalier, la truite. Cette dernière, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, considérée comme la meilleure, coûte toujours plus chère que les autres poissons, se vend jusqu'à Lyon et Paris. Autour des poissons et de la viande, dont la ration moyenne augmente de même que s'améliore la qualité du bétail, s'ordonnent des légumes dont la variété témoigne du goût pour une nouvelle cuisine. Les agronomes se livrent à des essais sur les légumes traditionnels ou nouveaux, que l'on améliore ou dont on fait passer la culture du jardin au champ : cardons, carottes, scorsonères, artichauts; ou que l'on apprend à conserver pour les servir en temps d'hiver.

    Les fruits sont cultivés dans les nombreux vergers : pommes, poires, noix, cerises, prunes. Il existe, trois natures de poiriers cultivés en Savoie: le poirier à cidre, le poirier à couteau et le poirier à sécher pour manger en hiver (le fruit de ce dernier est vulgairement connu sous le nom de kergne). Le poirier maude est peu connu hors delà Savoie, il donne du cidre en abondance qui ne se conserve qu'une année à peine, tandis que le cidre de pommes se conserve plus longtemps. On les mélange avec bénéfice.
    Le Chablais exporte ses cerises en Suisse; il en fait aussi une eau-de-vie trés estimée, il est établi que 17 livres 1/2 de cerises produisent un litre de kirsch vierge. Trés peu de noix, en fait, la plupart des noyers avaient été détruits par le gel lors de l'hiver 1709. Complément appréciable, pour les populations locales, en attendant la pomme de terre, les châtaignes faisaient également l'objet d'exportation et servaient de redevances aux châtellenies. S'il existait de véritables plantations, telle celle du comte de Savoie à Yvoire, la majorité des châtaigneraies étaient des formations naturelles protégées de l'abattage. Pour certaines, la culture complètait celle de la
    vigne en crosses ou hutins.
    En même temps, révélateur du mieux-manger, la consommation de sucre augmente considérablement. C'est que le café, le thé et le chocolat (apparaissent en petites quantités au XVIIème siècle, puis au XVIIIème : canne à sucre, le café et le cacao), se boivent généralement sucrés. Les habitudes se prennent aussi, de conserver les fruits au sucre, en confiture et en gelée.

    Autre progrés dans l'alimentation quotidienne de ce XVIIIème siècle, le lait se consomme plus largement en ville et cesse d'être un aliment exclusivement, ou presque, destiné aux enfants et aux malades, ce qui n'est pas sans répercussion sur la composition du troupeau bovin, dans la seconde partie du XVIIIème siècle : les éleveurs gardent plus longtemps les vaches laitières et vendent plus rapidement les veaux. Le lait consommé en ville est toujours mouillé : on croyait généralement que d'y additionner de l'eau l'empêchait de se gâter.
    Les produits de l'élevage apportaient les éléments protéiques complémentaires sous forme de laitages et fromages, qui même en ce pays de production, sont réservés à ceux qui ont de quoi. Les autres se contentent de sérac. Les oeufs aussi sont "servis comme un régal sur la table du pauvre". Les oeufs sont réservés au marchés et leur prix varie fortement selon les années et les saisons; la douzaine coûte trés cher et les oeufs ne sont ainsi pas abordables pour tout le monde. Et pourtant, la cuisine bourgeoise les utilise en grande quantité. Les crèmes et les sauces sont à base de jaunes d'oeuf, les tourtes et patisseries en exigent un nombre qui paraît aujourd'hui énorme. Mais il ne faut pas oublier, qu'avant l'introduction de la levure chimique, au XIXème siècle, ce sont les oeufs qui font lever la pâte. Comme ordinaire, de l'eau, du cidre "la maude" ou "la chèvre", plus rarement du vin, toujours largement coupé...
    La vie était si dure que tout ce qui était monnayable était vendu, soit au marché, soit aux coquetiers qui passaient dans les villages et achetaient les oeufs pour les revendre, ainsi que les tommes fraîches, les légumes et même les fruits sauvages... Avec les petites sommes reçues, la ménagère pouvait acheter le sucre, les fidés (pates), l'huile, etc.

    Sur les tables modestes, rare est la viande car les volailles, les porcs, les veaux et même les bovins agés étaient ordinairement destinés au marché urbain; exceptionnelle l'alimentation carnée consistait en viande de chèvre ou de vache conservée au saloir, dans les fermes les moins misérables. Encore que cette viande doive être cuite longtemps, pour devenir tendre. Il n'est pas rare de trouver des recettes du XVIIIème siècle, qui demandent quatre heures de cuisson pour un filet de boeuf.
    Peu de bonne viande de boucherie, sûrement, mais de temps à autre, pour les mieux lotis, du lard, de la vache maigre, de la viande de chèvre. Les pauvres, eux, achètent la "charge", c'est-à-dire les abats, les tripes, la tête. Quand le meilleur boeuf est vendu 7 sols la livre, la charge coûte 3 sols et la vache maigre se vend 4 sols.
    Le riz venu de Piémont, est longtemps considéré comme un aliment de secours, dont on fait des réserves en cas de pénurie, d'une disette ou en cas de siège dans les villes. Il est relativement rare et cher.
    On a peu de renseignements sur les pâtes. Il en vient d'Italie, dans les années soixante du XVIIIème siècle, et on achète des vermicelles à la fin du siècle.
    Dans la région, on cuisine au saindoux, au beurre frais ou fondu et à l'huile de noix, habitudes alimentaires fondées sur les produits du pays. L'huile de noix parait avoir été l'objet de spéculation et d'accaparement, manoeuvres qui font monter artificiellement le prix de l'huile de noix. Denrée de luxe ou produit pharmaceutique, l'huile d'olive vient de Provence par Lyon et Genève, précieuse et chère, elle arrive avec les bons vins et les fruits du midi.
    D'autres cultures nouvelles apparaîssent au cours de la période, dont on a bien du mal à mesurer l'ampleur de la diffusion et de la consommation par les ruraux : oseilles, cardons, choux-fleurs, petits pois, betteraves, asperges, artichauts..., venus d'Italie, ou encore tomates et haricots venus d'Amérique. Il semble qu'ils aient été progressivement intégrés dans l'alimentation quotidienne, remplacant parfois des légumes de culture plus ancienne (tel le haricot pour la fève), et que, finalement, leur adoption constitue le principal changement dans l'alimentation des ruraux au cours des siècles de l'Ancien Régime.
    Autre innovation, la consommation des légumes et des fruits crus devient courante (notamment la salade avec de l'huile et du vinaigre), alors qu'auparavant les paysans considéraient que tout ce qui était cru, ne pouvait être qu'une nourriture destinée aux vagabonds et aux mendiants.

    Le contraste est considérable entre la nourriture des pauvres et la cuisine des riches.
    Il apparaît déjà à la manière dont la table est mise. Chez les gens modestes, sur une nappe de toile grossière (elle sert de serviettes aux convives), sont posées les écuelles de bois, de terre ou de fer; on se sert à même le pot à l'aide de louches ou pochons; on dispose de cuillères et de couteaux, mais pas ou peu de fourchettes, sinon pour retirer les morceaux de la marmitte. Les assiettes sont d'étain commun, tout comme les tasses et les gobelets.
    Chez les plus aisés et les riches, nobles et bourgeois, le pain - blanc et délicat - n'est pas l'essentiel de la nourriture. Il est là pour accompagner, de bonnes viandes, de bons poissons et de gras fromages, chacun a son couteau et les cuillères et fourchettes sont en argent, la vaisselle d'étain fin, dûment recensée et pesée, ou de faïence. La faïence reste la reine des buffets dont elle a chassé l'étain fin, dont la couleur argentée et les reflets brillants imitaient l'éclat de la vaisselle aristocratique, souvent en argent massif. La porcelaine ne fait qu'une entrée très timide dans les ménages. Il faudra attendre la fin du siècle, pour la voir apparaître de manière significative et même dominante dans la vaisselle de table et les services à thé ou à café. L'argenterie brille sur les nappes brodées au point de Venise. Les gardes-robes sont pleines de linge fin, de "linceuils" en mi-lin, de serviettes, de rideaux.
    Les achats de gibier ou de viande de boucherie complètaient les livraisons de volailles apportées par les fermiers. Au poisson vendu sur les marchés par les pêcheurs ou poissonniers, s'ajoutaient les écrevisses et les escargots pour les plus raffinés et, en temps de carême, la morue, la merluche et le hareng que débitaient les épiciers. Dans les caves, un pressoir, des cuves et des tonneaux, des coffres à huile, doublés de fer blanc.
    La consommation régulière de viande porcine, mais surtout bovine et ovine, était en elle-même un indice d'aisance et aussi de raffinement.
    Sous l'angle sensoriel, on pourrait opposer le régime des pauvres, entièrement constitué sous le régime de la fadeur, avec les farineux, les légumes, tous les laitages et blancs-mangers, et le régime des riches à base d'éléments carnés et gras, relevés de parfums et d'épices.

    Face à ce monde de crève-la-faim, prêt à mâcher n'importe quoi, -herbe des prés, fruits verts aux arbres-, la consommation des familles à leur aise donne l'image d'une surabondance goulue. Trop de viandes, d'épices, de sucre, d'alcools à la fin du XVIIIe siècle.
    Parmi les causes fréquentes de maladie, le docteur Daquin, [20] notre médecin savoyard des Lumières, accuse les excès de table !

    A l'hôpital, la soupe constitue l'essentiel du menu quotidien pour les pauvres. C'est une sorte de pot-au-feu, la soupe est préparée tôt le matin dans des chaudrons remplis d'eau dans laquelle on met du boeuf à bouillir ou de la vache. Avant de mettre les légumes on prélève le meilleur bouillon pour les malades. Il y a bien, de temps en temps, un morceau de viande dans les assiettes qui surnage, puisque à plusieurs reprises, on punit les pauvres qui trafiquent de leur morceau de pain et de leur ration de viande. Le dimanche voit apparaître des ragouts et des daubes et exceptionnellement, les rôtis. Les malades sont des mangeurs privilégiés. Pour eux, le meilleur bouillon, souvent amélioré d'orge et de gruau d'avoine. Pour eux, "des viandes chaudes et humides, de bon suc et de facile digestion, évitant celles qui sont grossières et venteuses. [...]" Ainsi, 2 jours par semaine, ils ont droit, à de la viande de mouton, plus "douce" que celle de boeuf. Ils recoivent du pain "clair" ou "blanc moyen". Les achats de beurre frais, lait et oeufs, sont presque toujours stipulés "pour les malades".
    Comme toujours, les dates de fondation de ces genres d'établissement fluctuent sur une dizaine, voire une vingtaine d'années. A Evian, on a du commencer vers 1340, la première ébauche de l'hôpital. On ne sait rien de ce premier établissement, mais il avait une chapelle. Le Prince-évêque de Genève en permet l'ouverture, le clergé local fournira un chapelain rémunéré par l'hôpital, il en sera le recteur et en assurera le fonctionnement. Très vite, il recevra de nombreux dons des bourgeois de la ville pour son financement. Le comte Amédée VI, en 1360, donne une rente annuelle de 7 sols et 6 deniers.

    La pêche, est avec la chasse et la cueillette, une des formes primitives de l'activité humaine. Les premières prescriptions connues destinées à protéger le poisson datent du début du XIVème siècle déjà. Mais durant les siècles suivants, la pêche est régie par des prescriptions édictées par des seigneurs ou des villes, rarement de manière concertée. Déjà très tôt, les autorités étaient confrontées à des problèmes de pêche abusive ou de poissons capturés trop petits. Le petit poisson côtoie la rive par essaims ou dort à la surface de l'eau. Lorsque la bise souffle, les barques parties de Meillerie filent rapidement vers Genève, seules ou de conserve. La nau, embarcation non pontée à fond plat de 7 à 8 mètres, à l´avant relevé en coin est utilisée pour la pêche. Elle est apparue au XVIème siècle et elle est issue de la tradition indigène de construction navale remontant à l´époque celtique. Cette côte est le principal lieu de pèche du Léman; plus ombreuse et plus solitaire que la rive suisse, elle se prête mieux au frai. On compte 18 espèces de poissons. En ce début du XXIe siècle, l’anguille appartient toujours au biotope du Léman, même si elle y devient rare. Au Moyen âge, sa chair délicate était appréciée par des gens fortunés des deux rives. Dans les profondeurs du grand Lac vit la féra. Ce poisson, particulier au Lac, d'une chair délicate et estimée, a ses migrations ; à certains moments, il descend par bancs dans le petit Lac (à l'Est). Aux extrémités du Lac, on pêche de belles truites; l'omble chevalier si recherché des connaisseurs est moins abondant. La perche, le brochet, la lotte, sont les espèces les plus répandues avec les écrevisses à pattes rouges ou blanches. C'est à la nuit tombante que partent les pêcheurs, on les entend s'appeler avec le cor. Ils travaillent la nuit et dorment le jour.

    La chasse au XIXe siècle, pour certains thollogands, est une véritable passion, mais elle est surtout un complèment alimentaire non négligeable et une source de revenus. Elle se déroule essentiellement dans les communaux qui ne sont pas affermés comme terrains de chasse, le reste du territoire étant soumis à l'administration des Eaux et Forêts sarde. On tire la perdrix, le faisan, la gélinotte, la bécasse, le canard, le Grand Tétras ou Grand coq de bruyère et le coq-d'Inde. On chasse le lièvre, le sanglier et le chevreuil. Ils chassent sans permis toute l'année (la chasse est interdite aux gens de simple condition), achetent leur fusil aux Suisses qui ont terminé leurs obligations militaires. Le braconnage est si important, que l'administration finit par intervenir. En 1841, une circulaire rappelle qu'il est interdit de chasser du 15 mars au 15 août et de vendre du gibier sur les marchés.

    Deux nouveautés touchent toutes les catégories sociales à la campagne : le tabac et l'alcool. Vin et surtout alcool, ne sont pas consommé individuellement à la maison (à la différence de ce que nous constatons en ville), mais collectivement, dans les cabarets, dont le nombre se multiplie alors, touchant peu les ruraux, en fait presque essentiellement les seuls aisés. Au milieu du XVIIIème siècle, il devient de bon ton dans la haute société de posséder, de quelques dizaines à quelques centaines de bouteilles de vins fins, mais aussi, des carafes de liqueurs, d'une étonnante variété, et de nombreux alcools et ratafias. Le vin se démocratise et devient un bien de consommation courante au XVIIIème siècle. On professe désormais que toutes les eaux ne sont pas bonnes à boire, et que, même potables, elles ne se valent pas. Les riches, fin XVIIIème, ne veulent plus boire les eaux des fontaines et des puits urbains; ils se méfient des porteurs d'eaux. Alors commence la conquète de l'eau. On se met à analyser les eaux minérales, à les mettre en bouteilles et à les proposer à la vente : un vaste appareil technique pour conduire l'eau jusqu'aux appartements et un réseau de commercialisation qui s'appuie sur les vertus médicales attestées par les étiquettes. Cela annonce l'essor du thermalisme du siècle à venir et l'avènement des Eaux minérales d'Evian, en 1789.
    Quant au tabac, il rencontre, lui aussi, un grand succès, qu'on le fume, le prise ou le chique.

    Vie à la ville
    Le voyageur qui traversait la Savoie d’Ancien Régime, n’aurait guère rencontré de grosses agglomérations. Suivant les chemins, à travers des campagnes plates ou montueuses et le long de voies d’eau bordées de paisibles pâtures, il faisait étape dans des bourgs médiocres et les capitales de la province ne rappelaient que vaguement les grands centres européens. La Savoie ignore la grande ville : les 3 grandes ont moins de dix mille habitants.
    Chambéry au XVIIème et encore au XVIIIème siècle dépasse à peine, bien que capitale, les dix mille habitants, Annecy les cinq mille, Thonon les deux mille et ce sont pourtant les « trois grandes ». Elles sont tout autant aussi encombrées, insalubres, menacées d'incendie et tardent à s'urbaniser.

    Habitat
    En Savoie, les maisons des notables associent le modèle rustique et la conception citadine. En ville et dans les gros bourgs, la supériorité de la maison du notable bourgeois était moins évidente que celle du gros propriétaire montagnard ou campagnard. Il faut imaginer un ensemble composite associant le modèle rustique et la conception citadine, l'édifice de bois et l'habitat de pierre, la couverture de chaume et la toiture d'ardoise ou de tuiles. Pour autant, l'habitat urbain à de fortes spécificités qui s'affirment encore davantage au cours de la période. L'habitat urbain tradionnel se caractèrise par un bâti d'apparence anarchique et par un parcellaire étroit, ce qui a des conséquences nombreuses sur l'organisation des intérieurs.
    Les rues d’Evian sont rétrécies par des étables, des appentis en bois ou des escaliers biscornus et rendues dangereuses par les trappes des caves, ouvertes à même la chaussée. Voituriers et meuniers provoquent des encombrements quotidiens. A Annecy, ils envahissent même les passages situés sous les arcades où ils font stationner les mulets, les ânes et toutes sortes d’animaux « à pied fourché », chèvres et moutons. Thonon est elle aussi, une ville bâtie « à la savoyarde », avec des rues irrégulières et des maisons mal alignées…
    L’entassement de la population et l’enchevêtrement des îlots sont largement responsables de l’insalubrité urbaine. Les venelles tortueuses, pour la plupart non pavées, tournent au cloaque à la moindre ondée. Et puis les volailles, ces chiens qui fouillent les tas d’ordures, ces porcs qui grognent dans les cours et les allées ! Même dans les villes d’eaux, où l’on attendrait un air d’élégance, le laisser-aller et la saleté, rebutent le visiteur. A Evian, les étables à cochon, adossées aux façades et les tas de bois, gênent la circulation. Et l’on risque encore d’être heurté par les charretiers qui manœuvrent à l’entrée des remises ou des caves, les vignerons qui font rouler leurs tonneaux, les portefaix qui marchent à l’aveugle, tête baissée sous leurs balles, leurs fagots ou leurs balles de foin.

    Selon les rues, on rencontre de grosses habitations basses et carrées, coiffées de toits à quatre pans, ou bien des unités accolées sur deux ou trois étages, étroites de façade mais déployées en profondeur autour de cours intérieures. Partout des caves, des celliers, des bûchers et des écuries qui débouchent sur des cours et des allées qui traversaient les immeubles de part en part. Des viorbes, escaliers en vis, souvent obscurs, reliaient les étages où le bourgeois disposait pour sa famille, d'un ou deux appartements flanqués sur l'arrière ou parfois sur la rue, de balcons couverts ou de galeries de bois qui pouvaient enjamber les ruelles, pour réunir les maisons se faisant vis à vis. Dans les faubourgs, on trouve la maison basse, d’allure rustique, alignée ou non, partiellement construite en bois et couverte de chaume, de tavaillons, ou essendaux, selon l’endroit. Au centre, la haute demeure de pierre, coiffée d’ardoise, ou de tuiles écailles. Les mixtes sont d’ailleurs fréquents, il faut imaginer un assemblage composite associant dans le même quartier, le modèle campagnard et le type citadin. En plein XVIIIème siècle, beaucoup de maisons dans les bourgs et les villes, ont conservé leur toiture d’essendaux ou de chaume, comme à Annecy et Chambéry. Dans la capitale toutefois, les statuts de la police de 1732 en interdisent l’usage et imposent leur remplacement dans un délai de cinq années, de crainte des incendies ; l’interdiction est renouvelée en 1773.
    Cette diversité est également sociale. Dans un lieu donné, toutes les maisons ne sont pas de même taille ni de même aspect : on peut connaître le niveau social des gens à la seule vue des bâtiments qu'ils occupent. Tout comme les nobles, les bourgeois de tradition, étaient en majorité, établis dans la partie la plus ancienne de la ville, à l'intérieur des remparts. La répartition des artisans répondait à leur spécialisation et au caractère, plus ou moins luxueux de leur métier : les tailleurs, les chapeliers, dans leur grande majorité habitaient les rues du centre, ainsi que les cordonniers ; en revanche, les menuisiers, les charpentiers, les serruriers, les maréchaux, les maçons ou les tisserands étaient plus nombreux dans les faubourgs où résidaient, évidemment la plupart des voituriers, journaliers, jardiniers et petites gens de divers états.
    La rue Supérieure (rue Nationale) est la rue active avec ses boutiques, ses cafés, ses hôtels. C'est à partir de cette époque, qu'on a commencé à construire ces belles façades sardes, qui demandent qu'on lève un peu la tête, pour les voir. On voit trop de bâtiments vétustes ou délabrés, le mur-digue tombe en ruine, n'est pas entretenu. Les voyageurs constatent une certaine négligence et même une incurie, car, rien n'est fait pour créer des promenades, on a demandé des bancs proches du lac.
    En 1860, la ville n'aura pas retrouvé le niveau qu'elle avait avant la Révolution et ne pourra financer des travaux. Dans un premier temps, avec les disettes de 1816 et 1817, par suite du mauvais temps, et celle de 1830, il est bien difficile au Conseil de Ville, de pousser une rénovation ou des réparations, aux nombreux bâtiments publics, qui en ont bien besoin.

    Intérieurs
    L'approvisionnement en eau est un premier défi. Certains possèdent un puits intérieur ou une fontaine ce qui permet de se passer, en partie, des services de ces centaines de porteurs d'eau, qui chaque jour, remontent dans les étages de ces maisons, chargés de seaux. L'absence d'eau courante est une contrainte évidente dans la tenue et la propreté d'une cuisine, d'un logement en général. A cet égard, le seul progrès enregistré au cours du siècle est l'augmentation de la contenance de la fontaine de cuivre qui se trouve dans la cuisine : de 4 à 16 seaux (relevés en 1764), soit 250 litres. Quatre seaux - une soixantaine de litres - suffisaient à peine aux besoins d'une grosse vaisselle familiale, à cette époque où les ustensiles de cuisine sont volumineux. Ce mince progrès à travers le siècle évite les allers-retours incessants au puits ou à la fontaine publique.

    Au début du XVIIIème siècle, les cuisines n'ont pas fortement changé depuis la fin du Moyen-Age. On y manque pas d'espace, mais le mobilier n'y est pas abondant et rudimentaire. Il n'y a pas de garde manger, la viande fraîche est suspendue à un croc au plafond. Certes, la cheminée est équipée de tout le nécessaire : crémaillère, tournebroche à contrepoids de plomb, lèchefrite. Parfois, de simples réchauds posés à même le sol de la cheminée. On se soucie pourtant d’améliorer les cuisines, pourvues d’un garde-manger et d’un lavoir à vaisselle distincts et biens aérés. Les fourneaux commencent à se répandre dans toutes les catégories sociales, la cheminée cesse d'être le centre de gravité du logement et la cuisine peut se faire debout, et non plus accroupi devant l'âtre, et dans n'importe quel endroit du logement. Même recherche de l’hygiène dans le traitement des latrines, mieux isolées et équipées de conduites d’aération prolongées jusqu’au niveau des cheminées, à défaut du siphon encore ignoré. Avant le cabinet d'aisance, la génération précédente se contentait d'une ou deux chaises percées et/ou d'un fauteuil de commodité. Chacun dispose d'un pot de chambre ou vase de nuit, et s'en débrouille. Quant aux soins du corps, il n’y a toujours pas de lieu réservé à ce seul usage. Dans les plus riches demeures, une pièce distincte renferme, outre quelques sièges de salon, des miroirs, des carafes, des boites à poudre et divers objets de toilette. Tant pour l'hygiène personnelle et l'élimination des odeurs indiscrètes : eau de Cologne, eau de Mélisse aux parfums de citronnelle, extraits de jasmin, lavande, etc. Il faut, dans le contexte général de rareté de l'eau, imaginer des ablutions quotidiennes minimales. Le plus souvent, la chambre est équipée d'un broc et d'une cuvette, éléments d'une rudimentaire toilette. Selon le Dr. Daquin, la pratique du bain à domicile est encore peu courante en 1787, quoique en léger progrès, mais la baignoire en sapin ou en zinc doublée de bois, reste exceptionnelle.
    En voici un exemple de l'histoire : c'est le tableau de la Mort de Marat, en 1793. L'horrible victime expire, renversée sur le bord de la baignoire où elle a été poignardée, et dont l'eau est déjà teinte de sang : le couteau avec lequel Charlotte Corday vient de la frapper est sur le plancher. La pauvreté du XVIIIème siècle est peinte dans toute sa nudité, une baignoire de bois, une planche recouverte d'un tapis vert, afin de pouvoir lire ou écrire, une caisse de sapin dressée sur l'une des extrémités, et portant une écritoire en plomb , voilà tout le mobilier de la salle de bain du citoyen Marat

    Le verre éclaire les fenêtres aristocratiques, alors que les autres maisons n’ont encore que des carreaux de papier huilé ou de toile térébenthinée à peine translucide. Les appartements royaux du château de Chambéry sont dotés de vitres vers 1730. Pourtant, avec les progrès de la verrerie, le carreau amorce sa progression à la campagne et à la ville, dans la seconde moitié du siècle.
    L’éclairage domestique constitue un autre chapître médiocre de la vie quotidienne, on rend assez vite les armes devant l'obscurité. Car la bonne chandelle qui ne fume pas, coûte cher, et même très cher. Nulle pièce n'est éclairée par un lustre, infiniment trop dispensieux en acquisition et surtout en fonctionnement, et en outre, dangereux car exigeant une surveillance constante. Le nombre de source de lumière est globalement limité. Aucune évolution d'ensemble radicale au cours de notre période. Toujours la lampe de laiton, de fer ou d’étain ou l’on brûle de l’huile de noix, ou de l’huile de lin. La bougie de cire blanche reste un luxe relatif ; plus communément on utilise la chandelle de suif (chèvre ou mouton) mêlé d’un peu de poix, avec le minimum de beurre ou de graisse de boyaux, ingrédients qui font couler, exhalent une mauvaise odeur et donnent une épaisse flamme fuligineuse. Chez les nobles et les bourgeois, les points d’éclairage sont maintenant plus nombreux : non plus seulement les simples lampes à huile, les bougeoirs et les chandeliers mais les bras et girandoles de bronze ou de cristal, disposés çà et là, de part et d’autre des miroirs, au-dessus des cheminées. Les plus riches adoptent le grand poêle de faïence, dit poêle à l’allemande, qui, bien disposé au cœur du logement, diffuse une chaleur régulière.
    L'évolution est similaire pour les salles à manger : c'est seulement à partir du XVIème siècle que l'existence d'une salle réservée aux repas, devient courante chez les riches, alors que le peuple continue à manger, dormir, recevoir, souvent travailler, dans la même pièce et il faut attendre, le XVIIIème siècle pour que ce luxe se démocratise en partie, du moins dans les classes moyennes.
    Evolution encore, les "salons" ne concernent avant 1750, qu'un cercle très restreint de privilégiés, même pas tous nobles, alors qu'après 1750, on les trouve chez la plupart des notables, avec de nombreux sièges et des tables de jeu. Les jeux de cartes, et plus généralement les jeux de société, sont une composante importante de la sociabilité familiale, et de stimulation de l'intellect et des qualités tactiques. Il n'est pas une soirée de la morte saison qui ne s'achève autour de plusieurs tables de jeu et table de quadrille dans laquelle on renferme, jeux de cartes et accessoires. Le nombre de chaises relativement élevé, dans les appartements privés, indique que l'on peut accepter une société assez nombreuse. Les fauteuils se généralisent au cours du XVIIIème siècle, tandis que pour les horloges, le tournant décisif se situe dans les années 1730 - 1750, les curés étant équipés les premiers, avant les notables laïcs.
    Un monde sépare évidemment cette aisance, même modeste, de tous ceux qui en ville, logent dans les caves ou les écuries. A un degré un peu moins pitoyable, des familles entières vivent dans une pièce unique, sans cheminée, simplement chauffée par un braséro. Il leur est interdit de brûler du bois quand ils n’ont pas de cheminée, à cause des risques d’incendie ; seul le charbon de bois est autorisé, mais l’on enjoint de disposer le braséro au centre de la pièce, loin des parois.

    Ces changements traduisent, de toute évidence, une progression des exigences de confort et d'intimité, laquelle va de pair avec une imitation des évolutions urbaines : mais il s'agit là, de nobles ou notables, et uniquement d'eux.

    Un être de plus : l'enfant.
    Jusqu’à la fin du XIXème siècle, il n’est pas rare que des familles de la région comptent une dizaine d’enfants. Ces derniers marchent à peine qu’on cherche à les rendre utiles. Ils vont aux champs à cinq ou six ans, labourent à dix ou douze ans et, à quinze, s’acquittent des travaux les plus pénibles. Bouche inutile, qui grève trop longtemps la capacité de travail de la mère, le nouveau-né compte moins que l’animal. Un ancien me confirme :
    « Je ne me souviens pas combien on était de gamins, car il devait en venir toutes les années, mais ce dont je me souviens, c’est qu’on n’avait qu’une seule vache ! »

    La longue série de naissances est parfois interrompue par la mort prématurée de la mère en couches. Le train de ferme repose alors sur le père et sur les aînés, même si la solidarité villageoise joue un temps. Un paysan d’une vallée voisine se souvient de la famille X :
    « Ils étaient neuf enfants dans cette famille, dont cinq filles. L’une s’appelait Alexandrine, c’est elle qui sortait le fumier ! Les garçons allaient encore bien faire des journées d’un côté et d’autre. C’étaient des gros travailleurs. Mais vous savez à l’époque, il n’y avait que le travail qui comptait ! »

    Une forte natalité est considérée comme une normalité et encouragée par la religion et les pratiques sociales. L'Eglise encourage la dévotion aux saints qui favorisent la fécondité. L'un des pèlerinages dédié à sainte Anne, mère de la Vierge, se situe à Marin, une chapelle y renferme les cinq doigts du pied gauche de la sainte : les thollogands s'y rendaient-ils ? D’après la légende, cette relique aurait été donnée par Charlemagne au seigneur de la Chapelle-Marin pour lui avoir sauvé la vie au cours d’une bataille contre les Sarrazins. Selon une tradition plus vraisemblable, elle aurait été rapportée des croisades par un seigneur de la famille de Blonay.
    Mais, l'enfant est aussi une assurance pour l'avenir. Dans une société sans couverture sociale, le fait d'avoir des enfants, permet de s'assurer un revenu minimal pendant la vieillesse.
    Une maison, un lopin de terre, quelques vaches et beaucoup d’enfants. Dans cette région, tel est l’environnement d’existence jusqu’à l’entre-deux-guerres. Souvent, plusieurs générations vivent sous le même toit. Par manque de place, les enfants dorment à trois dans un lit étroit, tête-bêche. Un ancien explique encore :
    « Bien souvent, vous aviez dans la maison : le grand-père, la grand-mère, un fils avec sa femme, quelquefois un autre fils ou une autre fille célibataire, et puis les enfants. Et pour tout ce monde, on ne disposait parfois que de deux chambres à coucher ! »

    La montagne est soignée comme un jardin. Mais au prix de quelles peines ! Pas un coin d’herbe, pas une motte de terre qui ne soit l’objet de l’attention des hommes. Le travail se fait à bras, sauf les labours pour lesquels un attelage est nécessaire :
    Tout le monde avait sa ferme. C’était pas comme aujourd’hui avec une seule exploitation dans la commune. Avec chaque maison, il y avait une petite exploitation. Quand un enfant partait de la maison, il allait créer sa propre ferme quelque part dans la région et l’hiver, ils allaient faire les journaliers pour avoir un complément. Mes grands oncles allaient peigner le chanvre.

    Alors, l’activité familiale s’impose à chacun. Le travail des enfants fait partie intégrante de la vie domestique. Dès qu’ils peuvent, ceux-ci gardent le bétail, sortent le fumier, coupent le bois, aident à bêcher les champs, râtèlent le foin, apprennent à faucher ou à conduire les boeufs, aident au ménage.
    «On aidait à éplucher les pommes de terre, à faire la vaisselle. Il y avait assez de vaisselle parce qu’on faisait du beurre. Les écrémeuses, ça fait de la vaisselle.
    Des fois c’était fait quand on rentrait de l'école mais quand on pouvait, on aidait. On balayait et ça prenait à faire, quoi.
    Il y avait des tâches pour les garçons. Soigner les animaux, ranger le bois. C’était un problème, le bois ! Il en fallait ! Il fallait chauffer la maison, mais en plus pour faire le beurre, la crème se travaille à une certaine température pour faire le beurre. Il faut que ce soit à 17 degrés. Et puis il y avait une baratte qu’on tournait à la main, pendant un bon moment. Bien souvent je la tournais. Si elle était à la bonne température, ça allait assez vite. Mais autrement il fallait beaucoup de temps.
    Nous, les gamins, c’est pas qu’on était malheureux, mais il fallait travailler ! Quand on sortait de l’école, on devait aller bêcher, édramoner [défaire les taupinières] et tout ! A onze heures et demie, il fallait encore préparer le foin sur la grange, remplir la chaudière pour faire chauffer l’eau des vaches et enfin rentrer le bois. Entre le moment où on arrivait de l’école et celui où on repartait, il y avait toujours du travail. Et tous les jours ! »

    De fait, c’est tout l’amour de l’enfant qui est sollicité pour aider les parents accablés de travail et de souffrances.
    « On fauchait à la faux et on fanait à drap. Quand on était gamin on faisait des petits draps. Oh, on était content quand on pouvait porter le drap, il semblait qu’on était costaud ! On le portait sur les épaules, des fois on n’arrivait pas jusqu’au bout parce que ça roulait ou qu’on ne voyait plus clair ! »

    Quand l’enfant paraît

    Au XVIIIème siècle, la sélection naturelle des êtres les plus forts physiquement commence dès la naissance. L'accouchement est en effet le premier cap à passer pour l'enfant. Mais c'est également une épreuve très risquée pour la mère, ainsi qu'en témoignent les rites attachés à l'accouchement et la faiblesse des moyens et des connaissances mis en oeuvre.
    Tout d'abord, on ne trouve pas de personnel médical pour assister la mère. En milieu rural, le rôle d'accoucheur est tenu par une matrone. N'ayant suivi aucune formation théorique, le plus souvent analphabète et paysanne, la matrone est une femme d'age mûr qui a acquis la confiance des autres femmes par son expérience, en tant que mère et en tant qu'assistante d'une matrone plus agée, qui lui a transmis son savoir-faire et ses recettes. De plus, elle est reconnue par le curé afin que celui-ci puisse contrôler ses pratiques (lutter contre l'avortement ou l'infanticide) et, lui enseigner comment administrer, le plus rapidement possible, le baptême, au cas où les choses tournent mal. La sage femme était élue par l’assemblée des femmes mariées de la paroisse et devait être acceptée par le Curé de la Paroisse. Elle prête serment en présence du Curé, du Maître d’école et de la plus grande partie des paroissiens.
    Elles baptisaient les nouveau-nés en danger de mort et faisaient avouer le nom du père aux filles mères. La fonction de sage-femme se transmettait souvent au sein d’une même famille. Ce n’est qu’à partir du milieu du XVIIIème siècle que la profession commence à se réglementer. On compte en général, une matrone par communauté. La matrone, doit en effet, être disponible et à la portée de toute femme qui la demamnde. Bien qu'elle ne soit pas rénumérée en argent, mais seulement remerciée par le gîte et le couvert, lors des couches, ainsi que par quelques présents.
    Dès les premières contractions, la future maman, envoie chercher la matrone. Dès lors, accourent des parentes, amies et voisines (toutes mariées), pour assister, conseiller et réconforter la parturiente. Ainsi, cinq ou six personnes sont présentes et le nombre augmente quand les complications surviennent.
    Une fois encore, s'exprime la solidarité et le contrôle villageois : l'évènement est vécu de façon collective.
    Le mot traduit par sage-femme est un participe de la forme verbale signifiant aider à accoucher. La sage-femme est donc littéralement celle qui aide à accoucher.
    D’après le Petit Robert, la locution « sage-femme » est attestée dès le XIVème siècle. Quant à la profession, elle est régie par la loi du 30 octobre 1892 et le décret du 25 juillet 1893 (Larousse).
    La naissance est donc une étape difficile dans la vie de l'homme au XVIIIème siècle. Les peurs, les rites de protection ainsi que les drames sont nombreux et témoignent de la vulnérabilité de la population à cette époque. Ne dit-on pas, "qu'il faut deux enfants pour faire un homme".

    Jusqu’à la seconde guerre, les naissances ont lieu à la maison. Quand la sage-femme arrive dans ces coins perdus, l’accouchement est souvent déjà terminé. Une sage-femme, qui a fait ses études en 1933, raconte :
    « Les accouchements se passaient d’une façon très rudimentaire. Les femmes ne voulaient pas mettre de draps propres, parce qu’en saignant, ça allait les salir ! Oh, pour avoir des draps propres, quelle misère ! Certaines n’étaient même pas sur des matelas, mais des paillasses ! Et souvent, tout le monde couchait dans la même chambre ! Il y avait aussi des invasions de puces ! Quand j’allais dans les maisons j’étais toute cloquée !

    Sa mère interrompt son ouvrage le temps de la naissance. Quelques fois, le mari assiste à l’accouchement, mais le plus souvent, c’est une voisine ou la belle-mère, si elle se trouve là. Toute la problématique familiale saisit l’enfant dès son avènement. Pour permettre à la mère de poursuivre ses tâches domestiques, l’enfant est emmailloté et « rangé » dans un coin.
    À la fois encombrant et exigeant, le nourrisson est parfois confié à une femme plus âgée qui n’est, en réalité, pas plus disponible que la mère. De fait, l’enfant est porté comme un ballot, tandis que la femme vaque à ses occupations quotidiennes.
    Dans les fermes où l’on a des vaches, les enfants ne sont pas allaités. C’est encore ça de gagné sur l’emploi du temps de la mère. Si l’enfant manifeste des troubles digestifs ou affectifs, on le considère comme « fragile » ou « désagréable ».

    Conséquence de l’indisponibilité maternelle, de nombreux enfants meurent rapidement, emportés par une maladie. D’autres gardent des séquelles physiques d’une naissance difficile ou d’un maternage négligé. Mais cette réalité ne choque pas, ne reste pas en mémoire parce qu’elle est perçue comme allant de soi .
    Devenu adulte, il justifie son vécu à l’aide de quelques phrases habituelles de déni : « C’était comme ça ! » ou encore « Ça n’existait pas, à l’époque ! ».

