SAVOIE - Culture & Traditions



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LE PATOIS
LE SKI
LE THERMALISME
LA GASTRONOMIE
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L'HABITAT TRADITIONNEL

L'architecture est une expression de la culture.
La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public... En conséquence... des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement sont institués".
loi n° 7772 du 3 janvier 1977

L'architecture traditionnelle de Haute-Savoie puise ses matières premières au coeur des paysages qui l'accueillent. Le bois et la pierre constituent les matériaux de ce pays de chalets. La richesse des combinaisons permet une grande variété, répartie entre les principales vallées et l'avant pays. Les matériaux bruts acquièrent leur teinte définitive après plusieurs années. Les murs de pierre sont souvent enduits à la chaux et adoptent ainsi les teintes des sables et des terres. L'architecture contemporaine répond parfois à ces préoccupations : béton brut à Flaine en écho aux falaises proches, ou tavaillons à Avoriaz.

Le bois
Issu des forêts proches, c'est essentiellement l'épicéa qui est mis en oeuvre sous toutes ses formes : en ossature, en bardage, en toiture sous forme de tavaillons ou d'ancelles, découpé en palines de balcons. Traditionnellement non traité, il prend de multiples teintes avec l'exposition au soleil et aux intempéries : les parties au nord deviennent grises, alors qu'au sud le soleil les brûle ; sous les avant-toits ou les balcons, l'épicéa reste brun, adoptant parfois une tendre couleur orangée.

Le pisé
La spécificité de la Haute-Savoie est la présence en ville de la palette de couleurs sarde. Élaborées par les ingénieurs turinois, elles mettaient en valeur les bâtiments publics au sein de rues qui respectaient pour le reste des camaïeux issus des sables, des terres et de brique pilée. En milieu rural, l'enduit peut être coloré au bleu de méthylène, et le sulfatage des treilles de vigne bleuit parfois les façades.

La pierre
Il existe peu de lauzes en Haute-Savoie. En toiture, la pierre est utilisée comme ardoise. Sombre à la pose, sa couleur devient d'un beau blond après une vingtaine d'années. Hormis les chaînes d'angle et les encadrements d'ouverture, les pierres utilisées en façade sont généralement enduites. On compte aussi de nombreux calcaires, la présence de molasse - grès marneux gris bleuâtre ou verdâtre, très friable - et, ponctuellement, de granit du Mont-Blanc.

Tout faire pour conserver un minimum de chalet d'alpage en état, garant d'un patrimoine et d'une culture montagnarde presque déjà révolue, tout faire également pour ne pas oublier l'activité agricole et revaloriser nos alpages qui sont en train de disparaître !

Le chalet

Le mot chalet apparaît bien avant 1723 dans les vieux actes notariés savoyards, qui précisent bien que c'est la maison, "l'abri" d'alpage, construit plus ou moins sommairement pour la saison d'été, au milieu des prairies de hautes altitude. Au chalet, les gens n'occupent qu'une place très limitée par rapport à celle réservée au travail du lait et aux animaux.
Les montagnards ne disent jamais le chalet en parlant de leur maison de village, même si elle en a l'aspect, mais la maison, l'outâ, l'outau. Plus, on va "à la montagne" et non "au chalet".
Le chalet d'alpage n'est pas toujours de taille réduite ; en Savoie du nord, le chalet d'altitude moyenne est parfois aussi confortable que la maison de la vallée.

Cette mise au point faite, observons le chalet typique. Il est là, dans la vallée d'Abondance, avec son toit de tavaillons -- ( Les tuiles de bois étaient fendues pendant l’hiver à partir de morceaux d’épicéa ou de mélèze, à l’aide d’un outil métallique appelé ‹‹départoir››, pour conserver le fil du bois et son imperméabilité. On obtient ainsi des planchettes de 15 à 20 centimètres de large dont la longueur, le nom et le mode de pose varient d’une région à une autre : Elles se nomment ‹‹tavaillons›› (de ‹‹tabulum›› tablette) dans les Bornes et les Aravis, ‹‹ancelles›› en Beaufortain, ‹‹Efenle›› en Chablais et Faucigny, ‹‹Écrâves›› dans la région d’Abondance, et ‹‹Essendoles›› en Chartreuse et dans les Hautes-Alpes.
Les petites tuiles de bois (tavaillons) étaient clouées et pouvaient couvrir ainsi des toits assez inclinés, voire même servir de bardage. Les grandes tuiles (‹‹ancelles››, ‹‹efenle››) étaient posées en de multiples couches qui se tenaient les unes les autres par frottement, sur des toits faiblement inclinés.) --
, retenue par des perches, des grosses pierres, ou en ardoise de Morzine ou de Châtel, sa grosse cheminée, ses galeries (balcons) superposées. Les balcons savoyards ont essentiellement une fonction de séchage : bouses en Haute-Maurienne, bois de chauffage, oignons, plantes médicinales, fascines,... Équipés de perches ils permettaient de sécher le foin lorsqu’il était encore humide. Ces balcons peuvent être très sommaires et ne comprendre que quelques planches suspendues sur la façade principale. Ils prennent alors le nom de ‹‹loge››. Ils permettent parfois d’accéder à des pièces d’habitation et deviennent de véritables ‹‹galeries›› avec garde-corps simples ou ouvragés. L’exposition au soleil leur fait donner aussi le nom de ‹‹solaret››. Comme dans toutes les maisons, l'entrée est toujours sur le côté. Sous la galerie du bas, s'ouvrent les portes des caves où mûrissait autrefois le fromage d'Abondance, encadrées de la provision de bois. Le logement donne également sur cette galerie. De plain-pied, derrière la maison, la porte de la grange, laquelle occupe toute la partie supérieure de la maison. Les galeries supérieures communiquent avec elle et permettent d'achever de sécher une récolte, rentrée un peu humide, en l'étalant à l'abri : le foin rentré humide, même légèrement, fermente rapidement et peu provoquer des incendies. L'aération de la grange elle-même, est donnée par des trous, des découpages de formes géométriques (ou initiales, coeurs, croix, dates), ménagées dans le mantelage (palfe, folime) ou paroi de bois, et très décoratifs, de même que la bordure du toit qui est, elle aussi fréquemment découpée. La galerie principale est, elle aussi, magnifiquement décorée, comme de la vraie dentelle.Les galeries secondaires (solarets, loges) le sont différemment. Toutes ces décorations sont variées de maison à maison, avec beaucoup de goût. Mais dans la vallée d'Abondance, un signe distinctif, dû à la dimension gigantesque de certains chalets, dits doubles, appartenant autrefois à deux membres d'une même famille : de nos jours, de par les partages ou les ventes, la décoration (peinture des volets, sculpture des galeries) est souvent franchement différente, ce qui est bien dommage, même si cela marque la propriété...



 

Autres types de maison de montagne, celles de :
  • La vallée de Chamonix
  • le val Montjoie
  • la vallée du Borne
  • le massif des Aravis
  • la vallée du Giffre et val d'Arly
  • les vallées de Mègevette et Bellevaux
  • la maison de Tarentaise, etc...
C'est à partir de Saint-Michel de Maurienne que les variations de construction sont les plus évidentes, telle la maison de la vallée des Villards.
Ici, la maison superpose trois éléments nettement individualisés : l'étable au rez-de-chaussée ; au-dessus la grange, pourvue d'une aire en planches, et destinée à loger, céréales, bois, outils ; presque toujours munie d'un balcon de bois qui servait surtout à faire sécher les récoltes ; au dernier étage, débordant sur les murs, le solaret qui abritait le foin, achevant de sécher sous le toit... Ses parois sont entièrement en bois... Lorsque les hommes disposaient d'un logis séparé, on l'appelait la maison, par opposition au bou (l'étable). La maison pouvait se trouver soit au rez-de-chaussée, accolée à l'étable, séparée par un simple mur de refend, soit à l'étage, accolée à la grange... mais superposée alors à l'étable...

Pour achever ce survol rapide des maisons de haute montagne, citons une petite particularité régionale : la présence, dans diverses vallées d'un petit bâtiment séparé de l'habitation principale en bois, posé sur un soubassement de pierre ou même sur quatre grosses pierres, très solide et très épais, à l'épreuve du gel, des nuisibles et même du vol :

le grenier

Le grenier ou "chelo"en patois, (mazot, ou raccard, à Vallorcine). Il servait de coffre-fort, de réserve en cas d'incendie de la maison. Souvent c'est un chalet en réduction, recouvert d'ardoises ou de tavaillons.Il est parfois double, avec partie inférieure en pierre servant de cave à légumes ou petit atelier. Une seule ouverture permet d'y entrer, une porte très épaisse et arrondie, sous laquelle il faut se baisser et qui comporte une énorme serrure. L'intérieur est divisé en casiers pour séparer la réserve de grains et il y a aussi des rayonnages (tablars) pour ranger d'autres provisions, des crochets pour suspendre les jambons et autre charcuterie fumée, plantes séchées, les costumes du dimanche. C'est un grenier en bois, sans clous et entièrement démontable, il est assemblé par queues d'aronde, souvent il possède un étage N'ayant plus beaucoup d'utilité, certains sont délaissés et tombent en ruine.
La carcasse en chêne est assemblée par tenons et mortaises, les montants et traverses sont rainurés pour recevoir les cloisons en planches de sapin ; c'est une construction cubique, certains portent le nom du propriétaire avec la date de construction d'autres enfin des inscriptions religieuses : IHPS (Jesus Hominum Salavator : Jésus sauveur des hommes).
Les planches de chaque paroi sont serrées par une planche centrale taillée en biseau. En face de cette planche clé, une lumière creusée dans la traverse et fermée par une planchette, permet de la retirer et ainsi de sortir toutes les planches de la paroi par cette petite ouverture. Il en est de même pour le plancher et le plafond. Si l'on veut démonter un << grenier >> pour le déplacer, il faut soigneusement numéroter toutes les planches dans leur ordre sinon il est pratiquement impossible de le remonter, il n'y a aucune pièce standard, toutes ont été taillées à la demande. La porte, généralement cloutée, est fermée par une grosse serrure munie d'une clef en fer forgé. Cette porte s'ouvre sur une allée centrale bordée de chaque côté par sept casiers ou "alous" destinés à contenir les céréales. Au-dessus de ces coffres et au long des parois, courent une ou deux rangées de rayons. Souvent placé au-dessus d'une cave voûtée, il est est toujours à l'écart de la ferme pour éviter les risques d'incendie et surélevé sur de grosses pierres afin que l'air circule tout autour des parois. Il peut être abrité sous un hangar ou situé en plein air, il est alors surmonté d'une charpente recouverte d'un toit d'ardoises. Il conserve parfaitement les produits qui lui sont confiés à condition que ceux-ci soient rentrés bien secs. Les "alous" renfermaient les différentes céréales de la ferme : blé, seigle, méteil ou "moicho" (mélange de blé et seigle) le sarrasin ou "grije", l'avoine, le millet. Sur les rayons étaient disposés les "gris" et les "beuchènes" qui contenaient les semences, les légumes secs, les fruits secs, notamment les poires sèches pour faire du pain de poire ou "raima", les pots de miel et de graisse, la farine, l'alcool (endroit idéal pour le vieillissement des eaux de vie de fruits, car les différences de température bonifient l'alcool. Leur entretien n'est pas compliqué : débarrassés de tout ce qui les encombre, une simple couche d'huile de lin les rajeunit en ravivant et nourrissant leurs bois.

Autres maisons

Pour clore cette description des maisons savoyardes, qui permettra de conclure que le chalet n'est tout de même pas la maison-type en savoie, citons quelques particularités intéressant le reste de la province :

  • les maisons de vignerons, bleuies de sulfate avec leurs caves et escaliers de pierre ;
  • les maisons à arcades de certaines villes et bourgades (Annecy, Alby-sur-Chéran, Rumilly, Thônes, Saint-Jean de Maurienne, Chambéry...) où les marchands pouvaient sortir leur étals et les chalands circuler à l'abri de la pluie et de la neige ;
  • les maisons suspendues sur le vide d'un côté avec enchevêtrement des logis, d'escaliers, de galeries, de cheminées, et de plain-pied de l'autre, le long des rivières, (comme à Flumet, Rumilly, La Roche)
  • les maisons de pisé du Petit-Bugey et les maisons à toit à redents de cette même région, et aussi de l'Albanais et de Chautagne ;
  • la plus belle, la maison de notable, comme celle des "charmettes", inspirée des constructions des bâtiments de la Grande Chartreuse, avec toit à quatre pans égaux deux à deux et assez pentu, couvert d'ardoises ou de tuiles écailles aux teintes douces ;
  • enfin, celle que l'on ne s'attend pas à voir dans nos régions, la maison du bas Chablais, et son toit couvert des tuiles courbes aux couleurs mélangées de crème, de brun, et de roux qu'on fabriquaient autrefois dans les tuilières de Saint-Didier, Ballaison, Sciez ou Perrignier.
  • L'intérieur

    Quel était le décor dans lequel le savoyard "moyen" évoluait ? Tout d'abord il était à peu de chose près celui observé encore de nos jours dans certains chalets d'alpage.
    La cuisine (la cos'na, l'outâ, l'outô) est la pièce dans laquelle on entre, soit directement, soit après un passage de couloir ; soit par le biais d'un escalier. C'est la pièce principale de la maison. Ses meubles ? Une table, parfois simple pétrin sur lequel on a posé une grande planche ; parfois meuble long et solide, avec deux bancs de chaque côté, car les familles sont nombreuses. Quelques sièges rustiques, paillés ou non, en prévision des visites et des soirées d'hiver, ou des tabourets. En montagne, la table est plus petite et n'est parfois qu'une simple planche avec un pied mobile qui permet de la replier contre un rayonnage servant de placard, maintenue par un loquet en bois, ce qui libère de la place. C'est ce qu'on appelle une "table de berger". Il n'y a guère qu'une centaine d'années que la table existe en tant que meuble fixe. Autrefois, elle n'était faite que de planches posées sur des tréteaux et on l'emmenait avec soi dans ses déplacements estivaux.

    La crédence est le meuble le plus intéressant de la cuisine. C'est le plus personnalisé, en tous cas ; sa hauteur et sa largeur dépendent des dimensions du mur contre lequel il est placé. Sa forme et les quelques modestes ornementations qui peuvent éventuellement l'agrémenter dépendent de l'habileté ou des finances du chef de famille. C'est un meuble simple qui comprend un rayonnage central, parfois plus étroit en haut qu'en bas, avec, de chaque côté, des placards fermés, eux-mêmes séparés par des tiroirs.
    Sur le rayonnage du haut, sont alignées les assiettes, les verres, les pots de terre vernissés de toutes dimensions.
    Sur le rayonnage du bas, les seaux, les jattes, les saladiers, les bassines. En montagne, on range là le matériel réservé à la fabrication des laitages.
    Dans les placards sont rangées les provisions.
    Selon la région, la crédence peut-être en bois fruitier, en sapin, mélèze ou pin cembro.

    Aux poutres sont suspendues des sortes de petits échafaudages auxquels les rongeurs ne peuvent accéder : on y range les fromages et le pain qui peuvent être mis aussi dans le tiroir de la table. A quatre heures, et quand on a de la visite, on ouvre le tiroir, on sort le pain, la tomme, la femme réchauffe le café et on taille à même la boule, posée sans façon sur le bois ou la toile cirée.

    Le foyer, est, bien entendu, comme partout, l'âme de la maison. Ce n'est pas pour rien qu'autrefois, on recensait la population en feux, c'est à dire au nombre de personnes se chauffant autour d'un foyer. En général, l'âtre occupe le mur séparant la cuisine du poêle (pêle, peille, pellye, etc.) ou cuisine d'hiver. Le bas du mur est couvert d'une pierre du feu pour éviter l'incendie et en même temps renvoyer la chaleur. Une grande hotte surmonte la cheminée extrêmement vaste dans les hautes vallées du Chablais, du Faucigny ou du Beaufortin ; elle débouche sur le toit munie d'une sorte de couvercle que l'on peut fermer ou ouvrir à volonté depuis le bas, à l'aide d'une tringle ou d'une chaîne de fer. Quand il pleut ou vente trop, on ferme plus ou moins ce vantail. C'est dans cette cheminée entièrement en bois appelée bourne que l'on suspend jambons et saucissons pour les faire sécher et fumer.
    Dans les alpages, la fumée de l'âtre se répand à l'extérieur par un simple écartement des lauzes ou des tavaillons. Dans l'avant-pays, en Maurienne et Tarentaise, la cheminée extérieure est en pierre surmontée d'une lauze ou de tuf, pierre légère et poreuse, ou de briques, couverte de tuiles ou de tôles.

    Avec quoi se chauffait-on ? La Savoie du nord est très riche en forêts : il n'y a qu'à regarder les extérieurs des maisons du haut chablais ou du Beaufortin et leurs moules de bois impeccablement rangés sous les galeries, pour voir que celui-ci ne manquait pas. Dans les Arves, du coté de l'Iseran ou de Valloire, il en allait autrement, aussi conservait-on soigneusement, le fumier du bétail, et plus particulièrement des moutons que l'on modelait en "briquettes" (greubons) et que l'on entassait sur les loges disposées du côté ensoleillé de la maison ou de la grange. On aura ainsi pour l'hiver une précieuse réserve d'un excellent combustible qui réchauffera en brûlant lentement et en dégageant une discrète odeur de résine. Mais on ne brûle jamais le fumier des bovins : il est trop précieux pour le jardin et les prairies.

    Après l'Annexion, l'usage des fourneaux se répandit en Savoie, du moins dans les vallées de l'avant-pays. Et l'on vit bientôt, dans toutes les cuisines, puis les poêles d'hiver, ces sympathiques "baignes, Loulans, ou Larians" fabriquées en haute Saône, faciliter le travail des femmes. Rien n'était plus agréable, les soirs de septembre, quand on rentrait mouillé, de sécher ses chaussettes, les pieds sur la brasière de ce bon fourneau noir, pansu et haut sur pattes, en regardant rougeoyer le feu de "pevottes" à travers ses petites lucarnes. Autre fourneau, le fourneau à bois, le Godin bois-charbon, la pipe étaient les moyens de chauffage. On ne chauffait que la cuisine ou le pêle. Quand on allait se couche, on emportait une bouilloire, une brique ou un fer à repasser chauffés et entortillés dans un linge pour réchauffer les lits.

    Non loin de l'âtre et du fourneau étaient suspendues les caffes (grande louche en cuivre ou fer blanc) pour puiser l'eau. Sont aussi suspendus les pochons et poches (louches en bois de plusieurs tailles et grosseurs) pour servir la soupe, le manger du cochon, etc... Il y a aussi des poches percées (la poche du vêtement s'appelle la taque) qui servent de passoires. Quand une jeune mariée arrivait dans sa belle-famille, sa belle mère lui tendait la poche, signe d'autorité. Suspendue aussi, la boîte à sel, vaste, avec un couvercle. Sur le rebord de la cheminée souvent garni d'une bande de tissu ou de papier découpé, sont posés les bougeoirs, la boîte et le moulin à café, la boîte d'allumettes, une petite statue de la Vierge et quelques objets décoratifs rapportés de pèlerinages ou souvenirs de parents.

    Passons maintenant au poêle (pêle, pellye, pêlio, peille). C'est la cuisine d'hiver (NB : Et non pas l'appareil de chauffage) chauffée par la grande cheminée qui sépare les deux pièces, ou par le fourneau qu'on y a transporté . Le poêle est en général plus grand que la cuisine. Souvent, il y a deux lits côte à côte, mais, dans tous les cas, c'est la chambre des maîtres de maison. Les enfants peuvent y dormir à plusieurs dans un second lit, voire un troisième. D'autres fois, les garçons dorment, comme les domestiques, au fond de l'écurie, sur une paillasse, ou dans un "chambron" aménagé dans un coin de la grange. Au chalet, on dort sur des bas-flancs garnis de paillasses et, bien souvent au-dessus des vaches, dans le bruit des respirations, des ruminations, des colliers qui s'entrechoquent, des pieds qui tapent et aussi des bouses qui "s'écliaffent" sur le sol !

    Comme la crédence à la cuisine, le plus beau meuble du poêle est le garde-robe. Parfois, plusieurs grands-mères successives ont laissé le leur, car c'était l'usage, autrefois, que la jeune mariée arrive avec son trousseau, son armoire ou son coffre. Et, selon la fortune de celle-ci, ou les économies qu'elle a pu faire, ou le bois fourni pour la fabriquer, l'armoire peut-être très différente d'une maison à une autre : soit assez grande, en bois fruitier ou noyer, soit plus petite et massive en mélèze, pin cembro, toujours de forme très simple mais souvent ornée de légères sculptures, rosaces, rouelles, étoiles, coeurs, initiales. Avant l'apparition du garde-robe (milieu du XVIIIe siècle), on mettait le linge dans des coffres rustiques "fermant à la clé" et comme l'armoire, décorés de façon très personnelle avec des motifs classiques.
    Mais il arrive que ces deux meubles n'existent pas dans les poêles, peut-être simplement un placard ménagé dans le mur du feu, et le linge et surtout les vêtements du dimanche sont rangés dans le petit bâtiment construit à l'écart de la maison, le grenier. Les parois des coffres sont doublées avec de la tôle, le linge est suspendu au plafond, des coings, de l’armoise, de la lavande, du tabac ou des bourgeons de sapins sont mis à sécher sur les étagères, le linge est plié dans une toile de chanvre... Si il y a une chambre à l'étage, on y accède par une trappe de l'intérieur en montant une échelle meunière, ou par un escalier de bois très raide qui donne sur la galerie. Meublée d'un lit, parfois d'une armoire, elle sert souvent de débarras : tas de pommes ou de poires, sacs de châtaignes, paniers de noix, raisins ou feuilles de tabac suspendus aux solives pour sécher, etc...

    L'eau

    L'eau courante, le plus grand luxe avec l'électricité, ne fut pas très rapidement installée dans les villages, ni à plus forte raison dans les écarts. De toutes façons les maisons avaient toutes leur bachal ou leur puits à proximité, souvent devant l'habitation, avec de l'eau en abondance. Certains avaient une pompe qui amenait l'eau sur un abreuvoir situé dans la maison, ce qui était bien agréable l'hiver. Parfois, c'était le bassin communal, et ses deux bacs, d'un côté lavoir avec son bec en bronze l'alimentant, l'abreuvoir de l'autre.