    Au soir de son mariage, la jeune femme quitte son père et sa mère pour rejoindre les parents de son jeune mari. Il est rare que le nouveau couple puisse fonder son propre foyer. À peine sortie du giron maternel, la future mère se plie ainsi aux règles de sa nouvelle famille, souvent dictées par l’autorité de la belle-mère. C’est dans ce contexte que la jeune femme, encore empreinte des privations de son enfance, accueille à son tour son premier enfant. Il n’est d’ailleurs pas concevable d’enfanter hors mariage car, dans ce cas, la réprobation collective est unanime.
    On le sait, les bâtards ou enfants naturels, autrement dit conçus par deux personnes non mariées, sont très mal vus. Leur baptème a lieu dans une semi-clandestinité et le déshonneur pèse sur les familles concernées. Par ailleurs, l'Eglise, très stricte, refuse parfois de leur conférer les sacrements. Toutefois, l'enfant est "légitimisé", autrement dit, reconnu par l'Eglise et par la communauté, grâce au mariage. En milieu rural, il y a peu de naissances illégitimes car dés qu'une des matrones du village repèrent une femme enceinte, le dimanche à la messe, elles obligent les jeunes filles à régulariser l'union, avant que le bébé naisse. C'est révélateur de la pression de la société villageoise et cela se retrouve encore au XXème siècle.
    Une villageoise, mariée en 1930, témoigne :
    « S’il arrivait un accident chez une fille, c’était pire qu’un crime ! J’ai connu une soeur de mon père qui avait eu un enfant sans être mariée, eh bien, le gosse avait déjà trois ans, qu’elle le cachait encore quand il venait quelqu’un à la maison ! Dans ce cas-là, c’était toujours les filles qui trinquaient ! Les hommes avaient les quatre pieds blancs ! […] La fille : une vie brisée ! Elle était méprisée, rebutée des parents, de tout le monde !!! »

    Le prêtre du village confirme le déni de la présence consciente de l’enfant, déjà infligé par les parents. En retour, il jouit d’une notoriété et est dépositaire d’une autorité morale. Les enfants ne peuvent échapper aux sacrements religieux qui marquent leurs jeunes années.
    Sitôt né, l’enfant est conduit sur les fonts baptismaux pour - selon la croyance - exorciser le démon qui l’habite. Ce rituel ne souffre aucun retard, comme l’explique une dame d’une vallée voisine. En conséquence, le nourrisson est trimbalé jusqu’à l’église, par tous les temps :
    « Les hommes mettaient les bébés dans leur grande blouse noire pour les porter baptiser. C’est qu’à ce moment-là, il fallait aller dans les trois jours, été comme hiver ! Ils les enfilaient dans la blouse par l’ouverture, et ils les portaient comme ça sur les fonts baptismaux. Ça se faisait sans cérémonie au fond de l’église. Les parents avaient préparé un petit repas et invité nos voisins.
    La première chose à faire pour les parents et de choisir le parrain et la marraine. On les choisit, généralement dans la parenté proche, en commencant par les grands-parents maternels, transmettant leur prénom suivant le sexe de l'enfant, évitant de créer de nouveaux empêchements de mariage découlant de la parenté spirituelle, et conservant les prénoms, propres au cercle familial. Le prénom représente donc un modèle spirituel (le Saint) et réel (le parrain) et sont donc très peu variés, et cela d'autant plus, que les filles portent souvent des prénoms masculins féminisés : Aimé et Aimée, André et Andrée, Andréa, Andréanne et Andriaz, Maurice et Maurisse et Mauricia, Michel et Michelle et Michiaz, Joseph et Josephte, Jacques et Jacqueline, Philippe et Philippaz, Etienne et Etienaz, Bernard et Bernarde, Nicolas et Nicolarde, Thomas et Thomasse... Les homonymes sont donc très fréquents et cela d'autant plus, que les patronymes sont peu nombreux et très répandus, et que les paysans n'ont qu'un seul prénom contrairement aux notables qui en ont trois.
    A Thollon, le jour du baptème, l'enfant est porté par sa marraine, placé dans un berceau en bois, celui de la famille que l'on se transmet à l'occasion et on se prête pour la circonstance. Le berceau est recouvert d'un long voile blanc, décoré de rubans roses et fixé au milieu de l'arceau pour les garçons, bleus et à gauche de l'arceau pour les filles. La mère de l'enfant n'est jamais là le jour du baptème : elle a pour obligation de rester à la maison jusqu'aux relevailles.

    La cérémonie des relevailles trouve son origine dans la
    Bible (Lévite 12). C'est dire son ancienneté. Selon le Lévitique, une femme qui venait d'accoucher restait impure quarante jours et ne pouvait réintégrer la société avant le terme de cette période.
    La femme qui vient d'accoucher est, selon cette croyance biblique, souillée par le sang versé et considérée comme impure, vulnérable aux agressions magiques et pour les éviter ne doit pas sortir de chez elle, pas même pour se rendre au potager. Il lui est également défendu de travailler, de se promener, de se rendre dans le village et de faire des visites. Après un mois de marginalisation, la jeune maman donnait six sols ou huit sols, et commandait une messe. Elle pouvait alors se rendre à l'église, voilée et accompagnée de l'accoucheuse, de la marraine et de l'enfant où elle était bénit par le curé, avant qu'elle ne pénètre dans l'église jusque devant l'auteL. Après que la mère ait communié et se soit confessée, on allumait un cierge beni le jour de la Chandeleur et on aspergeait la tête de l'accouchée d'eau bénite. Le symbole est le même que celui du baptême : laver le péché. On choisissait le jour des relevailles avec soin. Il s'agissait de préférence d'un samedi, ou à défaut d'un mardi ou d'un jeudi, mais jamais d'un vendredi, d'un mercredi, d'un lundi ni d'un dimanche qui portaient malheur. On évitait aussi que le jour tombât un 13. La date préférée était le 2 février, jour des relevailles de la Vierge Marie. La pratique des relevailles est obligatoire aux yeux de l'Eglise. En Chablais, le dimanche qui suivait les relevailles, un repas simple mais copieux, entre parents et amis, tenait lieu du banquet de baptême. Autrefois universelle, la pratique des relevailles commence à se perdre dès avant la guerre de 1914-1918.

    Les nourrices
    Le jour même de la naissance, le lendemain au plus tard, les familles nobles et bourgeoises, mais aussi les parents de condition plus modeste, petits marchands ou artisans, confient le nouveau-né à la nourrice qui l’emporte chez elle après le baptême. Selon l’excellent Dr. Daquin, correspondant de la Société royale de Médecine de Paris, sur les 440 à 450 naissances légitimes enregistrées chaque année à Chambéry « il n’y a peut être pas, dix à douze femmes », qui veillent à nourrir elles-mêmes leur enfant, « à moins qu’elles ne soient tout à fait de la classe des pauvres et des manouvriers. ».
    Pour faciliter les contacts, la femme est choisie dans le voisinage ou la sphère des relations proches, parmi les fermiers ou dans la paroisse d’origine de la famille. Elle assure la garde de l’enfant pendant une période de dix-huit mois à deux ans, pour un prix de pension qui varie entre trois et cinq livres par mois. Plus la campagne est éloignée, moindre est la rétribution. A l’issue du sixième mois, les parents lui livrent en outre chaque semaine, un pain du poids de deux livres.
    Au moment du sevrage, si tout va bien, la nourrice reçoit parfois une robe, plus souvent une paire de « manches » (corsage) ou un écu neuf, et d’autres gratifications encore quand on retire l’enfant.
    L’hygiène et les conditions du nourrissage sont évidemment déplorables. Seuls en réchappent les individus les plus robustes. Les parents se résignent à l’inévitable et songent déjà aux naissances futures. Tardivement, vers la fin du XVIIIème siècle, les médecins et les hommes éclairés, gagnés aux idées nouvelles, dénoncent l’incapacité des nourrices « mercenaires », leur habitude de boire un peu trop de vin, l’insalubrité de leur maison, le sevrage tardif et l’alimentation trop lourde alors donnée à l’enfant, soupes « mitonnées » et copieuses, œufs brouillés avec du beurre.
    A partir des années 1770, se renforce l’intérêt pour le bas âge, et d’abord dans la bonne société, pénétrée des principes de l’Emile. La mode est à l’allaitement maternel et de se réjouir du succès d’une pratique qui peu à peu se répand.
    « Déjà, l’on voit dans toutes les conditions des femmes estimables se livrer au soin de nourrir leurs enfants.».

    L'enfant et l’école.
    L’école laïque est une conquête de la République. Dès lors, la République va faire de l’école laïque un instrument au service de l’unité nationale, un conditionnement auquel personne ne doit échapper. Dans les régions rurales, les travaux des champs ou le gardiennage des troupeaux impliquent une participation de la main d’oeuvre enfantine. Pour triompher des résistances locales, l’administration crée un maillage très serré d’écoles - c’est la grande époque des constructions scolaires - et des commissions scolaires répressives sont mises sur pied. Avant la première guerre mondiale, l’enseignement a une forte connotation patriotique. Les exercices militaires font partie de la formation et le certificat d’études primaires est décerné par le ministre de la Guerre.
    L’une des tâches que se fixe l’État est l’éradication des patois locaux, jugés « désagréables », au profit du français. En 1890, un Inspecteur d’Académie parle ainsi de l’exercice de la récitation imposée aux enfants :
    « La récitation, en habituant les élèves à une bonne diction, nette, limpide, harmonieuse, tend à faire disparaître partout l’accent local quelquefois bien désagréable ! »

    Effectivement, au début du siècle, une bonne partie de la population rurale est bilingue. Les patois sont extrêmement variés, reflétant des particularismes auxquels les gens sont identifiés. Le rôle de l’instituteur sera de gommer tant que faire se peut, la marque d’un régionalisme par trop fier et parfois rebelle. La règle de l’école républicaine est l’unicité linguistique, et sa référence le français du meilleur cru : celui des grands auteurs.
    Le milieu rural oppose également une autre barrière linguistique à la « mission civilisatrice » de l’école : celle des jargons locaux diversement utilisés pour désigner la multitude de comportements, d’outils ou d’objets qui font partie intégrante du quotidien paysan. Le vocabulaire scolaire va peu à peu remplacer ces idiomes condamnés par l’arrogance républicaine. Sur les murs des classes, on affiche désormais les règles de l’hygiène et des bonnes habitudes, on vante l’importance des engrais phosphatés, on stigmatise les conséquences de l’alcoolisme.

    Quand la guerre tient les hommes éloignés du travail de la ferme ou lorsqu’un père est malade, ce sont encore les enfants qui assurent l’interim parfois pendant des années. Un vieux montagnard né en 1909, raconte comment il est devenu berger, en 1914 :
    « Les paysans allaient demander : tu n’as pas un petit gamin pour aller en champs ? Ça fait que moi, je ne savais pas trop ce que ça voulait dire, parce qu’on avait pas de vaches. Alors, on est parti berger ! Oh, je devais être à peine plus haut que la table ! Et ils me disaient : va détourner celle-là, là-bas… C’est qu’il n’y avait rien de barré ! Alors moi, avec ma serpe, je coupais des épines que je mettais sur les murs de pierres où les vaches risquaient de passer, et au bout de cinq ans j’étais arrivé à garnir le tour du parcours et j’avais bien meilleur temps. (…) Quand j’arrivais à cinq heures et demie le matin, le premier qui détachait cornait. C’était pour prévenir les autres : il faut détacher ! Alors, je passais chez Émilien, chez Riton, chez Mathieu. Je crois bien aussi chez David. Et chez l’Eugénie du Crêt. J’allais sur les communaux. Je rentrais à dix heures du soir. En fin de saison, j’avais cinq francs par vache. »

    La vie communautaire, sociale et religieuse

    s'exprimait à de multiples occasions, dans les champs, à la fontaine, au four ou à l'église. La solidarité permettait la survie du groupe. L’entr’aide permettait de surmonter les difficultés de la vie. L'hiver, les habitants se regroupaient le temps des veillées. La veillée dans les écuries ou granges, les rencontres à la fontaine ou au four, à la foire ou la vogue, la procession, le pélerinage : autant d'occasions d'approches et d'appréciation réciproque. C’était le temps des fêtes, de la transmission orale des contes et des légendes. C’était aussi l’occasion de réaliser certains travaux manuels (broderie, dentelle,...).

    Les fêtes
    Le cycle annuel des fêtes ramène les mêmes réjouissances et les mêmes réunions de famille ou de village. De Noël à la Saint-Jean, les fêtes familiales dominent. L'été et l'automne, les festivités ont un caractère plus collectif et plus profane : vogues, fête des alpages, des moissons,etc...
    Pour Noël (Chalande), il est de tradition de tuer le cochon et de festoyer avec de la viande fraîche, du pain frais : le soir, on danse et on boit. De tous les temps, à la lumière des flambeaux de résine, la communauté se réunit pour la messe de minuit. Pour la Saint-Etienne, on mange des noisettes. Le jour de l'An est marqué par de menus cadeaux, des confiseries aux enfants. Pour la fête des Rois, on cuit l'épogne aux oeufs et au safran. Chez certains, la fête était ininterrompue de Noël aux Rois.
    Le 13 mars, fête des Brandons, les agriculteurs vont faire le tour des champs avec des torches, comme au temps des Romains. Cette pratique n'a disparu qu'au cours du XIXème siècle dans la région de Chambéry. Le Carnaval fait l'objet de mascarades, de calvacades et bien sûr, de ripailles. Par endroits, la quête des oeufs commence à cette date.
    Les Rameaux sont fêtés par des gâteaux offerts aux enfants : craquelins, rissoles (rézule), brioches, alors que la Semaine Sainte est marquée par la collecte des oeufs, des courses d'enfants avec des branches, des oeufs, etc. Les jeux d'adultes et de plein air reprennent à cette époque. Jeux de quilles, borneille (ressemble au cricket : une boule de bois défendue par un gardien est lancée aux joueurs munis de bâtons qui la renvoient, les joueurs doivent échanger leur place pendant le parcours.)
    Pour les Rogations, procession à travers champs. On plante des croix de noisetiers dans les champs en rendant visite à toutes les chapelles et oratoires de la paroisse. La Fête-Dieu demande que les maisons soient ornées de branches de frêne.
    Pour la Saint-Jean, il est de tradition d'allumer des feux sur les sommets, comme à mémise à la Pétolaïre et de les précipiter dans le vide ou plus simplement sur les places de village. Les jeunes gens sautent au-dessus des flammes.
    Des fêtes célébrées localement viennent compléter ces réjouissances. La Saint-Antoine est souvent la fête du bétail, ce jour là, les boeufs ou mulets ne travaillent pas. Le curé bénit l'avoine et le sel des bêtes. La fin des fenaisons et des moissons donne prétexte à des danses et des repas.
    Avec la fête patronale du village, qui ravive la protection du saint-patron de la communauté, coïncide l'organisation de la vogue fixée au 15 août "par" Thollon. Chants, danses, buvette, carrousel, jeux, cette fête continue à marquer la vie et la personalité du village.
    Ceux qui l'on définitivement quitté y reviennent, au-moins à cette occasion.

    Les veillées
    Ces veillées avaient lieu l'hiver, plutôt après Noêl, durant les mois de janvier à mars. Elle se font surtout à l'échelle du hameau. On allait visiter chaque maison du hameau, et on recevait chaque famille.
    Au XVIIIème siècle, tandis que les femmes filent au rouet ou tricotent, les hommes confectionnent des balais végétaux, épluchent le chanvre, boivent la gnôle et racontent leurs souvenirs, conte des histoires : fantastiques, humoristiques, des vieilles histoires de village. Ces histoires distraient mais aussi, elles instruisent et transmettent les savoirs, la culture et les valeurs de la communauté.

    "On parlait surtout de la ferme : un veau a crevé, telle vache ne donne plus rien... C'était aussi l'occasion de savoir ce qui se passe chez les autres, on évoquait les fréquentations des uns et des autres, l'état de santé, les conduites quelque peu déviantes... Et en fin de soirée, on racontait les histoires à faire peur, des histoires de mal donné. A la fin de chaque veillée, on allait à l'étable, visiter le bétail ; vaches, veaux, chèvres, moutons, cochons... tout y passait, sauf les poules et les lapins. Puis on rentrait et on finissait la soirée par un bon casse-croûte, on cassait les noix, fendait et grillait les chataignes. Quand une famille tuait le cochon, elle en apportait un morceau à la veillée, c'était l'occasion de manger de la viande fraîche. Puis, on rentrait chez soi, en famille, dans la nuit claire de l'hiver, les pas craquant sur la neige."
    On y joue aux cartes : bourre, manille, belote, piquet, écartée, coinchée, tarot, etc. Ces soirées sont aussi l'occasion de chanter, de danser au son du violon, du kinkerne, vielle à roue savoyarde qui disparaitra au XIXème siècle, ou de l'accordéon qui la remplace déjà et de s'amuser, relachant les contraintes sociales et la surveillance des adultes, favorisant un certain rapprochement des sexes. Si l'on en croit le témoignage du curé d'une paroisse voisine et de Monseigneur Rey, évêque d'Annecy de 1832 à 1842 :
    "Les plus funestes et les plus dangereuses à la moralité publique sont les veillées si fréquentes et si communes dans nos montagnes où, les personnes de l'une et l'autre sexe, passent la plus grande partie de la nuit exposées à tous les dangers, et où il est extrêmement rare que l'innocence ne fasse le plus déplorable naufrage, et ne cause des scandales et mille chagrins aux familles. Abus invétéré, contre lequel nous ne cessons de déclamer et qu'on ne peut réussir à détruire entièrement."
    Mais, s'agit-il de simples amourettes, avec abstinence sexuelle, préparant aux fiançailles officielles ou de relations prénuptiales ? C'est aussi, lors d'une de ces veillées, que le prétendant fera sa demande aux parents. Accompagné de son père, le garçon se rend chez la jeune fille. On parle alors d'autres choses, mine de rien, bien que la soirée soit un peu tendue, puis à la fin de la veillée, le père amène la conversation sur le but de sa visite, en plaisantant. Enfin, on scelle les promesses en buvant ensemble. Très vite (quelques semaines tout au plus), arrivent les fiançailles, célébration officielle à l'église, ayant lieu 3 semaines avant le mariage, juste avant la publication des bans.

    L’eau
    Le bassin, appelé localement ‹‹bachal››, ou encore conçhë bassin de fontaine, était un élément fondamental de la vie dans les villages. C’était le principal lieu d'approvisionnement en eau (l'eau courante n'existe dans les habitations que depuis cinquante ans). Taillé dans la pierre, dans un énorme tronc d'arbre évidé, ou belle fontaine en pierre, ce bassin permettait d'abreuver hommes et bêtes et servait de réserve en eau contre l'incendie. La lessive était faite dans les lavoirs, situés à l'aval du réseau d’eau et pourvus de plans inclinés pour faciliter le brossage et l'essorage du linge. Il existe des bassins dans les moindres hameaux, la plupart construits depuis fort longtemps.
    Au Maravent, le bassin du haut, (aujourd'hui disparu), qui se situait entre les Blanc à Fonse et à Licon, était couvert de tavaillons et doté d'une margelle en pierres. La charpente repose sur des poteaux, en appui sur des dés de pierres. Il est clos sur trois côtés, de larges planches qui l'abritent des intempéries et de la bise. Une barre égouttoir, en chêne, est fixée au-dessus du bassin, dans le sens de la longueur par une paire de ferronnerie en V inversé.
    Outre leur simple et évidente raison d'être, ces bassins font partie du patrimoine architectural, au même titre que les fours, les moulins et les greniers


    Le bassin du Nouy dit " le Pétard "

    La plupart des ruisselets ont été canalisés dans des tuyaux en sapin pour alimenter les différents bassins et fontaines où chacun fait sa toilette, conduit ses bestiaux pour les abreuver, servant de lavoir aux familles. L'eau courante dans les maisons ne vint que tardivement dans les villages, à plus forte raison dans les hameaux éloignés. Ce fut un luxe équivalent à celui de l'arrivée de l'électricité. Les jours de tourmente ou de grand froid, les ménagères n'avaient plus à sortir avec le seau à la main.
    Dans les années 1950 , la maison fut équipée en eau courante, avant on avait juste un robinet d'eau froide à l'évier ; certaines familles allaient chercher l'eau au bassin. Pour se laver, une fois par semaine, il y avait le baquet, qu'on remplissait d'eau chauffée sur le fourneau. On se lavait tous avec la même eau les uns après les autres... L'été on se lavait au bassin, ou dans la rivière. Beaucoup de gens ne se lavaient jamais... Pour la commission, il y avait une cabane en bois dehors, derrière l'écurie ou au fond du jardin, mais en hiver on allait à l'écurie, et on avait des seaux de nuit dans les chambres...
    Chez les Vesin, une fontaine le "Bouloz" passait pour guérir les maux d'yeux, cette fontaine ne semble pas avoir été associée au culte d'un saint



    Recensement des bassins ou fontaines :

    • 1 à l'entrée de chez Cachat ( 1ère maison à gauche en venant d'Evian),
    • 1 au Fayet,
    • 3 chez les Vesin,
    • 1 chez Ulysse Vesin (maréchal-ferrant),
    • 1 au chef lieu vers l'école des garçons,
    • 1 chez Poupon
    • 1 sur le Crêt, - (photo ci-contre) -
    • 3 au Nouy,
    • 1 au Hucel,
    • 2 au Maravent, dont celui du haut qui était couvert,
    • 2 chez les Aires, (Un bassin en bois fut remplacé par un beau bassin en granit en 1926-1927, venu de ST-Cergues sur un char tiré par 3 paires de boeufs.
    • 4 à Lajoux.

    Le four à pain
    Le four à pain était un bâtiment d’usage essentiellement communautaire. Les fours privés étaient rares car trop consommateurs de bois en regard du nombre de pains à cuire. Il valait mieux rentabiliser l’énergie et le temps de mise en chauffe pour cuire les pains de plusieurs familles. Les fours étaient donc gérés collectivement, à tour de rôle. La dénomination " four banal " vient des " banalités ", redevances autrefois versées par les habitants aux seigneurs pour obtenir le droit d'utiliser le four. Les foyers des fours de nos montagnes sont construits en brique (terre cuite) ou en pierre (molasse). De petits bâtiments les abritent, ouverts sur l'extérieur lorsque le climat le permet, mais le plus souvent fermés et protégés des intempéries.

    A chaque famille sa journée, à chaque jour sa fournée : la cuisson du pain est familiale depuis le siècle dernier. Ici, pas de traces de cuisson collective, chaque chef de famille est maître de son pain. La réservation du four se révèle plus ou moins formelle suivant les hameaux : planchette nominative, ardoise où l’on inscrivait son nom ou son surnom et la date, calendrier publicitaire… Ailleurs, on déposait une fascine devant l’âtre, ou on prévenait les voisins au gré des rencontres, nombreuses au fil de la journée.

    Ici et là, le levain était commun à tout le village. Le dernier à avoir cuit au four en portait la responsabilité et le transmettait la veille à celui qui devait faire son pain : le four était ainsi réservé d’office. Parfois, une seule famille de communiers est dépositaire du levain. Toutes ces pratiques se côtoyaient dans une même commune, sans apparemment poser de difficultés. Jusque dans les années 1920, « faire au four » était chose courante. La panification domestique a progressivement diminué au fur et à mesure de l’arrêt de la céréaliculture familiale, de la fermeture des moulins artisanaux et de la progression des boulangeries rurales.

    Hier comme aujourd’hui, les quantités réalisées correspondent essentiellement à la taille du four utilisé, entre 25 et 50 kg de pain. L’essentiel est de remplir le four, et seul le temps entre les fournées varie suivant la consommation. Vient le moment de l'enfournage dans un four longuement chauffé au bois jusqu'à ce que les briques réfractaires de sa voûte et de sa sole (c'est ainsi que l'on désigne la base plane d'un four) aient accumulé assez de chaleur pour donner au pain sa couleur brune si appétissante. Bien entendu avant d'enfourner on aura retiré braises et cendres du four et humecté la sole avec l'écouvillon.

    C’est parfois l’occasion de goûter un petit verre de vin blanc, dans la chaleur du four et l’odeur généreuse, quelques hommes se sont regroupés. Un peu plus d’une heure plus tard, la bouteille est finie, les pains prêts à sortir sont testés un à un : retournés, frappés de la main fermée, s’ils rendent un son creux, ils sont prêts à s’aligner debout sur les étagères ou sur les bancs prévus à côté du four, leur croûte dorée crépitante. Les autres se laissent désirer quelques minutes encore...

    Comme leur nom l'indique, les marques à pain, étaient destinées à signer les différentes pâtes fournies à celui qui avait en charge, à tour de rôle, de les cuire dans le four banal du village ou du hameau. Il fallait que l'on puisse reconnaître à qui appartenaient les différentes pâtes lors d'une cuisson collective afin de restituer le nombre de pains équivalent au poids de la pâte fournie et aussi pour le choix de la cuisson.
    L'objet était utilitaire avant tout, taillé dans un petit morceau de bois récupéré. Bien que généralisées, elles sont rares et précieuses aujourd'hui. Transmises de génération en génération, portant le plus souvent le sceau familial, ces marques à pain ont presque toutes disparu. S'ils pouvaient parler "ces bijoux de bois" raconteraient le dur labeur des travaux des champs, des récoltes de seigle, d'orge ou de blé qu'il faut assurer coûte que coûte pour nourrir le bétail et la famille nombreuse.

    Ces édifices thollogands, recensés en 1730 à 19 unités, ont totalement disparu de nos jours. Devenu inutile, ce patrimoine, comme tout ce qui ne sert plus, a subi les affres de l'abandon et de la destruction.

    Les moulins
    Pierre-Amédée Cachat, châtelain et notaire de Thollon décide au milieu du XIVe siècle, de construire 6 moulins, puisque les 3 anciens ne tournent presque plus (Erigés vers 1685 par Garin Cachat, au lieu-dit Bevion, hameau de Chez Cachat). En 1760 il existe quatre moulins, dont deux à Coutaz, appartiennent à Peray Jean et à Gaillet François, un à la La Ravoire à Cachat Gabriel et un aux Rasses d'une surface de 25,6 toises appartenant aux Révérends Pères de Saint-Bernard.
    En 1828, Garin Cachat et son fils Marie-Joseph consolidait le ruisseau du Fayet, étant en mauvais état. Leurs ancêtres, l'avait fait dévier au milieu du village de Chez Cachat, pour alimenter les moulins, puisque le ruisseau du chef-lieu n'était pas assez gros pour les 6 autres moulins.

    Emplacement
    La rivière des Moulins, dont le parcours suit le Chemin de Chez Cachat à Lugrin, est alimentée par le ruisseau du Fayet, le ruisseau de Chez Cachat grossi de celui du Chef-lieu. On peut lire sur les pierres du ruisseau de Chez Cachat MA 1828 C. Vestiges de meules à grain en granit sous la scierie
    Lieu-dit : Bévion (Hameau de Chez Cachat)   
    Voir cadastre

    Déviation du cours d’eau, le bief amène l’eau de la rivière sur la roue du moulin.
    Un curage tous les ans était nécessaire pour maintenir une réserve d’eau suffisante à la meunerie. La plupart d’entre d’elles sont équipées d’une seule meule.
    Sans blutoir, la farine est tamisée à la main.
    Leur production varie entre un et trois quintaux par jour, essentiellement en seigle, orge, avoine et froment.

    Le moulin a eau derrière la scierie Jacquier servait à faire des planches pour les habitants de Thollon et chez Les Clerc celui-ci servait aussi à broyer et presser les pommes et les poires, le broyat ainsi obtenu "le marc" après fermentation et décantation produisait le cidre.
    La densité du cidre doit être stable et on la choisit suivant le cidre qu'on souhaite obtenir :

    • densité 1025 pour un cidre très sucré,
    • densité 1020 à 1018 pour un cidre sucré (36 à 40 g/l de sucre),
    • densité 1015 à 1010 pour un cidre demi-sec (20 à 30 g/l de sucre),
    • densité 1015 à 1000 pour un cidre sec.

    Fonctionnement
    Ces moulins sont dits : à «roue horizontale», de type Nordique.
    La meule supérieure ou «tournante» est actionnée par le choc de l’eau sur les pâles

    UN TOUR DE ROUE = UN TOUR DE MEULE

    La meule inférieure ou «dormante» est fixe.
    Le grain est versé dans la «trémie» dont le fond étroit accède à «l’auget » ou «entre-mole ».
    Son écoulement est assuré par un mouvement vibratoire transmis par une tige de bois frottant sur la pierre mobile : le «babillard» ou «bartavelle».
    Le grain descend entre les meules par «l’oeillard», orifice central, écrasé et broyé, il est récupéré dans un coffre sous forme de farine.

    Mécanisme des moulins à eau et à grain

    Aujourd'hui tous disparus, il ne subsiste que le bief de Chez Cachat alimentant une scierie depuis le début du XIX siècle ... tenue par une famille de maîtres charpentiers.

    La vieille scierie
    Autrefois, il y avait beaucoup de scieries dans les villages de montagne. Les habitants sciaient sur place le bois dont ils avaient besoin pour construire leurs chalets et de nombreux objets de la vie courante. Le transport des troncs coupés dans la forêt en amont jusqu'à la scierie en aval se faisait en glissant les troncs ou en les tirant avec des chevaux.
    Les scieries fonctionnaient avec l'eau détournée d'un torrent qui actionnait une grande roue en bois qui mettait alors en marche les différents mécanismes installés à l'intérieur. Ce mode de fonctionnement imposait au scieur un rythme de travail saisonnier : au printemps et en automne, il devait accomplir de longues journées pour profiter d'une énergie abondante, alors qu'en été et en hiver la scierie restait le plus souvent silencieuse.

    Mécanisme du Haut-Fer

    La présence d’un haut-fer au centre d’un village n’est pas chose fréquente, en général ils sont situés au pied de la montagne, là où la chute et le débit du cours d’eau sont suffisants, mais aussi proche du lieu d’exploitation de la forêt. Situé à la sortie du hameau, le haut-fer doit sa situation géographique à son histoire : la transformation d’un moulin à farine en scierie au début du siècle. Le site a toujours été pour le village un haut lieu d’activité économique mais aussi sociale. La scie est mue par une roue à eau alimentée par le dessus, comme vraisemblablement le moulin auparavant. Lors de la création de la scierie, le bief d'origine permettant de palier partiellement aux manques d’eau, a été remis en état une nouvelle fois. Le haut-fer n’est accompagné d’aucun autre mécanisme de sciage (pas de déligneuse). Le mécanisme lui même est similaire aux autres hauts-fers de la région, la transmission du mouvement de la roue se fait par une multiplication à deux étages (le premier par roue dentée, le second par courroie). l'eau frappe par en-dessous la roue qui met en branle toute la mécanique qui fonctionne sous la scierie et commande la marche du haut-fer. La vitesse de la roue est modulable selon l'ouverture de la vanne.


    En 19xx un moteur électrique est acheté et installé, il est destiné à permettre le sciage en cas de manque d’eau.(Sécheresse ou gel du canal)

    La scie

     
    Une haute lame verticale oscille à 180 battements par min., sur un cadre, (la plumée). Elle scie en descendant. Pendant qu'elle remonte, le chariot avance de quelques mm.
    Survolez la photo

     

    Elle ne coupe qu'en descendant :

    C'est un Haut-fer

     

    Edifices religieux
    Une présentation de la commune serait très incomplète si l'on n’évoquait pas la présence dans les hameaux, des croix et des oratoires, chemin de croix et grotte "miraculeuse" au hameau de Lajoux. Tous ces édifices témoignent de la ferveur religieuse des habitants. Chaque paroisse a son église et son clocher, et chaque hameau, son Saint protecteur . Ces édifices répondent à une double fonction, la prière, et la protection des habitants contre les risques de toute nature du fait du caractère sacré du lieu.

    Qu’est-ce qu’un oratoire ?
    Le nom vient du latin orare, prier, comme le nom chrétien oratorium qui apparaît au XIIe siècle. Ces petits édifices ont toujours servi de lieux de prière, en évidence le long des sentiers de pèlerinages, dont ils balisaient en même temps le cheminement. Une simple niche en cul-defour dans une anfractuosité de mur ou de rocher, une construction en bois accrochée à un arbre ou clouée sur un poteau, une colonne, un abri voûté, une stèle, un édicule de pierre, une fontaine… bref, ce « mini-lieu » de culte, revêt toutes sortes de formes, y compris des chapelles miniatures à l’architecture souvent intéressante.
    Ils sont réalisés avec des matériaux trouvés sur place, faits de pierres liées à la chaux, d’ardoises et de lauzes. On les rencontre au bord des routes ou à des carrefours, le long des chemins creux ou des sentiers forestiers, enfouis dans les herbes et les cailloux, parfois même plantés tristement au milieu d’un terrain vague.
    Un vœu, un remerciement pour un événement heureux, comme une guérison ou le retour sain et sauf d’un soldat au pays…leur construction résulte d’une démarche individuelle et locale pour sacraliser l’espace. Depuis le moyen âge, des oratoires ont été partout érigés pour chasser les maléfices et les mauvais esprits, remercier d’une grâce miraculeusement accordée, pour une protection des populations, des cultures, des troupeaux et des bergers, surtout pendant les périodes de guerre et d’épidémie. Il était fréquent que l’on vienne chercher secours, auprès de ces oratoires en marge du diocèse, sur d’anciens emplacements païens demeurés vivants dans la mémoire collective.

    À l’intérieur, on y trouve des statuettes de la Vierge Marie, tantôt seule tantôt avec l’enfant Jésus et même parfois avec Joseph et tout un panthéon de saints et de saintes salvateurs (Saint-Sébastien et Saint-Roch contre la peste, Saint-Michel l’Archange contre les solitudes des montagnes). La niche est décorée de fleurs, d’offrandes, de bougies, de textes et quelquefois de jolies peintures murales naïves.
    Ces oratoires constituent la plus touchante et la plus discrète architecture religieuse qui soit, elle illustre un état d'esprit ancien, mais toujours imprimé dans la sensibilité de l'époque. Ces oratoires servent de "stations", de "reposoirs" lors des processions. On y prie "celle qui donne des ailes à la prière" : la Vierge, avant de repartir vers une chapelle plus haute où l'on fait halte à nouveau... c'est un patrimoine, élément de la vie paroissiale.

    ORATOIRES
    Lou Vios Oratouères

    Et mogro qu'é pressa la besogne,
    S'él vin à passô à coûté,
    L'païsan, paroshin san vargogne,
    S'è corbe in d'outant son çhapè.

    Et malgré le travail qui presse,
    S'il vient à passer à côté,
    Le paysan, paroissien sans honte,
    S'incline en enlevant son chapeau.

    CHEZ CACHAT

    CHATEAU

    Monsieur de Thiollaz, évêque d'Annecy, accorde 40 jours d'indulgence à ceux qui diront dévotement un Pater, un Avé-Maria, un Acte de contrition devant cet oratoire

    CENTRE DU
    VILLAGE

    CHEZ LES VESIN


    Monseigneur Magnin, accorde 40 jours d'indulgence pour 3 Pater et 5 Avé près de cet oratoire, érigé par l'abbé François Roch.

    1865

    LE NOUY

     

     

     

    1865

    SUR LE CRÊT

    LE HUCEL

    LAJOUX

     

     

     

    1865

    NETREVEX

     

     

    LA GROTTE
    NOTRE DAME DE LOURDES

    «Dite Pierre des Auguets»

    Très croyants, les habitants de Thollon décidèrent d'avoir "leur" Vierge Marie pour pouvoir honorer leur "Bonne Mère" comme il se devait. Alors, ils prirent leur courage à deux mains et dans un gros rocher, ils creusèrent une grotte dédiée à Notre Dame de Lourdes. Elle a été inaugurée le 12 juillet 1891 et sous la bénédiction du Révérend Père Montagnoux, missionnaire de Saint François. On regarde comme extraordinaire la guérison d'une jeune fille atteinte d'une infirmité près d'un oeil, elle avait une boule de la grosseur d'un oeuf, qui la rendait totalement disgracieuse et, qui plus est, à moitié borgne puisque cela lui bouchait quasiment l'oeil. Est-ce sa prière sincère ? Est-ce sa foi profonde ? Est-ce l'eau de la source avec laquelle elle lavait son mal ? Toujours est-il qu'un jour la boule disparue.
    Aujourd'hui encore, des Thollogands prennent soin de la grotte. Les quelques marches qui y conduisent ont subies les assauts du temps, mais la statue est toujours là, bienveillante, les yeux levés vers la voûte et des fleurs à ses pieds, dans un rocher à demi recouvert de lierre sauvage.

    Le chemin de croix a été érigé l'année suivante par des croix en chêne ou châtaignier depuis la grotte pour compléter ce lieu de recueillement et de prières, jusqu'au hameau de Lajoux le long d'un chemin ombragé.
    Erection par le Révérend Père Léonce, capucin, originaire de Thollon, le 17 juillet 1892.

    Les églises et leurs clochers sont les édifices les plus imposants des villages. Peu d’entre-eux nous sont parvenus intacts depuis le Moyen Âge. Dans les hautes vallées, la plupart ont été transformés ou reconstruits à la période baroque, aux XVIIe et XVIIIe siècle selon les recommandations de la contre réforme catholique. Dans les plaines, les églises ont été le plus souvent reconstruites à la fin du XIXe siècle.
    Il y avait dans l'église de Thollon, une chapelle, au commencement du XVIIIe siècle fondée par Monseigneur Jacques Roch, plébain d'évian (le 19 mai 1703). A remarquer que le culte de Saint-Roch n'a pas supplanté ici celui de Saint-Sébastien, mais s'est juxtaposé à lui. On fait la bénédiction des maisons et des fruits nouveaux en même temps, après la récolte. Bénédiction aussi des chalets au commencement du mois de juillet. Il y a aussi l'usage de la bénédiction des femmes après les couches et la bénédiction du temps, chaque dimanche au retour de la procession, depuis l'invention de la Sainte Croix à l'Exaltation. [7]

    LES CROIX

    Comme dans tous les pays de montagne, les plus hauts sommets sont ornés du signe de la croix. Il est certain que les montagnards des XIXe et XXe siècles ont eu à coeur de planter des croix, signe de leur foi, tant il est vrai qu'on associait toutes les hautes cîmes à la présence de Dieu. Les croix sont dispersées, pour marquer des lieux où la protection divine était particulièrement recherchée, par exemple en bordure des couloirs d’avalanches, à la croisée des chemins, à proximité des précipices sur les points culminants.
    Mais ces croix participaient aussi du désir de protection de l'espace montagnard qu'elles dominent comme : "Croix de La Chaux", "Croix de la Pétalare", "Croix du Lapia", "Croix du Bouloz", ... Dans la moyenne montagne, au fur et à mesure que l'on descend, la croix sacralise davantage le terroir. Entre 1000 et 1500 mètres, les cols, les alpages se signalent par une croix au nom souvent évocateur, tel que : "Croix des Chalets de Memises", "Croix du Oirgne", "Croix du col de Pertuis"...
    Il y a dans ce signe, la recherche indubitable d'une protection divine, pour les bergers et leurs troupeaux, particulièrement contre la foudre et les épizooties (charbon, "pissement de sang", "poulmonie"), pendant la saison de l'inalpage.
    Enfin, les croix sur la paroisse de Thollon ont des "vocations" plus variées en rapport avec leur localisation :
    - Croix au seuil de l'église ou implantée dans l'ancien cimetière qui jouxtait celle-ci autrefois (correspond à une tradition religieuse du Moyen Age).
    - Croix de "mission" dont était ornée chaque entrée de hameau jadis. Elles apparaissent rescapées et fort dispersées aujourd'hui et ne voient plus s'arreter les processions. Trés souvent la date figure sur le socle ou sur la croix elle-même. On les trouve aux creux des cols, à la croisée des chemins et souvent à une certaine distance de l'église paroissiale.
    - Croix d'action de grâce, qui peuvent être dues aussi à l'initiative collective de toute la paroisse.
    - Les autres types de croix sont moins répandus ou disparus au fil des ans, détruites à la Révolution (bois ou fer forgé tréflées, pleines ou ajourées, sur lesquelles sont fixés des crucifix de bois, de plâtre ou de métal).


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    LA POPULATION


    Il est très difficile de déterminer les débuts de l'occupation car il n'y a pas assez d'archives locales. On trouve les premiers noms d'après un acte de témoignage de 1289. Dans toutes les paroisses, dès 1606, l'évêque enjoint le curé de tenir les quatre livres civils, baptêmes, communiants, mariages et décès imposés 70 ans plus tôt, par le Concile de Trente.
    A cette époque la paroisse compte 40 feux.
    Les registres paroissiaux, également appelés registres de catholicité, sont tenus dans chaque paroisse par le curé. Ils sont composés de trois livres : le premier recense les baptêmes, le second les mariages, le troisième les sépultures.
    Au XVIIIème siècle, la série des registres de catholicité est ininterrompue, mais de nombreux détails ne sont pas présents, comme l'âge au mariage, la profession des conjoints, l'heure du décés, le nom des parents du défunt... En 1773, le "Règlement pour la Savoie" impose aux curés certaines règles pratiques pour la tenue des registres et exige de leur part, l'établissement d'un second double, entreposé à la judicature mage, sous peine de cinquante livres d'amende. Les livres de catholicité sont alors mieux tenus et plus complets.