    Bassin couvert, tel qu'au Maravent


    Mais des villages construits sur la roche ne pouvait pas avoir de puits ; il leur fallait aller loin chercher l'eau. On avait alors, un espèce de joug sur les épaules auquel étaient suspendues deux cizelins (seaux en fer). C'étaient les garçons et les hommes qui se chargeaient de ce travail... L'eau était abondante mais on ne la gaspillait pas. Si par exemple il en restait dans le pot, après le repas, on vidait celui-ci dans la marmite ou la bouilloire, ou on arrosait quelque bouquet devant la maison ou sur la galerie. L'eau fraîche était conservée dans une grande seille appelée gerle, posée sur un trepied à côté de l'évier, qui n'était , en fait qu'une sorte de râtelier en sapin posé a plat sur la caffe, grande louche en métal. On puisait de la même façon l'eau chaude pour les divers lavages dans la marmite spéciale, à l'intérieur blanchi de calcaire, pendue dans l'âtre ou enfoncée dans le fourneau. On lavait les assiettes, verres,etc..., dans une grande bassine posée sur un coin de la table et les marmites et les casseroles, dehors avec du sable. Seuls les gens riches possédaient un évier de pierre avec écoulement extérieur. Les eaux grasses allaient au cochon et les épluchures aux lapins.

    La "petite" lessive courante se faisait au fur et à mesure dans un petit cuvier, avec rinçage au bassin. Mais la grande lessive était une cérémonie importante qui ne se pratiquait que deux ou trois fois l'an. On l'appelait la boïa, la bouye et les laveuses, les boïandire, les boyandières. Parfois la lessive se faisait le soir, "à la lune", après le travail de la journée. Quand il faisait chaud, c'était à grand renfort de café, et quand il faisait frais avec du vin chaud sucré. La maîtresse de maison avait déjà trié le linge : les gros draps, les torchons, les serviettes de toilette "grains de riz" ou des "nids d'abeille" et de table (rares), les pattes diverses, les chemises d'homme et de femme, les caleçons et les grandes culottes fendues, les jupons de toile, les tabliers, les mouchoirs.
    La veille, dans un petit cuvier, elle avait fait tremper le linge, puis dégrossi à la brosse pour dissoudre les taches d'origine organique (sueur, sang, graisse, etc...). Le matin, les hommes installaient dans la cour, à l'abri du vent et de la pluie un immense cuvier de bois qui se prêtait de famille à famille, qu'ils posaient sur un trépied. Au bas du cuvier, il y avait un trou que l'on fermait par un "guillon" de bois et sous lequel on posait une grande bassine. Les belles cendres du cendrier de la cuisine, bien tamisées étaient mises dans des sacs et ceux-ci au fond du cuvier. Plusieurs voisines s'aidaient au travail : elles mettaient au fond du cuvier le linge le plus épais ou le plus sale, draps, épais torchons, avec, au-dessus le plus fin (si l'on peut dire) : bas de coton, mouchoirs de cou ou de poche. A côté, dans la chaudière, ou dans un chaudron posé sur un foyer en plein air, on faisait chauffer la plus grande quantité d'eau possible. Par souci d'économie, on utilisait des fascines d'épines que l'on manipulait avec une fourche de fer. A l'aide d'un puisoir de bois muni d'un long manche on répandait d'abord de l'eau tiède sur le linge. On recueillait l'eau, qui avait traversé tout le cuvier et les cendres, dans le baquet, en tirant le guillon de bois au bas du cuvier. On chauffait à nouveau cette eau dont la température était de plus en plus élevée au fur et à mesuredes allers et retours du cuvier à la chaudière et de celle-ci au cuvier. La coulée durait presque la journée. Mais ce n'était pas fini. On laissait refroidir le linge dans le cuvier jusqu'au lendemain. Le reste du liquide cendré (lissieu, lissu, linchu, lêchu, lcho, lanfiu, lêchwi) était précieusement recueilli, car il servait encore plusieurs fois : pour laver le linge de couleur, nettoyer le sol ou les objets encrassés.
    On entassait le linge sur un barot (petit char à bras solide) ou sur une brouette et toutes les buandières se rendaient, qui à la rivière, qui au lavoir municipal. A Annecy, elles se réunissaient le long du canal du Thiou, où des sortes de caisses appelées cabolyons installés au pied des escaliers descendant à l'eau, leur permettaient de s'agenouiller pour travailler plus aisément. Vers 8 heures, on leur apportait une collation solide et un grand pot de café au lait bourré de pain. Les brosses et les battoirs ainsi que les langues reprenaient à qui mieux-mieux. Enfin le linge bien tordu, éclatant de blancheur, était rapporté à la maison et étendu sur des cordes ou étalé sur des haies.

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    La nourriture

    Tout le monde est unanime : la nourriture était ultra-simple : c'était de la nourriture de pays pauvre, donc frugale, consistante, le plus calorifique possible, à base de produits familiaux, selon les cultures de la région. Elle était essentiellement à base de pommes de terre, accommodées de façons très ingénieuses, mais toujours économiques. Tantôt la poêle (péla, pêlo) entrait en jeu : et c'était la fricassée au saindoux ou à l'huile, des pommes de terre coupées en cubes, lamelles épaisses (ou "pommes de terre plates"), fréquemment parfumées d'oignons ; ou c'étaient les bougnettes, beignets aussi aux pomme de terre ou (si le mélange emplit la poêle), paillassons, criques, le tout à base de pommes de terre râpées crues, salées, mêlées de farine et parfois d'oeuf ou d'oignons ; ou c'était la pélâ des Aravis, à base de pommes de terre fricassées avec du reblochon fondu par-dessus. La caffe (ou poêle) servait aussi pour les matafans (crépets, crépelles), crêpe épaisse mangée en général le vendredi avec de la salade ou des pommes de terre bouillies (ou, les deux, car on mélange volontiers les mets, dans les assiettes), et aussi pour les bugnes (bougnettes, beignets cordés, beugnettes, cressets, carrons, choncheurnes, chinchournes, bognettes, merveilles, craquelins), dessert de fête, fait d'une pâte ferme et sucrée, découpée en lanière, fendue à certains endroits et tortillée de diverses manières (d'où les noms différents qui lui sont donnés). Les bugnes sont faites traditionnellement pour Carnaval mais aussi pour la vogue ou les grandes fêtes. De nombreuses chansons vantent les "bougnettes et les matafans".

    Les ravioules (ravioles, raviules), galettes ou petits boudins de purée de pomme de terre sèche mêlée à des ingrédients variés (oeufs, herbes) sont frites également à la poêle. A la poêle aussi, le pain perdu, dessert à base de tranches de pain trempées ppréalablement dans du lait battu avec un oeuf, puis dorées au beurre et saupoudrées de sucre ou les pommes, les poires coupées en lamelles de la même façon passées au beurre et sucrées.
    Les rissoles étaient des sortes de petits chaussons de pâte brisée ou feuilletée, carrés ou rectangulaires, fourrés de compotes très sèches de toutes sortes de fruits ou d'autres mélanges. On pouvait faire cuire les rissoles de Noël à l'huile, aussi bien qu'au four. Les marmites en fontes étaient extraordinaires pour la cuisson des légumes et de la soupe qui prenaient une saveur spéciale qu'on ne peut retrouver de nos jours, car étaient conjugués la chaleur douce et régulière assurée par les parois épaisses, le goût des légumes cultivés au bon moment, non forcés, ni traités et l'incompréhensible mais réelle action du feu de bois. Dans les marmites cuisaient, en compagnie du lard, les raves, les choux, les pommes de terre en mâtouille des vallées mauriennaises et certains farcements ou farcis, et la polente. Dans les clôches ou cocottes de fonte (à tris pieds et couvercle creux pour les braises quand elles étaient mises dans l'âtre) s'élaboraient les différents farcons (farcis, farciments, farcements) toujours à base de pommes de terre auxquels on ajoutait du lard, des raisins secs, des pruneaux, etc... Le jour ou l'on tuait le cochon, on préparait dans les cocottes un plat particulier avec le cou et les parties non-conservables (parfois le poumon, le coeur) qui s'appelait la fricassée à la sauce coffe ou la fricassée manêtte (coffe et mânette signifiant "sale", en patois) ; les parties utilisées étant sanguinolentes, la sauce était noire ou brune... La salade était toujours servie en entrée et mise dans un saladier en terre vernissée crème décorée de brun ou de vert qui, à force de servir, avait son fond tout noir, attaqué par le vinaigre fait à la maison, avec du cidre ou du vin et une mère conservée dans un tonnelet de grès. L'ail et l'oignon n'étaient pas ménagés dans les plats et les sauces.

    A la montagne, on se contentait de pommes de terres bouillies, mangées avec de la tomme fraîche ou du sérac. Le soir, devant l'âtre, on piquait un morceau de fromage à l'extrémité d'un long bout de bois et on le laissait fondre à la chaleur, puis on le mangeait avec des pommes de terre. On appelait cela, en Chablais, le berthoud. C'était l'ancêtre de la râclette. Mais jamais on ne faisait de fondue. Pourtant en Savoie du nord, on savait ce que c'était : car nos "amis genevois", pour reprendre un terme fréquemment utilisé, achetaient parfois du gruyère dans les fruitières, en rentrant de leurs fructueuses expéditions en montagne et, entrant dans un café, avaient expliqué au patron comment le préparer (le vin blanc ne demandait qu'à être écoulé, en Chablais). Donc, avant guerre nous connaissions la fondue, mais jamais nous n'en aurions fait nous-mêmes. C'était trop onéreux : il aurait fallu déduire le fromage de la somme versée par la fruitière pour le lait et d'ailleurs nous n'avions pas de vin blanc, n'ayant plus de vigne. Il fallut attendre l'après guerre et un plus d'aisance, pour voir apparaître des fondues savoyardes au menu des moindres bistroquets, surtout dans les stations touristiques où le Français, sûr de ses connaissances, l'imposa comme plat typique, à manger absolument le soir, après une journée de ski.
    La fondue n'est pas un plat savoyard : ce n'est pas parce qu'elle est faite avec des produits savoyards qu'elle est savoyarde...

    Récit d'une petite fille au début siècle dernier. On mangeait d’abord nos produits : les lapins, les vieilles poules, « le biquet au printemps, ce jour là j’étais absente ». Ça, sûr, on tuait le cochon.
    Un beau jour d'automne, pas loin de Noël, notre brave pwé (caion) bien engraissé, et qui a été enfermé toute l'année dans son boïton (bwédet), est sorti en grande pompe, se demandant pourquoi tant d'eau chauffe à gros bouillons dans la chaudière. Ses cris horribles ensuite déchirent le silence de l'hiver. Puis des bruits divers de ferraille, de bois traîné, de cizelins qui s'entrechoquent ; une troupe de gens auprès du lieu de sacrifice : on lave, on râcle, on vide, on découpe, on hache, on extraie, on trie, on brasse.. En quelques heures " l'habillé de soie " n'est plus qu'un immense étalage de chairs variées offrant tous les camaïeux de roses. Dans un coin on remue énergiquement du sang dans une bassine. Ailleurs on hache des herbes diverses, des légumes, de l'ail, de l'oignon (toujours l'oignon) et des bas morceaux pour élaborer des mélanges aux compositions particulières à chaque village. Dans un autre endroit, on tourne et retourne indéfiniment sous l'eau courante des mètres de boyaux pour les boudins et les saucisses. On taille ce qui deviendra les jambons et les morceaux de lard, on découpe des rôtis, tandis que, de la cuisine, commencent à monter les effluves puissants de la fricassée à la sauce coffe (ou mânette).
    Oui, oui, la semaine de la tuerie, la nourriture était suffisante, chacun s’en mettait plein le ventre jusqu’à en être gavé. On tirait des grillades alors que le cochon n’était pas refroidi.
    Les andouilles et le jambon étaient mis à fumer dans la cheminée accrochés à une trique. « Voulez-vous du boudin » à chacun son tour quand on tuait le cochon, avec les amis, les voisins proches et la famille : on s’offrait du boudin, des saucisses, des grillades, du paté.
    L’autre moitié du cochon allait au charnier (potiche en grès). Un fond de sel, une couche de viande, une couche de sel, une couche de viande et ainsi de suite en finissant par une couche de sel, ainsi la viande était certaine de bien se conserver, plus tard nous mangions des soupes au lard comme le pot au feu, je me souviens de la soupe aux oreilles de cochon.
    La grande journée, c’est les rilles (rillettes) : couper des petits dés de viande, ajouter un peu de sel et mijotant toute une journée dans le chaudron, bien remuées avec un bâton réservé à cet effet était mises dans des pots en grès, en s’assurant qu’il y avait bien une bonne couche de graisse pour assurer la conservation, le saindoux était précieusement conservé, il servait de base pour frire les viandes : ragoûts, grillades etc...
    Le lendemain, on portera aux voisins, à monsieur le curé ou au régent quelque petit souvenir pour son dîner. Et on se régalera encore des greubons (creton, gratton, grelo, grésillon, reguéneye), résidus de la fonte de la graisse, dorés à la poêle, avec une salade, tandis que la toupine de saindoux rejoindra celle de beurre cuit dans la réserve.
    Elles vont durer une partie de l'année, d'autant plus que pour le pain on est pas regardant. Je me suis souvent entendu dire: mange ton pain épargne la viande
    Pour cuire les aliments, nous avions une cuisinière à bois avec un bain marie qui nous fournissait de l'eau chaude.
    La cuisson de la soupe se faisait souvent dans la marmite suspendue à la crémaillère, les flammes léchaient les flancs ventrus de la marmite et quelquefois, la soupe avait goût de fumée. La soupière était garnie de taille de pain et il fallait faire attention pour tremper la soupe de ne pas s’échauder. Pour prendre la marmite sur le feu, on se servait d’une poignée spéciale en fer pour tenir l'anse, de chiffons pour en prendre un pied. La prudence voulait que les personnes présentes s’éloignent...
    Le commerce
    En ville les commerces étaient spécialisés : il y avait des généralistes(épiciers), les bouchers, les boulangers, les merciers, les quincailliers, les droguistes, les couteliers, les cafetiers... Dans les campagnes, il y avait un épicier chez qui l'on trouvait presque tout. Autrefois, le colporteur venait une ou deux fois l'an : toujours bien accueilli, il dépliait sa "balle" dans laquelle les femmes trouvaient des trésors de mercerie, pour se remettre à neuf.
    A la fin des années 40, la camionnette du commerçant tournait dans les villages, une ou deux fois par semaine, à jours fixes. Pour ceux qui n'avaient pas de moyen de locomotion, ce fut une aubaine. Elle passait de ferme en ferme, annonçant son arrivée en klaxonnant. Le marché à la ville était le point de ralliement des paysans des environs : on s'y donnait les dernières nouvelles du hameau, et les hommes finissaient au café du coin.

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    Les fromages

    Pline dans son Histoire Naturelle parle "des vaches des Alpes qui malgré leur toute petite taille donnent beaucoup de lait..." puis il déclare "les pâturages des Alpes se recommandent par deux espèces (de fromage) les Alpes dalmates envoient le docléate, les Ceutroniennes (l'actuelle Tarentaise), le vatusique" et selon certains historiens (dont Julius Capitolinus) l'empereur Antonin le Pieux mourut pour avoir mangé avec trop d'avidité un fromage des Alpes ce ne pouvait être que des pâtes pressées susceptibles d'être transportées sur de longues distances et d'être conservées en hiver, pour la plus grande joie des riches Romains comme l'atteste le médecin Galien Au Moyen-Age, on parle beaucoup de fromages portés sur un bâton. Les gros "lombes gras" (appelés aussi nombles) étaient percés au centre d'un bâton pour les faire tenir et se mangeaient semble-t-il un peu comme le fromage de la raclette. Les documents se précisent à partir du XV° siècle. En fait seuls les montagnards ont la possibilité de faire du fromage car seuls ils ont assez de pâturages pour nourrir sans difficulté un abondant bétail capable de leur donner une forte production que l'on peut commercialiser avec profit dans les grandes villes voisines, Genève, Lyon, Turin et même Paris et Versailles. Dès 1477 Pantaleone da Confienza parle de ces éleveurs qui "entrent dans des sociétés où chacun donne son lait à tous et une fois les formages faits, ils les répartissent en proportion du nombre de bête" cependant le même Pantaleone parle des vacherins de Tarentaise "bons à fondre" mais "pouvant à peine vieillir". Au XVIII° siècle, on voit ainsi se développer tout un groupe d'éleveurs capables de s'enrichir à partir de la production et de la vente des gruyères. Sous la Révolution, la conquête de la Confédération Helvétique par les armées françaises enlève aux fromagers suisses le monopole du secret de la fabrication du gruyère, beaucoup de fromagers s'exilent alors que ceux au service des Savoyards ne peuvent ni ne veulent revenir chez eux, tous éléments qui permettent aux Savoyards d'apprendre eux aussi des techniques qui leur avaient échappé jusqu'alors d'où l'essor des fruitières en coopératives d'éleveurs dès l'Empire et surtout dès la Restauration et le XIX° siècle devient le grand siècle des alpages et des fromages d'autant que le déclin démographique très sensible après 1860 favorise le recul des cultures et le progrès de l'élevage et des herbages. Les expositions locale, régionales et même universelles permettent de faire découvrir les fromages de Savoie bien au delà des frontières de la province. Néanmoins dès la première guerre, le déclin des campagnes, les concurrences et l'inorganisation rurale favorisent à la fois l'anarchie de la production, les ruines commerciales et finalement le sentiment d'une disparition inévitable des fromages traditionnels.

    Les spécialités savoyardes

    La variété des fromages de Savoie permet de distinguer

    les pâtes persillées : bleu de Termignon, persillés de Haute Tarentaise, de Tignes et des Aravis, le tout rappelant les fromages voisins du bleu de Gex ou du bleu de Sassenage

    les pâtes pressées cuites ou mi-cuites : le fromage d'Abondance (AOC), le Beaufort (AOC), l'emmenthal, les gruyères (rappelant le Comté du Jura et les gruyères de Suisse)

    Les pâtes pressées non cuites : la tomme (dont la tome des Bauges), le vacherin d'Abondance ou des Bauges, le reblochon (AOC), le grataron d'Arêches, le chevrotin des Aravis et des Bauges, le Tamié, les "chèvres"., le Tarentais

    Le fromage de petit lait : le Sérac.

    A-Les pâtes pressées cuites

    La technique de fabrication a été très longue à se mettre au point et n'apparaît vraiment qu'au XVI° siècle en Suisse et au XVII° siècle en Savoie, en Dauphiné et dans le Jura (mais ici on ne parle pas de "vachelins" comme en Suisse ou en Franche-Comté). Au XVIII° siècle on les trouve en vente à Versailles mais aussi en grande consommation dans l'armée (certainement à des qualités différentes)

    On chauffe le lait dans une grande cuve de cuivre (l'inoxydable provoque de mystérieux défauts de goût) puis on emprésure(avec de la caillette de veau ou de la recuite) . Chaud et coagulé le lait est travaillé par un "tranche-caillé" ou découpoir et brassé. Réduit en grains, le caillé est de nouveau chauffé (jusqu'à 55-58°), reparti dans des moules de bois recouverts de toiles. On égoutte ensuite la masse ainsi entoilée, puis on la couvre avec une planche bien pressée et pendant 24 heures on la serre et on la retourne régulièrement. Par la suite on la démoule, on la dévoile et on l'affine à des températures variables (le Beaufort vers 10°, le Comté vers 14° et l'Emmental vers 20°). Plus la température est élevée et la fermentation poussée, plus les trous sont importants. La croûte obtenue à l'affinage est toujours épaisse et "emmorgée" (sauf pour l'Emmental) c'est à dire lavée à l'eau salée contenant une flore bactérienne spéciale, elle est essentielle pour permettre des transports sur de longue distance.

    Ce sont actuellement les fromages les plus consommés donc les plus produits d'autant que la réglementation est très sévère en garantie de la qualité recherchée. Le combat de cette dernière a commencé au lendemain de la seconde guerre mondiale, oeuvre de quelques producteurs éclairés comme Maxime Viallet de Beaufort, elle avait commencé surtout dans le Jura et en Suisse mais le combat en Savoie pour être tardif n'en a pas moins donné de spectaculaires résultats.

    L' Abondance (AOC)

    Pâte pressée mi-cuite au lait cru entier de vache (races tarine, d'Abondance ou montbéliarde) produit exclusivement en Haute-Savoie à partir du Val d'Abondance. Même si on fabrique ici des fromages depuis le Moyen-Age, on ne le signale à la coopérative de la Chapelle d'Abondance que vers 1975 actuellement la production est assurée à partir d'une cinquantaine de producteurs, les "Abondances fermiers" sont produits par des fabricants travaillant uniquement sur le lait de leur propre troupeau. Depuis 1990, le fromage jouit de l'appellation AOC.

    La pâte (qui contient au minimum 48% de matière grasse) est blanche ou jaune pâle, avec parfois de petites ouvertures régulières, la croûte est jaune dorée ou brune.

    Le lait est travaillé dans les 24 heures après la traite (36 heures en hiver) . L'ensemensage (?) est fait à 30° et l'emprésurage à 32-33° C. On caille, on découpe, on brasse et au chauffe à 48°, on brasse hors du feu, on soutire le caillé à la toile de lin et on le place dans des moules en hêtre pour obtenir des meules cylindriques à talon concave de 38 à 43 cm de diamètre, de 7 à 8 cm de hauteur et d'un poids variant de 7 à 12 kg. Pressage, démoulage, mise en saumure prennent environ 36 heures et l'affinage en cave froide (10° environ) et humide (85% d'hygrométrie) dure de 3 à 6 mois (même 8 parfois) . L'Abondance se consomme essentiellement en été et en automne

    le Beaufort (AOC)

    Gruyère prestigieux né dans le Beaufortain dès la fin du XVII° siècle, très estimé dès e milieu du XVIII° siècle (d'où l'expression "le roi des fromages, le fromage des rois") Vers 1860, ce sont deux fromagers de Trécol en Beaufortain qui inventent les cercles de bois donnant le talon concave. La première moitié du XX° siècle est une triste période de déclin quantitatif et qualitatif et il faut attendre 1968 et l'attribution de l'AOC (soit quinze ans après le Comté) pour établir une renaissance aussi bien au niveau des exigences de nourriture (qualité des alpages dans une zone très stricte d'appellation officielle allant du Val d'Arly à la Maurienne en passant par le Beaufortain et la Maurienne) la gestion des fruitières et une meilleure distribution.