    Le mariage

    Le célibat restant un fait marginal, les mariages revêtent une importance considérable. Il est à la fois un acte religieux, de ce fait largement règlementé par l'Eglise, et un acte social influencé par des considérations politiques, économiques et culturelles.
    Le choix du conjoint, doit avant toute chose, se plier aux interdits émis par l'Eglise. Les conditions de validité du mariage sont énoncées. Si elles ne sont pas respectées, elles constituent un "empêchement". On distingue les empêchements dirimants, entrainant la nullité du mariage, le proscrivant, des empêchements prohibitifs, considérés comme un pêché et sanctionnés, mais ne remettant pas en cause l'union. Ils peuvent être détournés, pour cela, les futurs conjoints doivent faire une demande de dispense, à leur curé.
    Ce qui est frappant est la forte proportion de dispenses d'empêchement de consanguinité.
    • Afin d'éviter l'inceste, l'Eglise interdit le mariage avec toute personne de parenté naturelle, résultant des liens du sang ; consanguinitas. Sont considérées comme parentes, toutes personnes ayant un trisaïeul commun, autrement dit, un lien de parenté, quelqu'il soit jusqu'au quatrième degré, c'est-à-dire quatre générations.
    • Le mariage de toute personne parente par alliance : affinitas est prohibé. Ainsi, on ne peut épouser la soeur de sa belle soeur.
    • On ne peut se marier avec les personnes intégrant la parenté légale : cognato legalis. Cas des adoptions.
    • On ne peut se marier avec une personne de parenté spirituelle : cognato spiritualis. Par exemple, un veuf ne peut se marier avec la marraine de son enfant !
    Cela est révélateur de la très forte endogamie de la communauté au XVIIIème siècle.
    Dans tous les milieux sociaux, le mariage est considéré comme une affaire économique, sociale, culturelle, démographique et affective. En effet, le mariage crée une unité d'exploitation agricole, qui va désormais être autonome, nécessitant la possession d'un capital (maison, terrain, héritage...) et doit reunir des forces de travail. Les accords entre familles sont tacites et reposent sur de véritables stratégies patrimoniales, dictées par des pratiques successorales. Afin de maintenir l'équilibre des patrimoines et l'intégité du patrimoine foncier, les thollogands, comme l'ensemble de la France du sud, pratiquent un régime dotal. Ce dernier permet aux parents de choisir un seul héritier (ce n'est pas forcément l'aîné), qui récupèrera à la mort des parents, la maison et l'ensemble des biens matériels du foyer. Les autres recevront, en compensation de la renonciation à l'héritage, une dot en argent proportionnée au niveau social de la famille. Ainsi, quand un héritier épouse une cadette, celle-ci apporte avec elle une somme d'argent, ce numéraire servira à payer la dot des autres enfants.
    Tout est donc fait pour que les dots circulent et, afin de les récupérer, on procéde à de véritables échanges entre familles. Afin de maintenir l'équilibre des patrimoines on procède à des renchaînements d'alliance : si un héritier du lignage A marie une fille du lignage B, à la seconde génération ou au prochain mariage, une fille du lignage A mariera un héritier du lignage B. Ainsi, les dots s'annulent et on évite d'amputer le numéraire. Mais toujours, les familles sont alliées sur plusieurs générations et tentent d'avoir une réciprocité maximum, bien que ces stratégies entrent en contradiction avec les lois écclésiastiques édictées plus-haut. Ces dernières doivent donc être détournées par des dispenses d'empêchement.
    Ainsi, deux familles ont à peu près, le même niveau de fortune, condition indispensable à la stratégie patrimoniale. La règle pour le choix du conjoint est donc l'homogamie, bien que l'imperméabilité ne soit pas jamais totale (la profession des conjoints n'est pas toujours spécifiée sur les registres).

    Accordailles : réunion des futurs époux et de leurs parents, souvent en présence d’un notaire, pour conclure le mariage et régler les problèmes matériels du futur couple (apports de chacun, importance de la dot, régime des biens…) Les accordailles précédaient les fiançailles.
    Fiançailles : A Thonon, les fiançailles se célébraient le jour de la St-Pierre, patron des pêcheurs, selon un touchant cérémonial. Les jeunes gens entraient ensemble dans l'eau, ramenaient ensemble un caillou que le père du jeune cassait en deux, une moitié pour chacun. L'année suivante, si le projet demeurait, ils entraient dans l'eau et se donnaient à boire dans leurs mains. Les témoins criaient alors : "Saint-Pierre, reçois-les dans ta barque".
    Repentailles : dédommagement versé autrefois par celui ou celle qui rompait ses fiançailles à sa promise ou à son promis.
    Épousailles ou épousages : célébration du mariage.

    Les rapports entre hommes et femmes sont également marqués d'interdits et d'obligations réciproques. L'homme préside aux transports, s'occupe des mulets ou des chevaux. Il détient l'argent, peut fréquenter le cabaret La femme ne peut fréquenter seule des étrangers au village, ne porte pas le "casse-cou" ou ne pourra payer le vin au cabaret que le jour de la St-Blaise ou de St-Sylvestre.

    Le patrimoine

    La tentation était grande, pour un testateur soucieux de la durée et de la prospérité de sa famille, de garantir la cohésion de ses biens en usant de la clause fideicommissaire qui, de génération en génération, réservait par priorité la succession, aux aînés, fils ou neveux, au nom de la nécessaire conservation de la puissance et du rang des familles, surtout chez les nobles et notables.
    Le droit confirmait les usages qui accordait au père une autorité romaine sur toute la famille. Et d'abord sur l'épouse, éternelle mineure en Savoie : le mari gérait ses biens en même temps que les siens propres. Il tenait les comptes de la maison. Exercant la "maîtrise" du ménage, il ne laissait à sa femme qu'une responsabilité réduite. Certes, les circonstances pouvaient contraindre l'époux à envisager un transfert de pouvoir.
    Face à la mort, lorsqu'il avait des enfants encore jeunes, il confiait souvent leur tutelle à sa femme, à qui il accordait, en même temps la gestion et l'usufruit de ses biens, à charge pour elle de les transmettre plus tard à ses héritiers au moment où ils se marieraient, ou à un âge déterminé.
    En compensation, l'heritier ou les héritiers universels désignés par le défunt, assureraient à leur mère une pension annuelle et l'usage d'un logement. Sa situation était évidemment consolidée, si le testateur l'avait déclaré elle-même, son héritière universelle sous condition de restituer l'héritage aux enfants nommément désignés dans l'acte.
    Non moins remarquable était la dépendance du "fils de famille", qui n'était libéré de la puissance paternelle, ni par le mariage, ni par la majorité fixée à trente ans en Savoie. (30 ans pour les hommes et 25 pour les femmes. Aucune disposition légale, civile ou canonique ne stipulait un âge en matière de fiançailles ; l'âge minimum du mariage était fixé à 14 ans pour les garçons et 12 ans pour les filles.) L'ensemble de ses biens restait la propriété du père, tant qu'il vivait sous le toit de ce dernier. Marié, il était maintenu dans une étroite dépendance matérielle puisque le montant ou les fruits de la dot apportée par la bru étaient en général versés au père qui fournissait les "aliments" au jeune couple et acquittait ses principales dépenses en dressant un interminable état de doit et avoir, à liquider au moment de la succession. Seul l'acte d'émancipation libèrait le fils de la tutelle paternelle, en lui conférant l'indépendance économique et juridique.
    Les familles considéraient que le mariage de deux héritiers s'inscrivait, avant tout, dans une politique d'équilibre général des patrimoines.
    A l'époque qui nous occupe, les seigneurs détiennent toujours le droit d'échute. Autrement dit, si un taillable décède sans enfant ni co-diviseurs, ses biens sont repris par le seigneur après sa mort. C'est une condition qui se transmet de manière héréditaire à tous les descendants jusqu'à l'infini, même s'ils exercent des professions libérales ou religieuses. Un taillable, n'ayant qu'une fille, peut en Chablais, lui transmettre ses biens mais, il ne peut tester librement et il est obligé de ne transmettre ses terres qu'aux personnes empêchant l'échute, c'est-à-dire, soit à ces enfants, soit à ses co-diviseurs.

    Or, en Chablais, cette toute puissance paternelle continue d’une certaine façon à se manifester après la mort du père. Émancipés par cette disparition, les fils forment désormais des feux juridiquement distincts mais tout en conservant des parcelles en commun. Dans près d’un cas sur deux, l’indivision intéresse même la plus grande partie de l’exploitation. À propos de ce qui motive ce report du partage et son caractère incomplet, deux thèses classiques peuvent être rappelées : il s’agirait, soit de retarder le morcellement du patrimoine familial, à une époque où pointent le « monde plein » et la « faim de terre » (motivation défensive), soit de maintenir sur place une force de travail suffisante pour faire vivre une exploitation importante, souvent très éclatée dans l’espace et dans laquelle l’élevage tient une grande place (version offensive).
    Le contexte médiéval savoyard permet d’en rajouter une troisième : comme taillables, la plupart de nos paysans sont soumis au droit d’échute, c’est-à-dire à une forme atténuée du droit de mainmorte ; une sujétion d’ailleurs confirmée par les comptes de châtellenie. Or, ce prélèvement seigneurial sur les biens du taillable défunt ne s’applique pas aux biens indivis.

    Une autre question est de savoir si l’un des frères tient dans ce type d’association une place dominante. L’absence de registres de notaires, donc de testaments et, par conséquent, de règlements de succession, ne permet pas de répondre facilement. L’ordre de nomination des frères donne peut-être un début de réponse : l’aîné le premier (du moins peut-on le penser), suivi de ses cadets et, en dernier, leur éventuel neveu, fils d’un frère décédé. Or, on remarque que cet aîné supposé est toujours celui qui, à titre individuel, reconnaît le plus de parcelles. C’est donc lui qui a la plus grande autonomie et, sans doute, l’autorité la plus forte. Le cas échéant, on peut supposer qu’il s’agit effectivement de biens d’héritage. Le résultat suggère qu’en matière successorale, si la coutume prévoyait le partage, la pratique courante consistait à avantager l’un des héritiers, sans doute le fils aîné. C’est lui, certainement, qui, une fois le père mort, devait faire figure de chef d’exploitation. Ce type d’indivision était-il durable ? Le fait qu’on ne rencontre pas de frères dont les biens soient totalement séparés plaide pour l’affirmative. En revanche, les cas d’indivision totale ou majoritaire étant nettement moins fréquents (50 %), on peut supposer qu’un partage du gros de l’exploitation intervenait assez rapidement, quitte à conserver quelques parcelles communes. Outre leur usage pratique (il s’agit surtout de bois ou de prés), celles-ci permettent de maintenir serrés les liens familiaux (pour le meilleur et pour le pire !).
    A contrario, la fréquence des cas de parcelles mitoyennes appartenant à des individus portant le même nom, et qui sont sans doute des parents plus ou moins proches, montre qu’à moyen terme, la solution du partage, non seulement des biens mais des parcelles elles-mêmes, l’emportait. La meilleure preuve en est l’absence totale de cas avérés d’indivision entre cousins. Il y a donc bien, sur le moyen terme, tendance au morcellement des patrimoines, une tendance qui peut être combattue par les familles au moyen du mariage, de l’achat ou de la prise en tenure de nouvelles parcelles ou encore, lorsque cela est possible, par le défrichement.



    LES FAMILLES DE THOLLON

    ANNEE 1730

    La population est de 750 habitants demeurant dans 151 maisons plus les chanoines et leur personnel résidant au Prieuré de Meillerie.
    65 noms de famille différents existent.
    Dans cette évocation seules 6 familles sont étudiées étant présentes au-moins dans quatre paroisses différentes du Pays d'Evian. Il a été fait une différence entre habitant et propriétaire. Est considéré comme habitant le propriétaire d'une maison sur le territoire de la paroisse. Pour le propriétaire est mentionné le mas où il possède le plus de biens fonciers.

    Les BLANC

    Blanc Antoine feu Blaise habite Dessous le Roch.

    Blanc Bernard feu Claude, Blanc Claude feu George, Blanc George feu André, Blanc Jean-Pierre et les hoirs, Blanc Joseph feu Noël habitent au Maravant.

    Blanc Pierre feu Gabriel habite à Lajoux.

    Blanc Rose veuve de Nicolas Cachat habite sur le Cret.

    Blanc Blaise feu André, propriétaire à Sauvalles.

    Blanc Claude feu Amédée, propriétaire au Grand Pré.

    Blanc Claude feu Jean-François, propriétaire à Trivié et Planté.

    Blanc Claude feu Jean et frères, Blanc Françoise feu Gabriel propriétaire à Trivié.

    Blanc François feu Michel, propriétaire au Champ du Tronc.

    Blanc Françoise feu Michel, propriétaire à Molliera.

    Blanc Gabriel et Blanc Jean sont propriétaires à Coutallet.

    Blanc George feu Amédée, propriétaire au Champ du fond.

    Blanc Jean feu André et Blanc Marie feu Michel sont propriétaires à Grie.

    Blanc Jacques feu Pierre, propriétaire à Lajoux.

    Blanc Jean-François feu André, propriétaire à Louaire.

    Blanc Jean-François et consorts, propriétaires au Pagay.

    Blanc Jean-François feu François et consorts, propriétaires à Faugeais.

    Blanc Pierre-François et consorts, propriétaires au Planté.

    Blanc Pierre-François feu Gabriel et frères sont propriétaires aux Rasses.

    Huit familles demeurent à Thollon
    Huit familles demeurent à Bernex
    Trois familles demeurent à Evian
    Quatre familles demeurent à Lugrin
    Cinq familles demeurent à Maxilly
    Une seule famille demeure à Neuvecelle
    Huit familles demeurent à Publier
    Six familles demeurent à Saint-Paul
    C'est le troisième nom de famille le plus fréquent en Haute Savoie.

    Les CACHAT

    Cachat Bernard et frères feu Joseph, Cachat François feu Blaise et Cachat Hiacinthe et frères feu Nicolas habitent Mollié Dessous.

    Cachat Gabriel feu Michel habite Meillière.

    Cachat Nicolas feu Pierre habite Prés Communaux.

    Cachat André feu Pierre, propriétaire au Maravant.

    Cachat Joseph feu Claude, propriétaire à La Chapelle.

    Cachat Michel feu Garin et consorts, propriétaires au Champ du Nant.

    Cachat Nicolasse et frères feu Pierre, propriétaires à Benioz.

    Cachat Nicolas feu Pierre et consorts, propriétaires au Mollié de Beuloz.

    Cinq familles demeurent à Thollon
    Trois familles demeurent à Saint-Gingolph
    Une seule famille demeure à Lugrin
    Au XVIIIe siècle, des Cachat demeurent à Laprau ou à Meillerie.

    Les JACQUIER ou JAQUIER

    Jaquier André feu André, Jaquier André feu Pierre, Jaquier Claude feu André et frère, Jaquier Claude feu Bernard, Jaquier François feu André et Jaquier Mauris feu François et frère habitent Lajoux.

    Jacquier François et consort, Jacquier Jean et Jacquier Michel feu Claude habitent Meillière.

    Jaquier Jaque feu André habite Benioz.

    Jacquier André feu Claude, Jacquier Jaque fils de Claude et Jacquier Michel feu Jean sont propriétaires à Lajoux.

    Jaquier André feu Jaque et Jaquier Antoine feu Guillaume, propriétaires à Fauvale.

    Jacquier François feu Blaise, propriétaire à Louchy.

    Jacquier Jacobette feu André, propriétaire au Champ du Nant.

    Jacquier Jaque feu Gabriel, propriétaire à Grand Pré.

    Jacquier Jean et consort, propriétaires à Coutallet.

    Jacquier Jean-François feu André et consort, propriétaires à Corty.

    Jacquier Jean feu Michel et consorts, propriétaires à Tronc.

    Jacquier Joseph fils de Claude, propriétaire à Louaire.

    Jacquier Mauris feu Claude et frère, propriétaires à Recard.

    Jacquier Michel, propriétaire aux Etallent.

    Jacquier Pierre et consorts, propriétaires à Meillière.

    Dix familles demeurent à Thollon
    Trois familles demeurent à Bernex
    Trois familles demeurent à Evian
    Quinze familles demeurent à Lugrin
    Deux familles demeurent à Neuvecelle
    C'est le onzième nom de famille le plus fréquent en Haute Savoie.

    Les PERTUISET

    Pertuiset Aimé feu Bernard habite au Maravant.

    Pertuiset Aimé, propriétaire aux Rasses.

    Pertuiset Aimé feu André, propriétaire au Cret.

    Pertuiset André feu André, propriétaire à Bugnaux.

    Pertuiset Claude feu Bernard, Perthuiset Etienne feu François, Perthuiset Guillaume feu Jean, Perthuiset Louis feu François, Perthuiset Louis feu Jean sont propriétaires à Loussy.

    Pertuiset François feu Jean et Perthuiset Louis feu Jean, propriétaire au Champ du Tronc.

    Pertuiset Claude, propriétaire au Champ du Nant.

    Perthuiset Joseph feu Jean, propriétaire à Mellay.

    Pertuiset Pierre feu François et consort, propriétaires à Mollié de Louchy.

    Une seule famille demeure à Thollon
    Une famille demeure à Evian
    Dix familles demeurent à Lugrin

    Etymologie : Pertuis du verbe pertuiser signifiant trouer, faire une brêche;

    Les VESIN ou VOISIN

    Voisin Blaise feu Gabriel et frère, Voisin françois feu Jacques et consorts, Voisin Gabriel et frère feu André, Voisin Gabriel feu George et consorts, Voisin Guillaume feu Jean, Voisin Jacques feu François, Voisin Michel feu Claude et Voisin Roch feu Jacques er Voisin Pierre feu Thomas et consorts habitent Sous Les Vesin.

    Voisin François feu Guillaume, Voisin Gabriel feu Roch, Voisin Jean feu Roch, Voisin Michel et Voisin Pierre et frère habitent à Meillière.

    Vesin François et frère feu Gabriel, Voisin Joseph feu Claude et Voisin George feu Michel et frère habitent Mellay.

    Voisin François feu Thomas et consorts habitent Dessous le Roch.

    Voisin gabriel feu André dit Allegiant habite à Bugnaux.

    Voisin Gabriel et frère feu George et Voisin Jacques et frère feu André habitent Sous Chez Vittoz.

    Voisin Jaques feu Jean habite Lajoux.

    Voisin Jean feu Aimé habite Louaire ou Meillière.

    Voisin Blaise feu André, Voisin Claude feu André et consorts sont propriétaires Sous Les Vesin.

    Voisin Drion feu André, propriétaire à Losero.

    Voisin François feu François et Voisin Jacques feu Gabriel, propriétaires à Mellay.

    Voisin François et frère, propriétaires à Meillière et Sur Les Grey.

    Voisin François feu Gabriel, propriétaire à Dernier La Chaux.

    Voisin François, propriétaire Sur Les Greys.

    Vesin André feu André et consorts, Voisin Gabriel et frère feu Aimé et Voisin Jean feu Michel et consorts, propriétaires au Recard.

    Voisin François feu Guillaume et frères, Voisin Michel feu François, propriétaires à LA Faconnaire.

    Voisin François et frère feu Jean-François, propriétaires à Benioz.

    Voisin François feu Gabriel et consorts, propriétaires à Champ Florent.

    Voisin les hoirs de feu François, propriétaires au Coutallet.

    Voisin Gabriel, Voisin Jean et Voisin Gabriel feu Rollet, propriétaires à Meillière.

    Voisin Gabriel et frère et consort feu André, propriétaires à Clos Blanc.

    Voisin Gabriel feu Gabriel, Voisin Gabriel feu André et Voisin Jean feu Michel et consorts, propriétaires à La Combaz.

    Voisin Guillaume feu Bernard et Voisin Michel feu Guillaume, propriétaires à Tronc.

    Voisin Jacques feu Jacques, propriétaire au Planté.

    Voisin Joseph feu Michel, propriétaire à Lajoux.

    Voisin Pierre feu Aimé, propriétaire à Bois Lugrin.

    Voisin Pierre et consorts, propriétaires à Fallère.

    Voisin Pierre feu Bernard, propriétaire au Mollard.

    Vesin Antoine, propriétaire aux Mémises.

    Vingt deux familles demeurent à Thollon
    Une famille demeure à Evian
    Une famille demeure à Lugrin
    Une famille demeure à Neuvecelle
    C'est le cinquantième nom de famille le plus fréquent en Haute Savoie.

    Les DUFOUR

    Dufour Claude feu Pierre et Dufour Gabriel feu Blaise habitent Sur Le Cret.

    Dufour Baptiste feu Blaise, propriétaire au Nouis.

    Dufour Gabriel, propriétaire au Pageay.

    Deux familles demeurent à Thollon
    Deux familles demeurent à Evian
    Trois familles demeurent à Larringes
    Trois familles demeurent à Neuvecelle
    C'est le cent vingt-deuxième nom de famille le plus fréquent en Haute Savoie.

    Les Dufour étaient déjà présents au XIVe siècle au Pays d'Evian..
    En fin du XVe siècle, Gabriel Dufour est châtellain de Thollon et son fils François jésuite favorisera la fondation du couvent des Visitandines à Evian avant leur départ en 1627 pour la ville déjà rivale de Thonon.


    Hommes, femmes et enfants des montagnes de Savoie
    Gravure de Labrousse. Conservatoire d'Art et d'Histoire de la haute Savoie - Annecy




    ANNEE 1817

    Arandel : (1700 de Bernex) Gaillet : (Fayet, Eglise, Lajoux, Chez Cachat)
    Bened : (Chez les Aires, Lajoux) Jacquier : (Chez Cachat, Chez les Roch)
    Blanc : (Maravent, Lajoux) Peray : Chez les Aires
    Bochaton : (1680 de Saint-Paul) Poppon : (Nouy, Lajoux)
    Busset : (Lajoux, Les Etrevex) Roch : (Chez les Roch, Chez les Vesin)
    Cachat : (Fayet) Revillod
    Chambat : (Nouy) Roilluz
    Clerc : (Lajoux) Seydoux : (1700 Fribourg Suisse)
    Curdy Thollenaz : (Lugrin)
    Ducrettet : (des Gets) Vesin : (Fayet, Chez les Vesin, Lajoux)
    Dufour : (Sur le Crêt) Vittoz : (Nouy, Chez les Roch, Sur le Crêt)




    A l'origine des noms de famille on rencontre souvent

    Un prénom : Jacob a donné Jacques transformé en Jacquier; Benedictus a donné Benoît déformé en Béné et Bened.

    Un nom de lieu : "servus", forêt, a donné Servoz; "crestus", cret a donné Ducret.

    Un nom de métier : cordier transformé en Cordy puis Curdy; tisserand en Tissot; tuilier en Thiollay; barbier en Barbay, chasseur, braconnier en Braconnay; forgeron = Favre; fournier = Fornay; tanneur = Magnin; aubergiste = Taberlet

    Un nom de fonction : clerc bien sûr à l'origine de Clerc; bailli à donné Bally; colporteur = Baratay, Mercier; conducteur de boeuf = Bouvet, Bovet, Bouvier; charpentier = Chapuis; tanneur = Coffy; fermier = Grange, Degrange.

    Un aspect physique ou intellectuel : "pilosus" (chevelu) a donné Peillex et Pellet; étourdi = Brelat de brelaz; ahuri = Colliard; vif et sévère = Duret; taciturne = Grept, de petite taille = Mottet; roux a donné Rosset.

    Un surnom ou sobriquet : Brun, Blanc, Borgne

    Un nom de plante, fruit ou produits du sol : graine (grenaz) = Grenat; écorce de châtaignier (gruffon) = Gruffaz; nèfle (néploz) = Neplaz; pomme = Pommel;
    poirier = Péray; rameau = Ramel; rave = Ravex.

    Les terminaisons en "ay" sont propres au Chablais comme dans Péray ou Baratay, ailleurs on trouve Péry, par exemple.

    Origine latine ou grecque :

    Cachat : de Cassius, est un prénom masculin, d'origine latine, peu usité aujourd'hui.
    Julliard : de Julius, est un prénom masculin, d'origine latine, d'où le mois de juillet. S'écrit aussi Juglard, Johannes et Johanetus.
    Magnin : de Magnus, mot latin signifiant grand.
    Pinget : de Pinus, de la famille des Pinacées, arbre dont le pin est la désignation générique.
    Roch : de Rochus, prénom latin Rochus, Roch (du germanique Hroc, Hroggo, repos), plutôt que du latin rufus, rouge. Rosnoblet (alliance Roch + Noble en Savoie) et Roggo (Fribourg) viennent de ce prénom.
    Servoz : de Salvius, est un prénom masculin, d'origine latine.
    Servoz : du latin silva, en italien selva, en vieux français selve et serve, signifiant forêt.
    Vittoz : de Victorius, est un prénom masculin, d'origine latine.
    Perthuiset : du bas latin pertusus signifiant percé, troué.

    Origine germanique :

    Bochaton : de Bosc, mot d'ancien français, forme primitive de « bois ». Il est issu du terme germanique bosk- attesté en latin médiéval sous la forme boscus dès 704. Le mot existe encore sous cette forme graphique en normand et en occitan. On le trouve dans de nombreux toponymes et également dans certains patronymes.
    Birraux : de Berold, est un prénom masculin, d'origine germanique en usage dans la Maison de Savoie.
    Seydoux : de Sigdoef, vainqueur.
    Thiollay : de Teud reck, juste pensant.

    Les noms de lieu ou toponymie :

    Chez : vient du latin casis, casa, à la maison de... suivi du nom du propriétaire.
    Les combes : petite vallée d'origine celtique puis gaulois "cumba";
    Cret : du bas latin crestum et latin crista signifiant petite montagne, mamelon ou petit plateau.
    Moille ou Mouille : du bas latin molia désignant un terrain humide et marécageux.
    La chaux : mauvais pré rocheux, hauteur dénudée. On peut rattacher ce mot à la racine préindo-européenne cal, indiquant la pierre, l’abri en pierre, et par extension, des pâturages d’altitude couverts d’herbages maigres. Cette racine cal ou car est à l’origine de carm ou calm ; la forme calm est passée dans le celtique puis dans le franco-provençal en évoluant en chaux.
    Les pesses : nom donné aux bois. Du latin picea (pinus), le pin qui produit la poix, déformé en pëssê, pesse ou peisse en patois désignant l’épicéa en français.
    Les plagnes : du latin populaire planea désignait au Moyen Age un replat d’altitude, un lieu défriché.
    Les lanches : Lanche, Lantse, Lans, parfois écrits Lance et que le patois désigne par lanste-lansi (à ne pas confondre avec le terme lance en français), se réfèrent à des terrains escarpés en montagne, à des bandes de terrain allongées et en pente.
    Chenevière : culture de chènevis chanvre, chènevière, patois chenavire, vieux français chènevier, ancien français chenevrai, « chenevière, lieu où l´on cultive ordinairement le chanvre », bas latin *canabaria, *canaperia, *cannaberiarum, etc., latin canabetum, cannabetum. La chènevière était située à proximité de la maison, dans une parcelle de dimensions réduites, mais au sol très fertile et abondamment fumé.

    SOBRIQUETS DES FAMILLES

    Dans les villages où les gens se mariaient beaucoup à l'intérieur du groupe, l'endogamie [21] faisait que les patronymes étaient relativement peu nombreux. On adjoignait alors la filiation, paternelle - ou maternelle, si l'aïeule lointaine, ou la mère, avait une forte personnalité - en utilisant "à", ou "au" : Mile (Émile) à Grand ; Louis au Daude (Claude) ; Fanfoué à la Génie (Eugénie) ; ou encore le surnom, de personne : Zèbe à Capitaine, ou de métier : Léon au sabotier. Les familles portent souvent un surnom collectif, héréditaire : Les Josons. Dans certaines régions, le surnom s'est incorporé officiellement au patronyme, pour l'état-civil : Avet-l'Oiseau, Périllat-Boîteux (Pays de Thônes). À Megève, on se sert de la préposition "ès" : Muffat-ès-Jacques.
    Un patronyme peut relever de plusieurs catégories, sans parler des erreurs d'orthographe qui se perpétuent au fils des registres. L’orthographe précise des patronymes ne se fixe qu’en 1870, avec l’apparition du livret de famille.
    En montagne, on constate la persistance de l'endogamie. Les relations préférentielles sont limitées à quelques communes et s'opposent à un grand vide relationnel avec certaines paroisses toutes proches.

    Originaires de THOLLON

    La paroisse constitue le cadre naturel d'un choix conjugal qui répond à une règle tacite d'endogamie locale, car on songe avant tout à maintenir la cohésion des patrimoines en évitant les partages qu'entraineraient les mariages au-dehors.
    La démographie historique a démontré que jusqu'au XIXe siècle, le conjoint était choisi dans 80 à 90% des cas dans un rayon de 8 à 10 km. C'est-à-dire les deux heures que mettait à pied le jeune homme pour aller courtiser sa fiancée.

    ARANDEL
    Buchillon Pécos
    Tissiers Blanchet
    Crotu Metton
    BENED
    Lamôt Dian-Béni Copette
    BLANC
    Françollet François feu Dian-Louis Crotu
    Clinon Licon Botiolet
    Bise Alphonse (Fonse) Nocet
    Dian-Louis Bocheron
    BOCHATON
    Le Niau Cranô
    CACHAT
    de Chez les Roch Petit-Jean
    Guillâme Cabarty
    Buclin Thievry
    des Crottes Bavière
    CURDY
    Costa Fleur
    CHAMBAT
    Chatellan Joseph
    CLERC
    de sur le Crêt Jacques à Jules
    Milhomme Reboux
    Mayolet Louis au Clerc
    DUCRETTET
    Dédiet Dian-Vite
    DUFOUR
    Daufôt Pierroton
    GAILLET
    Miquelet Sergent Maurisson
    Nanquin Mouroz du Fayet
    Dolet Pessa
    Sory Bârnâ ou Bernard feu Blaise
    JACQUIER
    Sabli à Jean-Thomas Maneton
    Vesenet Patenaille Toutou
    Berrolet Sorci Matafan
    JULLIARD
    Garinet
    LUGRIN
    Gobelon
    Michoux
    Boul
    PERAY
    Cresson Gendarme Palette
    German Rouge Papa
    Maréchal Pidé Soldat
    Béroca Brelicon
    ROCH
    Thevenet Taponet Pire
    Dendon Cobisson Syndic
    Vollant Blannon Lanla
    Graby Cettour Jacquerô
    SEYDOUX
    THOLLENAZ
    Mouland
    VESIN
    Felay Patron Lilas
    Allemand Bemöe La Poire
    Trequin Poupon Mandrin
    Bagain Rosier Cartier
    Guerron Paul Gazelle
    Kramon Roulet Chat-blanc
    Tisserand Lollon Grani
    Fioury Bernard Mite
    Fiflo Brégady Cocolet
    Bousa Placide Mermet
    Pingou Baraque Pétrole
    Crozet Notaire à Meillerie Facia
    Fra-Fra François Demi-bâche
    Augustin De Fessy à Fessy Cartial
    Mlire Titine Thollo
    Quiqui Boutâ Jacques Boiteux
    Carlin Bemota Franchet à
    Zénon
    VITTOZ

     

    Classification des noms de famille en Savoie


    Les patronymes savoyards peuvent être classifiés en 5 catégories

    1. Noms individuels et prénoms devenus noms patronymiques

    1.1 Noms d'origine biblique (latins ou latinisés, du grec et de l'hébreu)

    1.2 Noms, prénoms et surnoms grecs et latins ou latinisés en usage à l'époque gallo-romaine

    1.3 Noms d'origine germanique, burgonde et francke, latinisés puis francisés

    2. Noms locaux

    2.3 Noblesse primitive

    2.2 Anoblis du XIVe au XVIIe s.

    2.3 Noms de lieux habités, sans signification rurale ou topographique

    2.4 Noms ruraux

    - Noms tirés de la nature et de la configuration du sol
    - Noms tirés de la végétation
    - Noms tirés des eaux
    - Noms tirés de constructions rurales : maisons, ponts, chemins, etc.
    - Noms tirés de contrées, rivières, montagnes, etc.

    3. Professions et fonctions

    3.1 Noms de professions et métiers

    - Professions agricoles
    - Professions industrielles et commerciales

    - Fonctions et emplois publics
    - Noms de dignités civiles et ecclésiastiques

    4. Surnoms et sobriquets devenus noms de famille

    4.1 Surnoms personnels

    - Qualités et défauts physiques
    - Qualités et défauts intellectuels, travers, etc.

    4.2 Surnoms extérieurs

    - Tirés de parenté, d'alliance, de liens de famille
    - Tirés de ressemblances avec un animal
    - Tirés de plantes, fruits, aliments, produits du sol
    - Tirés de vêtements, instruments de travail, meubles
    - Tirés du temps, des saisons, de l'atmosphère, etc.
    - Allusions diverses

    5. Noms doubles ou bi-noms

    5.1 Soudés

    5.2 Non-soudés

    Source : Les noms de famille en Savoie : origine, formation, étymologie, variations, dérivations, classification, par Félix Fenouillet (1842-1924),"Les noms de famille en SAVOIE" édité en 1983,aux éditions Jeanne LAFFITTE à Marseille, peut-être épuisé, mais que l'on peut consulter aux Archives Départementales de Chambéry ou d'Annecy...


    LES MAIRES DE THOLLON

    Repères historiques
    1789. - Début de la Révolution française. Thollon n'est pas touchée car elle est encore savoyarde, rattachée au Royaume de Piémont-Sardaigne.
    1792. - 22 septembre : Invasion de la Savoie par les Français. 27 novembre : annexion de la Savoie par la France.
    1793. - La Terreur. Politique de déchristianisation, les prêtres sont persécutés.
    1799. - 9 novembre : Bonaparte prend le pouvoir et devient Premier Consul.
    1804. - 2 décembre : Bonaparte couronné empereur devient Napoléon Ier.
    1813. - Restauration des Bourbons. Invasion de la France par les coalisés.
    1814. - 30 mai : Traité de paix entre la France, la Russie, la Prusse, l'Autriche et l'Angleterre. La Savoie est immédiatement ré-occupée par les Autrichiens du Général Bubna, ces derniers n’ayant aucune confiance dans les Sardes. Les troupes autrichiennes se déchainent contre la population locale.
    L’été et l’automne 1815 sont très difficiles. Lors des négociations diplomatiques qui suivent l’échec définitif de Napoléon, le Piémont compte bien récupérer facilement la Savoie, mais aussi, pourquoi pas, tout le sud-est français jusqu’à la Corse. La France tente de s’arranger directement avec le Piémont, en lui donnant le Piémont en échange d’une alliance entre les 2 pays.
    La manœuvre échoue, mais cela n’empeche pas le Piémont de récupérer la Savoie dans sa totalité au second Traité de Paris du 20 novembre 1815.
    Rétablissement des anciennes institutions : le curé redevient recteur, le maire syndic. Le sous-préfet de Thonon est remplacé par l'Intendant du Chablais.
    1815. - Congrés de Vienne qui retrace les frontières de l'Europe et organise la Confédération helvétique avec les frontières que nous lui connaissons aujourd'hui.
    1859. - 27 avril : Guerre austro-sarde. Napléon III soutient le Royaume de Pièmont-Sardaigne. Traité de Zurich par les gouvernements d'Autriche, de France et de Sardaigne, le 10 novembre 1859.
    1860. - 24 mars : Traité de Turin permettant l'annexion de la Savoie par la France.
    14 juin 1860 : Prise de possession de la Savoie par la France après plébiscite.

    Voir Abrégé de l'histoire de Savoie + détails


    Sous la Restauration sarde de 1815 à 1848, on abolit toutes les institutions françaises et remet en vigueur les lois et édits d'avant 1792. Réapparaissent des fonctions complètement obsolètes comme les châtelains ou les sergents royaux !
    On rétablit le Duché de Savoie et les provinces. Les mandements [25] remplacent les cantons "révolutionnaires". La Savoie retrouve ses intendants [26].
    En 1815, le conseil de commune présente à l'intendant un tableau d'individus que leurs capacités, leur fortune, leur moralité rendent apte à remplir la charge de syndic. Les intendants formulent leurs observations et l'intendant général désigne les syndics des communes de moins de 3000 habitants, le roi lui-même désignant celui des villes.
    Le syndic est le rouage essentiel du système. La durée de son mandat est de trois années. C'est lui le patron de la commune. Il expédie les affaires courantes, signe et authentifie tous les actes sauf l'état civil tenu à nouveau par le clergé depuis 1815. Il porte l'écharpe, vert, blanc, rouge. Le syndic est assisté d'un ou plusieurs vice-syndics élus par le conseil municipal et dont le nombre varie en fonction de la population, tout comme celui des électeurs qui dépend du cens de l'impôt payé.
    Le conseil municipal est élu pour cinq ans et siège seulement deux fois par an pour une session ne pouvant excéder quinze jours. Il discute et vote le budget, il fixe le montant de l'impôt communal, assure la gestion des biens communaux, prend la décision de contracter des emprunts. L'organe permanent est le conseil de confiance (consiglio di credenza). Elu par le conseil municipal il siège dans l'intervalle des sessions de l'autre assemblée communale.

    1842 marque la grande réforme de l’administration communale.Les communes sont réparties en 3 classes selon leur nombre d’habitants :

    • plus de 10 000 habitants
    • de 3 000 à 10 000
    • moins de 3 000 habitants.
    Le Conseil se réunit au complet lors des réunions.
    Entre les réunions, un Conseil de créance, comportant 1/10ème des membres de Conseil, remplace le Conseil pour faire avancer les dossiers.
    Les habitants les plus imposés représentent obligatoirement les 3/5 des conseillers.
    Le reste des conseillers est pris parmi les professions dont on peut penser qu’elles permettent de vivre confortablement (maître d’école, pharmacien etc …).
    Enfin, les non-propriétaires doivent représenter 1/20ème des conseillers.
    Le syndic est choisi par le Roi pour une durée de 5 ans, renouvelable.
    Les vice-Syndics sont nommés pour 1 an , par l’Intendant Général.
    Le Conseil communal vote le budget (donc les impôts communaux) et nomme les maîtres et maîtresses d’école, chapelains, médecins, chirurgiens, et sages-femmes.

    En 1847-1848, la Savoie est partagée en 2 Divisions, qui correspondent en gros à nos 2 départements actuels, avec chacune Chambéry et Annecy comme chef-lieu (c’est une revanche pour Annecy qui devient l’égale de Chambéry).
    Les 7 Provinces sont chacune rattachée à une Division.

    • 4 dans ce qui correspond aujourd’hui à la Savoie : Savoie Propre – Haute Savoie – Tarentaise – Maurienne,
    • 3 dans ce qui correspond à l’actuelle Haute Savoie : Genevois – Faucigny – Chablais,
    Les Provinces restent divisées en mandements.

    L’année 1848 marque une évolution importante :

    • La question de l’unité italienne se pose avec de plus en plus d’acuité (l’Italie est morcelée entre le Piémont, le Royaume de Milanais Vénétie et les Duchés de Parme, Modène et Toscane sous influence autrichienne, les Etats du Pape (Rome) et le Royaume des 2 Siciles (Naples) avec un Roi (Bourbon).
      Le Roi Charles Albert veut y jouer un rôle.
      L’unité italienne passe par l’éviction des Autrichiens.
    • Le Roi Louis Philippe est renversé en février 1848 en France, ce qui déclenche des révolutions en chaînes connues sous le nom de « printemps des peuples » ; en Piémont , cela se traduit par une Constitution, le Statuto, qui met en place les fondements d’une monarchie constitutionnelle.

    Le débat sur l’avenir de la Savoie (le Piémont ou la France) refait surface.
    Le clergé et la noblesse serrent les rangs autour de la Maison de Savoie.
    Les libéraux réclament l’annexion à la France.
    A partir de 1849, le Piémont s’italianise encore plus nettement, avec le Roi Victor Emmanuel II, qui succède à Charles Albert (suite à la défaite des troupes piémontaises face à l’Autriche), et son 1er Ministre Cavour (1852 – 1861).

    Avec la prise de pouvoir de Napoléon III en France (Coup ‘Etat du 2 novembre 1851, puis rétablissement de l’Empire le 21 novembre 1852), les libéraux savoyards profrançais commencent à déchanter vis-à-vis de la France.

    Au contraire, les conservateurs catholiques voient d’un très bon œil l’arrivée au pouvoir en France du parti de l’ordre.
    On assiste ainsi au début du glissement de la droite savoyarde vers la France, malgré un loyalisme vis-à-vis de la Maison de Savoie qui reste très vif.

    La décennie 1850 – 1860 est marquée par la dégradation inexorable des relations entre la Savoie et le Piémont.
    La Savoie se sent de plus en plus délaissée, d’autant qu’elle ne profite effectivement pas beaucoup de la relance économique que connaît le Piémont.
    Il faut dire que les impôts payés par les Savoyards,seront sur la période 1852 – 1859, presque de moitié supérieurs aux dépenses faites par le gouvernement en Savoie.
    Le Duché se sent sacrifié au développement économique et militaire du Royaume et aux visées de la maison de Savoie sur l’Italie.
    De plus, le Clergé est de plus en plus déçu par la nouvelle politique, jugée anti-religieuse par le clergé, du gouvernement de Turin.
    Les savoyards, toujours très religieux, n’acceptent pas cette nouvelle politique.