    Les vieux produits "brisego", "brisegout", "bresco" ont été progressivement liquidés .....

    Pâte pressée cuite fabriquée à partir du lait entier et cru (il s'agit d'éviter le refroidissement du lait qui perd ainsi sa qualité, ce qui explique un collectage du lait deux fois par jour pour être aussitôt traités / 20h au plus après la traite en été, 36 heures en hiver). On utilise le lait riche en protéines des races tarine ou d'Abondance, nourries en alpages ou dans les herbages de la zone d'appellation, le tout sans apport extérieur (d'aliments fermentés ou de farines)

    Le premier chauffage se fait à 33° C et le second jusqu'à 53°. Une fois démoulés et salés en saumure, les fromages sont mis en cave à 12°C au plus (et à 92° d'hygrométrie) retournés, salés et frottés régulièrement durant 5 à 12 mois. Les meules aux bords concaves sont marquées en lettres bleues, de 35 à 75 cm de diamètre, de 20 à 70 Kg au talon concave

    On distingue le Beaufort d'été fabriqué presque immédiatement après la traite (mais vendu pendant l'hiver ou au printemps suivant) le meilleur, le plus rare et le plus cher (le Beaufort dit "d'alpage" est produit à partir d'un seul troupeau, le reste venant d'une collecte plus large) et le Beaufort d'hiver moins riche, élaboré avec du lait de bêtes nourries à l'étable avec du foin importé ou engrangé depuis l'été (mais vendu lui-même plutôt en été et en automne)

    On est passé d'une production de 500 tonnes en 1960 à près de 3000 en 1992 et à près de 4.500 dix ans plus tard (d'où une production plus réduite en quantité que celle du Comté avec ses 40.000 tonnes annuelles mais une qualité et un renom bien supérieurs) . Pour cela on dispose pour 90% de la production de 8 coopératives permanentes, de sept groupements pastoraux, de 22 producteurs particuliers et une coopérative d'affinage et seuls deux industriels se partagent les 10% restants soit en tout 800 exploitations, 40 ateliers de transformation et environ 800 actifs.

    L'emmental

    Fromage de gruyère apparu en Savoie et dans le Jura dès 1900 et surtout après 1918 pour résister à la concurrence des gruyères suisses et surmonter la baisse générale des prix. Ce fromage affiné assez rapidement (12 à 16 semaines) et de grande taille (meules de 70 à 80 kg, de 75 cm de diamètre et de 16 à 25 cm d'épaisseur et de rebords convexes comme le Comté) est assez facilement commercialisable d'autant que sa pâte légère est appréciée par le public contemporain à la recherche de produits moins marqués, moins gras et moins forts.

    Lait cru entier de vaches fabriqué dans le Jura et les deux Savoies, (plus de 3500 tonnes produites ici pâte pressée cuite avec des "yeux"

    Fromage de "pâte ivoire ferme mais souple" avec une croûte dorée sèche et lisse (non morgée c'est à dire non lavée à l'eau salée)

    On distingue deux marques officielles : "Grand Cru" (essentiellement produite dans le département de l'Ain) et "Savoie" (pour les 6000 tonnes produites dans les deux départements savoyards, le label se reconnaît par un marquage rouge au talon) encore faut-il distinguer la catégorie A (sans défaut) et la catégorie B (léger défaut toléré)

    Le Thollon

    fromage maigre (30% de matière grasse) réservé autrefois à la consommation domestique pâte pressée à demi cuite au lait cru et particulièrement écrémé, proche de l'Abondance mais plus sec et plus ferme.

    Meule cylindrique à talon droit, de 50 cm environ de diamètre, de 10 cm environ de hauteur et de 5 à 12 kg. La pâte est jaune et ferme avec de petites ouvertures et la croûte varie de l'orange au brun.

    Il est affiné de 3 à 6 et même 8 mois.

    Vestige, un seul producteur (Maison Vesin) à Thollon-les-Mémises en Chablais (4 tonnes par an au maximum).

    B-Fromages à pâte pressés non cuite

    Certains sont près des pâtes molles à croûte lavée comme le Vacherin, d'autres plus prêts des pâtes pressées cuites. Ils varient selon la durée de l'affinage et la taille (les petits viennent des vallées et des régions déjà urbanisées, les gros des montagnes restées rurales) certes le lait est chauffé mais jamais réchauffé une seconde fois, cependant comme pour les pâtes cuites le caillé est égoutté et pressé (soit à la main soit en pile ou avec des poids) et bien sûr il y a aussi un temps assez important d'affinage.

    Le Tamié

    Fromage typiquement monastique, adopté par les seuls cisterciens de Tamié qui s'inspirent dès 1860 du reblochon mais aussi du "Port-du-salut", mais la marque n'est déposée qu'en 1937-39 reconnaissable par la croix de Malte blanche sur fond bleu .. lait de vache cru et entier ramassé dans la seule région voisine du col de Tamié pâte pressée non cuite à croûte lavée.

    En 24 heures, caillage, découpage, brassage, moulage, pressage.

    Affinage en cave sur des planches d'épicéa lavage et saumure, retournement, légère humidification, petit modèle (2 à 4 mois d'affinage, 0, 6 kg 13, 5 cm de diamètre et 3, 5 cm de hauteur), grand modèle (5 à 6 mois d'affinage, 1, 5 kg, 18 cm de diamètre et 5 cm de hauteur))

    Père du Beaumont et d'autres Pommiers de Saint-Julien.

    Le reblochon (AOC)

    Fromage du massif des Bornes remontant au XII' siècle (les paysans désireux d'échapper à l'obligation féodale de donner le lait de la première traite aux seigneurs laïques ou religieux), "reblochaient" c'est à dire refaisaient une nouvelle traite.) à partir du lait cru et entier des races d'Abondance, de Montbéliard ou tarines.

    Fromage ni trop gras, ni trop humide, plus "souple" que crémeux. Forme ronde de 400 ou de 250 grammes environ, soit d'origine fermière (plaque de lésine verte) ou fruitière ou laitière (plaque rouge).

    Il est lavé et séché pendant 8 jours et affiné sur des planches d'épicéa pendant cinq ou huit semaines à 12°C.

    La province de Savoie en produit environ 2500 tonnes dont les 2/3 en Haute-Savoie.

    Il se consomme surtout en été et en automne.

    La tomme

    Fromage traditionnel, et essentiel de Savoie, autrefois conçu seulement pour la consommation domestique, préparé en hiver à la ferme (à la différence des gruyères d'alpages et d'été) et des vacherins (gras) . Qu'elle soit sèche (dite alors boudanne ou baudanne) ou fraîche (moins affinée), plus ou moins grasse ou maigre.(de 10 à 45% de matières grasses), c'est un fromage circulaire de 1 à 2 kg avec une croûte grise contenant parfois des moisissures rouges ou jaunes. Des cirons peuvent modifier l'aspect et le goût. On dit qu'il n'y a pas deux tommes identiques.

    L'affinage dure de un à trois mois avec l'opération typique du "rabattage du poil", on écrase la fleur (mucor) avec la paume de la main à chaque retournement, procédé essentiel pour former une vraie croûte.

    La Savoie produit près de 3000 tonnes de tommes, la tomme se consomme surtout en été.

    La tome des Bauges

    Forme la plus originale de la tomme, pâte pressée non cuite avec du lait cru ou écrémé, croûte grise parfois à floraison jaune ou rouge), empresage, caillage à 35°C, décaillage, brassage, moulage, pressage, salage, retourne et saumure, affinage pendant 40 jours à 10° C, frottage fabrication fermière, d'alpage (à 1200 mètres durant trois mois d'été) ou laitière.

    La tomme est faite à partir du surplus de la traite du jour,

    Elle varie selon les herbage, la présure et la forme (lait de chèvre, de vache ou le mélange des deux) donc plus ou moins grasse ou maigre, plus ou moins vieille ou jeune, plus ou moins sèche ("une vallée, une tomme", spécialité très localisée)

    On la consomme surtout de mai à septembre mais on peut la consommer en hiver aromatisée avec du marc ou parfumée au cumin.

    Le vacherin d'Abondance

    les documents médiévaux parlent des vacherins de l'abbaye d'Abondance excellents mais fragiles et difficiles à transporter.

    Production fermière et hivernale

    Pâte semi pressée non cuite, à croûte

    Coffrage d'épicéa.

    C-Les chèvres

    Autrefois, c'était une production typique des paysans pauvres incapables d'élever des bovins et se contentant de chèvres qu'on laissait pâturer dans les bois (communaux) et le long des chemins, alors qu'actuellement c'est un produit souvent très recherché fabriqué par de jeunes éleveurs aussi bien dans les montagnes que dans l'avant-pays.

    Resté très localisé, le fromage de chèvre est souvent d'une diffusion limitée et discrète. Autrefois on mêlait sans grand souci le lait de chèvre à celui des brebis ou des vaches, mais actuellement on est beaucoup plus strict sur les origines.

    Les plus célèbres sont le persillé de Tignes et celui de Sainte-Foy en Tarentaise, mais il faut citer le grattaron du Beaufortain. Le Grand Colombier des Aillons en Bauges, les gruyères de chèvre des Albiez et du Mont-Cenis, les Cathelins de Basse-Maurienne, les Besaces du Mont Tournier en PetitBugey, le Tarentaise et combien d'autres plus ou moins anonymes ou connus selon les villages.

    Le chevrotin des Aravis

    On le connaît depuis le début du XIX° siècle.

    Disque plat de 6 cm de haut et de 9 cm de large pesant 300 g environ. Coûte orange ou rosée avec quelques moisissures, la pâte est blanche et douce mais la croûte dure.

    Procédé proche de celui du reblochon pour un fromage fermier au lait cru et entier de chèvre.

    La tomme fermière de chèvre

    Fromage gras (45 à 50% de matière grasse) avec une croûte grise et fleurie (parfois des points jaunes ou orangés) sur une pâte blanche, sèche mais onctueuse.

    D-Les persillés

    Ces fromages sont toujours le fait de petits éleveurs ne disposant que de quelques vaches et plus certainement encore de chèvres, d'où la tentation de mêler les deux laits (car on n'a pas assez de lait pour fabriquer des pâtes pressées) tout comme il importe aussi souvent de mêler les traites.

    On chauffe le lait, puis on égoutte le caillé ainsi obtenu et on le stocke pour l' acidifier (d'où la nécessité d'un milieu acide et l'intérêt en Maurienne du lactosérum fermenté), on mélange les pâtes et pour mieux favoriser les moisissures on ajoute du penicillium ou plus généralement l'on aère la pâte (ce qui permet d'introduire l'oxygène nécessaire au bleuissage)

    Les persillés de Savoie apparaissent sans doute au milieu du XVIII° siècle, mais ils ne connaissent la célébrité qu'au début du XIX° siècle, celle-ci reposant actuellement plutôt sur leur rareté du fait du déclin général des productions fermières et familiales.

    le bleu de Termignon

    Cylindre d'une trentaine de cm de diamètre et d'une vingtaine en hauteur, pesant une dizaine de kg, la pâte est blanche ou beige, irrégulièrement bleui, la croûte est sèche, jaune et parfois rougeâtre Pendant très longtemps ce fromage fabriqué près de la frontière a été plus connu en Piémont (sous la dénomination de "morianinghi" ou mauriennais) qu'en France où il ne s'impose qu'au début du XX° siècle.

    Ce fromage est caractérisé comme étant bleui sans adjonction d'exogène ....

    C'est un mélange de caillé (du jour et de la veille) chauffé, brassé, salé, moulé dans une toile de lin et dans des cercles de pin cembro. Pendant 15 jours, on le retourne et on lui change sa toile dans une cave à 15°. On affine pendant 3 à 4 mois à 11°, de sorte que l'on ne vent qu'en novembre. On le pique pour favoriser l'apparition du bleu dans les cheminées.

    Le persillé de Haute-Tarentaise ou de Sainte-Foy.

    Fromage d'été fabriqué en alpage à partir de lait de chèvre, mêlé de lait de vache. Le caillé de plusieurs traites est acidifié puis mélé et moulé donnant ainsi un petit cylindre d'une dizaine de centimètres de diamètre et d'une vingtaine au plus en hauteur, le tout ne dépassant pas 1, 5 kg donc d'un format nettement inférieur à celui de la Maurienne.

    Actuellement l'apport caprin est de plus en plus limité et la fabrication essentiellement familiale et estivale de plus en plus réduite. L'affinage est plus long qu'en Maurienne (4 à 6 mois ici)

    Le persillé des Aravis.

    fromage fermier à pâte persillée au lait cru et entier de chèvre.

    Pâte blanche, croûte grise avec des moisissures blanches et parfois orangées, elle n'est pas piquée donc sans veinures bleues, le tout en cylindre d'une douzaine de cm de hauteur et d'une dizaine de cm de diamètre, le tout pesant au mieux une livre. On le mange généralement à Noël. .

    E-Le sérac

    Fabriqué à partir du petit lait (de vache, de brebis, de chèvre) chauffé jusqu' au frémissement, le précipité est ensuite mis en faisselle, vendu en moule ou en motte, le tout devant être consommé rapidement.

    Ce fromage maigre était réservé autrefois à la consommation familiale surtout dans les milieux pauvres. Actuellement sa consommation est de moins en moins répandue et recherchée (les fromageries réservant le petit lait à des élevages annexes et plus fructueux de porcs) .


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    Les vins

    Dans l’antiquité…

    une réputation de qualité

    En Savoie, l’origine de la vigne semble remonter à la plus haute antiquité. Dans son « histoire de l’Agriculture » (1872), Pierre Tochon rapporte que des auteurs latins, tels Pline et Columelle avaient déjà fait mention au 1er siècle après J.C des vignes de l’Allobrogie , en des termes élogieux.

    « La culture de la vigne dans l’Allobrogie était arrivée à un haut degré de perfection, puisque déjà, on imitait les grecs qui, les premiers, apprirent à parfumer, à aromatiser les vins en introduisant dans leur fabrication des substances étrangères ».

     

     

    … Au moyen âge…

    influence de l’église

    C’est ensuite au moyen age que l’on voit apparaître dans les chartes, le nom des vignobles les plus connus. La plupart des documents auxquels on se réfère sont des actes provenant des archives de monastères ou de prieurés car partout les propriétés de l’église, déjà importantes, allaient en s’amplifiant du fait de nombreuse donations. Cependant, les moines ne se contentaient pas d’amasser les biens, mais pratiquaient de nombreuse expériences tant en matière de conduite de la vigne que dans le domaine de la vinification, de telle sorte que la qualité des vins savoyards allait en s’améliorant.

     

     

    … du moyen âge à la révolution…

    démocratisation de la viticulture

    L’ abolition progressive du servage, et l’émergence de la bourgeoisie précipitèrent le déclin des propriétés seigneuriales. Elles entraînèrent une redistribution des terres et un important morcellement du vignoble. Du 16e au 18e siècles, le vignoble s’étendit vers des versants pentus jusqu’à des altitudes proches de 1000 m, mais il glissa aussi vers des sols plus fertiles de la plaine. Ces extensions, conjuguées avec la plantation de cépages médiocres altérèrent la qualité du vin. Pour tenter de remédier à cette situation, on tenta, dès 1556, de limiter l’emprise de la vigne à un tiers de la surface de l’exploitation agricole et le duc Emmanuel Philibert institua, par un édit de 1559, le ban des vendanges dans le but de favoriser la récolte des raisins mûrs.

    Mais, ces mesures réglementaires eurent peu d’effet car la vigne, plus rémunératrice que les cultures traditionnelles, représentait une part de plus en plus importante du revenu du paysan. Une situation de surproduction chronique s’installa en Savoie. Elle persista jusqu’à la seconde moitié du 18e siècle, incitant le marquis Costa de Beauregard à faire quelques mises au point : « la Savoie a beaucoup de vignes. C’est peut-être une des causes de sa misère. Quand le abonde, on s’y accoutume et on boit beaucoup. Quand il manque, on ne peut plus s’en passer : le prix devient alors excessif et donne à cette denrée une valeur qui lui fait supporter le transport des vins étrangers. Non seulement on a perdu une récolte précieuse, mais encore on s’épuise pour la remplacer » ou encore : « le labourage et la vigne doivent faire deux métiers séparés… ils se nuisent réciproquement ».

     

    de la révolution à la fin du 19e siècle…

    « l’effet phylloxéra »

    De manière générale, la révolution de 1789 eut des répercutions favorables sur le développement de la vigne en Savoie : l’accession des fermiers à la propriété par le rachat de vignobles devenus biens nationaux réduisit le métayage agricole et généralisa le faire-valoir direct. Cette évolution se traduisit par un soin accru apporté au vignoble. Au début du 19e siècle, la qualité des vins savoyards apparaît très hétérogène. Cela tient à la fois aux expositions très diverses, à la grande variabilité altitudinale, mais aussi à la variété des cépages utilisés ainsi qu’aux modes de conduite choisis, les ceps hautains sont encore très répandus.

    L’annexion de la Savoie à la France eut finalement des conséquences moins catastrophiques que celles auxquelles on aurait pu s’attendre. L’entrée en concurrence des vins savoyards avec les vins du midi français s’effectua peu avant la crise du phylloxéra, crise qui remit en question toutes les données préexistantes. Le phylloxéra fit son apparition en Savoie en 1877. Dès 1883, des syndicats de défense au sulfure de carbone furent crées dans une dizaine de communes. Mais en 1885, 55 des 65 communes viticoles étaient phylloxérées. Parallèlement, le mildiou était apparu en 1878 et l’oïdium en 1880.

    Tous ces malheurs n’entraînèrent cependant pas une réduction de la surface du vignoble. En effet, le remède du greffage sur porte-greffe américain ayant été découvert à la fin des années 1880, un vaste mouvement de replantation, encouragé par les prix élevés consécutifs à la réduction du vignoble méditerranéen, permit de compenser les destructions dues au phylloxéra.

    La reconstitution du vignoble s’accompagna de profondes transformations :

    - au niveau de l’allure du vignoble tout d’abord : on enregistra une quasi disparition des hautains au profit des treilles simples en bordure de champs, de vignes hautes avec ou sans culture intercalaire ou de vignes basses.

    - au niveau de la structure foncière ensuite, puisque la crise contribua à l’élimination presque totale de l’aristocratie viticole. Les grands propriétaires, privés pendant près de dix ans du revenu de leurs vignes, rebutés par les frais énormes de reconstitution, préfèrent vendre pour chercher ailleurs des placements moins précaires.

    - au niveau des soins donnés à la vigne enfin, puisque Mr. Fleury-Lacoste, alors président de la société centrale d’agriculture, fit paraître en 1865 un guide pratique du vigneron dans lequel il exposait les nouveaux procédés de taille de la vigne.

    Au 20e siècle, s’achève donc un véritable renouveau du vignoble savoyard, dû en grande partie aux recherches visant à sa meilleure mise en valeur et au développement considérable de la culture de la vigne, surtout en zone basse.

     

     

    dans la 1ère moitié du 20e siècle

    Concentration des surfaces, recherche de la qualité

    Une crise viticole, due essentiellement au gain de production des vignobles du midi entièrement replantés va se poursuivre jusqu’en 1905. La première guerre mondiale aura d’importantes répercutions sur la viticulture : le manque de main d’œuvre ou son prix élevé contribuant à l’abandon de certains coteaux à la friche ou à l’arrachage et à la transformation en prairie.

    Cependant, la replantation se poursuit dans les situations plus faciles du fait de l’abondance des récoltes et de l’importante augmentation des prix. La mévente de la récolte de 1922, l’arrivée de la crise de 1930, la dénatalité et l’urbanisme naissant, engendrent un nouveau recul et les parcelles en pente sont de nouveau abandonnées.

    La seconde guerre mondiale accentuera encore le mouvement de concentration, mais de façon moins nette qu’on aurait pu le craindre.

    La vigne a donc largement participé à l’élaboration du paysage savoyard. Elle garde aujourd’hui la place privilégiée qu’elle a toujours occupée, mais ses traits actuels ne sont que le reflet de ce qu’elle était autrefois.

    Le vignoble couvre actuellement une aire géographique très limitée qui a subi une double réduction :

    - réduction altitudinale : la vigne atteignait la limite de ses possibilités dans beaucoup d’endroits.

    - réduction spatiale : elle s’est concentrée dans les secteurs les plus favorables à sa culture, gage d’une qualité plus constante.

    Si elle demeure l’une des cultures les plus prisées de Savoie, la vigne n’est cependant pas à l’abri de risques dus principalement aux aléas climatiques. Certaines campagnes récentes en témoignent avec acuité.

     


    Un cépage est une variété de plant de vigne, ou raisin. Tel cépage déterminé constitue l'une des composantes d'un terroir viticole.

    Le terroir est l'ensemble des facteurs naturels -climatiques, pédologiques, géologiques- et humains -usages, savoir-faire- qui constituent l'environnement de fait d'un vignoble et président à l'élaboration du vin.

    Le terme cru désigne le lieu où "croît" la vigne. Par extension, il désigne aussi une catégorie de vin dans un lieu donné.

    La notion d'adéquation entre un terroir et un cépage n'est pas nouvelle puisque Pline l'Ancien en parle dans le tome XIV de son Histoire naturelle : "Certains plants ont en effet un amour, peut-on dire, pour le terroir qu'ils y laissent toute leur gloire et perdent toujours en les déplaçant leurs qualités. C'est le sort de la Rhétique et de l'Allobroge (...), dont le raisin noir mûrit à la gelée".

    La Savoie possède 22 crus (23 cépages) selon les sources du Comité Interprofessionnel des Vins de Savoie :

    - L'A.O.C. Crépy qui date de 1948.
    - L'A.O.C. Seyssel qui date de 1942.

    - 15 A.O.C. Vin de Savoie dont les appellations datent de 1973 et 1983 :
    Abymes, Apremont, Arbin, Ayze, Chautagne, Chignin, Chignin-Bergeron, Cruet, Jongieux, Marignan, Marin, Montmélian, Ripaille, Saint-Jean-de-la-Porte et Saint-Jeoire-Prieuré.

    - L'A.O.C. Roussette de Savoie cru Frangy.
    - L'A.O.C. Roussette de Savoie cru Marestel.
    - L'A.O.C. Roussette de Savoie cru Monterminod.
    - L'A.O.C. Roussette de Savoie cru Monthoux.

    - Pétillant et mousseux de Savoie cru Ayze.