    A partir de 1855, la conjoncture économique se dégrade fortement en Piémont. En Savoie, la misère revient.

    Annexion à la France
    Déroulement
    À l'origine de l'annexion, se trouve avant tout la volonté de Napoléon III, qui veut aider l'Italie à faire son unité, dans le but de contenir l'Autriche. Pour éviter, cependant, de créer un État unifié potentiellement dangereux juste à côté de la France, l'empereur réclame en échange de son aide, le duché de Savoie et le comté de Nice, qui constituent deux régions stratégiques importantes sur le plan militaire.
    Le principe de cet échange est établi en 1858, lors des accords de Plombières, entre Napoléon III et Cavour. Le Traité de Turin, le 24 mars 1860, entérine le changement de souveraineté.



    Lettre ouverte des députés savoyards au président de la Chambre des députés, en faveur de la réunion de la Savoie à la France, le 18 mars 1860.


    Conseil général de la Savoie, Archives départementales, FI 289.

    Les bulletins de vote distribués dans toute la Savoie du nord portaient la mention " OUI et ZONE" ( il n'y avait pas de bulletins "NON" ). Le terme "ZONE" était bien connu des Chablaisiens, il existait déjà des zones franches en Savoie : elles résultaient d'accords visant à harmoniser la vie économique de populations unies par la géographie où toutes les denrées et marchandises étaient exemptes de droits de douane à l'import et à l'export.
    Un intense trafic reliait Rives, le port de Thonon, au port franc de Genève. Au début du siècle, de Genève arrivaient chaux, tuiles, parquets, faïences, sucre, café, etc... par le service quotidien du bateau appelé " La Mouche". De Rives partaient, chaque jour, les barques noires aux voiles latines chargées de pierres et pavés d'Allinges, des plâtres d'Armoy, des moules de bois de chauffage, des fromages d'Abondance, etc... chaque jeudi, le chemisier, le tailleur genevois venaient à domicile, prendre les mesures de leurs clients thononais, essayer ou livrer le produit de leur travail. Les médecins spécialistes de Genève visitaient chaque semaine leur clientèle thononaise pour vingt sous. La vie de loisir n'échappait pas à cette attraction: le dimanche, les jeunes thononais gagnaient la grande cité voisine." ( "Thonon se penche sur son passé" par Jacques Dumolard. 1956). Le commerce de détail avait fait de Genève la véritable capitale de la Savoie du nord, les mercredis et samedis, jours de marché les Savoisiens y affluaient. Ces jours là le chiffre d'affaire doublait dans certains commerces qui n'hésitaient pas à livrer en voiture, " sans aucun ennui", leurs marchandises en Savoie. " Et, bien entendu, en venant faire leurs achats courants à Genève les savoyards de la zone y consultaient leur banquier, leur médecin, leur dentiste, faisaient halte au café."
    C'était bien une condition sine qua non de l'annexion qui avait été établie, et pour laquelle la France avait pris des engagements avant que la Savoie ne devint française. Les intérêts de la Savoie du nord étaient alors tellement liés à ceux de Genève que les Savoisiens n'auraient pu accepter l'établissement d'une barrière douanière entre le canton de Genève et la Savoie. (sans Zone Franche, pas de France)
    (Voir chapitre sur la Zone franche)

    Le 16 mars 1860, les provinces de la Savoie du Nord (Chablais, Faucigny et Genevois) font parvenir à Victor-Emmanuel II, à Napoléon III et au Conseil Fédéral une déclaration – envoyée sous la forme d’un manifeste et accompagnée de pétitions – où elles disent ne pas devenir françaises et affirment leur préférence pour la Suisse, au cas où une séparation avec le Piémont serait inévitable. Le royaume de Piémont-Sardaigne était une monarchie parlementaire et sur les dix-huit députés, qui avaient été élus par le peuple savoisien et le représentaient au parlement de Turin, seuls trois approuvèrent l’annexion. Cependant, ce référendum n’a porté que sur un seul choix pour la Savoie (être rattachée à la France où – dans le cas de victoire du NON – devenir Italienne), comme si aucune autre alternative n’existait...
    Le oui seul avait une signification réelle, positive, assurée, la France: le non était à la vérité la négation de la France, mais il n'affirmait rien, ni le Piémont, ni la Suisse, ni un Etat indépendant, ni une situation quelconque.

    Le vote est fixé au dimanche 22 avril 1860. Il fait beau mais le temps se gâte en fin de matinée. La messe est célébrée à sept heures, tous les votants y assistent car on fait l'appel nominal des inscrits. Ensuite, après une allocution bien sentie, le curé procède à la bénédiction des drapeaux français. On est prêt pour aller au bureau de vote. En-tête, après les bannières déployées et les tambours battant, le curé et le syndic suivis des électeurs dont certains ont mis sur leur chapeau le bulletin :"Oui et zone". Le vote pourra être rapide et les électeurs abstentionnistes repèrés et ramenés au bureau de vote.
    A Evian, le résultat du vote est significatif. 430 électeurs votent Oui et zone, pas une voix contre et 14 inscrits n'ont pas participés au vote.
    Le vote a bien été libre puisqu'à Saint-Gingolph sur 176 inscrits, 157 s'abstiennent, 18 votent oui et 1 non. 120 Gingolais faisant valoir leurs droits de Bourgeois de Saint-Gingolph (bourgeoisie qui existe toujours) demandent à être citoyens du Valais.
    Que prouvent de bons résultats ? Il n'y avait plus de choix qu'entre France sans condition et France avec zone.

    Etat récapitulatif des votes par arrondissement, le 29 avril 1860.
    Province de Chambéry : inscrits, 71 990 ; votants 70 636 ; affirmatifs, 70 536 ; négatifs, 74 ; nuls, 26.
    Province d'Annecy : inscrits, 63 459 ; votants 60 203 ; affirmatifs, 59 997 ; négatifs, 161 ; nuls, 45.
    Total général : inscrits, 135 449 ; votants 130 839 ; affirmatifs, 130 533 ; négatifs, 235 ; nuls, 71.


    Conseil général de la Savoie, Archives départementales, 2FS 5.

    Le 29 mai 1860, la chambre de Turin ratifia, par 229 voix pour, 33 voix contre et 25 abstentions, le traité de cession du 24 mars, et le Sénat par 92 voix contre 10. Le Roi, Victor Emmanuel II ratifia ce même jour la loi réunissant la Savoie à la France : l'annexion fut consommée, et la France put prendre officiellement possession du territoire le 14 Juin 1860.

    Déclaration du sénateur Laity qui annonce à la population le rattachement de la Savoie à la France, le 14 juin 1860.
    "[…] A dater de ce jour, vous êtes français par la nationalité comme vous l'étiez déjà par tous vos sentiments. C'est donc au nom de l'Empereur que je vous reçois dans la grande famille qui est heureuse et fière de vous ouvrir ses rangs […]"


    Conseil général de la Savoie, Archives départementales, 2FS 1

    Dès le lendemain de l'annexion, - dans des conditions très douteuses -, la Savoie change de patrons le 11 juin 1860, l'administration préfectorale est "subtituée à celle des gouverneurs qu'avaient établis la loi sarde. Les deux préfets de Chambéry et d'Annecy se mirent à l'ouvrage; des sous-préfets, installés à la place des intendants à la tête des provinces, devenues des arrondissements, étaient leurs agents d'excécution.
    Au-dessous d'eux, dans les mandements devenus des cantons et dans les communes, les syndics, baptisés maires, travaillaient sous la tutelle administrative. Le changement le plus spectaculaire sur le plan politique, est la mise en vigueur du suffrage universel pour les plus de 21 ans en possession des droits civiques sans exclusion des analphabètes.
    A chaque circonscription territoriale correspond un fonctionnaire unique (préfet, sous-préfet, maire) chargé de l'administrer et d'y représenter le pouvoir. Ce principe majeur en matière d'administration locale en France, est hérité du Consulat (1799-1804). Son importance est double, avant de diriger l'administration du département, le préfet est chargé de l'installation des différents services qui la compose.
    Vous trouverez ici : le rapport du préfet de la Haute Savoie, lors de la première session au Conseil Général du département (1861).
    Les premières élections au suffrage universel masculin à la députation, ont lieu les 9 et 10 décembre. Amédée Greyfié de Bellecombe et Ernest de Boigne représentent la Savoie, tandis qu'Hippolyte Pissard et Anatole Bartholoni représentent la Haute-Savoie.

    Au territoire français s'ajoutent les deux départements : la Haute Savoie (n°88) avec pour chef lieu Annecy et la Savoie (n°89) qui conserva Chambéry comme préfecture et, les Alpes-Maritimes, formées par le comté de Nice auquel est adjoint l'arrondissement de Grasse, détaché du département du Var.
    La France métropolitaine passe alors de 86 à 89 départements (compte non tenu des départements d'Algérie).

    La commune, première circonscription administrative du pays, est sans doute la plus sensible. C'est à ce niveau que l'administration incarnée par le maire, est en contact direct avec la population. Le 28 juin 1860, un décret impérial rend applicable en Savoie l'organisation municipale française. Le maire comme le syndic de l'époque sarde, tient son autorité de l'Empereur qui le nomme lui-même dans les communes de plus de 3000 habitants, ainsi que dans les chefs-lieux de départements, d'arrondissements et de cantons.
    Le maire administre les biens communaux, établit le budget,et sous le contrôle du sous-préfet et des services départementaux, fait exécuter les travaux de construction et d'entretien des bâtiments communaux. Il est responsable de l'ordre public. La seule grande différence avec les anciens syndics est que les maires sont désormais officiers de l'etat civil, dont les registres sont conservés à la maison commune et non plus à la cure de la paroisse. Ce sont eux qui célèbrent les mariages qui doivent obligatoirement précéder la cérémonie religieuse qui n'a plus de validité civile. Il n'y a qu'un seul adjoint dans les communes de moins de 2500 habitants. Le nombre des conseillers municipaux est proportionnel à la population. Maires et adjoints ne percoivent aucune indemnité.
    Maires et adjoints peuvent-être choisis hors du conseil municipal. Ce conseil, dont les membres sont élus au suffrage universel à des compétences restreintes, principalement liées à la gestion des biens de la commune. Il ne se reunit que quatre fois par an, en février, mai, août et novembre, peut être suspendu par le préfet et même dissout par l'Empereur.

    Le maire, qui en est membre de droit et le préside, est désigné quasiment en même temps que sont élus les conseillers.
    Si les syndics sardes percevaient une indemnité, en France, la fonction est totalement gratuite et motivera de nombreux refus de la charge. Trouver, dans chaque localité, un homme compétent, prêt à sacrifier un peu de son temps sans compensation financière n'est pas chose aisée.
    Le plus souvent, l'ancien syndic a été nommé maire aprés avoir prêté, de bonne grâce, le serment de fidélité à la constitution et à l'empereur : cela a été le cas pour Thollon et bien des communes voisines.

    1793 - 1794 Dufour et Blanc Officiers Publics
    1814 Gaillet André
    1861 Sache Sébastien
    1861 Chambat Joseph
    1865 Blanc André
    1867 Ducrettet François
    1868 Peray François
    1875 Chambat Joseph
    1892 Vesin Marie
    1904 Jacquier Pïerre
    1908 Vesin François
    1919 Jacquier Marie
    1935 Vesin Charles
    1944 Clerc Pierre-Jean
    1945 Vesin Ulysse
    1953 Jacquier François
    1971 Clerc Gabriel
    1978 Roch Lucien
    1983 Vesin André
    1988 Vesin André
    1993 Vesin André
    1998 Vivien Michel
    2003 Vivien Michel
    2008 Bened Régis


    LES PRETRES DE THOLLON
    Depuis le Moyen Age et jusqu’à la 2ème moitié du XIXème siècle, et si l’on excepte la période 1792 – 1814 (Révolution, puis Napoléon), la religion a tenu une place de 1ère importance dans la vie quotidienne de nos ancêtres. La paroisse, qui se caractérise par une église, un curé et un cimetière, est l’institution de base dans nos villages.
    Depuis la Contre-Réforme, la formation des clercs vise à leur donner une vision plus intellectualisée de la foi, basée davantage sur les Saintes-Ecritures et plus abstraite. Les prêtres ont désormais, une meilleure formation. Si les futurs prêtres, ne passaient que dix jours avant leur ordination pour apprendre "la théologie pratique, les cérémonies de l'Eglise, et faire pratiquer l'oraison mentale" [...], les ordinands avaient déjà étudié la théologie dans les classes supérieures des collèges d'Annecy, de Thonon, de Chambéry ou, pour les plus fortunés, dans les Universités. Par ailleurs, dès 1688, Monseigneur d'Arenthon d'Alexandre met en place une sorte de prolongation de la formation des séminaristes. Ceux qui ont achevé leurs cours de théologie peuvent ainsi recevoir, pendant dix mois, une initiation à la spiritualité, à la liturgie et surtout à la morale. Enfin, une sorte de formation continue, permet aux prêtres, de suivre tout au long de leur carrière, des retraites de huit à dix jours organisées quatre fois par an, dans le diocèse d'Annecy-Genève. Il faut y ajouter des conférences écclesiastiques qui reunissent six à huit fois par an les curés de l'archiprêtrée afin de discuter de doctrine, de morale et de piété, ainsi que le synode, assemblée des prêtres d'un diocèse présidée par l'évêque, qui se tient chaque année.
    En 1814 et 1815, la Savoie retourne dans le giron de la Maison de Savoie et du Royaume de Piémont Sardaigne. C'est le retour en force de l'Ancien Régime, et de la prééminence du religieux, qui va durer jusqu'au rattachement définitif de la Savoie à la France en 1860.
    Comme dans bien des régions rurales du XIXe siècle, les grands moments de l'existence sont marqués par des cérémonies religieuses : on est baptisé le jour de sa naissance ou le lendemain, même dans les tempêtes de l'hiver, marié à l'église, enterré aprés avoir reçu les derniers sacrements. Vie religieuse et vie civile se confondent jusqu'en 1860. L'église est le lieu où se rassemble la communauté pour prier mais aussi pour délibérer des affaires de la commune. Les avis officiels sont affichés au sortir de la grand-messe. Jusqu'au début du XXe siècle, la salle du conseil se trouve dans le presbytère, les archives communales dans le clocher.

    La vie quotidienne est imprégnée de religion :
    On assiste à la messe le dimanche matin et aux vêpres l'après-midi, "en ayant soin de s'habiller proprement". On fait dire des messes pour les âmes du purgatoire ou pour les défunts, ou pour la Sainte Vierge. On en prevoit même dans son testament, grandes et basses messes. Les pèlerinages sont une autre sorte de dévotion. Les Thollogands vont surtout dans le Valais, au Grand Saint-Bernard, Saint-Maurice-d'Agaune ou plus proche d'eux, à N.D. de la Paraz (entre Ubine et Vacheresse). On peut participer aux confréries du Rosaire pour les femmes, du Saint-Sacrement pour les hommes et à l'association de Saint-François-de-Sales qui organisent des prières, des messes.

    Les Confréries ont été des institutions très importantes dans nos villages. Elles sont sans doute aussi anciennes que les 1ères communautés villageoises, qui se sont mises en place à compter des XIIème et XIIIème siècle. Elles sont nées du besoin de chaque communauté villageoise d’organiser la charité mutuelle et la bienfaisance générale, et aussi de la nécessité pour chacun de penser au salut de son âme. La Confrérie, c’est une société de charité mutuelle et de bienfaisance (aide aux indigents de la commune, aide à un communier en cas de coup dur, visite aux malades, distribution des aumônes …), à laquelle adhèrent les communiers honorables de la commune. Elle est dirigée par un procureur, et peut, au fil des ans et des legs (en principe, il n’y a pas de cotisation imposée), posséder un patrimoine significatif. Elle est donc composée de laïques, les communiers, mais la vocation spirituelle (voire moralisatrice) et religieuse est forte.

    Après le rattachement de la Savoie à la France en 1860, la législation française lui a été appliquée, il en est de même de la législation civile écclésiastique. Une circulaire du 31 janvier 1861 a, en conséquence été adressée à l'archevêque de Chambéry, et aux évêques concernés dont celui d'Annecy dont dépendait Thollon, pour l'organisation et l'administration des fabriques.

    Paroisse
    On entend par paroisse, sous le rapport spirituel, un territoire limité dans lequel un prêtre exerce son ministère sous le titre de curé ou desservant. Sous le rapport temporel, c'est un établissement public et légal ayant des biens, des revenus et des charges, et qui est administré par une fabrique, conformément à des lois et à des règlements spéciaux émanés de l'autorité civile.
    Le mot paroisse a donc, dans l'usage, une double acceptation : il s'applique, tantôt à l'association catholique, placée sous la direction spirituelle d'un même curé ou desservant; tantôt à l'ensemble des habitants compris dans une même circonscription communale. C'est en ce dernier sens, que la paroisse est administrée par la fabrique.
    Il y a une grande différence entre paroisse et commune mais il y en a aucune entre cure et annexe. Il y a des communes qui ont plusieurs paroisses (grandes villes ou cas de la commune de Thollon entre 1803-1860 qui comptera les paroisses de Thollon : "Saint-Michel" et Meillerie : "Saint-Bernard", premier curé ; Guérin Peillex de Bernex), il y a aussi des paroisses qui comprennent plusieurs communes, dans tous les cas c'est le maire du chef lieu qui est membre de droit du conseil de fabrique.

    Les fabriques
    Les fabriques sont chargées de veiller à l'entretien et à la conservation des églises, d'administrer les aumônes et les biens, rentes et perceptions autorisées par les lois et règlements, les sommes supplémentaires fournies par les communes et généralement tous les fonds affectés à l'exercice du culte; enfin d'assurer cet exercice, et le maintien de sa dignité, dans les églises auxquelles elles sont attachées, soit en règlant les dépenses nécessaires, soit en assurant le moyen d'y pourvoir.
    Chaque fabrique sera composée d'un conseil et d'un bureau de marguilliers.
    Les revenus de la fabrique se forment :

    • Du produit des biens et rentes restitués aux fabriques, des biens des confréries
    • Du produit des biens, rentes et fondations qu'elles ont été et pourront être autorisées à accepter
    • Du produit des biens et rentes cédés au domaine
    • Du produit spontané des terrains servant de cimetières.
    • Du prix de la location des chaises.
    • De la concession des bancs placés dans l'église.
    • Des quêtes faites pour les frais du culte.
    • De ce qui se trouvera dans les troncs placés pour le même objet.
    • Des oblations faites à la fabrique.
    • Des droits que suivants les règlement épiscopaux, les fabriques perçoivent, et de celui qui leur revient, sur le produit des frais d'inhumation.
    • Du supplément donné par la commune, le cas échéant.

    Les charges de la fabrique sont :
    • De fournir au frais nécessaires du culte : les ornements, les vases sacrés, le linge, le luminaire, le pain, le vin, l'encens, le paiement des vicaires, des sacristains, chantres, organistes, sonneurs, suisses, bedeaux et autres employés au service, selon la convenance et les besoins des lieux.
    • De payer l'honoraire des prédicateurs de l'Avent, du Carême et autres solennités.
    • De pourvoir à la décoration et aux dépenses relatives à l'embellissement intérieur de l'église.
    • De veiller à l'entretien des églises, presbytères et cimetières; et en cas d'insuffisances de revenus de la fabrique, de faire toutes diligences nécessaires pour qu'il soit pourvu aux réparations et reconstructions.

    Le conseil de fabrique
    Dans les paroisses où la population sera de cinq mille âmes ou au-dessus, le conseil sera composé de neuf conseillers de fabrique; dans tous les autres cas, il sera de cinq; ils seront pris parmi les notables: ils devront être catholiques et domiciliés dans la paroisse.
    De plus, seront membres de droit du conseil :
    - le curé ou desservant, qui y aura la première place et pourra s'y faire remplacer par un de ses vicaires
    - le maire de la commune du chef-lieu de la cure ou succursale, il pourra s'y faire remplacer par un de ses adjoints. Si le maire n'est pas catholique, il devra se substituer un adjoint qui le soit, ou à défaut un membre du conseil municipal catholique. Le maire sera placé à la gauche et le curé à la droite du président.
    Aussitôt que le conseil aura été formé, il choisira au scrutin parmi ses membres ceux qui, comme marguilliers, entreront dans la composition du bureau. Il fera également au scrutin, élection de celui de ses membres qui remplacera le marguillier sortant.
    Seront soumis à la délibération du conseil :

    • Le budget de la fabrique
    • Le compte annuel de son trésorier
    • L'emploi des fonds excédants les dépenses du montant des legs et donations, et le remploi du montant des capitaux remboursés
    • Toutes les dépenses extraordinaires au-delà de cinquante francs dans les paroisses au-dessous de 1000 âmes; et de cent francs dans les paroisses d'une plus grande population.
    • Les procés à entreprendre ou à soutenir, les baux emphytéotiques ou à longues années, les aliénations ou échanges et généralement tous les objets excédant les bornes de l'administration ordinaire des biens.

    Pour l'entretien de l'église, le Conseil trouve habituellement ses fonds dans "la boëte des âmes". Cette dernière est une sorte de petit coffre dans lequel est précieusement conservé l'argent de la "culliette que fait le procureur d'icelle, les second, quatrième et cinquième dimanche du mois, laquelle boëte ferme à trois clefs dont l'une est entre les mains dudit R[évéren] Curé, la seconde entre les mains du sindic et la troisième entre les mains du procureur auquel Mondit Seigneur enjoint de rendre compte tous les ans, par devant ledit R[évéren] Curé, les sindic et conseillers."
    Ce surplus financier doit, en outre, payer l'huile de la lampe et le cierge pascal.

    Président du conseil de fabrique
    Chaque membre du conseil de fabrique peut-être élu président, puisque la loi ne prononce aucune exclusion, et qu'elle ne distingue point entre les membres élus et les membres de droit. Cependant, la jurisprudence ministérielle sur le décret de 1809, veut que ni le curé ou desservant, ni le maire, ne pouvaient être nommés président du conseil de fabrique ou du bureau des marguilliers. Le président est nommé au scrutin aussitôt après la formation de la fabrique et choisi parmi ses membres. La durée de ses fonctions est d'une année. Il est remplacé ou réélu tous les ans, le dimanche de Quasimodo. Le président du conseil de fabrique est chargé par ses fonctions :

    • de convoquer le conseil
    • de s'informer auprès du curé et du trésorier des objets qui doivent être soumis à la délibération de l'assemblée
    • de les proposer à sa discussion mais, sans exclusions pour les autres membres, surtout à l'égard du curé,qui, mieux que personne, est en état de faire les propositions
    • de recueillir les voix
    • de clore la discussion
    • de réprimer les discussions confuses, ou celles qui sont inutiles, ou celles qui ne sont pas à l'ordre du jour. En un mot, de maintenir le bon ordre, dans le cas contraire, il se doit de lever la séance.
    Le titre de président donne voix prépondérante, en cas de partage, dans les délibérations seulement, non prépondérante en matière d'élections car incompatible avec le mode d'élection au scrutin secret qui peut être suivi. S'il y a partage, on doit procéder à un second tour de scrutin et, si le partage continue, le concurrent le plus âgé doit être réputé élu; on ne doit jamais tirer au sort entre deux candidats. (Décision minisèrielle du 2 avril 1849)

    Trésorier de la fabrique
    Le trésorier de la fabrique est un receveur gratuit, obligé d'excercer personnellement ses fonctions. C'est le principal agent de la fabrique. Il est important qu'il soit actif, intelligent, ferme, solvable et surtout consciencieux.
    Il est chargé de procurer la rentrée de toutes les sommes dues à la fabrique, soit comme faisant partie de son revenu, soit à tout autre titre.
    Le trésorier est tenu de présenter, tous les trois mois, au bureau des marguilliers, un bordereau signé de lui, et certifié véritable, de la situation active et passive de la fabrique durant les trois mois précédents.
    Toute la dépense de l'église et les frais de sacristie sont faits par le trésorier.
    Il est tenu de veiller à ce que toutes les réparations soient bien et promptement faites.
    Le trésorier à une des 3 cléfs de la caisse ou armoire.
    Tout acte contenant des dons et legs à une fabrique doit être remis au trésorier, qui en fait rapport au bureau.
    Le trésorier doit porter parmi les recettes en nature les cierges offerts sur les pains bénits, ou délivrés pour les annuels et ceux qui, dans les enterrements et services funèbres appartiennent à la fabrique.
    Il est tenu de faire tous les actes conservatoires pour le maintien des droits de la fabrique, et toutes diligences nécessaires pour le recouvrement de ses revenus.
    Les procés sont soutenus au nom de la fabrique et les diligences à la requête du trésorier, qui donne connaissance de ses procédures au bureau.
    Le trésorier est chargé d'empêcher les arrérages de s'accumuler, d'interrompre les prescriptions, d'arrêter les servitudes, etc...
    Il doit entrer en charge, non le dimanche de Quasimodo mais le 1er janvier de chaque année, époque à laquelle commence l'exécution du budget qui doit toujours être clos au 31 décembre, suivant le mode adopté par toutes les comptabilités des établissements publics.
    Il ne peut légalement exister de paroisse sans fabrique, ni de paroisse sans trésorier. Il doit être nommé chaque année, au scrutin, et le trésorier en exercice peut être réélu.

    Sessions du conseil de fabrique
    Les sessions ordinaires du conseil de fabrique ont lieu quatre fois l'année : le dimanche de Quasimodo, les premiers dimanche de juillet, d'octobre et de janvier. Les sessions extraordinaires, toutes les fois que la nécessité le demande et que qu'elles sont autorisées par l'évêque ou le préfet. L'avertissement de chacune de ces séances sera publié, le dimanche précédent, au prône de la grand-messe.

    Bureau des Marguilliers
    Celui-ci se composera :

    • Du curé ou desservant de la paroisse ou succursale, qui en sera membre perpétuel et de droit.
    • De trois membres du conseil de fabrique. Le curé aura la première place et pourra se faire remplacer par un de ses vicaires.
    • Ne pourront, en même temps, être membres du bureau, les parents et alliés jusques et compris le degré d'oncle et de neveu.
    • Au premier dimanche d'avril de chaque année, l'un des marguilliers cessera d'être membre du bureau et sera remplacé.
    • Des trois marguilliers qui seront pour la première fois nommés par le conseil, deux sortiront successivement par la voix du sort, à la fin de la première et seconde année, et le troisième sortira de droit, à la troisième année révolue.
    • Dans la suite ce seront toujours les marguilliers les plus anciens en exercice qui devront sortir.
    • Lorsque l'élection ne sera pas faite à l'époque fixée, il y sera pourvu par l'évêque.
    • Ils nommeront entre eux, un président, un trésorier et un secrétaire.
    • Les membres du bureau ne pourront délibérer s'ils ne sont pas au-moins au nombre de trois. En cas de partage , le président aura voix prépondérante. Toutes les délibérations seront signées par les membres présent.
    • Ces marguilliers et tous les membres du conseil auront une place distinguée dans l'église: ce sera le "banc des oeuvres". Il sera placé devant la chaire autant que faire se pourra. Le curé ou desservant aura, dans ce banc la première place, toutes les fois qu'il s'y trouvera pendant la prédication.
    • Tous les marchés seront arrêtés par le bureau et signés par le président, ainsi que les mandats.
    • Le bureau dressera le budget de la fabrique, et preparera les affaires qui doivent être portées au conseil; il sera chargé de l'exécutions des délibérations et de l'administration journalière du temporel de la paroisse.
    Les marguilliers sont chargés de veiller à ce que toutes fondations soient fidèlement acquitées et exécutées suivant l'intention des fondateurs, sans que les sommes puissent être employées à d'autres charges. Un extrait du sommier des titres, contenant les fondations, qui doivent être desservies pendant le cours d'un trimestre, sera affiché dans la sacristie, au commencement de trimestre avec le nom du fondateur et de l'écclésiastique qui acquittera chaque fondation.
    Les marguilliers fourniront l'huile, le pain, le vin, l'encens, la cire, et généralement tous les objets de consommation nécessaires à l'exercice du culte; ils pourvoiront également aux réparations et achats des ornements, meubles, chaises, et ustensiles de l'église et de la sacristie.

    Sessions du bureau des marguilliers
    Le bureau s'assemblera tous les mois, à l'issue de la messe paroissiale, au lieu indiqué pour la tenue des séances du conseil. Dans les cas extraordinaires, le bureau sera convoqué, soit d'office par le président, soit sur la demande du curé ou desservant.

    Eglise
    L'administration matérielle des églises et presbytères, le soin de veiller à leur entretien et à leur conservation appartiennent exclusivement aux conseils de fabriques. Peu importe à cet égard que la propriété de l'église appartienne à la fabrique ou à la commune, la question de la propriété est sans influence sur la question d'administration. On distingue trois genres de réparations pour les églises et presbytères : les grosses réparations, les simples réparations locatives, et celles d'entretien.
    Les grosses réparations sont celles des grands murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, ainsi que des murs de soutenement et de clôture.
    Une fabrique ne sera obligée de fournir aux travaux de grosses réparations qu'après avoir pourvu à tous les besoins du culte, aux frais d'achat et de réparations des ornements et de tout le mobilier, des gages des officiers et serviteurs de l'église (sacristain, sonneurs, bedeaux, suisses, etc... Ils sont nommés par le curé dans les paroisses rurale, par le bureau des marguilliers, sur présentation du curé, dans les villes) ainsi qu'aux dépenses de décorations intérieures et de réparations locatives.
    Si après avoir pourvu à l'entretien de l'église, la fabrique n'a plus de fonds libres, c'est aux frais de la commune que les réparations doivent être faites. Et dans ce cas, ces travaux ne peuvent être entrepris qu'autant que le préfet a ordonné, sur avis du conseil municipal, qu'ils seront effectués aux frais de la commune, et que le conseil municipal a procédé, en la forme ordinaire à leur adjudication au rabais. Lorsqu'il est démontré que les ressources du conseil de fabrique et celles de la commune sont insuffisantes pour subvenir aux dépenses, il est demandé un secours au gouvernement par le biais du ministre de l'intèrieur.
    Les réparations locatives de l'église sont à la charge du conseil de fabrique, celles du presbytère à la charge du curé.

    Presbytère
    On nomme presbytère la maison affectée au logement du curé ou desservant de la paroisse.
    L'acquisition d'un presbytère par une commune n'est pas indispensable pour qu'elle puisse avoir un pasteur, attendu qu'elle est obligée de fournir un logement, à défaut de presbytère, ou du moins une indemnité compensatrice. Cependant des motifs de convenances doivent engager les communes à chercher les moyens d'acquérir un presbytère, qui présente au curé une habitation plus décente et moins susceptible de changement.
    Lorsque deux communes sont reunies pour le culte, elles contribuent toutes deux à l'acquisition d'un presbytère. En cas de désaccord de l'une, cette dernière doit donner à l'autre, tous les ans, sa part proportionnelle de l'indemnité de logement due au curé.
    - La propriété des presbytères qui, depuis le rétablissement du culte, en l'an X, ont été construits ou acquis par les communes, de leurs deniers ou qui leur ont été donnés ou légués, appartient exclusivement à ces communes.
    - La propriété des presbytères qui, depuis le rétablissement du culte, en l'an X, ont été construits ou acquis par les fabriques, de leurs deniers ou qui leur ont été donnés ou légués, appartient exclusivement à ces fabriques.
    Mais quoiqu'un certain nombre de ces presbytères rentrent, dans l'une ou l'autre de ces catégories, les presbytères de nos paroisses ne sont en majorité que d'anciens presbytères, qui par la suite de la confiscation des biens écclésiastiques et des édifices destinés au culte durant la période révolutionnaire, étaient tombés entre les mains de la nation et qui furent rendus à leur destination. Sont-ils devenus par le fait de leur restitution, propriété des communes ou propriété des fabriques ?
    Un arrêté considère, les fabriques et les communes, comme étant les unes et les autres co-propriétaires des églises et presbytères dont il s'agit. La répartition des frais du culte et par conséquent la réparation du presbytère est faite administrativement entre les communes de la paroisse et proportionnellement à leurs contributions respectives.

    Curé ou desservant
    Il se conformera aux règlements de l'évêque pour tout ce qui concerne le service divin, les prières et les instructions, et l'acquittement des charges pieuses imposées par les bienfaiteurs, sauf les réductions qui seraient faites par l'évêque, lorsque le défaut de proportion des libéralités et des charges qui en sont la condition l'exigera.
    Le curé ou desservant agréera les prêtres habitués et leur assignera leurs fonctions. Dans les paroisses où il en sera établi, il désignera le sacristain prêtre, le chantre prêtre et les enfants de choeur.
    Le placement des bancs ou chaises, dans l'église, ne pourra être fait que du consentement du curé ou desservant, sauf le recours à l'évêque.
    Les prédicateurs seront nommés par les marguilliers, à la pluralité des suffrages, sur présentation du curé ou desservant.
    La nommination et la révocation de l'organiste, des sonneurs, des bedeaux, suisses ou autres serviteurs de l'église, appartiennent aux marguilliers, sur la proposition du curé ou desservant.
    Le nombre de prêtres et de vicaires habitués à chaque église sera fixé par l'évêque, après délibération des marguilliers et que le conseil municipal aura donné son avis. Si dans le cas de la nécessité d'un vicaire, reconnue par l'évêque, la fabrique n'est pas en état de payer le traitement, la décision épiscopale devra être adressée au préfet, et il sera procédé ainsi que pour les autres dépenses de la célébration du culte, pour lesquelles les communes suppléent à l'insuffisance des revenus des fabriques. Le traitement des vicaires sera de 500 fr. au plus, et de 300 fr. au moins.
    Un curé est tenu de résider dans sa paroisse. Il ne peut s'absenter plus de huit jours sans la permission de son évêque et plus d'un mois sans l'autorisation du gouvernement.
    Les traitements des curés sont divisés en deux classes :
    - 1ère classe, les curés des communes de 5.000 âmes et au-dessus, ainsi que les curés de chefs-lieux de préfecture
    - 2ème classe, les curés de toutes les autres communes.
    Le traitement des curés ou desservants de 1ère classe est de :
    1500 F si - 70 ans.
    1600 F si + 70 ans.
    Le traitement des curés ou desservants de 2ème classe est de :
    1200 F si - 60 ans.
    1050 F si 60 à 70 ans.
    1150 F si 70 à 75 ans.
    1250 F si + 75 ans.
    1600 F s'ils sont septuagénaires non pensionnés. (Décret du 14 août 1863)

    Le premier curé connu est WILLELME chapelain de Thollon en 1234, encore en 1238 (cartulaire de Saint-Paul)

    1411 Pierre ROS, sans doute de Bernex
    1443 - 1471 Jean de GENEVE, chanoine de Montjoux
    1517 Guillaume SOLLIET
    1523 MERMET Marieta
    1550 Gabriel DUFOUR, vicaire
    1580 Michel VESIN
    1619 - 1640 François CORNIER
    04/1640 - 05/1641 Jacques MOREL
    1641 - 05/1670 Michel DUCHOSAL
    1670 - 1688 Humbert MUGNIER
    1689 - 1699 Louis CUBY, né à Maraîche, fait plusieurs donations à Thollon
    1699 - 10/1705 Gaspard BILLOD
    1705 - 1735 Jacques-François BERNAZ, docteur en théologie, né à Bellevaux
    03/1735 - 06/1735 CHENEVAL
    06/1735 - 01/1763 Bernard FONTAINE
    01/1763 - 07/1772 Joseph MARIETTE
    1772 - 02/1793 Jacques de LOYS, signe de Louye et ne met pas "DE" dans sa signature, de Vacheresse émigré à Port-Valais
    Puis le culte est interrompu pendant la période révolutionnaire, les prêtres réfractaires ont émigré ou se sont cachés, les prêtres assermentés ont vite cessé leurs fonctions sacerdotales et ont disparu.
    A partir d’août 1794, les vicaires capitulaires des anciens diocèses de Savoie, la plupart exilés à Turin, décident d'envoyer dans nos régions des missionnaires en vue de (ré) animer la vie religieuse. Pour Thollon le culte reprend avec :
    1795 - 1803 Maurice MICHOUD, de St-Paul, missionnaire, puis curé de Meillerie et enfin de Bons (1806).
    10/1803 - 1819 François DELAJOUX
    1819 - 1822 Jean-Marie COMTE
    1822 - 1823 BIRRAUX, desservant
    1822 - 1848 BERNEX François curé et Rd Jean-Marie PESSONNAZ, vicaire en 1848, né à Ugine.(Us & coutumes ICI)
    1848 - 1867 François BINVIGNAT, des Villars-sur-Thones. PERAY et Eugène DUCRET, vicaires
    1867 - 1883 François GREPILLAT, de Grande-Rive
    1883 - 1908 Louis CHEVALLIER, de Crest-Volant
    1908 - 1930 Joseph-Alphonse HUDRY, de Bogève et PARIAT de 1914 - 1918
    1930 - 1940 PERRICHON, abbé
    1941 - 1941 Albert LACROIX, ne reste que 6 mois
    1941 - 1957 MALLINJOUD, abbé
    1957 - 1965 Jean VIDONNE
    1965 - 1993 René BIRRAUX, de Bernex, abbé
    Depuis 1993 Clovis TAVERNIER, curé en 1993, dernier successeur du lointain WILLELME.


    L'ENSEIGNEMENT A THOLLON

    Le clerc laïc était chargé de l'enseignement religieux, de la lecture et de l'écriture auprès des enfants mais aussi il aidait le curé aux offices rédigeant parfois les actes sur le registre paroissial.
    Il était parfois appelé recteur du lieu, clerc de cette paroisse ou clerc lai ou enfin régent.

    Au XVIème siècle, le souverain de Savoie plaça lui-même les écoles sous l'autorité des ecclésiastisques. Le maître enseignait la lecture,la grammaire et la religion.
    L'école n'étant pas obligatoire, ni laïque, elle était peu fréquentée et de façon irrégulière les enfants étaient employés au travail du tissage, ou à celui des champs, voire à mendier car en ces temps de misère tout complément de salaire n'était pas à négliger. Peu de filles fréquentent l'école jugée inutile pour elles, leur avenir étant tout tracé ; se marier et avoir des enfants. L'enseignement est au soin de la commune ou des congrégations.
    Il devait probablement comme beaucoup de régents exercer un autre métier, celui d'instituteur étant complémentaire, car payé par les élèves présents, son traitement était faible et aléatoire.

    Au XVIIIème siècle, comme partout en Europe, l'enseignement primaire ne fait pas partie des priorités des pouvoirs publics.Ces derniers s’en remettent aux bonnes volontés locales et aux hommes d’église. Les écoles primaires existantes ou qui se mettent en place ne sont, en général, ouvertes que pendant les 4 mois d’hiver (on parle des « petites écoles d’hiver »), et concernent principalement les garçons. Il est évident que l’enseignement est de qualité très variable, et le plus souvent médiocre. La situation des paroisses de montagne, plus riches et plus solidaires, est, en général, bien meilleure que celle des paroisses de plaine.

    Au XIXème siècle
    L'École a toujours été un enjeu entre l'État et la Religion. Après que les projets ambitieux de la Révolution de 1789 pour l'enseignement primaire furent abandonnés par Bonaparte, l'époque de la Restauration vit un regain d'intérêt pour cet enseignement, replacé sous le contrôle de l'Église. Une nouvelle impulsion fut donnée par les libéraux quand la révolution de 1830 porta Louis-Philippe au pouvoir. L'Église fut alors mise quelque peu de côté, mais elle finit par réagir dans les années 1840 afin de reconquérir cet enseignement.
    La formation des maîtres d'écoles au XVIIIe siècle et au début du XIXe n'était pas assurée de façon institutionnelle. Des auteurs rapportent que les futurs instituteurs se formaient, ou bien auprès de prêtres qui normalement étaient lettrés, ou bien ils pouvaient avoir reçu une instruction générale dans les collèges ; ils pouvaient aussi se former auprès de maîtres plus anciens. Du fait de ces formations disparates, les capacités à enseigner étaient très inégales et souvent très insuffisantes.
    Les responsables nationaux de l'instruction publique, dès que cette fonction a existé, c'est-à-dire après la création de l'Université de France en 1806, eurent le souci de mettre en place des écoles de formation des maîtres.

    La misère scolaire est présente dans les campagnes où la situation rappelle celle de l’Ancien Régime :

    - local de classe se tenant au logis du maître ou, si la place est par trop exiguë, dans une quelconque salle municipale,
    - mobilier scolaire et matériel d’enseignement réduits au minimum le plus strict,
    - classe unique mixte par nécessité, conduite par un maître sans formation pédagogique, pratiquant souvent l’ancienne et routinière méthode individuelle,
    - milieu scolaire très hétérogène, tous âges et niveaux confondus dont l’absentéisme est important compte tenu de la participation des enfants aux tâches familiales,
    - enseignement payant, sauf pour quelques indigents,
    - maigre revenu du régent nécessitant l’appoint de tâches annexes pour la mairie et la paroisse ou la pratique d’un second métier.

    Peu d’évolution un siècle plus tard. L'église reprend son ancien pouvoir sur l'école.
    L'ordonnance du 29 février 1816 renforce le rôle de l'église dans les écoles primaires, l'instituteur devra recevoir une formation auprès des frères des écoles chrétiennes pour obtenir un brevet de capacité nécessaire pour pouvoir enseigner, et ce sous la surveillance du curé.
    Pour exercer, il est exigé un brevet de capacité aux maîtres d'école et un certificat de bonne conduite du curé et du maire de la commune. La surveillance des écoles est confiée à un Comité gratuit et de charité pour surveiller et encourager l’instruction primaire et par des surveillants spéciaux : le curé ou desservant de la paroisse et le maire. Les maîtres d’école sont livrés sans aucune garantie à ces surveillants et à ces comités, qui disposent arbitrairement de leur sort.
    Sera, en outre, tenu, ledit régent, d'apprendre les écoliers à servir la messe. Il sera obligé de tenir les écoliers dans l'école l'après-midi dès une heure jusqu'à cinq, depuis la Saint-George jusqu'à la Saint-Remy, et depuis la Saint-Remy jusqu'à la Saint-George dès une heure jusqu'à quatre, et ensuite les conduire en tous temps à l'église pour chanter le Salve, et le matin, depuis sept jusqu'à onze, en été, et depuis huit jusqu'à onze, en hiver...
    Ainsi en campagne, le service communal des instituteurs des "petites écoles" payantes inclut-il des obligations paroissiales (assister le curé, chanter la messe, sonner les offices...) outre l’enseignement (apprentissage des prières et un peu d’"ABC")...
    Sera aussi obligé d'avoir un subalterne pour enseigner et contenir les élèves pendant qu'il sera à l'église pour y chanter pendant les messes et vêpres et les services pour les morts et de lui payer des gages...
    Dans le Pays d'Evian, l'enseignement fut très vite reconnu comme primordial et chaque famille était tenue de payer "l'écolage", avec les moyens dont elle disposait (y compris la dispense de paiement pour les familles les plus pauvres), la communauté prenant en charge la salle d'éducation, l'école, la classe, souvent la même salle que celle du conseil communal, et parfois aussi une étable, si bien chauffée pour les villages les plus reculés.
    On connaît ces instituteurs qui parcouraient les villages, passant "huit jours dans celui-ci, dix jours dans celui-là.". Ils cherchent l’emploi sur les foires, les marchés de louage, portant des plumes sur leur chapeau pour faire connaître leur compétence : une plume pour ceux qui apprennent à lire, deux plumes pour l’enseignement de la lecture et du calcul, et trois plumes pour l’enseignement supplémentaire du latin et que chaque communauté embauchait fin septembre - début octobre après examen ou concours. Cet usage s'est maintenu jusque vers 1840. Le règlement d'un village savoyard stipulait : " Nul ne sera reçu en cette ville pour maître d'école, qu'il n'ait été examiné par deux avocats et un bourgeois commis par le conseil ; comme aussi seront ses gages résolus en conseil ". La compétence était reconnue et les rémunérations pouvaient aller du simple au quintuple.
    Et ce fut un succès : on obtint des chiffres remarquables pour l'époque et les instituteurs dont la compétence était reconnue pouvaient s'expatrier très loin de leur pays.
    On explique la grande qualité de cet enseignement par plusieurs facteurs :
    - la lecture s'achevait souvent par le décryptage des archives de notaires ou d'avocats, exercice pratique qui avait l'avantage de donner quelques notions de droit.
    - l'émigration hivernale s'accompagnait d'activités commerciales pour lesquelles il fallait savoir lire et écrire.
    - les longues soirées hivernales où les anciens transmettaient leur savoir à la jeunesse.
    - le fait que les instituteurs exercent d'autres métiers pendant l'été.
    L’école reste non obligatoire, payante et dans les faits principalement accessible aux seuls garçons. C’est avant tout une institution communale.

    A partir de 1823, le gouvernement sarde évoque, mais sans mettre réellement les moyens, plusieurs dispositions favorables à l’enseignement en général, et à l’enseignement primaire en particulier : le principe d’une école par commune, « quand c’est possible », est affirmé ; l’enseignement primaire est annoncé « gratuit », mais en fait à la charge des communes qui doivent prendre en charges les locaux, les meubles et le salaire de l’instituteur. Pour enseigner, il faut un certificat de moralité et de capacité établi par l’Evêque, obtenir une patente de capacité, et une approbation de la commune (valable 3 ans).

    En 1847 est institué le Secrétariat d’Etat pour l’Instruction Publique, qui chapeaute désormais tout l’enseignement public, quel que ce soit le niveau. Puis est créé, dans chaque chef-lieu de Province, le Conseil d’instruction élémentaire, qui traite de tout ce qui touche à l’enseignement primaire (création d’école, nomination d’instituteur …). En 1850 démarrent les premières « écoles de méthode » pour former les futurs maîtres, ainsi que, dans chaque ville, les inspecteurs des écoles primaires. Ce sont des marques tangibles de l’intérêt porté par le pouvoir sarde à l’enseignement primaire, et aussi du déclin du poids du clergé dans ce qui était jusqu’alors pour lui une chasse gardée. L’amélioration est sensible.

    Par décret du 1er janvier 1851, le conseil communal :
    - choisit l’instituteur , en fonction notamment de sa moralité
    - fournit le logement
    - paie son salaire : 200 F de fixe auquel viendra s'ajouter la contribution des familles,
    - fixe la contribution à payer par les familles (le droit d’écolage), il n'est compté qu'un seul enfant aux parents qui ont plusieurs enfants à l'école.
    - paie la différence pour élever au minimum de 600 F le revenu de l'instituteur, quand son traitement fixe, joint au produit du droit d'écolage n'atteint pas cette somme.
    Droit d’écolage en 1833 :
    - 1e classe (enfant commençant)………………………50 centimes/mois
    - 2e classe (ceux qui lisent et écrivent) ………………..75 centimes /mois
    - 3e classe (ceux qui lisent, écrivent et calculent)……….1 franc /mois

    L’instituteur :
    - est tenu d’accepter gratuitement certains enfants indigents, en revanche ceux-ci doivent balayer la salle tous les jours de classe.
    - fournit et entretient le local scolaire, le mobilier et le matériel pédagogique (tableau de lecture, tableau de maximes et de sentences, de système légal de poids et mesures)
    - fixe la date des vacances (durée totale un mois)
    - la candidature au poste d’instituteur, retenue par la commune, est avalisée par le diocèse
    - c’est l’évêque qui délivre le brevet d’institution communale (permis d’enseigner)
    - la religion est présente dans l’enseignement, le curé exerce une surveillance.

    Le recrutement des instituteurs se fait essentiellement dans les congrégations. Elles seules peuvent fournir des instituteurs aux communes. Leur nombre s’accroit et devient considérable.
    Pour exercer, le maître doit obtenir successivement un « certificat de bonne conduite », auprès du curé et du maire et un « brevet de capacité » délivré par un jury.
    Depuis 1816, une obligation nouvelle s’impose à tout futur maître du primaire, celle de posséder un brevet de capacité obtenu après le succès à un examen. Cette obligation est étendue aux institutrices laïques en 1819 et aux membres des congrégations enseignantes masculines en 1831. L’examen du brevet de capacité comprend trois niveaux :
    - Le troisième degré, ou degré inférieur, est accordé à ceux qui savent suffisamment lire, écrire et chiffrer pour en donner des leçons.
    - Le deuxième degré, à ceux qui possèdent bien l’orthographe, la calligraphie et le calcul, et qui sont capables de donner un enseignement simultané.
    - Le premier degré, ou supérieur, à ceux qui possèdent par principes la grammaire française et l’arithmétique, et sont en état de donner des notions de géographie, d’arpentage et des autres connaissances utiles dans l'enseignement primaire.

    En France et au ministère, Falloux met en chantier un nouveau projet de loi dont les dispositions suscitent des débats longs et passionnés avant d’aboutir en mars 1850 au texte qui porte son nom, « la loi Falloux », dont l’objectif premier consiste dans la défense des prérogatives de l’Église en matière d’éducation, valant à son auteur d’incarner durablement aux yeux des républicains la politique de réaction cléricale en matière scolaire.
    La loi consacre bien sûr la liberté de l’enseignement primaire sous réserve d’être muni d’un brevet de capacité, bien que pour les maîtres congréganistes des dispenses apparaissent (certificats de stages…) permettant ainsi de marginaliser les écoles normales départementales dont l’esprit est jugé « très démocratique », au point d’inviter les conseils généraux à les supprimer.

    En contrepartie de l’interdiction d’exercer toute autre profession, le revenu minimal des maîtres est porté à 600 francs par an ; en revanche, la loi n’impose ni l’obligation scolaire, ni la gratuité (sauf pour les indigents) et l’enseignement primaire supérieur encore embryonnaire n’est plus à l’ordre du jour.
    De cet ensemble de dispositions émerge la préoccupation de rompre avec la perspective d’un enseignement primaire public d’État. Par-dessus tout, il s’agit pour Falloux, de « replacer Dieu dans l’école » ; à cet effet… … Le maître doit faire réciter la prière matin et soir aux élèves, leur apprendre le catéchisme diocésain, les conduire aux offices, non seulement à veiller à l’accomplissement des exercices de piété mais leur en donner l’exemple… sous peine de sanctions immédiates et sévères…
    Enfin, la loi précise que « les ministres des différents cultes sont spécialement chargés de surveiller l’enseignement religieux [et que] l’entrée dans l’école leur est toujours ouverte ».
    Par la loi DURUY en 1857 les instituteurs changent, ce sont des laïcs, mais toujours aussi étroitement surveillés, cette même loi impose aux communes de plus de 500 habitants d'ouvrir une école de filles puis de nouveau en 1867, afin d'éviter la mixité avec les garçons.

    En 1860, la Savoie devient française. Pour les écoles primaires, le Recteur d’Académie s'occupe des études et des méthodes, le Préfet de la nomination des instituteurs, des ouvertures d'écoles, et des aspects financiers.
    Pour être instituteur en 1860, il faut avoir 21 ans et être titulaire d'un brevet de capacité, ou être bachelier, ou ministre d'un culte reconnu par l'Etat. L'instituteur est nommé par le Préfet. Son salaire est fixé par la loi. Toute commune a l'obligation d'entretenir (en partie à ses frais) au moins une école primaire. Les communes de plus de 500 habitants doivent entretenir une école pour les filles (seule une femme peut enseigner dans une école de filles).
    En 1860, Chambéry possède un "Institut universitaire" (fondé dix ans plus tôt) dépendant de Turin regroupant les chaires de droit, médecine, théologie, pharmacie, géométrie, physique, et de mécanique. Cependant, l'un des premiers décrets publié par Napoléon III au lendemain de l'annexion sera la suppression des Ecoles Universitaires (24 octobre 1860). Seule Annecy possédait un collège d'État et pour réduire l’influence du clergé à Chambéry, un lycée impérial sera inauguré, et pour dispenser l’enseignement, il faudra faire appel à des professeurs et des instituteurs de l’est de la France. L'académie de Chambéry, rassemblant les deux départements savoyards, est créée par décret impérial du 13 juin 1860. Charles Zervot en devient le recteur.
    Le J.O de l'Empire publia le 24 octobre 1860 ce décret impérial :
    "Article 1er : Les écoles universitaires de Théologie, de Droit, de Médecine et de Parmacie établies à Chambéry, Nice, Annecy, St Jean de Maurienne, Moutiers, Bonneville et Thonon sont et demeurent supprimées."
    "Article 2e : Les professeurs et fonctionnaires des différentes écoles ci-dessus spécifiées, rétribués par l'Etat, sont admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite pour suppression d'emploi."

    Bien peu pourront se permettre d'envoyer leurs enfants étudier à Lyon ou à Paris.

    La réunion à la France provoque la diminution du nombre d'écoles, notamment dans les différents hameaux de montagne (1 854 écoles en 1849, plus que 1 641 en 1872). Toutefois, cette restructuration n'entraîne pas la diminution de la scolarisation, bien au contraire. Le nombre d'enfants scolarisés passe de 75 728 à 96 628. Si le taux d'alphabétisation n'est pas connu pour cette période, « en 1848, sur 100 Savoyards de plus de 15 ans, 40 étaient analphabètes ; soit en montagne, 30% environ, et, dans le bas-pays, jusqu'à 50% ». A la même date à Paris, il est estimé que 85% des hommes et 75% des femmes savaient lire.
    La loi René GOBLET laïcise le personnel enseignant en 1886, à partir de cette année là le traitement de l'instituteur sera remboursé en grande partie à la commune, puis, en 1889 il devient fonctionnaire de l'état.
    En confisquant les fondations pour ruiner l'enseignement primaire, en décretant en 1860, la suppression des écoles universitaires et la mise à la retraite d'office des professeurs (avec interdiction d'enseigner), en interdisant les congrégations pour annihiler l'enseignement secondaire et en supprimant, le 22 mars 1918 le rectorat d'Académie de Savoie, la France allait enfin pouvoir esssayer de faire des Savoisiens ce qu'elle voulait qu'ils fussent : des Savoyards, des crétins des Alpes et autres ramoneurs.

    Déjà en 1868, peu de temps après l'annexion, la Haute Savoie occupe une place honorable (20ème rang) dans l'échelle de l'instruction française.
    Dans nos 310 communes on compte 650 écoles publiques de filles et garçons; ce nombre s'explique par le dédoublement des écoles mixtes et par la nécessité de multiplier les écoles de hameaux dans le plus accidenté de nos départements.
    Sur les 41.000 enfants qui fréquentent les établissements publics, près de 23.000 ont été admis gratuitement. L'enseignement secondaire est suivi par 265 élèves dans les collèges d'Annecy et de Bonneville.
    Il existe des collèges libres à Evian, La Roche, Mélan, Thônes, Rumilly. On compte en outre, 10 pensionnats primaires, 10 salles d'asile, 200 bibliothèques scolaires; une école normale à Rumilly ( placée depuis 1820 sous la direction des Sœurs de Saint Joseph) pour les institutrices et une à Alberville (1860 - dirigée par l'abbé Bernard d'Aix-en-Provence), commune aux deux départements savoisiens pour les instituteurs.
    Enfin, rapellons qu'en 1866 il y avait 381 cours d'adultes pour 488 en 1867. Tandis qu'en 1864, la proportion des concrits illettrés était supérieure à 15% elle était tombée à 8,90% en 1866. En 1868, sur 2.269 concrits on en comptait 1971 sachant lire et écrire, 62 sachant lire, 25 douteux, 221 illettrés.
    Dans les huit années qui viennent de s'écouler, la Haute Savoie a construit 131 écoles et a réparé 34 salles anciennes. Chaque école neuve avec logement pour l'instituteur, a coûté en moyenne 25.000 fr.

    Les lois Ferry de 1881 et 1882 entraînent un profond bouleversement. L'instruction primaire fut obligatoire et gratuite de 6 à 13 ans, l'école publique devint laïque l'instruction civique et la morale remplace l'enseignement religieux celui-ci n'est plus une obligation mais un droit qui pourra être enseigné si les familles le désirent en dehors des locaux scolaires et des heures de classe, l'assiduité des élèves sera contrôlée.

    La Haute-Savoie, comme ailleurs, applique la loi. Elle fait construire des Ecoles normales, ces véritables "séminaires" de la laïcité qui recrutent filles et garçons, tous bons élèves, pour faire des "maîtresses" et des "maîtres" efficaces dans leur enseignement et fidèles dans leur attachement à la République et à la patrie.
    Leur formation terminée, la plupart des normaliens et normaliennes gagnent un poste à la campagne. Chaque village a en effet son école; les hameaux aussi quand ils sont isolés ou trop éloignés, ce qui sera le cas de Lajoux en 1876. C'était la volonté de Jules Ferry. Dans une circulaire du 28 mars 1882, il rappelle au préfet la nécessité d'ouvrir des écoles partout. Puisque l'école est obligatoire, il est normal qu'elle soit au plus près des domiciles. Il exige le dédoublement des classes surchargées.
    Les postes ne manquent donc pas. Les "fouette-culs" comme on les baptisent encore, font, à leur arrivée dans la commune, d'abord connaissance avec le maire puis avec leur salle de classe et enfin avec le logement. Si certaines communes, en fonction de leurs revenus, offrent aux institutrices et instituteurs de véritables "château" abritant salle de mairie, école et logement, d'autres en revanche proposent des locaux vétustes, malsains, parfois d'anciennes fermes transformées en école.
    Le déménagement se fait en charrette à cheval. On sait peu de choses sur l'ameublement des enseignants. Une circulaire de 1865 dresse la liste du mobilier réglementaire de l'instituteur communal : "2 lits, 2 tables de nuit, 8 chaises, 2 tables rondes, 1 commode, 1 armoire, le tout en noyer ciré; 2 toiles à paillasse, 4 matelas, 2 traversins, 2 oreillers, 2 couvertures en laine, 2 couvertures en coton, 1 table de cuisine en bois blanc, 4 chaises de cuisine en bois blanc, 1 marmitte en fonte, 3 casseroles et 1 seau."
    Les soucis de l'administration surprennent toujours !
    Chaque année ou, tout au moins, quand cela est nécessaire, la commune se doit d'entretenir les locaux et ce n'est pas toujours le cas. De même, la commune se doit de fournir le bois "sec" de chauffage. A ce matériel de base (pupitres, armoires, tableaux, encriers, cartes, ...), indispensable s'ajoute les fournitures scolaires annuelles. Elles ne sont pas toujours faciles à obtenir : tout dépend des relations entre la Municipalité et les enseignants.
    En France, après l'annexion, la charge de secrétaire de mairie est incompatible avec le notariat et est habituellement réservée aux instituteurs primaires, sous l'autorité du maire. Ce "jeune maître dévoué" acceptait le plus souvent la fonction de secrétaire de mairie. Cette fonction complémentaire, à elle seule un emploi à temps plein, ajoutait au traitement principal d'instituteur une rétribution bien peu attrayante en regard du décuplement d'activité qu'elle engendrait. La législation française n'impose en rien de placer les maîtres au poste de secrétaire. La loi du 18 juillet 1837, laisse même la nommination à tous les emplois communaux (sauf celui de garde-champêtre) à la liberté du maire. Il revient donc au préfet et aux sous-préfets de convaincre et d'inciter ce dernier à suivre leurs instructions.
    L'instituteur s'impliquait dans cette fonction par dévouement à une cause qui porte une majuscule : l'École. Par École, il faut entendre l'École publique laïque. C'est la laïcité qui donnait à l'École une majuscule, à l'engagement civique du S.M.I.(Secrétaire de Mairie Instititeur) un sens.

    Pour en savoir plus cliquez ICI

    L’histoire vécue de l’école reste à écrire : elle est dans la mémoire des anciens écoliers et écolières de Thollon...
    Recherches en cours sur la création de mairie/école, presbytère/bibliothèque à ce sujet et liste des instituteurs


    LES IMPOTS


    Les impôts directs

    En 1715, les impôts directs étaient au nombre de trois: la taille, la capitation, le dixième.

    1 - La taille en France
    C'est une imposition sur les personnes ou sur les biens, longtemps perçue par les seigneurs sur leurs serfs et censitaires, mais levée aussi parfois par eux pour le compte du roi : c'est jusqu'en 1695 le seul impôt direct. Noblesse et clergé sont exemptés de la taille.
    En 1715, le territoire de la France était moins étendu qu'aujourd'hui. Il ne comprenait ni la Savoie et le comté de Nice qui appartenaient au duc de Savoie; ni le comtat Venaissin et la principauté d'Avignon, possessions du Pape; ni Montbéliard, possession du duc de Wurtemberg, ni Mulhouse, petite république alliée aux cantons suisses; ni la Corse, propriété des Génois; ni la Lorraine, duché indépendant. Hors de France, le roi possédait: Chandernagor et Pondichéry dans l'Inde; l'île Bourbon et l'île Maurice dans l'océan Indien; quelques comptoirs au Sénégal; la Guyane; quelques Antilles.

    La taille personnelle est assise sur les facultés des taillables, qu'apprécient les collecteurs.

    La taille réelle porte sur les biens, par exemple sur la terre roturière, même si elle appartient à des privilégiés.
    La taille royale, établie en 1439 pour pourvoir aux besoins de l'armée permanente, ne pèse que sur les roturiers. Le roi fixe chaque année en son conseil le brevet de la taille, c'est-à-dire le montant global, réparti ensuite entre les généralités. Puis elle est répartie entre les élections par la commission de la taille, enfin entre les paroisses où la cote est faite par les asséeurs dans le rôle de taille. Les asséeurs sont des habitants élus dans le cadre de chaque paroisse pour établir, sous leur propre responsabilité, les rôles de la taille, qui est ensuite levée par les collecteurs. Par l'édit de mars 1600, les deuxs fonctions sont confondues.
    Pour éviter les inégalités et les abus de la taille personnelle, on s'efforce qu XVIIIe siècle de mettre en place une taxation des revenus d'après un tarif fixé préalablement : c'est la taille tarifée.

    2 - La capitation
    La capitation est établie en 1695 lors de difficultés financières; c'est un impôt très novateur, car les privilégiés doivent le payer. 22 classes sont distinguées d'après les fonctions et les titres. Après la réforme de 1701, chaque généralités doit fournir une certaine somme à répartir entre les contribuables. L'intendant fixe la capitation des nobles qui obtiennent des réductions et parfois même ne la payent pas. Les métiers, les cours de justice et la ville de Paris procèdent eux-mêmes à la répartition. Les pays d'état s'abonnent. La capitation subsiste jusqu'à la Révolution.

    3 - Le vingtième
    En mai 1749, le dixième est supprimé à partir du 1er janvier 1750. À sa place est établi le vingtième, prélèvement d'un vingtième sur tous les revenus, privilégiés ou non. Il s'agit essentiellement du vingtième des biens-fonds, des offices et droits, d'industrie. Le produit doit en être versé dans une caisse d'amortissement, distincte du Trésor royal et uniquement destinée au remboursement des dettes de l'État. L'impôt est établi selon les déclarations de chacun, vérifiées par les contrôleurs royaux, même dans les pays à assemblées d'État.
    Devant cette atteinte aux privilèges, l'opposition se déclare aussitôt, menée par le clergé. Finalement, en décembre 1751, Louis XV suspend l'application du vingtième pour les propriétés ecclésiastiques. Par contre, les parlements et états provinciaux doivent céder. Un second vingtième est prélevé à partir de 1756 (début de la guerre de 7 Ans), mais comme le précédent, il est faussé et amenuisé par les abonnements qu'il faut bientôt accorder (comme à la Franche-Comté). En 1760, la situation est telle qu'il faut bientôt instituer, malgré une forte hostilité, un troisième vingtième. La fin de la guerre ne met pas fin aux embarras financiers, mais amène en 1763 la suppression du 3e vingtième.

    Il réapparaît de 1782 à 1785 (guerre d'Amérique). Il est levé uniquement sur tous les revenus imposés pour les autres vingtièmes, mais on y excepte les offices et droits, et l'industrie. Il est supprimé en 1786.

    1 - La taille en Savoie
    Jusqu’en 1559 en Savoie, l’impôt est levé sans régularité, en fonction des besoins et pour une durée limitée. La base de calcul de l’impôt est le feu. L’évaluation globale du nombre de feux et des exemptions accordées aux pauvres permet une répartition par communauté, unité administrative de base.

    La communauté a besoin, pour répartir avec un minimum d’équité la somme qu’elle doit trouver, de connaître les ressources de chacun. Cette "estime" est en général succincte : nom du propriétaire, relevé des parcelles avec leurs confins, nature de la culture et du terrain et évaluation chiffrée pour la répartition. Les estimes sont enregistrées dans un livre, le "regès", régulièrement mis à jour. Les plus anciens conservés en Savoie remontent aux années 1540.

    Un édit de juillet 1564 crée un "droit de subside" qui est déterminé selon les ressources. La terre devient donc la base de la nouvelle contribution qui prend le nom de taille. Cet impôt conduisait nécessairement à l’établissement d’un cadastre. Le premier cadastre systématique est ordonné par un édit de 1601. Les livres fonciers décrivent les confins des parcelles, la superficie et le degré de bonté puis le chiffre de la taille. Ils s’accompagnent de livres de mutations, appelés livres de remesses ou de vires. Ces documents sont assortis de "cottets", listes ou rôles où figurent les noms des propriétaires et le montant des contributions.

    2 - Le cadastre de 1730.
    En 1696, après six années d’occupation française, la perception de l’impôt est anarchique. Victor-Amédée II, roi de Piémont-Sardaigne, grand admirateur de Louis XIV, veut éliminer tous les obstacles à son pouvoir qu’il qualifie lui-même de despotique. Ce despotisme éclairé le conduit à imposer une remise en ordre fiscale, donc la réalisation d’un nouveau cadastre.
    Voir Mappe Sarde

    Les impôts indirects

    1 - La gabelle
    Bien qu'il y ait localement des gabelles sur d'autres produits (comme le vin), la gabelle sert essentiellement à qualifier l'impôt sur le sel organisé au XIVe siècle.

    Taxe pour le sel, de 1749.

    Après la publication faite d'après l'ordonnance du seigneur intendant de la Province du Chablais et Balliage de Gaillard en date du 9 avril, par laquelle il lui a été fait enjoindre aux personnes de son département qui n'ont pas loué le contingent de leur sel dans les entrepôts, suivant la taxe de 1749, d'apporter leur dette respective dans le courant de ce mois d'avril afin d'éviter les peines portées par l'édit de 1720, ou de dire des raisons contraires dont les conseillers feront leur rapport par délibération.

    Les syndics et conseillers prennent la liberté de signaler à l'intendant général que les gelées du 1er mai et de l'automne 1740 on fait perdre une grande quantité de blé sous les neiges, et geler presque toutes les châtaignes. Les affreuses tempêtes qui ravagèrent Thollon les 17 août 1745, 14 août 1746 et juin 1747, les suites continuelles des mauvaises moissons qu'il y a eu de longues années en arrière, les fréquentes maladies populaires qui accroissent l'extinction de plusieurs familles, une diminution considérable dans les autres et pour comble de tous les malheurs, les désastres de la guerre et la chèreté des denrées réduisant presque tous les habitants de Thollon à une misère générale et mettant la majeure partie dans l'impossibilité de louer leur part dans la quantité de 30 bols de sel imposés sur la paroisse par l'intendant général. La tablette qui fut faite le 31 décembre 1748, se trouve à 19 bols, 151 livres de sel, laquelle fut faite et format l'édit. Les administrateurs supplient l'intendant de faire une diminution de la taxe de 1749 proportionnellement au moyen de ladite paroisse.

    Signé : Cachat notaire et châtelain de Thollon.


    1- L'institution de la gabelle du sel

     

    La consigne du sel de 1561
    La 1ère moitié du XVIème siècle marque une période difficile pour la Maison de Savoie. Le Duc Charles III n’arrive pas à choisir entre les deux hommes forts de l’Europe, son neveu, le Roi de France François Ier, et son cousin puis beau-frère, l’Empereur Charles-Quint. Si bien qu’il y perd la quasi-totalité de ses territoires, la Savoie se retrouvant occupée par la France de 1536 à 1559.

    Son fils et héritier, Emmanuel Philibert, n’est pas fait du même bois. Il s’engage aux cotés de la Maison d’Autriche, et remporte, le 10 août 1557, une très importante victoire contre la France. Cela lui vaut, au Traité de Cateau-Cambrésis (25 avril 1559), de récupérer ses Etats.

    Immédiatement, il entreprend de réorganiser complètement son Duché pour en faire un Etat moderne et centralisé, suivant l’exemple des grandes monarchies européennes (c’est notamment lui qui fixe, en 1563, la capitale du Duché à Turin).

    Il s’attaque notamment au problème du budget de l’Etat, donc aux impôts. Jusqu’alors, les impôts étaient en quelque sorte votés à la demande du Duc, par les Etats Généraux, sous forme de don gratuit. Emmanuel Philibert veut mettre en place un système qui permette de faire rentrer de l’argent de façon plus régulière dans les caisses de l’Etat. A ce titre, il convoque les Etats Généraux en juillet 1560, pour faire voter, à la fois un don gratuit, et aussi un nouvel impôt indirect : la gabelle du sel. L’Edit du 3 novembre 1560 organise le monopole de la distribution du sel, c’est à dire l’obligation pour chaque foyer de ne s’approvisionner en sel que dans les greniers ducaux. Le prix du sac de 47 kg est fixé à 10 florins, 4 florins pour le prix de la marchandise, 6 florins pour l’impôt. L’Edit fixe également la consommation minimale par personne et par bête. Les misérables sont exempts de la taxe, les enfants de moins de 5 ans ne sont pas considérés comme des consommateurs.

    Afin que tout cela fonctionne, il a donc fallu dénombrer précisément la population et le bétail « prenant sel ». Ce dénombrement a été réalisé en Savoie Propre, Maurienne et Tarentaise en 1561-1562. Le recensement dit de la gabelle du sel de 1561 énumère pour chaque feu les personnes qui y vivent : le chef de famille, l’épouse, les enfants (ceux de moins de 5 ans sont notés à part), les autres membres de la famille, et les personnes dont le chef de famille a l’administration. Les familles nobles et les membres du clergé son recensés, de même que les absents (émigrés le plus souvent). Le nombre de domestiques et leur qualité sont notés (mais pas leur nom). La mention « misérable » accompagne les feux susceptibles d’être exemptés (pas de bétail ni de biens fonciers). Pour chaque feu est donné le nombre d’animaux consommant du sel, avec distinction entre les animaux en propriété, en « ayverne », ou « estranges » : vaches, génisses (moges), veaux (mogeons), brebis (fées), chèvres, bœufs.

    Par l’édit du 14 janvier 1720, le Roi Victor-Amédée II rétablit donc la régie directe dans l’ensemble de ses Etats en imposant à chaque famille la levée d’une quantité minimum annuelle obligatoire de sel, au prix de quatre sols la livre. Cette quantité était calculée en fonction du nombre de personnes vivant sous le toit familial, du cheptel et d’une éventuelle activité économique engendrant une consommation supplémentaire de sel (cabaretiers, bouchers, boulangers etc...). Un recensement des personnes et des bêtes fit donc l’objet chaque année de documents appelés consignes établis par les secrétaires de chaque paroisse du duché.

    En Savoie, les modalités de constitution de ces consignes ont été reprécisées par deux ordonnances de l’intendant général en date du 19 novembre 1749 et du 24 octobre 1757.

    2- Le système de la distribution du sel

     

    A- Les acteurs dans le système de la distribution du sel

    Les gabellants :

    Ce sont les personnes assujetties à la levée du sel. Seuls les enfants de moins de cinq ans, dits " mineurs de cinq ans ", sont exemptés. Chaque trimestre ils doivent lever le quart de la quantité annuelle de sel qui leur est imposée, en s’approvisionnant auprès du regrattier, au prix de quatre sols la livre de sel.

    La communauté d’habitants :

    Elle est constituée de l’ensemble des personnes qui ont le droit de jouir des biens communaux. C’est à l’origine une pure association de copropriétaires formant une unité fiscale et administrative. De plus en plus, sous l’ancien régime, elle deviendra une unité territoriale, coïncidant bien souvent avec l’unité spirituelle qu’est la paroisse, terme couramment employé en lieu et place du terme de communauté.

    Elle est régie par un certain nombre de conseillers dont le chef est le syndic de la communauté. Il est l’interlocuteur de l’administration fiscale, et à ce titre, personnellement responsable de la levée du sel dans sa communauté.

    Le secrétaire de communauté :

    Nommé et rétribué par l’Intendant, il tient pour le compte de la communauté la correspondance, les rôles de l’impôt et les registres divers. [6]

    A ce titre, c’est lui qui effectue chaque année les recensements des hommes et des bêtes, en se déplaçant de maison en maison. Il établit les documents appelés consignes où figurent la composition de chaque famille ainsi que le bétail, le commerce éventuel et la quantité de sel à lever correspondante.

    Le regrattier

    Elu par le conseil de communauté, il vend le sel au détail aux gabellants des communautés dont il a la charge. Il perçoit pour cela une rétribution de deux à quatre deniers par livre de sel vendue.

    L’endroit où le regrattier vend le sel pourrait s’assimiler à un comptoir ou petit magasin, appelé banc à sel, situé dans un lieu de passage (chef lieu, marché etc…).

    Le commis de l’entrepôt à sel

    Il est responsable de l’approvisionnement, du stockage et de la vente en gros aux regrattiers. Une vingtaine d’entrepôts sont répartis sur le territoire du duché de Savoie. Chaque paroisse est rattachée à un entrepôt auprès duquel le regrattier doit s’approvisionner. Le territoire de rattachement à un entrepôt est appelé département à sel. En 1776 il y a 20 entrepôts qui sont à Chambéry, Aix, Yenne, St Genix, Montmélian, Aiguebelle, L’Hopital (Conflans), Rumilly, Seyssel (Le Regonfle), Annecy, Bonneville, L’Eluizet, Thonon, Genève, Sallanches, Moutiers, Saint-Jean-de-Maurienne, Modane, St-Michel-de-Maurienne, Lanslebourg.

     

    B- La taxation du sel : qui et combien ?

    Toutes les familles sont soumises à un achat minimum obligatoire de sel par an, à lever  par quart tous les trimestres.

    La quantité annuelle à lever en livres par personne et par bête est la suivante :

    (1 livre de Turin ou de Savoie = 0,36884 kilogrammes)

    Personne de plus de cinq ans : 8 livres

    Bœuf, veau ou génisse : 4 livres

    Vache : 8 livres (compte tenu du sel nécessaire à la salaison de son " fruit " c’est à dire des produits laitiers)

    Mouton : 1 livre

    Brebis : 1 livre

    Chèvre ou bouc : 1 livre

    Cochon ou autre grosse bête mise à saler : 10 livres

    Chèvre ou autre petite bête mise à saler : 3 livres

    Cabaretiers, boulangers et autres activités assimilées : taxés à proportion de leur usage de sel, évaluée par le secrétaire de communauté lors du recensement

    La gabelle du sel représente au XVIIIème siècle environ 8% du revenu minimum vital d’une famille.
    Cependant, près de la moitié du sel consommé provenait du commerce clandestin.
    Les gabelous qui tirent leur nom du mot gabelle, étaient chargés du contrôle des trafics.
    Il n'est pas fait mention de la contrebande dans les documents relatifs à notre zone frontalière, mais la proximité de la Suisse devait largement faciliter ce commerce clandestin. Les salines de Bex dans le canton de Vaud furent exploitées dès 1475, permettant aux contrebandiers de s'approvisionner localement.

    Une particularité : " la répartition du sel à l’excédent " :

    En fait, chaque paroisse s’est vue attribuer une quantité de sel bien définie, quantité qui a été définitivement fixée pour chacune d’entre elles en 1723.

    Or si le dénombrement des personnes et des bêtes ne permet pas d’atteindre cette quantité imposée, le secrétaire de paroisse doit lever une quantité dite " répartie à l’excédent " pour arriver à la quantité imposée. Ce sel réparti à l’excédent est levé sur les personnes qui en ont le besoin ou tout au moins qui sont en mesure d’en payer la gabelle. C’est au secrétaire de convaincre ces personnes, avec plus ou moins de réticence de leur part.

    La levée du sel se répartit donc en 3 types :

    (la somme de ces deux types constituant "  la répartition selon le dénombrement ")

    Les exemptions

    La législation sur la gabelle du sel n’exempte de l’impôt que les enfants de moins de cinq ans. Néanmoins différents documents d’archives d’intendances nous prouvent, qu’en pratique, certaines exemptions sont accordées : il s’agit des pauvres (quelques cas seulement), de quelques fonctions sénatoriales et religieuses, des militaires en service et de quelques industries.

     

    Le franc salé

    C’est un privilège que le roi accorde à quelques officiers, compagnies ou communautés religieuses en leur attribuant gratuitement une certaine provision de sel qu’ils peuvent retirer aux entrepôts.



    Les impôts ecclésiastiques : la dîme

    1 - Les formes de la dîme Ce que dit la Somme Théologique de saint Thomas d'Aquin sur les dîmes. C'est la dîme, redevance religieuse prélevée à l'origine sur tous les bénéfices, y compris commerciaux et artisanaux, mais portant pratiquement uniquement sur les fruits de la terre et sur les troupeaux. Elle est prélevée sur toutes les terres, quels que soient le rang et la religion de leurs possesseurs. En règle générale, les bois, les prés et les produits des étangs ne sont pas sujets à la dîme. Celui qui perçoit les dîmes d'une paroisse s'appelle le décimateur. La dîme n'est pas portable mais quérable. On distingue :

    • Les grosses dîmes, qui portent sur les revenus les plus importants : froment, seigle, orge, avoine et vin;
    • Les menues dîmes, portant sur les légumes et les fruits des arbres (appelées aussi «vertes dîmes»);
    • Les dîmes de charnage portant sur le croît des troupeaux.
    • Les dîmes novales, portant sur les nouveaux fruits. Il y a dîme novale pour les terres récemment défrichées et portant récolte, ou quand sur une même terre on passe de fruits non décimables à des fruits décimables. Lorsque les cultures cessent, la dîme cesse.
    2 - Dîmes solite et insolite
    La dîme solite est en usage depuis longtemps; la dîme est insolite lorsque le décimateur la demande sur un revenu autrefois non concerné. Si une dîme insolite est perçue pendant 40 ans sans difficulté, est elle dîme d'usage. La quotité de la dîme est affaire de coutume et elle peut varier, en un même lieu, d'un pays à l'autre. Il est assez rare que le taux de la dîme dépasse le dizième; il est fréquemment situé entre 1/11 et 1/13.
    La dîme inféodée est tenue en fief par un laïc à qui elle a été cédée ou qui l'a usurpée. Beaucoup de seigneurs de paroisses en possèdent encore à la fin de l'Ancien Régime, malgré la difficulté de produire un titre.

    À la fin de l'Ancien Régime, les tribunaux tendent à diminuer le nombre de dîmes solites et à accroître celui des dîmes insolites.



    Le Patrimoine bâti du Pays de Gavot

    Les constructions traditionnelles du pays de Gavot se caractérisent par des volumes massifs suivant une forme rectangulaire et recouverts d'une toiture importante.

    Elles répondent à deux besoins :
    - loger le paysan et sa famille
    - abriter les récoltes et le bétail

    La maison et ses abords a dans les Alpes un rôle déterminant en tant qu’instrument de production permettant la survie de la famille, plus fortement même que les terres, qui étaient le plus souvent des pâturages à usage collectif. C’est dans la maison ou dans le chalet que l’on produisait le beurre et le fromage. C’est aussi là que l’on tuait le cochon entre Noël et jour de l’an permettant de fabriquer les jambons, saucisses et autres diots, indispensables à la subsistance. La production de céréales, de farines, de légumes et de miel complétait cette alimentation et pouvait être échangée contre des biens ou des services.

    On peut distinguer 2 types de bâtiments "traditionnels" :


    - Le type A : un volume à plusieurs niveaux en maçonnerie, recouvert d'une toiture avec croupes.

    - Le type B comporte une maçonnerie moins importante, tandis que le bardage bois y est prépondérant, notamment dans la partie destinée à l'exploitation agricole (stockage du foin et des matériels).

    Les murs sont épais, de l'ordre de 60 à 80 cm.

    Le bardage bois est caractéristique des bâtiments à double destination agricole et domestique : la partie maçonnée est destinée au logement ; l'usage du bois est réservé aux parties agricoles.

    Le bois est donc présent dans les constructions, soit en partie haute du bâtiment (partition horizontale), soit sur toute la partie destinée à l'exploitation (partition verticale).