    Alors que les rouges et les blancs voisinent en Savoie, les crus haut-savoyards sont uniquement des vins blancs, des vins pittoresques produits à flanc de montagnes exposées au soleil, du lac Léman à la vallée de l'Isère à une altitude de 200 à 450 mètres.

    Seuls le Vin de Savoie et Roussette de Savoie sont des appellations contrôlées employées seules ou suivies d'un nom de cru.

    Les cépages sont acclimatés aux climats rigoureux:

    • blancs: l'Altesse ou Roussette, l'Aligoté, le Chasselas, la Jacquère, le Chardonnay, la Molette, le Gringet
    • noirs: la Mondeuse, le Gamay, le Persan, le Joubertin et le Pinot noir

    Appellations
    Informations générales
    Production & caractéristiques
    Quelques provenances d'exportation
    Vin de Savoie AOC
    Apremont
    Chignin
    Ayze
       
    Roussette de Savoie AOC
    connue sous diverses appellations de crus en fonction des divers lieux de production (Roussettes de Frangy en Haute-Savoie, de Marestel, de Monterminod ou de Monthoux en Savoie)
       
    Le vignoble de Seyssel (AOC: Apellation d'Origine Contrôlée)   est le terrain de l'Altesse, plant ramené de Chypre qui donne une Rousette aux arômes de violette et de bergamote.
    Le Crépy
    vin d'appellation d'origine délimitée sur les territoires des communes de Douvaine, Loisin et Ballaison
    sec et à la saveur prononcée de pierre à fusil  
    Le Marignan, le Marin, le Ripaille
    mûrissent sur les bords du lac Léman
    secs et perlants  
    Mousseux et Pétillant de Savoie
    Cru Ayse AOC depuis 1973
    produit au coeur de la vallée de l'Arve entre Genève et le Mont-Blanc vin blanc au pétillant solide mais sans agressivité issu du plant de Gringet au nez d'amandes et de fleurs de jasmin et de thym-citron
    délicat, fruité, à faible teneur en sucre
    Le Royal Seyssel
      méthode champenoise élaboré à partir de Molette (plan local uniquement) et d'Altesse.

    Par Edit Royal du 11 septembre 1845, Charles-Albert Roi de Piémont-Sardaigne, prit la décision d'adopter dans ses Etats et notamment en Savoie le système métrique décimal. Une Commision des Poids et mesures fut constituée à Turin, qui établit en 1849 des
    "Tables des rapport des anciens poids et mesures des états du Royaume avec les poids et mesures du système métrique décimal"

    LES BOUTEILLES ACTUELLES
    Mesure
    Contenance
    Type
    Demi
    37,5 cl
    Demi bouteille standard
    Fillette
    37,5 cl
    Petite bouteille typique du Val de Loire
    Bouteille
    75 cl
    Bouteille standard
    Magnum
    1,5 l
    Bouteille contenant 2 bouteilles de 75 cl
    Jéroboam
    3 l
    Bouteille contenant 4 bouteilles de 75 cl
    Réhoboam
    4,5 l
    Bouteille contenant 6 bouteilles de 75 cl
    Mathusalem
    6 l
    Bouteille contenant 8 bouteilles de 75 cl
    Salmanazar
    9 l
    Bouteille contenant 12 bouteilles de 75 cl
    Balthazar
    12 l
    Bouteille contenant 16 bouteilles de 75 cl
    Nabuchodonosor
    15 l
    Bouteille contenant 20 bouteilles de 75 cl
    Melchior
    18 l
    Bouteille contenant 24 bouteilles de 75 cl

    Sources : Mesure et métrologie, Les cahiers de doléances de 1789 Poids et Mesures.

    LA BOUTEILLE ACTUELLE

    La "Savoyarde" a été créée en partenariat par le Syndicat Régional des Vins de Savoie et les sociétés St Gobain et BSN. De couleur verte, marquée à l'épaule d'une Croix de Savoie, d'une contenance de 75 cl, elle est plus courte que la "Véronique" et plus haute que la "Bourguignonne". Elle a été mise en service par les A.O.C. en 1991.
    On notera que les vins de Crépy ont reçu l'autorisation particulière d'utiliser la flûte d'Alsace.
    On peut actuellement observer une certaine fronde chez les producteurs de vins de Savoie qui préfèrent à la "Savoyarde" les bouteilles bordelaises ou bourguignonnes.

    LES ÉTIQUETTES

    L'étiquette peut-être considérée comme la carte d'identité d'un vin. Malheureusement, pas plus qu'une carte d'identité, l'étiquette ne donne d'information sur le caractère de celui qu'elle représente. Déguster avant d'acheter est le seul moyen d'échapper aux étiquettes trompeuses !
    Les étiquettes, strictement réglementées, doivent obligatoirement porter les mentions indiquant :
    - l'Appellation d'Origine Contrôlée : Vin de Savoie, Roussette de Savoie, le cru éventuel, Crépy ou Seyssel.
    - le nom du propriétaire-récoltant ou du négociant.
    - le degré d'alcool.
    - la capacité de la bouteille.
    - Éventuellement sur la collerette ou l'étiquette, la propriété d'origine.

    La capsule sertie qui coiffe le bouchage porte le timbre fiscal intégré (congé), de couleur verte pour les A.O.C. et bleue pour les vins de pays et les vins de table.


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    LE COSTUME

    Le costume traditionnel est l’œuvre du 19e siècle, suite à la Révolution Française et l’abolition des privilèges qui permettent alors au peuple d’embellir ses vêtements. Jusqu'alors, en effet, les édits somptuaires savoyards (équivalents aux privilèges français) régissent l’habillement des nobles, des bourgeois et du petit peuple, imposant aux paysans souvent miséreux, modestes cotillons et manteaux de drap grossier.
    Costune Megeve Costume Haute Luce
    Costume Chablais Costume Tarentaise

    Avec la Révolution Française et l'industrialisation (naissance des fabriques d’indiennes ou de soieries notamment), vont donc naître les costumes traditionnels qui deviendront la carte d’identité de chaque village, de chaque vallée. La coiffe mais aussi les couleurs, les formes et les étoffes distinguent ainsi la Tarine avec sa célèbre « Frontière » de la Mauriennaise avec sa « Beretta », la Chablaisienne de l’Annécienne.

    Chez la femme
    Comme au XVIIIe siècle, les costumes sont le plus souvent en deux pièces, corsage et jupe, mais il arrive qu'ils soient une robe avec corsage assez collant et jupe froncée. Dans la vallée des Villards, les corsages ont des manches amovibles. Les jupes sont toutes en drap plus ou moins épais, avec l'arrière très froncé. Les Arves se distinguent ici par la " pointe de sabot " en plissé accordéon extrêmement original qui, lorsque la femme se déplace, bouge, s'ouvre et se ferme. Ailleurs, les jupes peuvent comporter, sur une bonne partie de leur hauteur, ou seulement dans le bas, soit des bandes de couleur bleue ou des rubans de velours. Le corsage peut-être uni, foncé ou blanc, ou bordé d'un liseré blanc, d'un ruban fleuri ou non, ou de velours. Il peut-être recouvert d'un corselet brodé et orné de chaînettes; ou d'un large ruban...

    Coiffe Tarentaise 'Frontière' Coiffe Tarentaise 'Frontière'
    Costume Beaufortin Costume Maurienne
    Dans la région d'Annecy, pour les « jours », la femme porte une jupe et un caraco de lainage grossier. Elle complète sa tenue par un tablier et un châle, (souvent une "indienne" de coton imprimé à la planche de bois sculpté de la Manufacture d’Annecy). Sur la tête, elle porte une petite coiffe blanche de coton piqué ou "serre-tête".
    Pour les fêtes et les dimanches, elle revêt un costume plus riche, composé d'une robe de lainage façonné, d'un châle et d'un tablier (en indienne, puis en soie vers la moitié du 19ème siècle), aux couleurs toujours harmonieuses. Sa coiffe est joliment travaillée, blanche ou noire, brodée, plissée ou tuyautée à la paille ou au fer, serrant le chignon ou nouée sous le menton, selon les villages. Autour du cou, elle porte une croix en or (plus ou moins imposante selon sa condition sociale), témoignage de foi, (elle faisait partie de la ferrure (du bel, du beau) que son époux lui a offert le jour de leurs noces.

    Presque toute la Savoie avait la même coiffure : c'était un bonnet orné tout autour d'un ruché de dentelles. La seule manière de reconnaître la région, c'est, naturellement, la "façon" de cette coiffure. Certaines coiffes sont très caractéristiques et reconnaissables au premier coup d'oeil :

    • la grande capote de dentelle de soie noire de Bessans et son gros noeud rouge sous le cou ;
    • les ailes de dentelle des Arves, semblables à de gros papillons ;
    • la coiffe en hauteur de Pralognan avec sa bordure multicolore et son bouquet de fleurs ;
    • le petit chapeau de paille orné de flots de rubans et de perles multicolores de Vailly - Bellevaux ;
    • la magnifique auréole de Valmeinier, semblable à celle de Valloire mais ne cachant pas comme celle-ci les cheveux du front ;
    • la charlotte aplatie du Mont-Saxonnex, surmontée du grand chapeau de paille fabriqué dans le pays ;
    • enfin la coiffe unanimement connue de haute Tarentaise, ce beau croissant de velours noir et de galons dorés, sa bride de perles, l'insurpassable frontière si élégante, si distinguée... Il est fort probable que la frontière n'était au départ qu'une coiffe de tous les jours en simple drap et à peine marquée par trois arrondies sur le visage. Cette coiffe fut vite ornée de rubans et prit de la couleur... Du drap teinté, à la soierie, au velours, à la broderie d'or et d'argent il n'y a que le temps de faire une mode acceptée, adoptée et reconnue... Le temps encore de lui donner sa forme définitive. Cela a pris plus d'un siècle ! Pendant le XVIIIe siècle, les coiffes blanches, parfois appelées "berres" ou "béguines", dans les cantons de Bourg-Saint-Maurice et d'Aime, représentent 60 % à Bourg et 40 % à Aime des coiffes mentionnées dans les contrats de mariage de 1700. Mais elles sont moins de 1% en 1790.

    Outre la coiffe, partie la plus distinctive du costume, il y a un choix de finitions, tout de même important :
    1. le châle (le mouchoir) noir, bleu ou violet en cas de deuil, blanc pour la mariée ou les jeunes filles lors des processions, en soie brochée, ou unie, ou brodée, ou en indienne, lainage fin foncé et brodé ou cachemire, tissu écossais. Il peut se porter de façon différente (resserré autour du cou ou sur la poitrine, ou au contraire ouvert sur une "modestie" ou un corselet, couvrant ou non les avant-bras). L'hiver, les Tarines portaient un châle noir sur leur frontière.
    2. le tablier est souvent assorti au châle et aux rubans. Lui aussi est fréquemment de soie brochée ou unie, de cotonnade fleurie ou de très fin lainage noir. Parfois, un ou deux rubans de soie pendent sur toute sa hauteur.
    3. les bijoux. Bien sûr, ce sont la croix de Savoie et son coeur, en argent pour les jeunes filles (et les communes pauvres) et en or pour les autres...A défaut, ou selon d'autres communes, le costume comporte une broche. Les bijoux se transmettaient de génération en génération. C'est en haute-Maurienne que les bijoux sont les plus somptueux avec leur croix en cabochons reliée par plusieurs chaînettes dans un ou deux gros noeuds très travaillés en or. Les bijoux sont certainement les parures qui ont le plus marqué ce siècle. Variété dans les croix avec la croix jeannette la plus courante, petite croix fine et discrète, et la croix plate antérieure qui s'enrichit de fleurs. La croix trèfle de Saint Maurice, la plus ancienne semble-t-il, la croix bâton, la croix à pendeloques dans le Beaufortain, la croix de Mégère dans le Val d'Arly, la croix grille dans l'Arvan, la croix caractéristique des Villards, la croix rayonnante de Valloire, la croix à chaînes, la croix à l'Os en Haute Maurienne mais aussi les cœurs, les broches et les sautoirs en or. Les boucles d'oreille "créoles" - une mode venue du second empire - prisée par toutes les tarines, sont aujourd'hui la marque de cette vallée. Mais les bijoux sont loin d'être tous en or : pour les moins fortunés, le futur époux offrait à sa belle des bijoux en argent car l'important était d'avoir "sa" croix et "son" cœur.