    Chalet alpage

    Les chalets d'alpage

    Constructions destinées à l'activité agricole, faisaient partie du domaine familial. Ils étaient construits au plus près des prairies des différents étages montagnards pour permettre leur exploitation au rythme de la fonte des neiges. Ils constituaient des abris saisonniers destinés à protéger le troupeau. (Principe des "remues")

    Les chalets d'alpage de haute-montagne

    L'essentiel du bâtiment est destiné à l'exploitation : la grange couvre toute la surface sous le toit, et au rez-de-chaussée, au moins les trois quart de la surface est occupée par l'étable, et le reste forme une petite pièce d'habitation. Chalet Hte montagneLa séparation entre la partie d'habitation et l'étable est généralement constituée par une cloison en planches bouvetées dans laquelle s'ouvre une porte. Parfois il n'y a qu'une cloison à claire-voie ou même une simple cloison à mi-hauteur. La chaleur du poêle était ainsi complétée par la chaleur des animaux. L'étable peut être dallée avec du schiste ou en fort plancher, et une rigole centrale permet de rassembler le fumier. Souvent cette rigole débouche sur l'extérieur ce qui facilite le travail, mais alors la pièce d'habitation est du côté de l'amont et cela la rend plus humide (elle est alors à demi enterrée). Le long des murs de l'étable court simplement une barre de bois sur laquelle s'accrochent les chaînes permettant d'attacher les bêtes pendant la nuit. Au lieu de cette barre, il y a souvent des crèches en bois qui permettent de donner à manger du foin, mais ces crèches prennent de la place et le chalet doit être plus large pour que deux bêtes tiennent en largeur de chaque côté de la rigole centrale.

    Un habitat adapté aux rigueurs de l’hiver :

    Les conditions climatiques extrêmes expliquent certaines dispositions de l’habitat de montagne.
    Le logement des hommes est le plus souvent situé en partie inférieure, sous l’épais matelas du foin destiné à l’alimentation des bêtes pendant l’hiver. La plupart des maisons de montagne comprennent une ou plusieurs aires extérieures protégées par de larges avancées du toit. Celles-ci sont ainsi abritées des intempéries, notamment de la neige, et permettent, outre quelques activités manuelles extérieures, la desserte des différentes pièces de la maison. Ces espaces extérieurs appelés ‹‹cortna›› en Chablais et Faucigny prennent des formes différentes selon le type de la maison. Ces aires extérieures sont souvent complétées par des vestibules intérieurs formant sas thermique, permettant l’accès aux différentes pièces. Ces couloirs prennent le nom de ‹‹pouerche›› ou ‹‹puerche›› en Haute-Savoie.
    En Haute-Maurienne, le ‹‹po‘r›› désigne un vestibule voûté avec un système élaboré de rampes de desserte des différents étages de la maison, notamment l’étable en partie inférieure, l’habitation au rez-de-chaussée, et la grange en partie haute. Dans les Hautes-Alpes, ce couloir d’accès formant sas prend parfois le nom de ‹‹court››. La différenciation des logements d’hiver et d’été est une autre caractéristique de l’habitat montagnard. Le logement d’hiver est toujours réalisé dans la partie basse des maisons, parfois à demi-enterré, pour profiter de l’inertie thermique du sol qui reste à une température plus douce que l’air. Pour gagner encore plus de chaleur, ce logement regroupe dans la même pièce, le temps de la mauvaise saison, toutes les personnes de la famille, et toutes les fonctions de l’habitation que sont la préparation des repas, la salle de vie commune et le couchage. Les lits sont réalisés en bois, fermés par des panneaux coulissants ou des rideaux.

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    LES ALPAGES

    1 - Diversité du mode de propriété.
    La propriété communale est fréquente. Elle s'applique aux alpages de Thollon et Bernex.
    A Novel, Neuvaz et les Trois Pertuis sont la propriété de la Société bourgeoise de Saint-Gingolph. La bourgeoisie est une institution particulière à la Suisse. Il s'agit d'une collectivité antérieure à celle des communes; elle possède des biens, fôrets, pâturages, dont elle répartit le produit entre ses membres. La bourgeoisie de Saint-Gingolph date de 1620. Elle a la particularité d'être dirigée par un comité suisse et un comité français. Ce mode de propriété diffère peu de la propriété communale.
    Enfin, certains de ces vastes alpages sont des propriétés privées; tels en Chablais les Forons, le Chalet Blanc, sur les pentes sud du Roc d'Enfer, et au fond de la vallée de la Manche (Morzine), le Baô Bornou et l'Aiguille.

    2 - Une exploitation de type "Grande Montagne".
    Coiffant la diversité du mode de propriété, l'exploitation est toujours du type "Grande Montagne" : quelques gardiens prennent en charge un bétail nombreux appartenant à plusieurs exploitants agricoles. Deux cas se présentent selon que les alpagistes sont les salariés d'une collectivité ou bien des entrepreneurs travaillant pour leur compte.
    A Bernex, chaque année, la municipalité faisait procéder au recensement du bétail à inalper et en assurait la répartition entre les divers alpages. Ensuite les gens dont le troupeau devait utiliser la même "montagne" se reunissaient et désignaient trois ou quatre "maîtres" qui devaient s'occuper de recruter le personnel pastoral.
    Ce système existait sur les alpages de Lugrin (Cornien et Blanchard), à Neuvaz et aux Trois Pertuis (Novel). Mais aux Mémises et à Bernex le système des fruitières fonctionnait en haut comme en bas; le lait était vendu au fruitier qui écoulait pour son compte les fabrications.
    A Thollon, l'alpage des Mémises était exploité par les hameaux, chacun d'eux possédant une fruitière en bas et un chalet aux Mémises où, l'été venu, se transportait la fruitière. Un "Président" nommé à vie pour chaque hameau avait pour tâche de choisir les pâtres et le bouvier qui étendait les bouses sur le pâturage. Ce caractère collectif des alpages communaux est encore renforcé à Thollon par une fabrication commune de fromage. Ainsi, chaque fruitier et par hameau traite son lait, le mesure (ce qui permettait d'évaluer la part de beurre et de fromage revenant à chaque propriétaire de bétail inalpé) ), avant de le mélanger aux autres. La fabrication terminée on récupère un nombre de fromages et beurre proportionnel à sa contribution en lait.

    Dans l'Ouest du massf du haut-Chablais, faute de dénivellations suffisantes semble-t-il, la montée à l'alpage n'a toujours comporté qu'une étape : bêtes et gens demeurent sur la même "montagne" pour toute la durée de la saison d'estivage. Mais dans l'Est, à l'amont des vallées des Dranses, de l'Ugine et de la Morge, où les contrastes d'altitude sont plus grands, il arrive que bétail et alpagistes occupent successivement plusieurs chalets sur une même "montagne", ou changent, tout à fait d'alpage, au prix de longs parcours.
    Rares sont les alpages suffisamment étendus pour comporter plusieurs chalets superposés (appelés également "remues") comme dans le Valais voisin. On en trouve principalement dans le Nord-Est du Chablais et correspondent essentiellement à des "grandes montagnes". C'est le cas pour les communes de Lugrin et Thollon en indivis, qui par tradition inalpent d'abord sur la petite montagne de Cornien, puis à date convenue, sur la grande montagne de Mémise. Les remues du haut à Hoche (Bernex), aux Trois Pertuis (Novel) sont maintenant abandonnées. Mais sur l'alpage voisin de Neuvaz (Novel), les deux remues, bien entretenues, sont encore fréquentées dans les années 1950.

    Novel, Thollon, Bernex sont proches de la frontière suisse; il semble que le mode valaisan d'exploitation les ait pénétrées. Mais le voisinage ne saurait tout expliquer : La Chapelle d'Abondance, Châtel et Morzine, aux communes frontalières, sont celles ou l'individualisme est le mieux enraciné. Du reste, ni Thollon, ni Bernex ne sont communes frontalières. Mais elles sont limitrophes de Novel et il semble que cette petite commune ait joué un grand rôle dans la pénétration d'un mode valaisan de l'exploitation pastorale. Et c'est à partir de Novel que ce mode d'exploitation des alpages à fait tâche d'huile, gagnant de "montagne" en "montagne", à la faveur de cols aisément praticables, les communes de Thollon et de Bernex.

    3 - La vie en alpage.
    Des activités limitées et spécialisées. L'activité se limite aux soins à donner au bétail. Le gardiennage conserve son importance. L'altitude accroît la place occupée par les rochers : les risques d'accidents sont multipliés. Les écarts de température en aôut obligent le bétail à deux séjours quotidiens à l'étable, au milieu de la journée et pendant la nuit. Il s'agit donc de veiller chaque fois à la rentrée et à la sortie des troupeaux. Sur ces pâturages étendus il convient de guider le bétail, d'éviter les heurts qui parfois surviennent entre des animaux de provenance différente.
    La présence de bétail laitier sur l'alpage entraine fréquemment celle des porcs qu'il faut nourrir à trois reprises dans la journée. Pour cela, on coupe les rumex, appelés localement "tié" ou "ké", végétation ammoniacale qui croît à l'envi autour des chalets.
    A la "grande montagne" la tâche de chacun est soigneusement limitée, sauf au moment de la traite qui mobilise tout le personnel. Aux Mémises, quatre employés de chalet se répartissaient ainsi les tâches : le fruitier travaillait le lait, les deux bergers surveillaient le bétail, le bouvier nettoyait les étables et repartissait les bouses sur le pâturage. Les déplacements concernent peu cette main-d'oeuvre. Le ravitaillement vient du bas apporté par un membre de la société exploitante de l'alpage ou par un employé du "montagnard".
    Des bâtiments peu nombreux ou rudimentaires adaptés à un genre de vie tout à fait différent de celui d'en bas. Partout le bois triomphe sur les toits, que ce soit sous forme d'"ancelles" lattes de bois assez larges simplement imbriquées ou de "tavaillons", plus petits et cloués sur les voliges. Autre détail caractéristique, l'absence de cheminée. La fumée s'échappe à la faveur des joints entre les ardoises ou les ancelles et c'est un spectacle étrange que de voir littéralement "fumer" ces toits!
    Pénétrons à l'intérieur de ces chalets. Une atmosphère obscure et enfumée saisit. L'âtre communique directement avec le toit, pas de plafond à la salle de fabrication, pas de fenêtre. L' aération est assurée par les joints des matériaux du toit et par la porte dont la partie supérieure est un volet mobile. Aucune pièce n'est réservée à l'usage de chambre à coucher; le réduit bas autorisé par l'angle trés ouvert du pignon, en tient lieu ainsi que de grange. C'est l'étable qui y occupe la plus grande place qu'elle constitue comme à Thollon, Bernex ou Novel une halle séparée ou qu'elle allonge interminablement le bâtiment.
    Et toutes ces activités s'effectuent dans des locaux sans confort. L'eau courante, dans les meilleures conditions, se trouve dans l'abreuvoir devant le chalet. Le sol, fait de terre battue ou de planches est difficile à nettoyer. Les hommes s'accommodent de cet inconfort dans la mesure ou ils ne séjournent dans ces chalets que pour un temps limité et au coeur de l'été.


    ST-GINGOLPH - LUGRIN - MEILLERIE - THOLLON / Une longue histoire

    Les limites des juridictions de Montjoux et d'Abondance avaient été inscrites en des actes et des titres authentiques sauf au niveau de Blanchard ou il n'y avait aucune marque "reconnutive". Au nom de la maxime "Ce qui est à personne est à moi, les communiers de Saint-Gingolph prétendaient aux bois et alpages qui recouvraient Blanchard.
    En juillet 1539, ils y conduisirent un petit troupeau et firent une coupe de quelques plans pour faire leurs marques et constituer un acte de propriété.
    Ensemble, Lugrin et Thollon adressèrent un requête au gouvernement d'Evian. A ce procès vinrent déposer douze témoins venus de Saint-Paul, Beunaz, Creusaz et Montigny (paroisse de Lugrin), pour dire que les communiers de Lugrin et Thollon faisaient des coupes de bois et pâturaient leurs troupeaux depuis des temps immémoriaux icels lieux.
    Statuant à partie de la sentance de 1314 de Jean Prévost, prieur de Montjoux, dans laquelle avait été défini le tracé idéal, les gens d'Evian donnèrent raison au couple Lugrin Thollon contre Saint-Gingolph.
    De l'autre côté de la montagne, le sacristain d'Abondance au nom de l'abbé élu ; Jean Thornery, notaire, et le châtelain Guillaume Favre, portèrent la cause devant le tribunal de Sion. L'évêque Adrien de Riedmatten adjugera à Lugrin et Thollon les montagnes de Mémise, Cornien, Orgevaux, Verdannaz, les Joux des Octanes et de Blanchard (1540).
    Mais les confins entre Pierre-Rouge du Laysiz et Pierre Marmotannaz, ceux du Saix-Blanc restèrent sans être définis. Cette confusion causa bien des mécomptes entre les deux communautés. On en retrouve la trace en 1632 et 1641, année ou les villages de Troubois et Thollon déclarèrent n'avoir aucune prétention sur le châble du Leysiz ; puis en 1657, alors que nos voisins requièrent des constatations judiciaires établissant leur possession immémoriable sur Mémise, Corgnens et Blanchard ainsi que sur le bois des Tannes (à la lisière des bois de Bret et des montagnes de Lugrin-Thollon) Des titres authentiques établissaient les limites des juridictions voisines de Montjoux et d'Abondance, mais ces limites restaient inconnues ou confuses au sommet de Blanchard, si bien que les communiers de Saint-Gingolph prétendaient au Mont-Blanchard et à la fôret qui en recouvre la cîme, qu'ils considèrent comme dépendance de ces montagnes.

    Une transaction du 23 novembre 1710 fut le point terminus de cette histoire avec St-Gingolph et de ces débats séculaires ; on fixa une ligne de démarcation : une croix à l'entrée de la Vi-Novaz, au Chon du nant, trois petits rocs entre le Dollion et Revenaz Blanche, une autre sur la Trêche, droit au Sonjon du châble Les buchilles du Mont-Rochex, ligne montante de 50 toises prôche de la première cîme, puis 50 toises au couchant jusqu'au Glacis du rocher des Leysiz, jusqu'au sommet de ce rocher, le pied de la Coutaz des Jouets et sommet du Blanchard. Ces limites devaient se vérifier tous les 28 ans. Saint-Gingolph s'engagea à verser 800 florins à la partie adverse. Cet acte eut pour résultat de rétablir la concorde avec ses voisins.

    Le 30 avril 1456, les syndics de Lugrin et Thollon (soit Pierre de Châtillon, Girard Birod, Jean Peray) obtinrent l'autorisation de construire 6 chalets à Cornien, au lieu-dit Solliez (Vieilles cases). Cette permission fut signée conjointement : Guillaume Morardi, prieur de Martigny et vicaire du Prévôt Jean de Grolles signèrent cette permission avec Pierre de Châtillon.

    Le 19 juin 1583, assemblée des syndics et communiers de Lugrin et Thollon au sujet des alpages en commun entre les deux paroisses. Les communiers de Lugrin demandaient à ceux de Thollon de pratiquer la jouissance des alpages dans le même ordre depuis des temps immémoriaux, à savoir de faire paître en premier sur la petite montagne de Cornien et puis sur la grande montagne de Mémise. Soit d'aller faire paître ensemble en la montagne de Cornien 10 ou 12 jours avant la Saint-Bernard et de demeurer jusqu'à la dite fête et dès le lendemain d'aller occuper Mémise. Mais l'année précédente, les communiers de Thollon n'avaient pas respecté cette tradition et avaient fait "exprès" de mener en premier le bétail à Mémise pour manger toute l'herbe fraîche. Ceux de Lugrin avaient alors supplié ceux de Thollon de ramener leur bétail sous peine de 500 livres.
    En 1657, Lugrin et Thollon requirent des constatations justiciables établissant leurs possessions immeublées sur Mémise, Cornien, Blanchard ainsi que sur les bois de Tannes en lisière des bois de Bret.

    Une transaction, conclue le 23 novembre 1710, mit fin à ces débats séculaires avec Saint_Gingolph. Il fut dressé une ligne de démarcation, mais dès 1716, le prieur de Meillerie estait au sujet toujours de ces mêmes alpages. Et ainsi entre St-Gingolph, Lugrin, Meillerie, Thollon les procès devaient aller de partages, formation de lots faites à l'amiable, transactions, renvois, etc...
    Il fallut attendre, par acte du 31 mars 1858 (Gruz notaire), pour que Lugrin reçut en partage Cornien et Blanchard, homologuant le rapport des experts qui ont procédé au partage, et par tirage au sort des 2 lots, mettant fin aux querelles d'alpages entre Thollon et Lugrin... pour quelques temps.

    Archives du Grand Saint-Bernard

    Diocèse de Genève (1344-1893),
    AGSB 4533 à AGSB 4553

    AGSB 0878
    1374, 2 août.

    Jean, prieur de St-Bénin d'Aoste, Jacques, prieur de Martigny et Pierre de Villar, de Deimerito, près de Reims, mandent à leurs confrères chanoines de St-Bernard de Troyes, de Branches, de Montréal, de Bière, de Lens, de Vouvry, etc. que le prévôt Guillaume de Pisy étant mort et ne voulant pas que l'église ou hospice de Mont-Joux soit longtemps privée de la consolation d'un prélat, qu'ils ont à se réunir le 10 août prochain pour l'élection du prévôt à Meillerie. S'ils sont empêchés de venir, ils ont à déléguer un de leurs chanoines. Ils doivent apposer un sceau à cette convocation en témoignage que cette lettre leur a été présentée. Trois chanoines ont signé cette lettre en signe de présentation. Au bas du document, il y a 4 languettes dont les sceaux ont disparu.
    Parchemin, 32 x 39,5 cm, latin. + copie notariée sur papier, 6 fol., 19,4 x 28 cm, latin.

    AGSB 0880
    1419, 11 mai, Thonon.

    Hugues d'Arces ayant renoncé à la prévôté en faveur de Jean d'Arces lui remet manuellement l'anneau de S. Bernard en signe de dévestiture et investiture, sauf ce qui lui a été réservé par le Pape soit les prieurés d'Etoy et Villars et la maison forte de Thonon plus les quêtes d'Italie et du diocèse de Besançon. Présents: Jacques Clément, prieur de Semsales, Antoine de Malliis, chanoines, noble Hugues d'Arces seigneur de la bastide de Méolan (Miolans?), etc. Notaire: Jacques Vulliquini, de Thonon.
    Parchemin, 32 x 14 cm, latin + copie informe sur papier, 2 fol., 16,8 x 24 cm, latin.

    AGSB 0839
    1690, 12 juillet, Hospice.

    Sous la présidence du "seigneur Antoine Norat, docteur ès droits..., seigneur de Meillerie, Thollon, Lugrin, Noël (pour Novel), la Tour Ronde et dépendances", le chapitre confirme le prieur claustral Viveys, ordonne aux bénéficiers de produire au chapitre prochain les titres de leurs redevances envers l'Hospice. Signé : Jean-Baptiste Figerod, notaire apostolique et secrétaire.
    Papier, cahier de 6 fol., 19 x 27,7 cm, français.

    AGSB 0842
    1699, 19 août, Aoste, St-Jaquême.

    "Rd seigneur Jean-Pierre Persod, docteur en théologie, prévôt... seigneur de Courmayeur, Meillerie, la Tour Ronde, Lugrin, Novel (Noël) et Thollon... abbé de la Roche en Aigle, détenu de maladie corporelle dans son lit" a réuni les chanoines capitulants. Le prévôt se fait porter dans la salle du chapitre et exprime le souhait d'avoir un coadjuteur,étant donné son état de santé, en la personne de Louis Boniface, profès de la prévôté et professeur de théologie à St-Jaquême. Par vote secret, les chanoines désignent Boniface comme coadjuteur avec droit de succession. Puis le chapitre confirme le prieur claustral Jean-Claude Verraz pour une nouvelle année, prend connaissance que la Chambre des Commis du duché d'Aoste offre 5000 livres pour la reconstruction du Petit-St-Bernard ravagé par l'incendie et suggère de recourir à S.A. royale pour obtenir un subside à cet effet. Des postulants sont reçus. Signé : Jean-Baptiste Figerod, notaire.
    Papier, cahier de 6 fol., 24 x 17 cm, français.

    AGSB 4544
    1681 et 1706.

    a) 1681, 27 juillet, au Palatiouz, territoire de Bernex (?).
    Copie de la limitation et de l'accord, dans un litige avec les sires de Blonay, et les seigneurs de Bernex, précisant les droits des seigneurs respectifs, soit les limites de juridiction et herbages de ces seigneurs et des hommes de Lugrin et de Thollon.
    Signé : Tavernier.
    Papier, 1 folio, 16.4 x 23.4 cm, français.

    b) Lettre du chanoine Mouvilliat adressée au prévôt au sujet de cette limitation, le 21 septembre 1706, à Meillerie.
    Papier, 2 folios, 16.2 x 22.2 cm, français, regeste au dos.
    2 pièces.

    AGSB 4545
    1706, 3 juin, 1713, 13 juin et 1714, 3 juillet, Meillerie.

    Lettres du chanoine J. Mouvilliat, recteur de Meillerie, sur ce qui se passe à Meillerie et environs : érection d'un autel à S. Bernard orné du tableau de M. Bovard. Menées des soldats français contre la population et le prieuré, litige au sujet de l'usage de la montagne de Mémise, etc.
    En annexe à la lettre de 1713, note sur les prétentions du marquis de Lusinge sur la montagne de Mémise ou Vimièze. Papier, 4 doubles folios, dont trois avec adresse et regeste au dos, 2 cachets, format variable, environ 17 x 24.2 cm, français.

    AGSB 4547
    1705 - 1725, 5 septembre, Aoste, collège de St-Jaquême.
    Commission donnée à Jean Lugrin, notaire, pour la rénovation des fiefs dépendant de la juridiction de Meillerie. Sceau plaqué sur papier et signature du prévôt du St-Bernard Jean-Pierre Persod. Secrétaire : Jean-Baptiste Figerod, qui signe avec son paraphe.
    Papier, 2 folios, 21.9 x 31.4 cm, français, au dos, regeste et notice sur une autre convention du 23 novembre 1724, passée avec Jean- François Blanc de Thollon, le 14 mai 1725 avec Léonard Jorioz, chanoine régulier, prieur de Meillerie.

    AGSB 4551
    1748, 17 août, 1750, 7 mars, Chambéry.

    Renvoi à des actes et procès anciens (XVe siècle).
    Procédure intentée par Léonard-Joseph Vaysendaz, prieur et administrateur de Meillerie, tendant à sauvegarder les droits de la prévôté du St-Bernard sur la montagne de Mémise contre les communautés de Lugrin et Thollon "avis en droit" et "réplique". Signés : J. Demotz, P.J. Biord, de Rivaz, conseiller, et Cornuty, procureur.
    Imprimé à Chambéry, chez M.-F. Gorrin.
    Papier, cahier, 8 folios, paginés 1 à 12 et 1 à 4, 23.4 x 30.5 cm, français, lettrine du second texte ornée d'une gravure, citations en latin.

    VoirArchives du Gd St-Bernard

    Les chalets de Mémise
    Les chartes du XIIIe siècle désignent Mémise sous le nom de Vémise, Vemiesiz, qui vient de azi ou aïzi, mélange de petit lait et de maigre pour cailler le tout et former le sérac. Les premiers pâtres et fromagers du 13ème siècle furent :
    Jean Besson, Jacques de Maravent et Jacques de l'Hôpital, N. Delavissel dit Mussi probablement du Leucel.
    Chaque chalet portait le nom d'un hameau du village, ils étaient occupés du 20 juin au 20 septembre, dates traditionnelles de l'emmontagnée et de la démontagnée.
    En 1876, il y avait 15 chalets, tous couverts de tavaillons en bois.
    Dès le début du XIXe siècle on y fabrique chaque année environ 12000 kilos de fromage façon Gruyère (le Thollon), du beurre, du sérac.
    Les habitants de Thollon pour travailler leur lait, s'étaient groupés en sociétés qui fonctionnaient au système du " tour ". Ces sociétés étaient gérées par un comité; le fruitier devait faire la pèse du lait matin et soir, faire le fromage, le sérac, le beurre et s'occuper de la cave pour l'affinage du fromage. Il fallait donc aussi les ustensiles car le tout devait être propre, nous sommes en alpage et de plus il y a la traite et le nettoyage des étables, etc...

    • Chalet de Chez Cachat
      C'était le plus important car il regroupait les villages de Chez Cachat, Chez les Vesin et une partie du Clou de Rivaz.
    • Chalet du Nouy
      Il regroupait les villages du Nouy, des Aires, une partie du Hucel, et une partie du chef-lieu.
    • Chalet du Maravent
      Regroupant le village du Maravent, une partie du Hucel autrefois les Pramas depuis le Mollier au Tronc. C'était la seule fruitière où l'on acceptait le lait de chêvre. Le local appartenait à la famille Blanc Alphonse. Louis Péray dit "Pidé" assura la fabrication du fromage depuis son jeune âge jusqu'à la fermeture.
    • Chalet de Lajoux
      Il était en bon état et faisait partie du village de Lajoux. Les familles Jacquier depuis les Plagnes et Clerc depuis les Reboux portaient leur lait à Lajoux. Cette fruitière avait la particularité de fonctionner même l'été, alors que les trois autres étaient fermées. Clerc Sébastien de Lajoux dit "Bastien à Mayolet" assura pendant 50 saisons le métier de pâtre.

    Traite au bottacul


  • Les chalets de Lugrin
    Situés sur la commune de Thollon, c'est à dire les montagnes de la Plaine, Nordeveau, et Cornien, faisaient chacun leur lait et fromages dans leurs chalets respectifs ; ces fromages, chaque propriétaire venait les chercher en fin de saison, d'après les vaches à lait qu'ils avaient inalpées.
  • Comme les montagnes de Mémise, Cornien et Blanchard étaient autrefois endêvées, les curés de Thollon et de Lugrin faisaient alternativement la bénédiction des chalets et recevaient pour cela 3 livres de beurre par fruitière. Depuis la séparation, le curé de Thollon seul fait la bénédiction des cinq chalets de Mémise qui sont la part de Thollon et de Meillerie.
    Il est possible que les pâturages de Cornien (Corgnens) doivent leur nom à une villa Gallo-Romaine appelée Curonia où des serviteurs détachés assuraient la garde des troupeaux en été et exploitaient la forêt.

    Taxes de pâturages

    Le conseil donne son avis pour faire connaître les taxes de bétail pour l'exercice de 1887.
    Après un examen sérieux et attentif et en tenant compte des besoins budgétaires.
    Le conseil est d'avis d'établir comme suit la taxe que devra payer chaque tête de bétail :

    Vaches et juments ......... 5,00 F.
    Génisses .................. 3,25 F.
    Veaux ..................... 1,50 F.
    Poulains .................. 0,75 F.
    Chèvres et moutons ........ 0,40 F.
    Chèvreaux et agneaux ...... 0,40 F.
    Anes et pouliches .......... 3,25 F.



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    EMMONTAGNEE

    Suzon, vétia le bô tin
    L'ivé fÒ plas' u printin
    Suzanne, voilà le beau temps
    L'hiver fait place au printemps
    Notons d'abord qu'en Chablais, ce sont les abbayes (d'Aulps, d'Abondance, de Sixt, du Reposoir) qui, du fait de leur position quasi-seigneuriale et leur exemple de vie communautaire et pastorale ont donné l'idée aux paysans d'utiliser et entretenir de façon rationnelle leurs alpages communaux.
    Le tracé du chemin menant à la montagne est bien délimité afin d'éviter des accidents aux troupeaux, et son entretien est à la charge de chaque"communier" (société) qui devra fournir, par exemple en 1855, "un demi-manoeuvre par tête de bétail hiverné".
    Chacun doit avoir à coeur de soigner les points d'eau, indispensables autour des chalets. Chaque groupe d'habitation possède un bachal, taillé dans un tronc d'arbre, où les bêtes vont boire avant de rentrer.
    Qu'il soit pour la petite ou la grande montagne, le processus d'un départ pour l'alpage "inalpage" varie peu du haut Chablais à la haute Maurienne.
    La montée des troupeaux à Mémise était fixée depuis toujours au 20 juin et le démontagnage aux environs de la saint-Michel (29 septembre), «Dioset» Arandel nous en fait le récit :

    Quelques jours auparavant, le président de chaque société (voir plus haut) réunissait ses sociétaires à l'ordre du jour : "faire" le bois à Mémise avec comme référence:
    1ère charge, billot de bois par vache laitière ; monter du matériel de fabrication : chaudières, barattes, etc...
    2ème charge, réparation du plancher (solans), fournitures, le tout au meilleur prix.

    Sur le traîneau (simple ou à cornes à l'avant) ou léta, lezbe, on entasse l'outillage : le chaudron (lo pè, le pair ou paira), les seilles, seillots à traire, les différents seaux en bois ou en métal (cizelins), la baratte (borire, borrére, borèzhi ou borella), dréta (droite) mais plus souvent à snyule ( à manivelle), toutes choses que l'on ne laisse pas à la montagne. Souvent, on ne met les cloches des vaches qu'au dernier moment, car elles savent qu'après un si long hivernage, elles vont retrouver l'air enivrant et l'herbe fraîche de la montagne et elles auraient tendance à faire les folles.

    Le jour venu c'est presque un jour de fête ; pour les enfants, pas d'école, levés de bonne heure de peur d'être oubliés. Tout le monde est prêt, les bagnolets fixés sur le dos, les bêtes leur lien replié autour du cou. Sur le traîneau ou sur le bât sont aussi emportés les poules apeurées et serrées dans leur cage, et toutes les provisions, les couvertures, un peu de linge, du sel pour les bêtes.
    On emmenait aussi autrefois les cochons, gros ou petits, et même parfois le chat, tirés utile pour détruire campagnols et autres amateurs de laitages.
    Et c'est le départ, tout le long du parcours il faut les surveiller "Vin cé ! vin lé ! La Noire, Marguerite ! La Rousse !" poussées par les abois des chiens, les cris et les coups de trique. Le groupe principal, c'est celui des bêtes à cornes, les belles tarines à la robe couleur de blé et aussi les abondancières à la robe acajou, les génisses et les mogeons.
    Les vaches ont toutes une cloche au cou retenue par un large collier de cuir orné de motifs ou de clous de cuivre : tantôt ce sont des clarines (senailles, campan-nes), cloches modèle réduit, en bronze, au son clair, tantôt ce sont des cloches d'acier de forme elliptique, fabriquées à Chamonix, au son grave, les carrons, potets ou bondoùs. Les cloches ne sont pas seulement là pour "faire joli" ou pour montrer la richesse du propriétaire, mais par souci de sécurité : d'abord pour les reconnaître au milieu des autres et aussi dans la nuit, le brouillard ou le dédale de la montagne.
    On peut encore voir gambader quelques chèvres capricieuses en arrière-garde. Les vaches anciennes reconnaissent le chemin, première halte sous Pertuis au niveau du bassin. Ensuite c'est la montée sur le col de Pertuis, chacun s'occupant de son troupeau afin d'éviter les bagarres entre les bêtes. Arrivé au col, premier casse-croûte et pour les hommes "coup de prune". Après une bonne pause départ vers les chalets, durée du trajet une heure et les bêtes se régalent d'herbe tendre et fleurie, puis c'est l'arrivée aux quésas, il faut les laisser...
    Les gens de Lajoux sont occupés à ramasser les qués pour les cochons, ils descendront les sacs le soir sur une luge.
    Dès l'arrivée aux chalets (arbey, grange, voire mayen s'il s'agit d'un premier stade de remue, appelée aussi montagnette), visite des lieux, on allume le feu, on ouvre toutes les portes pour aérer et faire disparaître l'humidité accumulée pendant l'hiver. On balaie, on dégage le devant de porte, on fauche un peu, on range les provisions, on dispose de la paille fraîche dans les châlits. C'est le casse-croûte, il est le bienvenu et c'est pour beaucoup la seule boîte de sardines ou de pâté de l'année. Après c'est le repos, les enfants se rendent à la grotte aux fées ou aux rougeoles pour ramasser des muguets, ou sur les Pirons "chercher" des rhodos. Pendant ce temps les hommes sont occupés à scier ou à fendre du bois car il faut chauffer l'eau pour laver les ustensiles ou bagnolets ; les femmes se chargent de cette tâche. Dans l'étable on remplace les "solans". Pendant ce temps les vaches refont connaissance avec la prairie et avec leurs voisines d'alpage. Certaines, même, plus batailleuses, sont déjà en train d'échanger des coups de cornes avec les "étrangères". Tout le monde travaille ou presque, car dans chaque société il y a toujours quelques bons tire-aux-culs. Enfin, c'est l'heure de rentrer les bêtes, pour les anciennes c'est facile, pour les jeunes c'est autre chose.
    Enfin, dernière recommandation, dernière réunion pour la recherche d'un volontaire pour s'occuper des vaches qui gonflent, car après avoir mangé les herbes fraîches, le tout fermente et il faut percer la panse de la vache avec un treca.
    C'est le départ vers Lajoux, rendez-vous "Chez Léontine" où nous attend, sirop pour les enfants et rouge pour les hommes... Une belle journée vient de s'achever !
    Joseph Arandel - Thollon les Mémises


    Chalet - mémises

    Le travail du lait au chalet, nécessite un matériel approprié et des locaux spécialisés. La salle de fabrication tient lieu, également de cuisine. Elle abrite la vaste cheminée : au-dessus du foyer, sis à même le sol, s'avance une sorte de potence, le "tour", auquel est suspendu le grand chaudron de cuivre où le lait est chauffé et brassé. La présence de cette cheminée suppose celle, d'un mur en pierre ; ainsi, aucun chalet n'est entièrement de bois. Outre la salle de fabrication, deux autres pièces peuvent être consacrées au lait : la cave, où s'affinent les meules, et le "freddi", petit local où le lait est conservé après la traite et où l'on rentre le matériel de fabrication. La cave ne se trouve pas au sous-sol. C'est généralement, une pièce aveugle, à demi-enterrée, si le chalet est adossé à la pente, ou, comme à Mémise, souvent cave et freddi ne font qu'un et se reduisent à un tout petit appentis. L'existence de ces locaux réservés au lait, explique que hommes et bêtes ne cohabitent dans aucun chalet. Le lait se trouve dans la partie réservée à l'habitation, et pour que le travail s'effectue dans les conditions d'hygiène requises, on a cherché à l'isoler du bétail, ne serait-ce que par une cloison de planches, s'élevant à mi-hauteur du toit. Le cas extrême de séparation se traduit par deux bâtiments distincts : le bloc habitation-fabrication, d'une part et, l'étable de l'autre, l'ensemble caractérisant les grandes montagnes à fruit commun de Thollon, Novel et de Bernex, autre trait d'influence Valaisanne.
    L'étable, est l'autre élément fonctionnel de l'habitat. Là, s'effectue la traite. De plus, elle est nécessaire à la bonne santé des vaches laitières qui, plus que les moutons et les bovins sans lait, sont sensibles aux excès du climat d'altitude.

    La vie quotidienne commence sous la direction du "fruitier". Les hommes dorment dans la paille. Tous se lèvent pour assurer la traite des vaches dès trois heures. Le clapotis du lait qui gicle dans le seau met en musique le va-et-vient des mains serrant religieusement et fermement les pis des laitières.
    Pour facliter la tâche, on se fixait sur les fesses un tabouret à un seul pied, que l'on attachait à l'aide d'une lanière de cuir, autour des hanches : le bottacul. Lorsqu'on se relevait le tabouret restait en place et on partait d'une bête à l'autre et de s'asseoir devant la vache suivante... Ce sytème permettait de garder les mains libres pour apporter les seaux de lait jusqu'au grand chaudron. Le fromager s'arrêtera avant la fin de la traite pour commencer la fabrication. Ensuite, tous "cassent la croûte", puis détachent les vaches qui sont rassemblées sur l'aire, avant de partir groupées au pâturage choisi par le premier berger. Il en assure la garde avec ses deux aides, vaches et chèvres, tout en veillant au bon état sanitaire et en notant les saillies du taureau.
    Chaque jour, la surface à pâturer est dosée suivant l'importance du troupeau : il ne s'agit pas d'épuiser une pelouse avant de changer de quartier. En premier lieu, le berger repasse là où les bêtes ont mangé la veille. Affamées, elles nettoient les éventuelles touffes d'herbe subsistantes. Puis, les vaches sont orientées vers un nouveau quartier. Le berger, doit tenir compte de l'avancée de la saison pour, atteindre à point nommé, le sommet de l'alpage.
    Les cloches qui se balancent au cou des vaches en train de brouter la pelouse forment un véritable carillon qui trouve son écho jusque sous Boré et les roches d'Oche. Elles sont indispensables pour repèrer les bêtes égarées et lorsque le brouillard envahit brusquement l'alpage. Le montagnard identifie chaque vache au son métallique d'un caron de fer forgé ou à la profondeur d'une campane de bronze fondu, d'une Chamonix, d'une Devassaoud...
    Pendant ce temps le boveron nettoie les écuries (deux fois par jour), cure avec le râcle, le femé et la quiva, gouverne, épand le fumier à l'extérieur sur la totalité de la montagne broutée (du fait des piétinements incessants la pelouse s'appauvrit en sels minéraux) et il faut compenser par cette "pachonnée"; épand sur les solans des feuilles sèches pour absorber l'humidité; honte à celui dont les bêtes étaient enfemmaciées (maculées de fumier). Le fruitier et séracier s'affaire autour du grand chaudron de cuivre où se prépare le futur gruyère, un gruyère gras. La fabrication du beurre suit, ainsi que celle du sérac avec le petit lait. Le sérum est versé dans l'auge des cochons (caïons).
    Il faut aussi débiter le bois qui a été stocké, on en consomme beaucoup, pour le lait, le sérac, bois qui permet une chauffe plus rapide et permet de porter plus vite à ébullition le petit-lait caillé, pour faire cuire aux cochons, et aussi pour se chauffer. De temps à autre, il faut entretenir un petit jardin, au-dessous des châlets, on y cultive des pommes de terre de robe rouge, réputées plus résistantes au climat montagnard, des choux, des choux-raves pour la nourriture des cochons. Un système de rigoles recueille le lisier pour fertliser ces quelques légumes et la pelouse en contrebas.
    A midi les vaches reviennent ruminer à l'écurie, chacune reconnait sa place, et les hommes mangent le repas préparé par le fruitier : des pommes de terre et du pain fournis par les consorts (alpagistes), de la polente, du sérac, de la crême.
    Un moment de sieste et, à trois heures, tout le monde assure la seconde traite, puis les bergers repartent avec le bétail. Le fromager laisse le lait dans les bassins d'eau froide et se rend à la "cave" pour saler et retourner les gruyères.
    A la tombée de la nuit, plus tôt, s'il y a risque d'orage, les vaches sont ramenées aux châlets. Les hommes mangent la soupe à la lueur des lampes à pétrole, puis vont se coucher. Après cette rude journée, le sommeil ne tarde pas.

    Chalet mémises Chalet mémises
    Si la construction est plutôt rustique, elle doit cependant faire preuve d’une belle résistance aux intempéries hivernales. L’isolation n’est pas la priorité mais une grande attention est apportée à la charpente et à sa couverture pour supporter la lourde charge de la neige, voire le passage de l’avalanche, et résister aux vents et tempêtes.
    Il faudra retrouver le chalet en bon état aux beaux jours, au moment de l’emmontagnée.

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    LA FRUITIERE

    Si nous nous référons au patois, ces bâtiments où l'on travaille le lait s'appelaient " fretire", ou "fertire", du nom de celui qui y travaille, le "freti" ou "ferti" ; traiter le lait se disait "freta" ou "ferta". Le mot fruitière est donc directement dérivé de "fretire", et non, comme on le voit couramment, de "fruit" du lait. Le fruit se traduit en patois "la frita".
    L'alpage à Mémise est un système dit : de grande montagne communautaire où des centaines de vaches sont confiées "en pension" à un groupement de sociétés qui fonctionnaient au système du " TOUR ". Chaque propriétaire mettait ses vaches au troupeau contre une rémunération fixée... Dès le XIIIe siècle, il existait déjà des "fruitières" (Société de cultivateurs) où l'on apportait le lait pour fabriquer une meule de vacherin.
    A cette époque, les cultivateurs fabriquaient à tour de rôle. Le gruyèrin ou fromager, transportait alors la chaudière chez eux pour fabriquer la meule. Cette méthode parut, à la longue, insuffisante. On construisit donc un local propre à faire fruitière et on substitua au système du "tour de fromage" la fabrication pour le compte de la communauté. Le développement des fruitières s'est étendu dans les montagnes, puis sur les plateaux et les régions basses.

    Le lait
    En montagne, très tôt le matin (lever à 4 heures chaque matin) et relativement tard le soir les vaches sont traites, soit à l'étable, soit dehors aux "pachons" (piquets auxquels les vaches sont attachées par une chaîne). Ce n'est pas un travail de tout repos. Certaines vaches sont plus nerveuses que d'autres ; elles remuent sans cesse. "Torté", faut-il leur crier, en leur donnant un coup sur le flanc pour les faire remettre en place. Les queues s'agitent de tous côtés et menacent les visages. Assis sur la selle, le seau entre les jambes, les queues qu’elles lancent pour s’émoucher, que l'on reçoit en plein visage avec en prime quelquefois de la bouse, ou encore un coup de pied : fallait se ranger vite avec le seau, sinon… Dans certaines écuries, on attachait les queues à un fil de fer s'étirant au plafond, le long de l'allée ou plus simplement avec un brin de ficelle lié à l'une des pattes de l'animal. Quant il y a beaucoup de bêtes à traire, on s'attache un "bottacul" fait d'un tabouret primitif à un seul pied, autour des hanches, de façon à avoir les mains libres pour porter les seillots ou les seaux.
    Le récipient rempli, on passe le lait à travers une passoire appelée couloir (collieu, coliou, colu) au fond duquel est placé un tampon de chiendent, puis on le verse dans une grande terrine plate (conche, rason) en terre vernissée que l'on porte au frais dans le frédié (frédi) pour le laisser reposer (petit bâtiment construit sur un ruisseau. On y mettait le lait aussi, c'était le frigidaire). Le lendemain, on recueille la crème (krôma, flieu, fleu, flù, floy) à l'aide d'une petite louche plate à manche court, en bois "léflorire" (la kopo, la poathe) et puis pour le beurre, il fallait travailler la crème dans une baratte pendant près de trois quarts d'heure, (la durée dépendait de la température et du temps). Le modèle de baratte le plus courant était un étroit récipient vertical en bois dans lequel trempait un manche terminé par une rondelle, de la taille de l'intérieur de la baratte, muni de trous. Le manche pouvait coulisser par l'orifice d'un bouchon au sommet et il suffisait alors d'agiter régulièrement ce manche de haut en bas. Dans les années cinquante, sont apparues des barattes faites d'un tambour tournant à l'aide d'une manivelle sur un tréteau (sorte de tonneau sur pied avec manivelle). Cela permettait évidemment de traiter une plus grande quantité de crème avec moins de fatigue, mais il fallait le même temps.

    Le beurre
    Une fois pris, le beurre est lavé à l'eau courante (d'ou une des nécessités des bassins de Mémise) malaxé vigoureusement pour éliminer tout le liquide, puis moulé dans une tape à beurre dont les formes sont très variées, de même que les gravures qui l'ornent (fleurs, animaux, motifs géométriques) et vont de même ornées les "plaques" à beurre. D'autres fois, on laissait le beurre en mâtoles (mâlotes) de deux à cinq kilos pour les clients habituels qui venaient à Mémise chercher leur provision "entre les deux saintes Vierges" (le 15 août et le 8 septembre), époque très judicieusement choisie, car c'est à ce moment de l'année que les vaches ont la meilleure lactation. Les plaques sont ensuite enveloppées (pliées) dans de belles feuilles de gentiane ou de rumex (lapa, lapé, ka, ké, tchô, lampaè, saliéta, ongle, égliesse, panacul!) et confiées à ceux qui montent les provisions chaque semaine, pour être vendues au marché. Les mottes, décorées elles aussi, avec les dents d'une fourchette, enveloppées dans des torchons, étaient redescendues dans les familles et mises à fondre doucement, puis coulées dans des toupines de terre pour la cuisine d'hiver. Le résidu de la fonte était très apprécié (la crasse, crâche,drâchée, hrayi, cruche, crutzi) : soit on le mangeait en nourrissantes tartines, soit on l'utilisait en cuisine (polenta ou sorte de gâteau). Quant au babeurre, liquide restant de la fabrication du beurre, on peut le boire ou le donner aux animaux, mais le cuire aussi avec de l'aizi. En lui ajoutant du lait frais et du sel, on obtient un fromage particulier que l'on mange immédiatement.
    Puis, vers 10 heures on envoyait les bêtes au pâturage qui allaient brouter toute seule en les mettant dans la bonne direction et les veaux broutaient l'herbe près des chalets. Tout le matin le travail ne manquait pas, car il y avait aussi à nourrir les cochons avec le petit lait, faire le repas, la lessive parfois. On commençait aussi de sortir le fumier et nettoyer (curer, pâler) les étables. L'après-midi, on continuait en faisant chauffer le petit-lait de fromage pour le donner aux vaches ; elles le savaient et revenaient ainsi plus facilement le soir toujours à la même heure. C'était la même chose avec le cochon qui savait reconnaître le chalet...
    La tomme, était aussi faite avec soin en faisant chauffer le lait et en y mettant de la présure qui était faite par le fruitier lui-même, puis mise dans des moules, toujours en bois avec un linge à l'intérieur. Pour la remuer était utilisé un petit tourillon que l'on faisait tourner entre des deux paumes alternativement dans un sens et dans l'autre. Ce tourillon était de fabrication très simple, ce n'était rien d'autre que le sommet d'un petit sapin avec quatre ou cinq branches partant dans toutes les directions. Les moules, eux, n'étaient en fait rien d'autre que l'habituelle seille, mais percée de petits trous, et avec un cercle de bois rentrant à l'intérieur sur lequel on mettait une pierre pour tasser le fromage en attendant qu'il se fasse.

    Une fois cela fait, et l'écurie nettoyée, il restait encore à faire la soupe, pour les hommes, et pour les bêtes, à aller chercher de l'eau à la source avec des seaux, à faire la lessive, et à s'occuper du petit potager qui pouvait se trouver non loin du chalet. La journée finissait avec la traite du soir, un autre repas à faire, les poules et les canards à nourrir...

    Plaque à beuure & empreintes

    Le fromage
    Le chaudron bien que plus petit, occupe une grande partie de la pièce. Il est suspendu à une potence mobile au-dessus de l'âtre, à côté du fourneau. On y verse le lait plus au moins écrémé, selon le type de tomme à fabriquer qui est chauffé légèrement "à vue de nez", car évidemment le fruitier n'utilise pas de thermomètre. Il sait d'expérience à quel moment mettre la présure, puis il brasse énergiquement le mélange à l'aide d'une poche percée ou d'une branche de mélèze. Le caillé se forme. On le laisse reposer un peu avant de le mettre, selon la grosseur du fromage désiré, dans des faisselles (fétire, fériré, fessala, fiselo, forma) en terre ou en bois percées de trous : on obtient une tomme blanche qui peut se manger fraîche. Mais salée, pressée, retournée tous les jours, elle peut devenir une tomme maigre ou grasse, avec une croûte colorée ou grise, avec des "fleurs" jaune et orange clair une fois qu'elle aura bien "muri" en cave.

    Comment se lasser d'un "bocon d'pan et d'toma", accompagné d'une bonne mondeuse de Chautagne, vin typique lui-aussi ?

    Ancrée dans l'histoire du Duché de Savoie, la Tomme de Savoie est le plus ancien de ses fromages puisque ses origines sont antérieures au XIVe siècle. A partir de quelques litres de lait, chaque ferme fabriquait "sa tomme" pour les besoins de la famille.
    Avec le petit lait provenant de la fabrication du gruyère et de la tomme, le séracier des grandes montagnes fabrique le sérac (sèré, sérai, sêzhayi) connu depuis des siècles. Le séracier ajoute au petit lait une présure spéciale l'aizi (azi, ézi, izi) (qui a donné le nom d'origine des Mémise, rappelez-vous !) à base de petit-lait aigri, auquel, on a ajouté selon les lieux, du vinaigre, de l'oseille sauvage ou autres plantes acides macérées ensemble. Puis on fait bouillir le tout et on recueille avec une poche percée la caillée formée à la surface du liquide. On met en moule en forme de tronc de pyramide (tremoui, tromwet), certains villages ajoutent du cumin et on laisse, soit égoutter une journée, et alors on le consomme frais avec des pommes de terre, soit sec et salé. Quand il est vieux, il est recouvert d'une sorte de mousse de moisissures.

    Fromage de Gruyère

    Le thollon.
    C'est un fromage au lait cru de vache, partiellement écrémé, proche de l'abondance. En forme de meule de 40 ou 50 cm de diamètre, à talon droit, et 8 à 12 cm de haut, il pèse 5 à 12 kilogs. Sa croûte légèrement poisseuse, est de couleur orangée à brun. La pâte est couleur ivoire, ferme avec des ouvertures allant de la taille d'une tête d'épingle à la noisette. C'est un fromage consommé affiné, contenant 30% de matière grasse sur sec, qui entre aussi dans différentes préparations culinaires.


    Un seul producteur, de nos jours, fabrique ce fromage, George VESIN dit Jojo à Paul.

    George Vesin - Thollon

    EVOLUTION
    Le développement de fruitières coopératives a débuté sous la restauration. Les premières fruitières de plaine fabricant du gruyère toute l’année se sont créées autour de 1860. De 154 en 1904, les fruitières coopératives sont passées à 200 en 1929. La méthode du TOUR, en vigueur à la fin du XIXè siècle a progressivement disparu. Chaque membre de la coopérative fabriquait à son tour dans la fromagerie. Au moment où commençait la fabrication, les produits (fromage, crème...) appartenaient au sociétaire qui avait apporté la plus grande quantité de lait. Le sociétaire qui avait eu le premier fromage éteignait sa dette et rendait à ses co-associés le lait qu’ils lui avaient prêté, grâce aux apports qu’il faisait ensuite jusqu’au jour où possesseur de la plus forte quantité en avoir, les produits de la journée lui revenaient à nouveau.
    Autour de 1966, les premières coopératives dites " à gestion directe " se sont créées dans des zones où les acheteurs de lait ne consentaient pas à rémunérer normalement les producteurs du fait des difficultés de collecte de lait. Ces nouvelles formes de coopératives ont pris en charge la fabrication, l’affinage et la commercialisation de leurs fromages.
    En particulier, elles ont développé leurs propres magasins de vente des produits de la coopérative
    . En 1955, Thollon se dote d'une fruitière moderne au chef-lieu, tenue par le fromager Curdy, qui avait acheté le lait pour une année... (coopérative existant depuis la fin du XIXe siècle en Savoie et dont l'idée a été importée du Jura) facilitant la production et la distribution du lait. La coopérative Fruitière fonctionne selon le système traditionnel en Savoie et Haute-Savoie de la « gestion indirecte ». Dans ce système, un fromager achète le lait à une coopérative agricole et le transforme dans les locaux mis à disposition par cette coopérative. La coopérative prend en charge les investissements, la modernisation et les réparations en matériel, mettant ainsi à disposition du fromager un équipement performant permettant une meilleure défense de la qualité et de l’image des fromages savoyards et une meilleure valorisation du lait produit.
    Les fermiers s'associent ensemble : la coopérative recevait chaque soir le lait des agriculteurs. Une fois pesé, le lait était filtré puis pasteurisé. La coopérative traitait entre 2000 et 3000 litres de lait par jour. Avec de si grandes quantités, on fabrique des fromages de grande taille pour lesquels est utilisé la traite d'une journée : il faut le lait d'environ 50 vaches pour une pièce de 25 à 30 kg. C'est au fruitier qu'incombe ce travail et non plus aux chalets d'alpage qui participent à l'approvisionnement journalier de la fruitière. En effet, les chalets de Mémise sont reliés à partir des années 1954-1955, au hameau de Lajoux, la descente est assurée le long d'un câble par une benne emplie de bouteillons représentant les traites du jour. Elle est chargée aussi, mais en sens inverse, du transport des provisions et du bois aux divers séjours des alpagistes.

    Les paysans d'autrefois ne mangeaient jamais de fromage, hors des circonstances exceptionnelles (noce, visite importante, fête). Le gruyère lui-même, qui n'est au fond qu'une tomme plus grande, et que le fruitier fabriquait chaque jour, quand il plongeait sa toile au fond de son immense chaudron, au risque de tomber la tête la première dans le caillé à l'odeur acide et un peu écoeurante, eh ! bien, ils n'en mangeaient presque jamais. Dans le cas contraire il était déduit de la somme mensuelle que produisait les vaches. De nos jours, l'habitude de plus en plus répandue est de n'envoyer en montagne que les génisses moins délicates et qui peuvent être gardées par un seul berger grâce entre autres, à des barrières, ou de laisser paître les bêtes en liberté, sans souci de la traite.


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    LES FOINS


    Jadis, les terrains à proximité de la maison de village n’étaient que très rarement broutés par le bétail. Cette herbe était fauchée manuellement et séchée au soleil, ce foin venait ensuite s'entasser dans la grange (le fenil) de la maison du village. La première coupe se faisait en juin et la seconde, voire quelquefois une 3ème en août. C'est le regain, dont le ramassage marquait la fin de la période des foins et que l’on célébrait par les feux de la mi-août : feux de joie allumés au sommet des montagnes qui marquait ainsi la fin de l’été.
    Plus haut, le foin récolté était stocké dans des abris sommaires ; on pouvait alors le descendre l’hiver en le chargeant sur les luges à foin que l’on faisait glisser sur la neige, le principe de la schlitte germanique, une manoeuvre assez risquée puisqu’il s’agissait de freiner et de diriger cette embarcation pour éviter les arbres et autres obstacles !

    Jean-Claude sur le rateau-faneur (1959)

    Pendant qu'une partie de la famille garde les troupeaux et fabrique les laitages, une autre partie s'adonne aux travaux de saison, la fenaison, l'oeil rivé sur le ciel :

    Lé Nütre dame ne losan jamé le tan man i le trüva Les fêtes de Notre-dame (15 août, 8 septembre, etc... ) ne laissent jamais le temps comme elles le trouvent.


    Madame de Sévigné, décrit le fanage dans une lettre datée de juillet 1671 adressée à M.de Coulanges : « Savez-vous ce que c'est que faner ? Il faut que je vous l'explique. Faner est la plus jolie chose du monde, c'est retourner du foin en batifolant dans une prairie ; dès qu'on en sait tant, on sait faner. Tous mes gens y allèrent gaiement ».

    Las, notre plus grande épistolière demeure d’une naïveté désarmante.
    Car rien n’est plus difficile que le foin, et notamment de trouver le bon compromis de séchage entre la tige toujours trop verte et la feuille qu’il faut garder pour lui donner de l’appétence.
    Cela requiert du paysan expérience et compétence s’il ne veut pas rendre malade ses bêtes durant l’hiver ou se retrouver démuni de fourrage. A ce propos on pourra rappeler le sens de cette locution populaire : "quand il n'y plus de foin dans les rateliers, plus d'argent dans le ménage.”

    Les foins sont un des gros soucis de l'agriculteur, car, d'eux, dépend l'hivernage du bétail.
    Le fauchage commence très tôt le matin, quand il y a encore de la rosée, car l'herbe est plus drue et reste plus droite. Le faucheur avance d'un pas lent et régulier, balançant son outil d'un mouvement souple de gauche à droite, la pointe presque parallèle au sol, évitant d'instinct la taupinière, le caillou ou l'arbuste.

    De temps en temps, il s'arrête pour aiguiser la faux "la daille" avec une pierre qu'il tire du coffin plein d'eau (coffi, covié, gobié, couoyé, kouyézh, etc...), sorte de cornet en bois, attaché à sa ceinture, une languette de bois taillée dans la masse, ou une attache métallique rapportée, s'insérait dans le ceinturon ou le bord du pantalon.
    Mode d'emploi : Le coffin, bourré de foin ou de paille, était rempli d'eau. On introduisait à l'intérieur la pierre à aiguiser (la "meule").
    Celle-ci, humidifiée, se trouvait prête à l'emploi, dès que s'émoussait le fil de la faux.
    A la maison, les petites réparations de la lame sont faites à l'aide d'un marteau et d'une petite enclume plantée dans un plot de bois ou dans le sol : cela s'appelle enchâpler sa faux.

    Mis d'abord en andains (rangs) par le faucheur, le foin est retourné à plusieurs reprises, dans la journée, par les faneurs, râtelé pour l'amasser en longs rubans, puis entassé de loin en loin en meules ou "moachons", tandis que les râteaux s'activent alentour :



    Faucheuse Faneuse


    en fer pour les plus gros, en bois pour les "coins" et les finitions. Le char arrive alors, l'échelle relevée à l'avant. On entasse à la fourche jusqu'à mi-hauteur, puis un des faneurs s'installe sur le char pour disposer les brassées que l'on lui tend à l'aide des fourches en bois ou en fer, afin d'équilibrer le chargement, jusqu'à hauteur du dernier échelon. On passe dans cet échelon l'extrémité d'une poutre lisse et arrondie faisant office de presse qui mesure la longueur du char. A l'autre extrémité de cette presse on noue une corde que l'on tire et que l'on tend à l'aide d'un tourniquet (percé de trous et que l'on manoeuvre à l'aide de taquets en bois) fixé à l'arrière.


    Les côtés du char sont peignés à l'aide des râteaux en bois afin de ne rien perdre durant le transport, le long des voies étroites et des arbres ou arbustes en bordure de chemin. Sur les devers, on tient avec les fourches pour qu'il ne verse pas. Il faut jouer du frein dans les descentes, un système de patins en bois commandé par une manivelle filetée située à l'arrière du char agit sur les roues à cet effet. A cette époque, il n'existait que des chars à échelles et montants à claires-voies.
    En montagne, dans l'Ain, au Hucel, sur toutes les parcelles en pentes trop abruptes où l'attelage ne peut se rendre à cause des accidents de terrain, le principe est le même, mais le char est remplacé par un traîneau "bérot" à deux roues à l'arrière et deux "cornes" à l'avant, soit une charrette également à deux roues sur lesquels on dépose des ballots de foin. La toile de chanvre grossière (qui sert aussi pour le feuillage et l'herbe fraîche) dans laquelle on serre le foin, s'appelle selon l'endroit (kanavé, fleury, linfoi, paillé, pailafou, patti ou pattin). En Savoie du sud, on utilise une sorte de filet formé de deux montants de bois reliés par des cordages que l'on étale d'abord sur le sol et que l'on remplit de foin. Ensuite on ramène l'un vers l'autre les montants en les serrant, puis on lie les cordages, ce qui forme un lourd ballot cylindrique (korda, barillon, trousse, ballon), qui peut être aussi porté à dos d'homme ou de mulet.


    Parfois, enfin, on utilise un filet monté sur deux arcs de bois que l'on ouvre de même sur le sol (arbeille, arbillon, embrasse) que l'on remplit et que l'on referme en maintenant les deux parties avec une cordelette.

    Le foin est ensuite mis dans les granges, partie attenante de la maison mais le plus souvent intégrante chez nous "par" Thollon. Il y a diverses façons d'entrer dans la grange.

    • Soit par l'arrière de la maison, en pente,
    • directement de plain-pied,
    • par un plan incliné qui remplace la pente naturelle,
    • par un escalier extérieur (d'où l'utilité des ballots pré-formés).

    En alpage, (dans l'Ain, Sous-les-Lanches, Chez les Aires, etc... ) on introduit le foin par une ouverture ménagée à l'arrière des granges, groupées à divers endroits (parce qu'il fallait être à plusieurs pour descendre le précieux fourrage d'altitude au moment où la provision de la ferme commençait à diminuer), basses, trapues, à la couverture très lourde, pour résister aux vents et au poids de la neige.

    L'hiver, la piste doit d'abord être préparée quelques jours auparavant, selon l'outillage employé. Le groupe d' hommes part à la pointe du jour, muni de cordes, navettes (prolye, trolye) et d'un harnais formé d'une barre de bois courbée. Tous portent par-dessus leurs pantalons des guêtres en gros drap du pays ou des sortent de bandes molletières, car on enfonce parfois à mi-jambe dans la neige et c'est une montée très pénible.
    Arrivé devant la grange, il faut dégager la petite plate-forme avant et la porte par où on tire le foin. Puis il faut sortir celui-ci par brassées et le disposer sur l'espèce de harnais et les cordes étalées par terre. La masse de foin est comprimée par les cordes et les fameuses "navettes" percées de deux trous qui bloquent solidement la charge. On pose la charge sur le traîneau à cornes que tire les hommes qui vont se débarrasser de leur fardeau à un endroit donné, puis remontent faire un deuxième ballot et, ainsi de suite, jusqu'à ce que tout le monde est le sien.
    Alors, on range le traîneau dans la grange, on en ferme les portes, et, après avoir bu et mangé un peu, on redescend à pied vers les paquets de foin (fé, en patois chablaisien). Pour effectuer la descente, l'homme se place à l'avant de son fé auquel il est relié par une corde tendue sur son épaule ; moyen de traction et de direction à la fois. Poussé par les camarades, le premier fardeau démarre lentement (le fé adhère au sol gelé). Gardant entre eux une distance suffisante pour ne pas se gêner dans leur course, dos plaqué au chargement, jambes tendues dans le sentier étroit, l'homme règle son allure à la pente. Lorsqu'un virage se présente, il tend vigoureusement sa corde et, d'un coup sec, fait pivoter son fé pour le maintenir dans la bonne direction et lui éviter d'être entraîné dans le ravin qui guette toute fausse manoeuvre... Arrivés au bas de la montagne ou des communaux, les hommes vont chercher leurs chevaux ou mulets qui sont attelés aux traîneaux sur lesquels ils chargent les fés qu'ils conduisent aux granges.



    (Hé oui, point de tracteur, de griffes, d'ascenseur ou d'aspirateur en ce temps là, pour le même travail. La vie était dure aux montagnards chablaisiens !).



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    LES VIEUX METIERS

    FORGERON
    Je me souviens de mes fréquentes visites à la forge locale, à présent disparue (Vesin Ulysse dans les années 1950), et de la scène qui m'accueillait : de vieux palefreniers moustachus, au pantalon de velours attaché sous les genoux avec des ficelles, tenant leurs énormes et paisibles chevaux par la bride, ou flânant çà et là dans l'atelier, leur face rougie par les lueurs du feu près duquel un garçon de mon âge, combien je l'enviais !, manoeuvrait le long manche de bois du soufflet "le branloire" pour maintenir ou accélérer la combustion et l'échauffement du foyer, plus communément appelé la "queue de la vache". Ce nom trouve son origine dans le fait que la membrane du soufflet était en cuir de vache. Les sons du marteau frappant l'enclume m'enchantaient et quand le forgeron pressait un fer rougeoyant contre le sabot de l'un de ses patients, le fort sifflement, le nuage et l'odeur de corne brûlée semblaient magiques. Je n'ai jamais pu passer devant la forge sans y jeter un coup d'oeil en espérant découvrir une scène comme celle-ci. Les outils à ferrer, les râpes et les couteaux à parer sont réunis dans la boîte à ferrer, par terre au premier plan. A côté se trouve le trépied que l'on emploie souvent pour soutenir le sabot d'un très gros cheval. Derrière la boîte à ferrer, sur un billot d'orme, on peut voir un tas-étampe avec sa multitude d'évidements et de trous dans lesquels on forme le métal chaud. Le forgeron a fait lui-même les tenailles alignées autour du feu, pour saisir les pièces de toutes formes et de toutes tailles chauffées au rouge.

    LA MARECHALERIE
    Quand les chevaux prenaient part à la vie quotidienne, les ferrer était l'activité principale du forgeron, hormis celle de l'entretien de la plupart des engins agricoles et il y avait aussi les roues à embattre et une centaine d'autres travaux de forge nécessaires à la bonne marche des fermes environnantes; le maréchal travaillait dans son atelier et les chevaux lui étaient amenés. C'était une vie laborieuse, les poignets décolorés et parsemés de cicatrices par les scories incandescentes qui sautaient du feu de forge ; un orteil complètement aplati par le sabot d'un lourd cheval.

    Il y a deux méthodes pour ferrer un cheval ou un boeuf de travail : Ferrer à froid, c'est-à-dire sans appliquer d'abord le fer chaud pour marquer légèrement la corne et voir si l'ajustement est bon. Arrivé à ce point avec un fer chaud, le forgeron peut encore retoucher le sabot. Quant on ferre à froid, l'ajustement doit-être parfait d'emblée.

    Un homme peut ferrer au maximum dix gros chevaux par jour. Quand vous levez la patte d'un cheval, il a tendance à s'appuyer de tout son poids sur vous et une grosse bête de trait pèse un tonne. Ce n'est pas que j'ai déjà ferré un cheval (je pense que planter des clous, en sachant que vous pouvez estropier à vie l'animal si vous ne les dirigez pas dans le bon angle, est une trop grosse responsabilité), mais j'ai souvent vu déferrer, rogner beaucoup de sabots et savoir qu'attraper l'un de ceux-ci et travailler dessus est éreintant. Et les chevaux peuvent s'affoler quand on les ferre.

    L'hiver, s'il n'y avait ni chevaux à ferrer, ni roues à cercler, ni chaîne de herse, arracheuse de pommes de terre, moissonneuse ou autre machine à réparer, les dents de herse se vendaient toujours. On achetait des colliers de cheval, de mulet pour lesquels on forgeait des ferrures, ou bien des lames de faux et des manches et l'on forgeait les pièces qui devaient maintenir les premières dans les secondes.
    Les trois quarts des clients sont de la paroisse, il fabrique surtout des clous dont la centaine est vendue, entre six et huit sous en 1817. Ces clous sont forgés à la main et en assure la vente généralement le dimanche au sortir de la grand-messe. Il fabrique des cléfs, des couteaux, remet en état les pièges et les petits outils agricoles.

    Après la guerre, les tracteurs arrivèrent, les chevaux disparurent et, il ne reste aux forgerons, que la ferronnerie car on ne peut encore forger des motifs compliqués, en fer ou en acier, qu'avec le marteau et l'enclume.

    Autrefois les cultivateurs devaient faire appel au forgeron pour la plupart de leurs engins agricoles. Regardez aujourd'hui dans la cour d'une ferme, vous y verrez peut-être encore l'un des appareils représentés ci-dessous rangé dans quelque coin, ou bien, exposé et paré de gaies couleurs, trônant au milieu de la pelouse.


     

    CHARRON
    Avant la Première guerre mondiale, on avait besoin d'un charron dans chaque village. A l'apogée des voitures à cheval, la charrette et le chariot étaient le résultat du travail de deux artisans : le charron, spécialisé dans le corps du véhicule et le forgeron qui préparait toutes les ferrures nécessaires. De plus, le charron était souvent aussi le carrossier du village, fournissant la série complète des véhicules agricoles à roues en bois, de la brouette au gros chariot de ferme.

    Les grosses roues cerclées de fer étaient conçues pour affronter le sol inégal et des ornières profondes de 60 cm.

    Un charron travaillant seul passait plusieurs mois à construire un chariot, il existait une construction traditionnelle, qui pour la plupart des engins remontait à l'invention de la roue. A Thollon, il existait au-moins quatre types de chariot en bois :

    • le tombereau à fumier,
    • le chariot à tout faire, sa légèreté était idéale, tiré parfois, par deux chevaux il pouvait supporter de très lourdes charges (pierres, grumes, etc...). On pouvait fixer des barreaux à l'avant et, à l'arrière des claires-voies surplombant les extrémités de la caisse pour en augmenter la capacité. Les ridelles latérales remplissait la même fonction.
    • le chariot à foin (à ridelles et à échelles), reposant sur la pièce maîtresse (la poutre reliant les essieux avant et arrière).
    • la luge ou traîneau de ferme, simple ou à cornes, monté sur patins en fer, qui glissent aussi bien sur l'herbe en été que sur la neige. On pouvait, comme déjà dit par ailleurs, y adapter ingénieusement deux grandes roues à l'arrière. La traction pouvait être humaine ou animale.

    Les brancards, qui sont reliés au cheval par le harnais ou la barre d'accouplement, étaient amovibles et donc différents en fonction du nombre de chevaux attelés. L'essieu avant monté sur un bâti tournait sur une cheville ouvrière, un axe en fer. L'ampleur de cette rotation était une des caractéristiques révélant les origines du chariot. Il y avait ceux à quart de braquage sur lesquels les roues ne pouvaient aller plus loin que les bords de la caisse. Puis ceux à demi-braquage et ceux à trois quarts de braquage, les roues pénétraient sous la caisse jusqu'à la pièce maîtresse. Enfin, ceux à plein braquage avaient des roues assez petites pour passer sous le plancher de la caisse. Les chariots à grand braquage étaient surtout construits dans les régions accidentées où ils pouvaient rouler sur les devers de nos montagnes et sur les routes et chemins étroits et sinueux.

     

    BOUILLEUR DE CRU
    Notre Dame de la Beune

    La célèbre machine à goutte porte un nom bien surprenant qui vient tout simplement de la Beunaz que l'on prononce "Beune" dans le Chablais. Voilà une centaine d'année qu'elle circule dans la région à la saison des feuilles mortes.
    Il est vrai qu'à l'automne on prépare l'hiver. Autrefois, le sacrifice du cochon comme la cérémonie de la machine à goutte (l'alambic) étaient des journées importantes de la vie paysanne.
    A cette occasion l'atmosphère était toujours très gaie et les vapeurs d'alcool entretenaient l'allégresse générale. Si les poules ou les cochons titubaient après avoir absorbé le reliquat de la cuisson jeté au fumier, souvent la gent humaine affichait la même attitude mais ne se contentait guère du reliquat...
    Chacun appréciait de rapporter chez soi une bonbonne ou deux remplies d'un nectar utilisé toute l'année, soit à base de raisin, pommes, prunes, cerises, sorbier ou gentiane...

    Ne disait-on pas : "Les soirs d'hiver, de l'eau chaude sucrée et une tombée de goutte... Pour se fortifier l'estomac, un peu de gentiane... Pour désinfecter une plaie, un peu d'eau de vie... Les vertus de la goutte se faisaient ressentir aussi bien en médecine interne qu'externe !
    Pour faire de l'eau de noix, faire macérer du génépi, du genièvre, des raisins ou des pruneaux à offrir quand on a des visites...."

    Le cidre et le vin permettaient en particulier la fabrication de la goutte en fin d'automne. Il était de coutume de partager la goutte lors de rencontres amicales mais aussi lors de conclusions de marchés (vente de bestiaux, terres, récoltes... ).


    En montagne, on faisait de l'eau-de-vie de gentiane avec la racine fermentée, la jaune bien entendu. Seuls les étrangers ignares remplissaient des sacs de gentiane bleue pour faire de l'eau-de-vie ! Cette étrange façon déclenchait le rire, voire le mépris des gens du cru.
    A ses débuts, la machine à goutte n'était pas motorisée. Bien que brinquebalante, elle était attendue avec impatience dans les villages afin de distiller la cerise pour en faire le fameux kirsch, puis la poire, la prune et la pomme.

    Comment se présente-t-elle ?
    Notre Dame de la Beune possède 2 roues cerclées de cuir dur, un grand toit ouvrant laissant découvrir trois cuves de quatre cents litres qui percent le plancher et touchent presque à terre. Au-dessus des brûleurs dont l'allumage est toujours un travail délicat, se dresse la tour cuivrée de distillation. Le ronflement des brûleurs s'apparente à celui d'une véritable locomotive à vapeur
    La machine à goutte a ses rendez-vous fidèles, ses habitués qui l'attendent avec impatience.Elle parcourt environ 30 km/h par tous les temps et surtout "au temps des cerises" : ne raconte-t-on pas que de nombreux cultivateurs obtenaient jusqu'à 300 litres de kirsch ce qui correspond à environ 3000 kilos de cerises. Une fois obtenu le kirsch était acheté par une entreprise de Mulhouse. Quand la récolte était exceptionnelle, il y avait jusqu'à 3 machines à goutte à Lugrin qui distillaient sans arrêt durant des semaines.

    Mode opératoire : travailler pour des prunes !
    Avant le départ de toute campagne, le bouilleur de cru ambulant doit satisfaire " au descellement d’alambic ", opération qui consiste à aller chercher, à la recette buraliste du canton, le "col de cygne" [8] de son alambic, qu’il avait laissé là, lors "du scellement d’alambic" à la fin de la campagne précédente. Il doit aussi faire la demande du "permis de circuler".
    De nos jours, les alambics sont plombés par le service des douanes, à la demande du bouilleur ambulant, à la fin de la campagne dont l’époque et la durée sont déterminées par ce même service. Le permis de circuler est toujours obligatoire.
    Le distillateur installe son appareil près d’un point d’eau, un ruisseau ou une fontaine où il peut pomper l’eau nécessaire au refroidissement du serpentin.
    La plupart des alambics, dits à repasse, fonctionnent encore sur le principe de la double distillation des alchimistes. Pour ces alchimistes, l’alcool était la première étape vers la découverte de l’élixir de vie éternelle, d’où son nom d’eau-de-vie.

    Dans ces alambics à deux corps, la chaudière principale est remplie de marc (il faut remplir les cuves de la pulpe des fruits qui a savamment macérée pendant 1 ou 2 ans, tous les fruits se prêtent à la distillation : pommes, poires, prunes, cerises, raisins, ...) qui chauffé au feu de bois produit au cours de la première distillation un liquide opalin imbuvable appelé la " la repasse ". C'est là qu'on place le marc, matière sèche dont la distillation donnera un alcool de ménage (ou aquavit _ eau de vie en latin).
    Cette " repasse " versée dans une seconde cuve chauffée par un second foyer et redistillé par le deuxième alambic donne naissance à une eau de vie incolore, titrant quelques soixante à soixante dix degrés.

    Outre l’eau pour de refroidissement et le bois de chauffage, distiller demande aussi une bonne quantité de paille, sauf avec un alambic à vapeur. Cette paille, disposée au fond de la cuve évite à la matière première de brûler et filtre la vapeur.
    Le distillateur et ses aides ne chôment pas : il faut mener le feu modérément et très régulièrement, pomper l’eau de refroidissement, garder un œil sur l’alcoomètre, transvaser dans des décalitres...
    L’eau de vie ainsi obtenue est généralement assez médiocre d’où son nom de tord boyaux.
    Ne s’en servait-on pas pour frictionner et désinfecter ?
    On faisait également et fort heureusement appel à l’alambic pour produire quelques eaux-de-vie plus fines de prunes ou de pommes..
    Mais comme tous les métiers artisanaux, il nécessite aussi un savoir-faire certain mais jalousement gardé par les seuls initiés.
    Ce savoir-faire, ne s'explique pas mais se pratique. Pour obtenir un alcool de poire ou de mirabelle de qualité, il faut bien sûr un tour de main que seuls les plus anciens peuvent transmettre. Il y a quelques années le bouilleur de cru était payé au litre.
    Dans nos campagnes, on utilisait l'eau-de-vie dans le café ou pour préparer des fruits à l'alcool (par exemple cerises, prunes ou raisins).

    Quelle différence entre bouilleur de cru et bouilleur ambulant.  ?
    Le bouilleur de cru, c’est le récoltant. Le bouilleur ambulant, c’est le fabricant d’eau de vie, qui a une licence avec inscription au registre des métiers du département...

    Cela veut-il dire que tout récoltant était jadis bouilleur de cru ?
    Oui, qu’il soit propriétaire, fermier ou métayer à condition de faire une déclaration de récolte de vin.
    Mais d’autres personnes n’étant pas forcément agriculteurs, mais possédant une  vigne ou un verger pouvaient distiller leur récolte, c’est à dire être bouilleur de cru avec transmission du droit à leurs enfants ou même à d’éventuels repreneurs de l’exploitation.
    Chacun pouvait, pour sa consommation familiale distiller hors droits 10 litres d’alcool pur par an ou plus précisément, l’équivalent de mille degrés. Soit par exemple, 20l d’eau-de-vie à 50°.

    Dans quelles conditions peut- on faire actuellement de l’eau de vie ?
    Il est encore possible à tout récoltant de faire son eau de vie en payant l’impôt dès le premier degré. L’agriculteur qui fait distiller ou distille lui-même doit s’acquitter de taxes auprès de l’Etat car rares sont aujourd’hui, les personnes qui bénéficient encore du privilège du bouilleur de cru et peuvent distiller une partie de leur production gratuitement, le privilège des 1000° étant supprimé. [9]

    Abolition du privilège
    Aujourd'hui, les exploitations fruitières sont moins importantes, les récoltes diminuent et la machine à goutte tourne au ralenti. Cette diminution de son activité est également liée à la disparition du privilège des bouilleurs de cru qui, dans les familles ne permet même plus de passer de père en fils, les droits n'étant plus transmissibles. De plus les clients de la machine à distiller doivent payer le prix fort. La machine à goutte a considérablement réduit son périple, une distillerie fixe est installée à Bernex, mais de temps en temps, Notre Dame de la Beune se met en route et perpétue ainsi la tradition.

     

    FILEUSE

    LA CULTURE DU CHANVRE
    Originaire d'Asie Centrale, le chanvre, du nom latin "Cannabis Sativa", est une plante textile herbacée et annuelle de la famille des Cannabinacées, utilisée depuis plus de 6000 ans. Elle est dioïque : la fleur mâle et la fleur femelle poussent sur des pieds distincts. La plante mâle, plus forte, se termine par une touffe de petites fleurs fournissant le pollen. La graine ou chènevis est le résultat de la fécondation de la fleur femelle : elle est très appréciée des oiseaux, et sert d'appât pour la pêche. Les plants peuvent s'élever à une hauteur parfois supérieure à celle d'un homme et leurs tiges filandreuses très résistantes ont de multiples utilisations. Attention, une variété de "Cannabis" appelée "chanvre indien" est malheureusement trop célèbre : on en extrait le "haschich". La tige elle-même sécrète une substance toxique qui en interdit le trempage dans les eaux destinées à la consommation humaine ou animale.
    En France, au cours des siècles, le chanvre essentiellement de culture familiale a été une matière première très importante, grâce à sa résistance. Mais petit à petit, avec l'arrivée de nouvelles fibres synthétiques ou en provenance d'outre-mer sur le marché, et souffrant de la disparition de la marine à voile, il tend à disparaître. Même les subventions octroyées au début du XXème siècle pour sa culture ne suffirent pas à en augmenter la production. A l'heure actuelle, il est surtout produit en Chine, en Inde et dans les pays de l'Est. Ses utilisations sont variées : toile, papeterie fine pour la filasse, panneaux agglomérés du bâtiment pour les chènevottes.
    Autrefois, tous les paysans produisaient du chanvre, mais uniquement pour leurs besoins domestiques, et non pas pour la vente. Le chanvre est cultivé toujours sur les mêmes parcelles désignées sous le nom de "chènevière" choisies pour leur sol fertile, parfois à proximité d'un ruisseau ou d'un bief. C'est une plante qui craint la gelée, aussi les semailles n'avaient jamais lieu avant fin avril, début mai. Ensuite, aucun entretien particulier n'est nécessaire. Il est récolté à la fin de l'été pour les plants mâles (lorsque les pieds commencent à blanchir et la tête à jaunir) et en octobre, à la maturité des graines, pour les plants femelles.

    Chaque famille, du moins les plus aisés, possédait sa parcelle de chanvre ou chenevière. On semait au printemps les graines que l'on avait conservé durant tout l'hiver dans le grainier, devenu depuis le grenier.
    En septembre, on arrachait les tiges, elles atteignaient alors 1m,50 de hauteur; les tiges reunies en petits fagots, les "manons" étaient mises à sécher sur des claies. Au bout d'une quinzaine de jours on récupèrait les graines en agitant chaque fagot dans un tonneau.
    Les fagots étaient ensuite laissés à l'humidité, derrière la maison, pendant un bon mois.
    C'était le rouissage. Et de nouveau, ils étaient mis à sécher. Aux premières neiges, alors que les travaux des champs laissaient quelque repit, commençait une nouvelle série d'opérations. On profitait de ce que le four à pain fut chaud pour parfaire le séchage des fagots, ensuite on passait chaque tige dans le broyeur, le "battioret". Ceci fait, on lançait violemment la tige sur une carde, et on tirait. Il restait alors de longues fibres de chanvre.
    Pendant les veillées d'hiver, les femmes filaient le chanvre sur leur rouet, le "borgho". Venait ensuite le tissage. Certaines familles possédaient un métier à tisser, celles qui n'en avaient pas, livraient leurs pelotons à un tisserand. Le travail terminé, le tisserand vous rapportait une grande pièce de toikle grossière et inusable. Dans cette pièce, on taillait les mouchoirs, les torchons, les draps et même les chemises et les femmes des pêcheurs confectionnaient les voiles pour faire avancer les "naux".
    A force de lessive, la toile tirait sur le blanc. La lessive se faisait 3 ou 4 fois par an, en utilisant la cendre de fayard.