    Chez l'homme
    Les vêtements masculins, à cause du manque de documents et d'ouvrages sur le sujet, ne présentent pas le même intérêt que les costumes féminins. Ayant pris le costume de ville plus tôt, les hommes n'ont pas développé une spécificité villageoise.

    Suivant les siècles, le paysan savoyard est de mieux en mieux vêtu et il essaye même de suivre la mode comme le noble ou le bourgeois; il porte, suivant ses moyens, des habits de fête qui se transmettent de père en fils.
    Les vêtements masculins, avant la révolution, étaient taillés dans du drap aux couleurs naturelles, tissé au pays, grossier et raide. La veste écrue est ample à longues et larges basques (pans de la veste), sans col et à manches étroites. Elle n'a pas de boutons et cependant elle est ornée de grandes boutonnières à bord festonné. Les hommes portent aussi, suivant la région, un gilet assez long avec boutons et ornementation. En Tarentaise et en Haute Maurienne, les couleurs dominantes des étoffes sont le bleu et le brun; dans la Moyenne Maurienne c'est la veste (blanche) écrue qui est de mode.
    Les culottes (haut de chausses), car il ne s'agit pas encore de pantalons, s'arrêtent aux mollets et sont enfilées dans de longs " bas de chausses " montant au-dessus des genoux et serrés par de longues et larges jarretières.

    En hiver, pour se protéger de la neige, les hommes s'entouraient les jambes de guêtres. C'est bien au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que le changement fut le plus évident avec le "justaucorps" comme veste de dessus, le gilet plus ou moins décoré, le pantalon de ville et l'indispensable chapeau de feutre. Le pantalon en vogue dès le début du XIXe siècle a, peu à peu, remplacé la culotte mais il est resté de drap de couleur claire. D'abord pantalon rétréci à la cheville et ayant une trappe boutonnée sur le devant (pantalon à pont), puis plus large et enfin après 1870, la mode du pantalon noir pour les sorties et les dimanches, mit définitivement au placard les vieux habits du début du siècle. Il en fut de même pour la veste particulière en drap qui fut remplacée par des vestes noires ou en velours à grosses côtes.
    Il ne faudrait pas oublier la longue chemise portée à même la peau, en chanvre la plupart du temps, elle pouvait être de lin avec un col droit pour les chemises habillées. Le col avec deux larges pointes, étaient tenues relevés par un foulard ou une cordelière à pompons. Autre élément important du XIXe siècle, la blouse ou "sarrau" en toile bleue, tombant au-dessous de la ceinture, complément obligatoire pour faire les foires. Les hommes portaient à peu près partout en semaine des socques, sorte de galoches à semelle de bois cloutée et faites au pays et des souliers pour les sorties.
    Au début du XIXe siècle, des hommes se coiffaient avec les cheveux longs nattés (la cadenette) dans le dos et un chapeau tricorne mais bien souvent en semaine, ils portaient un bonnet de laine. Le chapeau évolua tout au long du siècle pour devenir le chapeau de feutre que nous connaissons, puis vint la mode du béret, un emprunt fait aux Chasseurs Alpins. L'élément peut-être le plus important du costume masculin est sans doute le gilet "la maille" qui se différenciait suivant les villages. Pour les fêtes, l’homme revêt lui aussi un costume plus riche et qui diffère d’un village à l’autre : « maille » (gilet tricoté de points compliqués) ou « matelotte » (veste matelassée), gilet en velours de soie brochée ou en tiretaine (laine tissée), veste en drap-cocher noir avec parement de velours… et toujours, sur la tête, le chapeau de feutre noir et rond.

    Moins caractéristique que le costume féminin, le costume masculin est appelé à disparaître rapidement. Quittant leur village durant l’hiver, les hommes adopteront en effet rapidement la mode européenne des villes et notamment la redingote et le chapeau haut-de-forme qui seront portés pour les mariages et cérémonies.


    Costumes Bas-Chablais
    Costumes Haut-Chablais

    L'entretien
    Chaque costume est une véritable œuvre d’art, fruit de longues heures de travail, de patience et de savoir-faire. Le faire durer et le préserver est donc une nécessité, imposée par le principe d’économie d’une société vivant largement en autarcie pour la production des matières premières (laine, chanvre, lin, cuir)... d’autant que les articles manufacturés sont d’un prix extrêmement élevé pour les familles modestes.
    Les femmes doivent donc rivaliser d’ingéniosité et de créativité pour prolonger la vie des coiffes et des autres pièces de costume. Le « triège » (raccommodage) et « l’aponçage » (rapiéçage) sont travaux courants à la veillée : retournage d’un col, pose d’une « roue » (bande renforçant le bas d’une robe sur l’envers), de ganses aux endroits usagés, de « l’ente du bas » (pied de chaussette refait)… le ferrage et le cloutage des sabots (galoches) étant assurés par les hommes.
    Différentes techniques sont également utilisées pour préserver les vêtements de l’usure : pour prolonger une dentelle de coiffe, un fil est passé dans le tuyautage, les franges sont nouées sur un ruban libre qui pourra être recousu d’un châle à l’autre, une dentelle est fixée au col et aux poignets de la robe (c’est ainsi la dentelle qui se salit, s’use… et se remplace aisément).
    Les chapeaux sont soigneusement entretenus (brossés avec du café noir pour redonner du lustre) tout comme les chaussures dont le cuir est enduit de graisse de porc ou de pied de bœuf en plaine ou encore de marmotte en montagne.
    La lessive des petites pièces requiert les meilleurs soins ; les lainages sont lavés à la saponaire, au lierre ou au bois de panama alors que la grosse lessive, à la cendre de bois, est « coulée » deux fois par an, au printemps et à l’automne.
    … autant d’astuces et de « recettes de grand-mère », toutes bonnes à mettre en œuvre pour « faire vie qui dure » (économiser) et « tailler la robe selon le corps » (faire selon ses moyens) !

    A l’aube du 20e siècle, le costume traditionnel a disparu depuis longtemps dans les villes et en plaine. Dans quelques vallées de montagne, il fera encore partie de la vie quotidienne pendant quelques décennies, témoignant alors de l’attachement des villageois aux traditions de leur vallée.

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    Veillées, chants et danses

    Il y a encore une cinquantaine d'années, après la Toussaint, commençait la période des veillées. En parlant de cette époque bénie, les voix des personnes âgées se cassent, les regards sont plein de nostalgie. "On ne pourra jamais y refaire comme avant...c'est sûr."
    La jeunesse actuelle croit peut-être que les veillées étaient des sortes de soirées récréatives pour chanter, danser, boire du cidre ou du vin chaud, manger des châtaignes ou des bougnettes. Il y avait en réalité diverses raisons à ces assemblées de voisinage. En premier lieu, il y avait un travail à accomplir avec l'aide d'autres personnes du village : teiller le chanvre (c'est-à-dire le débarrasser de son écorce et dégager la filasse) ou gromailler les noix (les casser et séparer les cerneaux pour en faire de l'huile).
    Comme dans tout pays pauvre, il y avait en Savoie, une vieille tradition d'entraide mutuelle comme celle, par exemple, d'aider à recouvrir le toit en se mettant à dix ou quinze hommes pour faire la chaîne et passer les tuiles ; en été, rentrer une récolte ou aller faire du bois, à l'automne, " à la lune ", pour aider un vieillard ou une femme seule ; ou encore, toujours "à la lune", en automne ou au printemps, de remonter la terre des champs ravinés, à l'aide de casse-cous (bénettes) ou de civières. Toutes ces tâches, parfois très pénibles, se terminent par des bons coups à boire ou des collations. On peut trouver étrange le fait de travailler "à la lune" : l'explication est simple, c'est tout bonnement parce que les jours sont encore courts, au printemps et à l'automne, que l'on achevait son propre travail avant d'aller aider ses voisins.
    Les veillées maintenaient cet esprit communautaire. Elles permettaient aussi d'économiser chacun à son tour, de la lumière et du bois chez soi, ce qui n'était pas à négliger, vu la pauvreté générale.
    Il était agréable, tout en travaillant, de chanter ou de raconter des "goguinettes" pour faire rire l'assistance, ou des histoires de revenants, des sorciers, qui font peur... D'un bout à l'autre de la province, les veillées se déroulaient à peu près de la même façon, avec des petites variantes quant aux occupations (hormis les noix et le chanvre, la réparation d'outils, la réfection des dents de râteaux, le tressage de l'osier ou de la paille, la sculpture, le filage, le tricot, la dentelle, etc.), mais presque toujours au poêle (pellye, pèlio, pêlo) ou aussi, parfois, dans la douce chaleur de l'étable.
    Au cours de ces veillées d'hiver, mais aussi à la montagne et en champ aux vaches dans le bas pays, on chantait beaucoup. La voix était formée à l'école par l'immuable chant du matin, avant la classe, debout à côté de son banc, les bras dans le dos, mais surtout par les cantiques et les psaumes liturgiques, qu'ils soient de la messe ou des vêpres, que l'on connaissait par coeur sans savoir un mot de latin. Les jeunes apprenaient des chansons "modernes" en allant aux foires et en achetant des petites partitions rouges ou bleues sur lesquelles les chansons étaient imprimées, musique et paroles. Je me souviens d'avoir vu de ces chanteurs ambulants à la foire de Crête à Thonon et du tas de chanson éparpillé dans un grand parapluie renversé.
    Dans chaque village, il y avait toujours un homme ou une femme qui avait une belle voix et qu'on avait plaisir à faire chanter aux veillées ou aux noces, de préférence de vieux airs nostalgiques ou malicieux que tout le monde reprenait au refrain.
    Quant aux danses, elles étaient réservées elles aussi aux veillées, aux noces aux soirées de vogues. Dans certaines familles, elles étaient prohibées, mais il semble qu'en montagne on était plus "coulant" sur leur pratique. Ce sont le plus souvent des quadrilles, des polkas piquées ou non, des valses ou des marches. Les danses typiques de nos régions sont les montfarines et les branles. Au milieu de ces danses, les jeunes gens ont l'habitude de pousser de loin en loin des sortes d'éclats de rire ou longs cris aigus qui vont descrescendo et mettent de l'ambiance...La musique d'accompagnement n'était bien souvent qu'un violon, ou un harmonica, ou un accordéon, quand ce n'était pas tout simplement un choeur improvisé.L'information locale circulait.


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