    A THOLLON en 1730

    134 parcelles pour une surface totale de 15 journaux. La plus grande au mas Auprès de l'Eglise, sous le N° 642, d'une surface de 1 journal 273,7 toise appartient à la cure de Thollon. La plus petite à Lajoux, sous le N° 2338, d'une surface de 5,1 toises, appartient à Vittoz François feu Jean.
    49 parcelles de degré de bonté n° 1
    56 parcelles de degré de bonté n° 2
    28 parcelles de degré de bonté n° 3
    1 parcelle de degré de bonté n° 0
    92 propriétaires en tout, dont les principaux, les familles Blanc, Cachat, Gaillet, Jacquier et Roch.
    A Bernex, on compte seulement douze propriétaires, dont le baron de Blonay qui détenait un battoir pour écrouir tout le chanvre de la paroisse.

    Pour calculer la valeur ou plutôt son rendement, à la pose et par an, on se servait du rendement de la parcelle de champ, de pré ou de vigne la plus proche.

    LA CULTURE DU LIN
    Il y a deux cents ans, chaque village d'Europe suffisait à ses besoins en lin et le plus pauvre des paysans utilisait ce que seuls les riches peuvent acheter aujourd'hui.
    Le lin pousse dans de nombreux sols, mais il préfère une bonne terre grasse et, pour donner de bonnes toiles, les étés frais et humides. Les petites graines noires et brillantes qui broyées, fournissent une huile excellente, doivent être semées dans un sol finement labouré, à la fin de mars ou au début d'avril, à raison de 100 kg à l'hectare. On passe ensuite la herse et le rouleau.
    La plante atteint 90 à 120 cm de haut et donne de belles fleurs bleu pâle ; un champ de lin fleuri constitue un régal pour les yeux. Quand les pétales flétrissent, les graines commencent à se former. On les laisse mûrir complètement si la récolte est destinée à la production d'huile ; dans le cas où l'on ne s'intéresse qu'aux fibres, il faudra couper les tiges avant le début de la maturation, à la fin de juillet. La moisson se fait à la main. Les tiges sont alors liées en bottes (comme les gerbes de blé, mais plus petites) et mises à sécher.

    EGRUGEAGE ET ROUISSAGE
    Après la moisson, on procède à l'égrugeage : on passe les tiges dans un peigne d'acier, monté sur un bâti, pour en séparer les capsules qui seront ensuite broyées afin d'en extraire l'huile ou nourrir le bétail.
    Dépourvues des graines, les bottes doivent alors subir le rouissage, traitement permettant aux bactéries d'attaquer et de décomposer la gomme, qui soude les fibres, et le coeur inutile de la tige. On peut rouir le lin en étalant les bottes sur le sol, en plein air, puis en laissant la rosée et le soleil agir sur elles pendant deux à cinq semaines, et en les retournant de temps en temps. Ou encore, en faisant tremper la récolte entre huit et quatorze jours dans un bassin d'eau stagnante. Quand les tiges commencent à se fendre et à s'ouvrir, le rouissage est achevé. Plus le temps sera chaud, moins le séjour du lin dans l'eau sera long ; la durée de ce traitement est importante car son exactitude joue énormément sur la qualité du tissu..

    Après le rouissage, on lave les tiges à l'eau, puis on les sèche. Pour cela, on les étend parfois en ordre régulier dans un pré tondu, si le temps est beau, ou en regroupant verticalement les bottes en moyettes.

    TEILLAGE ET PEIGNAGE
    Le teillage consiste à séparer la filasse, la fibre textile, du reste de la tige. Artisanalement, on utilise la broie, un appareil très simple consistant en deux barres de bois parallèles entre lesquelles on en fait tomber une troisième montée sur charnière. On place une poignée de tiges sur les deux barres fixes et on les bat en faisant pivoter la troisième. On casse et broie ainsi la partie ligneuse des fibres pour pouvoir les dénuder.Le "teillage" du lin ou du chanvre était une des occupations réservées aux longues veillées de décembre, car ne nécessitant pas un éclairage important : durant ces moments agréables de la vie sociale d'autrefois, où les voisins se rendaient en famille les uns chez les autres pour "passer un moment", on ne restait jamais inactif. Ce travail était réservé aux hommes, tandis que les femmes filaient.
    Pour le chanvre, la filasse ainsi obtenue est rugueuse et elle doit subir une opération pour l'assouplir, au moyen du "battoir" ou du "fer à espader". Le "battoir" est un moulin à eau : un cylindre de pierre tourne sur un plateau de bois de chêne sur lequel on a placé les "moissets", les écrasant à chaque passage, jusqu'à ce que la filasse soit suffisamment adoucie. Le "fer à espader" ou à "affiner" est un morceau de fer plat d'une cinquantaine de centimètres de long, pour une dizaine de large, fixé verticalement à un poteau : l'affinage du chanvre se pratique en frottant la tresse de chanvre contre le tranchant.
    La phase suivante est le peignage. On passe la filasse dans un grand peigne (autrefois, des rangées de clous) afin d'éliminer les fibres trop courtes pour être filées. Ces dernières forment l'étoupe, qu'on utilise pour calfater les bateaux, rembourrer les matelas, faire de la ficelle et des centaines d'autres choses.

    PREPARATION DE LA QUENOUILLE



    Avant d'être filée, la filasse doit être préparée. La fileuse était vêtue d’un large tablier, car des poussières tombaient de la filasse qu'elle prend en poignée, la plus grosse qu'elle peut, et noue le milieu d'une longue ficelle autour d'un des bouts. Elle place ensuite ces fibres devant elle et attache le lien autour de sa taille. Elle pose la filasse sur son genou gauche, en prend la plus grande quantité possible entre le pouce et l'index et la place sur son genou droit. Elle reprend une autre pincée de la filasse et la couche près de la première, mais un peu plus à gauche, et continue ainsi jusqu'à ce qu'elle ait formé un éventail. Elle dispose alors un autre éventail sur le premier mais en travaillant de gauche à droite, jusqu'à ce que la poignée soit déployée en couches successives.
    Elle coupe ensuite la ficelle nouée au sommet de la filasse et place une quenouille, dont le haut est tourné vers elle, le long des côtés de l'éventail. Une quenouille est simplement un bâton court et noueux. Tenant l'éventail serré en haut et libre dans sa partie basse, elle l'enroule autour du bâton.

    LE FUSEAU
    Cet instrument consiste simplement en un petit bâton muni d'un crochet ou d'un entaille au sommet et d'un poids à la base. Beaucoup de sites archéologiques du néolithique ont fourni des exemples de ces poids faits en argile, épais de 5 à 8 cm et percés pour le passage du bâton. L'emploi du fuseau est simple : on accroche le sommet à une poignée de matière brute, laine, coton ou lin, et on fait tourner le bâton. Le poids agit comme un volant d'inertie et le fuseau, en toupillant, extrait les fibres entremêlées et les transforme en un fil qui va s'allongeant. Si l'on continue d'extraire les fibres, le fuseau touche bientôt le sol ; à ce stade, on enroule le fil autour du bâton et on recommence. Le fuseau se trouve rapidement chargé d'un fil prêt pour le tissage.

    LE ROUET
    Le maniement du fuseau est laborieux mais ne demande que peu de concentration et s'avère préférable à la torsion du fil à la main. Vers le XIIIème siècle vint d'orient, avec les croisades, l'invention du rouet qui mécanisait la rotation du fuseau et qui fut appliquée aussi bien à la filature de la laine qu'à celle du chanvre ou du lin. Il existe deux types prédominants de rouets : le rouet à grande roue et le rouet à épinglier. Le premier, qui est le plus ancien, est encore utilisé en Asie et en Amérique du Sud, plus rarement en Europe. Le rouet à épinglier, qu’il soit vertical ou horizontal, est une invention européenne.

    Le rouet à grande roue - Des appareils fonctionnant selon ce principe furent utilisés en Chine, en Inde et en Perse dès le XIIIème siècle, mais l’histoire du rouet à grande roue est sans doute plus ancienne encore. Les chercheurs s’accordent à penser que les Arabes ont introduit cette invention asiatique en Europe via l’Espagne. Il est constitué d’un fuseau placé horizontalement sur un support vertical, relié par une courroie de transmission et une poulie à une roue qui, mise en mouvement par la main, entraîne le fuseau.   Le rouet à grande roue, relativement facile à fabriquer, transforma le filage en une opération nettement plus rentable. Cependant, sur ce grand rouet encombrant, filage et renvidage s’accomplissaient séparément, ce qui constituait une perte de temps.

    Le rouet à épinglier - La plus ancienne référence à ce rouet est une illustration allemande de 1480 environ. L’épinglier est un dispositif, formé de deux ailettes garnies de crochets ou d’épingles, fixé sur le fuseau et dont le mouvement, entraîné par une roue, assure la torsion du fil. Les premiers rouets à épinglier étaient actionnés d’une main, l’autre étant employée à manipuler les fibres. A partir du XVIIIème siècle, des documents montrent un modèle dont la roue est actionnée par un mécanisme à pédale, libérant ainsi les deux mains. Le rouet à épinglier étant muni d’une courroie qui entraîne une bobine pour le fil, le filage et l’embobinage se font conjointement. Le résultat est un fil plus ferme que celui obtenu avec le rouet à grande roue et proche du fil peigné. La plupart des appareils sont munis d’une quenouille sur laquelle on dispose les fibres destinées à être filées.


    A- épinglier / B- bobine

    Les écheveaux de fil étaient ensuite formés à l'aide d'une sorte de moulinet à 4 bras que l'on appelait "dévidoir" . Le rouet était né et, avec lui, une source de fil continu de bonne qualité. La plupart des rouets sont entraînés par une pédale, ce qui laisse les mains libres pour alimenter le fuseau avec les fibres encore mêlées. Des rouets plus élaborés comportent un volant, lui aussi commandé par la roue mais à une vitesse différente de celle du fuseau ; cela permet de conserver une tension régulière du fil. Agréables à utiliser, les rouets demandent cependant un travail long et ardu si l'on veut obtenir assez de fil pour pouvoir tisser.

    FILAGE
    La fileuse plante la quenouille dans un trou prévu sur son rouet, noue le milieu d'un ruban au sommet et l'entrecroise en descendant autour de la filasse pour le nouer à la base. Prenant un bout de lin déjà filé, elle en enroule un bout sur l'évidoir du rouet et tord l'autre bout autour de l'un de ceux du bas de la quenouillée. Elle commence alors à filer, en plongeant de temps en temps ses doigts dans un bol d'eau, pour mouiller le lin et le rendre plus souple. Avec les doigts de sa main gauche, elle empêche le mouvement de torsion de se propager dans la filasse de la quenouille, tandis qu'elle extrait les fibres de celle-ci et redresse les vrilles avec sa main droite. Au besoin elle tourne la quenouille du côté le plus commode et, quand cela devient nécessaire, dénoue le ruban et le rattache plus haut. Toute la quenouillée est filée ainsi.Les crochets de l'épinglier servent à répartir uniformément le fil de laine sur la bobine. Vous ferez passer le fil d'un crochet au suivant au fur et à mesure du remplissage de la bobine.

    LE BOBINAGE
    Une fois filé, le lin ou le chanvre était mesuré et mis en écheveau. Tâche fastidieuse s'il en fût, elle consistait à enrouler pendant de longues heures le fil réalisé sur les bras d'un dévidoir. La longueur de fil ainsi bobinée était évaluée suivant le nombre de tours que contenait le dévidoir par comptage soit mentalement puis plus tard mécaniquement.
    Quand il a été filé, le lin est prêt à être tissé sur un métier comme toute autre sorte de fil. Autrefois, chaque ferme qui pouvait cultiver le lin ne s'en privait pas, chaque fileuse le filait sur son rouet et toute la maisonnée passait une bonne partie de l'année à le préparer. Une fois par an, le tisseur ambulant venait à la ferme avec son métier et tissait le tout pour la famille. Dans les campagnes, les tisserands tissaient surtout le lin et le chanvre et la toile ainsi fabriquée suivant la qualité du fil servait à faire les draps, les nappes, les serviettes, le linge de corps.
    Le chanvre filé est vendu au poids ou échangé contre de la toile qui servira à confectionner les chemises, les draps, enveloppes de paillasse, les nappes et autres éléments du trousseau.

     Quelques outils et accessoires
    carde
    peigne à lin
    rouet
    dévidoir

    Autres emplois du lin. La paille de lin servait à la production du torchis. Mêlé à de l'argile fraîche et appliqué sur des claies et lattes de bois, il constituait un excellent isolant thermique pour les maisons en pisé. La paille de lin est désormais compressée en plaques d'isolant, " l'Isolin ", toujours présente dans certains murs. La paille de lin est également employée pour fabriquer de la litière pour les chevaux. Les petites boules que le lin porte au moment de sa floraison et la graine de lin peuvent être utilisés dans la fabrication d'huile de lin et de peinture. La farine de lin servait à la fabrication des cataplasmes, ainsi qu'à celle du " tourteau ", aliment pour animaux. Les toiles de lin étaient souvent utilisés pour devenir des voiles de bateaux, ainsi que des toiles de peintres. La toile de lin pure est à présent rare et onéreuse. Des mélanges de lin et de coton lui sont souvent préférés. ...

     

    COLPORTEUR

    Le Colporteur
    Le 27 septembre de cette année 1859, en royaume de Savoie, l'homme a démontagné. Les bêtes descendues dans les vallées et les devoirs des champs accomplis, il quitte son village de la haute montagne savoyarde. Ainsi commence l’histoire de ce colporteur qui, l’hiver durant, parcourt le nord de la péninsule italienne afin d’y vendre mercerie, coton, fils à broder, dentelles et colifichets. Aux premières neiges, il prend le chemin du glacier qui le mène à Aoste. Paysan l'été, colporteur l'hiver. Son semi-nomadisme lui permet d'acheter l'essentiel en semailles, outils, etc… pour cultiver sa terre et entretenir sa famille. Partant de mi-octobre à mi-avril sur le massif alpin, il vend tissus, fils à broder, aiguilles, coton, rubans, poudres d'encre, dés à coudre, dentelle, etc… Sa Femme reste au village bloqué tout l'hiver par la neige. S'occupe de son foyer et des bêtes. Consacre cette période de moindre activité paysanne à la fabrication de dentelle que son mari vendra l'année suivante. Ses Enfants travaillent très jeunes. En été, on les envoie en alpages. L'hiver, on les place chez des ramoneurs ou ils mendient sur les routes avec des marmottes apprivoisées.

    L' histoire de la Savoie à cette époque est passionnante puisqu'elle est en relation avec celle de la France, qui définit pratiquement ses frontières actuelles, et celles de l'Italie, qui (de même que l'Allemagne) est en train de se constituer : la conséquence sera 14-18. c'est aussi le début de l'industrialisation. C'est le commencement de l'exode rural, qui n'est plus un exode temporaire comme celui des colporteurs ou des saisonniers, mais définitif. Les paysans qui s'exilent pour aller à la ville deviennent des prolétaires.
    La Langue
    Ainsi, entre le Tessin, la Lombardie et le Piémont, il existait des différences très importantes : un Piémontais ne comprenait pas un Tessinois et réciproquement… La Savoie et le Val d'Aoste avait pour langue officielle le français : c'est pourquoi Savoyards et Piémontais, dialoguent en français – c'est la seule langue d'échanges.

    L'ACTIVITE DES COLPORTEURS

    Les colporteurs sont des marchands, d'ordinaire misérables, qui "portent au col" ou tout bonnement sur le dos, de très maigres marchandises. Ils n'en constituent pas moins pour les échanges une masse de manœuvre appréciable. Ils comblent dans les villes mêmes, plus encore dans les bourgs et les villages, les vides de réseaux ordinaires de distribution. Comme ces vides sont nombreux, ils pullulent, c'est un signe des temps. Une kyrielle de noms les signale partout : colporteur, contre-porteur, porte-balle, mercelot, camelotier, brocanteur…

    Loin d'être un type social bien défini, le colportage est une collection de métiers qui se refusent aux classements raisonnables : un Savoyard rémouleur, à Strasbourg, 1703, c'est un ouvrier qui "colporte" ses services et vagabonde comme tant de ramoneurs et de rempailleurs de chaises ; un Maragate, paysan de la montagne Cantabre c'est un arrièreur qui transporte du blé, du bois, des douves de tonneaux, des barils de poisson salé, des tissus de laine grossière, suivant qu'il va des plateaux céréaliers et vinicoles de la Vieille Castille à l'Océan, ou vice-versa. Riche ou pauvre, le colportage stimule, entretient l'échange, il le propage. Mais, là où il a priorité, la preuve est faite, à l'ordinaire, d'un certain retard économique. La Pologne est en retard sur l'économie de l'Europe Occidentale : logiquement, le colporteur y sera roi. Le colportage n'est-il pas une survivance de ce qui a été des siècles durant, jadis, le commerce normal ?
    Les activités de colporteurs, ajoutées les unes aux autres, ont des effets de masse. Le diffusion de la littérature populaire et des almanachs dans les campagnes est à peu près leur seul fait. Toute la verrerie de Bohême, au XVIIème siècle, est distribuée par des colporteurs, aussi bien dans les pays scandinaves, qu'en Angleterre, en Russie que dans l'Empire Ottoman.
    Le colportage n'est pas toujours à la traîne. Plus d'une fois, il est élargissement pionnier, saisie d'un marché. D'ordinaire, les positions sont inversées : les marchands de gros et les boutiquiers importants, ou même médiocres tiennent les fils du colportage, réservant à ces diffuseurs obstinés les "invendus" qui encombrent leurs magasins. Car l'art du colporteur est de vendre par quantités menues, de forcer les zones mal desservies, d'entraîner les hésitants, il ne ménage, pour cela, ni sa peine, ni ses discours, à l'image du camelot de nos boulevards, un de ses héritiers. Leste, drôle et vif d'esprit : tel il apparaît au théâtre.

    Licitement ou non, les colporteurs se glissent partout, jusque sous les arcades de Saint-Marc à Venise ou sur le Pont-Neuf à Paris.

    Souvent le colportage s'associe à des migrations saisonnières : ainsi, pour les Savoyards, les Dauphinois qui gagnent la France et aussi l'Allemagne, pour les Auvergnats du haut pays, notamment de Saint-Flour, qui parcourent les routes d'Espagne. Des Italiens viennent en France pour faire leur "saison", certains se contentant de tourner dans le royaume de Naples.
    Cette vie foisonnante du colportage, on assure d'ordinaire qu'elle s'éteint d'elle-même, chaque fois qu'un pays atteint un certain stade de développement. On pensait que les moyens moderne de transports lui avaient porté un coup mortel. Or, le colportage est un système éminemment adaptable. Toute panne de distribution peut le faire surgir ou resurgir ; ou tout grossièrement des activités clandestines, contrebande, vol, recel ; ou toute occasion inattendue qui relâche les concurrences, les surveillances, les formalités ordinaires du commerce.

    La France révolutionnaire et impériale fut ainsi le théâtre d'une énorme prolifération du colportage. Tout récemment, la France affamée de 1940 à 1945 a connu, avec le "marché noir", une autre poussée du colportage anormal – des "hommes au sac" comme l'on disait avec mépris.

    L'ACTIVITE DES COMMERCANTS AMBULANTS

    Il fut un temps, pas si lointain, ou de nombreux commerçants, dignes héritiers de nos anciens colporteurs, sillonnaient inlassablement les petites routes des pays de Savoie, par tous les temps et en toutes saisons.

    Les premières tournées s'effectuaient à cheval avec un tilbury à ressort (cabriolet hippomobile léger, à deux places) recouvert par une bâche. La tournée durait 12 heures en moyenne. Au retour, le grand-père s'endormait sur le char et le cheval rentrait seul à l'épicerie - boulangerie, puis dans les années soixante le père rajouta les produits d'épicerie sur les tournées, que le fils poursuit toujours aujourd'hui, fidèle à l'héritage familial. Lors de chaque tournée, le parcours est rigoureusement le même, et les horaires de passage soigneusement tenus. A chaque fois le rituel est immuable : le coup de klaxon qui retentit, l'auvent de la camionnette qui s'ouvre alors que certains clients, qui souvent le guettent, sont déjà là. Dans sa camionnette, plus de 350 produits sont référencés, en plus du pain : fruits, légumes, crémerie, conserves, épicerie, biscuits, quelques bouteilles de vin...Tout doit être bien arrimé pour éviter qu'ils se déplacent ou chutent lors du voyage. La diversification des produits et l'apport de nouveaux services devenaient indispensables à la survie du petit commerce en milieu rural, la plupart des autres commerçants ambulants possèdent aussi un commerce. "C'est ma femme qui tient le magasin pendant que je suis sur les routes."

    Reste que pour beaucoup de personnes le passage du commerçant ambulant est très attendu. L'autre facette de leur métier est le lien social tissé au fil des tournées. Le contact humain est ici primordial, tout comme la confiance. Véritable acteur de notre environnement, la vie du hameau était ponctuée autrefois, par le passage du commerçant qui s'annonçait de loin, son arrêt devant la maison aiguisait la curiosité des enfants, les mères y achetaient les produits de première nécessité : sucre, sel, café, riz, pâtes, viandes et pains...Il était le moment privilégié d'échanges et de communication où les nouvelles locales et régionales se transmettaient. On discute du quotidien, on s'enquiert des nouvelles de la famille, du voisinage, de la santé...

    Il est désormais loin le temps ou le légendaire "tube" Citroën, avec son capot en nez de cochon, promenait sa silhouette si particulière sur les routes de Savoie.

    La solidité de cette camionnette créée en 1947 n'avait en effet d'égal que le caractère spartiate de son aménagement, sans chauffage, ni réfrigérateur : "La viande était recouverte d'un drap blanc, et refroidie avec des pains de glace, pour tenter de la garder fraîche". Pareille chose serait aujourd'hui inconcevable...

    THOLLON : "La Jeanne"

    La langue à la Jeanne c'était le patois : le patois de Thollon, patois de Bernex, perlés d'expressions imagées, d'intonations subtilent qui faisaient sourire ses clients. Parce que la Jeanne était une commerçante née ! "Si les gens ne veulent pas venir chez nous, on ira chez eux". C'est ainsi qu'après la guerre, la Jeanne, son cheval et son Gustin de mari décidèrent de faire les tournées en pays de Gavot.

    Passant de ferme en ferme, le trio proposait tout ce que l'on pouvait trouver dans une bonne quincaillerie de village : faux, seaux à traire, râteaux, mais aussi articles ménagers...et même cuillères, casseroles et fourneaux. Oh, les livraisons n'arrivaient pas 48 heures chrono... Mais la Jeanne savait argumenter et faire la réclame maniant en patois, bien avant l'heure, les slogans publicitaires ! Ses clients se souviennent encore de l'acier suédois, du célèbre "Rinforcia Patnaille"... qui garantissait à coup sûr la longévité de l'article vendu, sous l'oeil admiratif d'un Gustin pas pressé. Plus tard, elle prit le volant du célèbre tube Citroën "Patnaille" qui allait sillonner tous les chemins du Gavot jusqu'à Bonnevaux.

    Tout ce qu'elle vendait était soi-disant garanti chez la Jeanne ! Son coeur, elle l'avait sur la main, mais il n'était pas à vendre. Ce n'était pas du "rinforcia". C'est sans doute pour cela qu'un beau matin d'octobre, il l'a abandonnée... Et la Jeanne nous a quittés.

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    NOTES - Bas de page

    [0] - L'évêque doit distribuer son territoire en régions ou districts, composés de plusieurs paroisses et appelés décanats, archiprêtrés ou vicariats forains, etc.

    [1] - Comte de Compey de Gerbay, baron de Féterne, seigneur de Vinzy, Mézery, marquis de Lucinge, seigneur de Torrent de Torrent et vidame d'Aigle.

    [2] - Thomas, Comte de Maurienne, abandonna sa juridiction le 27 mars 1206 sur divers hommes, notamment Usent de Crest (Vacheresse), Simon du Nant, Guillaume et Pierre du Nant ses frères, sur Udry et Pierre ses neveux, ainsi que leurs enfants et à naître. Parmi les témoins, Humbert d'Evian et Gérold de Thollon.
    N° 18 - P 22 - 23. Académie Chablaisienne

    [3] - Cette tour dite "Tour de Maugny" se situait à 50 mètres environ en face de l'église. Un acte y a été signé en 1685, par Madame Dunant de Grilly dite "Dame de Thollon".

    [4] - Syndic : Agent exécutif de l'assemblée des communiers désigné pour 1 ou 3 ans, représentant des habitants auprés du suzerain de la collectivité locale. Lorsque que la paroisse deviendra commune, le syndic sera maire.

    [5] - Communier : assemblée générale des habitants d'une commune et possédants des biens en commun, le droit de pâture dans les communaux et de profiter de l'affouage.

    [6] - Tabelle : répertoire alphabétique des propriétaires, énorme réservoir de noms de lieux (toponymes) et de personnes (anthroponymes) - Voir Mappe Sarde

    [7] - Quand, à Jérusalem, la reine sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, fut convaincue d'avoir retrouvé sur le Mont Calvaire la vraie croix du Christ, elle fit édifier en ce lieu, avec l'aide de son fils, une basilique englobant le Calvaire et le Saint Sépulcre. Cette basilique qui eut pour nom "Résurrection" fut consacrée un 14 septembre. Par la suite, ce jour fut choisi pour célébrer une fête qu'on appela "Exaltation de la précieuse et vivifiante Croix." parce que son rite principal consistait en une ostension solennelle d'une relique de la vraie croix.
    Progressivement la fête fut célébrée dans toute l'Eglise et des parcelles de cette relique furent distribuées à travers le monde chrétien.

    [8]Le col de cygne relie les deux corps qui comprend deux parties : une chaudière pour chauffer le marc (ou une autre matière à distiller) et une deuxième partie, le récipient appelé "réfrigérant" garni d’eau froide dans lequel se trouve le serpentin...

    [9] - Abolie sous la Révolution, puis rétablie par Napoléon Ier en 1808 la transmissibilité du « privilège » du bouilleur de cru a définitivement été interdite en 1960. Jusqu’à cette date, chaque famille avait le droit de distiller pour son propre compte 10 l d’alcool pur sans s’acquitter d’aucunes taxes. Ce « privilège » pouvait être transmis de père en fils. En 1960, le gouvernement Mendès France supprime ce privilège avec l’intention de combattre l'alcoolisme dans notre pays... Dès lors, le droit de succession n'existe plus.
    Il est rappelé qu'aux termes des articles 315, 316 et 317 du Code Général des Impôts, le régime des bouilleurs de cru n'est applicable qu'aux seules personnes qui distillent ou font distiller des fruits provenant exclusivement de leur récolte ; La distillation doit intervenir en dehors de leur domicile, soit en atelier public, soit en association coopérative, soit à façon chez un distillateur professionnel. Les titulaires actuels de l’allocation en franchise conservent leur droit pour une durée de 5 années, à savoir une exemption du droit de consommation sur les 10 premiers litres d’alcool pur distillés. Dès le 1er janvier 2008, ce privilège sera supprimé. Les bouilleurs de cru non titulaires de l’allocation en franchise bénéficient pour leur part, d’un droit réduit de moitié du droit de consommation, dans la limite d’une production de 10 litres d’alcool pur par campagne, non commercialisables. Il est également rappelé que l'eau de vie fabriquée au cours d'une journée ne peut être enlevée qu'à partir de 20 heures.

    [10] Nant : nom d'origine celtique signifiant un ravin creusé par un ruisseau, mais en langue sémitique, en hébreu et en chaldéen, torrent se dit nahal, en arabe naz veut dire marais et nehr un fleuve.
    Les Celtes qui vécurent en Savoie pendant plus de 1000 ans, ont laissé nan torrent, orthographié nant, et intégré dans le français régional. C'est un nom commun devenu nom propre.
    Nant Mésalière, à l'ouest de chez Cachat, rappelant peut-être quelque léproserie ou mésellerie, de misellus.

    [11] - MAS DE THOLLON - le nom du mas, c’est-à-dire du lieu-dit, hérité semble-t-il d’une ancienne unité de perception de la dîme. Survivance des mances, premières cellules d'exploitation sous l'époque gallo-romaine.
    Au Champ, Auprès de l'Eglise,
    Bauseraz, Benioz, Biollaz, Blanchard, Bois Lugrin, Bois Beson, Bois Corbolat, Bois Jolly, Bouire Bugnaux,
    Cerisée, Champ Beroud, Champ Bossay, Champ Coron, Champ du Fond, Champ du Nant, Champ du Tronc, Champ Florent, Champ Paccot, Champ Thomas, Chenallaire, Clos Blanc, Cloux, Clou, Cognay, Combe à Lou, Commères, Corty, Couta, Coutallet, Coutaz, Croset, Crosetaz, Croué,
    Dernier la Chaux, Dessous l'Ouche, Dessus la Fontaine, Dessus la Tour, Devant chez Fellay, Devenais, Dodes,
    Essers, Etallent,
    Faconaire, Fallère, Faugeais, Fauvalle, Ferage, Fillion,
    Genièvre, Grand Cloux, Grangetta, Grand Champ, Grand Champ (bis), Grand Pré, Griez,
    Jacques Blanc, Jalliet,
    La Chapelle, La Chapelle (bis), La Chaux, La Comba, La Fin, La Fontaine, La Joux, La Tour, Le Cret, Les Genêts, Les Plagnes, Longe Ray, Lonséro, Louchy, Louaire,
    Mollié Dessous, Mollié Jacquier, Mollié de Beuloz, Mollié de Louchy, Mollié de Raz, Mies, Moulin de Beuloz, Melay, Maravent, Motay, Molliera, Maupas, Mollard, Mémise, Meillière, Murat,
    Nouis,
    Osche,
    Prés Communaux, Pisse Vache, Plan Champ, Planté, Petit Cret, Pré Fornay, Pierre Plate, Plagnes, Pisse Vache, Planté, Pagay, Pose,
    Reviglioud, Recaz, Rasses, Ravine, Raber,
    Sous les Vittoz, Sous le Roch, Sous les Vesin, Sur les Crets, Sur les Grey,
    Trivié, Tronc, Trappe,
    Valière, Vernay, Village de Meillière, Villally,
    Soit 122 mas.

    [12] fayard : appelation du hêtre.

    [13] tavaillons, ancelles : sorte tuile grossière en bois

    [14] creusaz: endroit en pente souvent raviné, vallon trés encaissé.

    [15] broussailles : Correspondrait pour le cadastre général de Savoie, à des taillis de jeunes feuillus (chênes, charmes, hêtres,merisiers, érables, frênes, noisetier, buis,etc...) dont les éléments les plus agés étaient coupés à intervalles réguliers (dix ans au plus) pour l'utilisation domestique (chauffage et cuisson), confection de fagots : bois fascines et pour la production de charbon de bois.

    [16] teppes : Mot en désuetude propre à la Mappe Sarde dont aucun dictionnaire récent ne mentionne l'existence. Cependant un dictionnaire de patois savoyard indique que le vocable "têpà" désigne à la fois un champ rendu improductif par la nature du terrain ou le manque de culture et plus prosaïquement "une motte de terre.
    Le mot "teppa" signifie aussi en italien "canaille, bon à rien", ce qui décrit bien de telles parcelles... La notion de "teppes" peut donc s'apparenter à celle de "Landes/friche" du cadastre actuel.

    [17] Chatellain ou châtelain : A l'orine, celui-ci était placé à la tête d'une châtellenie. Ces fonctions étaient administratives, mais aussi militaires, judiciaires et même financières. Le seigneur lui signifiait ses ordres, et ses volontés, à l'aide d'actes appelés mandements mandamus vobis. Dans la pratique, le mandement finit par désigner, non seulement l'acte, mais la châtellenie elle même. Vassal du Comte de Savoie ou du seigneur, il fut au XVIII° siècle le notaire de la paroisse.

    [18] ADMODIATION, ou AMODIATION, s. f. (Jurisprud.) terme de Coûtumes.Usité en quelques Provinces pour signifier un bail, dont le prix se paye en fruits par le Fermier, lequel en retient moitié, ou plus ou moins, pour son exploitation. Amodiation est aussi synonyme en quelques endroits à bail à ferme, & se dit du bail même, dont le prix se paye en argent.

    [19] Acensement : Fermage, la concession (en général assez longue, voire perpétuelle) de la jouissance d'une terre, par exemple, moyennant une redevance, le cens. Les terres sont données en location selon 2 systèmes d'exploitation : le métayage ou grangeage et le fermage. Indirectement dans le fermage, directement dans le grangeage où les métayers travaillent à moitié fruit.

    [20] Joseph Daquin (1732-1815), pionnier de la psychiatrie, était un médecin savoyard contemporain de Pinel.
    Après une formation médicale solide et ouverte à Turin, Montpellier et Paris, il revient s'installer à Chambéry vers 1762 et six ans plus tard est nommé médecin de l'hôtel-Dieu. Personnalité éminente il y tint un rôle très actif dans la vie culturelle, politique, et bien sûr médicale: diplômé de l'Université de Turin (1757), médecin éclairé passionné par l'hygiène médicale et le thermalisme, Daquin prend en 1788, à l'âge de 56 ans, la direction de la maison des Incurables dont un quartier est réservé aux fous, fonction qu'il conservera jusqu'à sa mort en 1815. La parution trois ans plus tard de son maître ouvrage, la Philosophie de la folie, semble être passée presque inaperçue en France.

    Et si Daquin connut hors de sa région une certaine notoriété, ce fut une notoriété posthume, qui provient paradoxalement de ce que Pinel l'a totalement ignoré et ne l'a jamais cité, ni dans la première édition de son célèbre Traité médico-philosophique paru fin 1800, soit dix ans après la Philosophie de la folie, ni surtout dans ses ouvrages ultérieurs, en dépit de la parution en 1804 d'une seconde édition du livre de Daquin, dédié à Pinel lui-même en des termes dithyrambiques (et dont il est difficile de croire qu'il n'en a pas eu connaissance). De là naîtra dans les années 1850 une petite polémique, où le principal protagoniste, l'aliéniste Brierre de Boismont, soupçonne Pinel d'avoir commis un oubli volontaire pour s'assurer de la priorité dans la découverte du fameux traitement moral.

    [21] L'endogamie est une pratique rencontrée chez tous les peuples de la terre et qui consiste à choisir prioritairement et majoritairement son futur époux /sa future épouse à l'intérieur soit :

    - de l'aire géographique dont on fait partie (endogamie géographique);
    - de la classe sociale à laquelle on appartient (endogamie sociale)
    - du métier que l'on exerce (endogamie professionnelle).
    - de la religion que l'on pratique (endogamie religieuse).

    [22] ANNEXE ou FILIALE : l'annexe ou la filiale (Meillerie) peut désigner une commune n'ayant pas d'église, mais surtout une localité du ressort d'une paroisse (Thollon). Une paroisse se caractérise généralement par 3 éléments principaux : l' église + ses fonds baptismaux + les registres paroissiaux s'y rattachant.
    Elles sont généralement desservies par un "vicarius", le vicaire ou par un curé "parochus". Le processus de séparation de la filiale de la paroisse-mère est souvent long et le plus souvent successif à une réclamation des représentants du village qui se plaignent auprès de l'évêque des négligences ou des abus du curé, de la distance les séparant de l'église, des chemins difficiles d'accès ou du retard du curé pour administrer les derniers sacrements à un mourrant.
    Lorsque la charge du curé devenait trop lourde, pour raison de santé ou de grand âge par exemple, l'évèque faisait obligation de "tenir un vicaire". Si les habitants de la filiale déposaient réclamation auprès de l'évèque, et ce malgré la présence d'un vicaire, le Doyen du chapitre rural était dépêché sur place pour y enquéter avant de rendre compte à l'évêque. Il faut alors obtenir l'accord du curé qui, généralement n'entend pas perdre une partie de ses revenus, du collateur et des décimateurs qui, souvent ne souhaitent pas se voir attribuer des charges supplémentaires.
    Si un accord intervient, est nommé un "vicaire résident" qui dépend du curé, qui devient "vicaire perpétuel", il sera nommé curé ultérieurement, lorsque sera constaté la "consommation du démembrement".

    [23] PLEBAN : ou "plebain" ou "plebun", il s'agit d'un curé desservant une paroisse, mais aussi le membre d'un clergé paroissial vivant en communauté et suivant des règles communes. Plus particulièrement il s'agit aussi d'un chanoine qui avait la charge des fidèles soumis à la juridiction d'une église cathédrale ou d'une collégiale. A la mort du plébain de Châtillon (Thonon), l'évêque transféra le titre à Evian, bien qu'il n'y eût ni collège de prêtre, ni séquelles de la Réforme. Le 21 juin 1634, Rd Meynet curé de N.D de l'Assomption, docteur en théologie, reçu le titre de Plébain pour lui et ses successeurs.
    Ce titre est purement honorifique. Dans le diocése d'Annecy, il y a quatre plébanies : Evian, Cluses, Thônes et Flumet.

    [24] NOVALES ; Droit que les curés lèvent sur les novales. Dîme pesant sur les terres nouvellement mises ou remises en culture, ou nouvellement chargées de "fruits" décimables (imposables).

    [25]Mandement : (latin : mandamentum) Subdivision territoriale en France depuis le XIe siècle. District, juridiction, territoire confié par l'évêque à l'administration d'un châtelain ou d'un bailli Mandement et châtellenie étaient bien souvent synonymes. C'est entre le Jura méridional et les Alpes françaises, d'une part, le Massif Central d'autre part que les mandements ont trouvé leur véritable terrain de culture; ailleurs ils n'ont essaimé qu'en rejetons éparpillés.
    La Savoie conserve encore, de notre temps, le nom de ses anciens mandements. Le mandement d'Evian comporte 11 communes : 1-Evian, 2-Féterne, 3-Larringes, 4-Lugrin, 5-Maxilly, 6-Neuvecelle, 7-Novel, 8-Publier, 9-St Gingolph, 10-St Paul, 11-Thollon

    [26]Intendant : Dès le XVIIIe siècle, Victor-Amédée II premier roi de Piémont-Sardaigne réorganise ses Etats autour d'un projet centralisateur est uniformisateur. Il place ainsi dans chaque "province" un représentant du pouvoir : l'intendant. Il bénéficiait de pouvoirs étendus en matière de police, de finances, de fiscalité...

    [27]Villa romaine : La définition même de la villa peut poser problème - comment différencier une très grande villa d'une petite agglomération secondaire ? - Il s'agit soit d'une exploitation agricole modeste, où la partie résidentielle ne présente pas d'aménagements luxueux, soit de la partie d'une grande villa consacrée aux travaux agricoles (bâtiments d'exploitation et habitat du personnel). Dans ce second cas, le terme de pars rustica est plus souvent employé. Il peut s'agir d'une résidence périurbaine (villa suburbaine), soit de la partie réservée à la résidence du maître. Dans ce second cas, le terme de pars urbana est généralement utilisé.
    La villa, est dés le Xème siècle, définie comme un territoire portant un ensemble d'habitations et leurs dépendances. Il s'agit d'un forme d'habitat ancien dont l'origine remonte aux Carolingiens et Haut Moyen-âge, dont la surface varie, selon les régions, du simple hameau à la commune. Il n'était pas rare que la villa eût une église et formât une paroisse rurale. Enfin, que la villa était assez étendue pour comprendre plusieurs villages.
    villa, terme qui, à la fin du XIIIe siècle recouvre, en Savoie, un village et son finage.

    [28]Le droit de patronat : est l'ensemble des privilèges accordés par l'Église à des laïcs fondateurs d'églises ou de chapelles, ou de bénéfices (Cures, paroisses, etc.) ou à leurs héritiers, en contrepartie de charges qu'ils assument. Le "patron" a droit de collation des bénéfices.